Soixante-treizième session,
105e séance plénière – matin
AG/12173

À la demande des États-Unis, l’Assemblée générale adopte pour la première fois par vote les deux résolutions sur le NEPAD

Avant d’entamer l’examen du Rapport annuel du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale a adopté aujourd’hui deux résolutions sur le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), à l’issue d’un vote demandé par les États-Unis, les seuls à s’être opposés aux textes.  Les amendements de l’Union européenne pour supprimer la référence à la coopération « gagnant-gagnant » ont été rejetés par vote.

La résolution sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre du NEPAD* a été adoptée par 110 voix pour, l’opposition des États-Unis et 38 abstentions.  L’amendement** de l’Union européenne a été rejeté par 96 voix contre, 45 voix pour et les abstentions du Brésil et de la Norvège.  À cette résolution de 55 paragraphes de fond, l’Union européenne voulait apporter des changements au paragraphe 42 qui se lit: « l’Assemblée générale réaffirme également que nous avons décidé d’avancer ensemble sur la voie du développement durable et de nous consacrer collectivement à la recherche d’un développement véritablement mondial et d’une coopération ‘gagnant-gagnant’ dont tous les pays et toutes les régions du monde pourront retirer des avantages considérables ». 

Pour l’Union européenne, le paragraphe aurait dû se lire plus simplement: « l’Assemblée générale réaffirme que nous avons décidé d’avancer ensemble sur la voie du développement durable en nous consacrant collectivement à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et du Programme d’action d’Addis-Abeba et en collaborant avec tous les acteurs à la mise en œuvre de la transformation socioéconomique envisagée dans le Programme 2030 ».

Après avoir énuméré les exemples de sa coopération « étroite » avec l’Afrique, dont l’investissement de plus de 85 milliards d’euros dans la coopération au développement, l’Union européenne s’est dite profondément déçue que le Groupe des 77 et la Chine, auteurs de la résolution, n’aient pas tenu compte de ses préoccupations face à la notion de « coopération gagnant-gagnant ».  Nous ne pouvons accepter la référence à un concept, s’est expliquée l’Union européenne, qui ignore les principes internationalement acceptés de la coopération au développement et qui sape l’approche centrée sur la personne du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. 

L’Union européenne a rappelé que l’année dernière, elle avait exprimé clairement son désaccord, sans pour autant se dissocier du consensus.  Mais comme ses préoccupations continuent d’être ignorées cette année, elle n’a pas d’autres choix: pour la première fois dans l’histoire de cette résolution, nous ne nous rallions pas au consensus. 

L’Union européenne a avancé les mêmes arguments*** s’agissant de la résolution sur les causes des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique**** dont les 56 paragraphes de fond ont été adoptés par 115 voix pour, l’opposition des États-Unis et 40 abstentions.  Les États-Unis ont également rejeté le concept de « gagnant-gagnant ».  L’ONU, ont-ils argué, doit soutenir le développement « dans la neutralité ».  Une formulation qui n’encourage pas le développement durable pour tous n’a pas sa place dans une résolution des Nations Unies.  Facilitatrice des négociations sur la première résolution, l’Algérie a dit comprendre ces préoccupations face à « une seule phrase » mais a estimé qu’il aurait suffi que les délégations s’en dissocient ou expliquent leur vote plutôt que de réclamer un vote. 

La Chine a rappelé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté en 2015, stipule que toutes les parties doivent travailler dans une coopération « profitant à tous ».  La Chine, qui a jugé inacceptable qu’une minorité d’États cherche à édulcorer ce principe, a regretté que l’unilatéralisme ait désormais le vent en poupe.  Lors du Sommet de Beijing pour le développement de l’Afrique, a-t-elle rappelé, le Président Xi Jinping a expliqué que son action se base sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains.  Nous invitons les autres États à faire de même, a déclaré la Chine.

Les États-Unis ont profité de l’occasion pour appeler au respect des différents mandats des processus indépendants, y compris les négociations commerciales.  Qu’entend-on par « flux financiers », se sont-ils demandés, avant de rejeter, une nouvelle fois, toute référence à la « santé sexuelle et reproductive » qui pourrait être interprétée comme une promotion de l’avortement.  La Hongrie, le Chili et le Brésil ont rejeté la mention du Pacte mondial sur les migrations sûres, régulières et ordonnées auquel ils ne sont pas parties.  La Libye a dénoncé le fait que les textes ignorent « les responsabilités » des États.

L’Assemblée générale a également entamé ce matin l’examen du Rapport annuel 2018 du Conseil de sécurité.  Plusieurs délégations ont dénoncé la parution tardive du document qui empêche des discussions de fond.  « Pourquoi faut-il désormais huit mois pour pondre ce rapport, alors qu’auparavant il n’en fallait que quatre? » s’est énervé Singapour qui, comme les autres délégations, a attiré l’attention du Conseil sur sa propre Note présidentielle S/2017/507, laquelle indique que le Secrétariat devrait soumettre le rapport annuel à l’Assemblée au plus tard le 15 mars. 

L’Assemblée poursuivra ce débat jeudi 12 septembre, à partir de 10 heures.

*-A/73/L.96/Rev.1

**-A/73/L.112

***-A/73/L.113

****-A/73/L.97/Rev.1

RAPPORT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ - A/73/2

Au nom du Groupe Responsabilité, Cohérence, Transparence (ACT), M. DOMINIQUE MICHEL FAVRE (Suisse) a rappelé l’engagement de son Groupe en faveur d’une « plus grande transparence » dans le travail du Conseil de sécurité, qui est tenu de rendre des comptes à l’Assemblée générale, conformément au paragraphe 3 de l’Article 24 de la Charte des Nations Unies.  Le représentant s’est donc dit déçu que le rapport annuel du Conseil ait été adopté le 20 août et soumis tardivement à l’Assemblée, au moment même où cette dernière est sur le point de clôturer sa session.  « C’est la troisième année consécutive que cela se produit », a déploré le représentant, jugeant que le Conseil ne s’acquitte pas de façon satisfaisante de son obligation de rendre des comptes à l’Assemblée.  Il a, par conséquent, appelé le Conseil à soumettre son rapport à l’Assemblée dès le printemps, comme le préconise dans sa Note présidentielle S/2017/507

À titre national, le représentant a salué le fait que le Conseil ait inscrit à son ordre du jour la pérennisation de la paix, notamment la réaffirmation du lien étroit entre développement, paix et droits de l’homme.  Il s’est ainsi félicité des indicateurs de droits l’homme dans les rapports sur chaque situation, comme au Soudan du Sud.  Le représentant a toutefois regretté que dans d’autres situations, dont la Syrie, le Conseil n’ait pas adopté de résolution pour établir des mécanismes d’enquête sur l’utilisation des armes chimiques.  Mais il a salué l’activité croissante du Conseil en matière de protection des civils.  La sécurité alimentaire et le respect du droit international humanitaire doivent faire l’objet de nouvelles mesures prioritaires, a-t-il estimé, appelant à ajouter, dans le Statut de Rome, comme élément constitutif du crime de guerre le fait d’affamer les civils dans les conflits armés.

Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), M. VITAVAS SRIVIHOK (Thaïlande) a noté, à son tour, que pour la troisième année consécutive, la préparation du rapport annuel du Conseil a pris bien plus de temps que nécessaire.  Selon la Note présidentielle 507, ce rapport devrait paraître au printemps, s’est impatienté le représentant.  Il a donc demandé au Conseil de respecter le calendrier fixé car les États doivent avoir suffisamment de temps pour examiner et discuter du rapport.  Il a proposé une période d’au moins trois semaines entre la date de sortie du rapport et son adoption par l’Assemblée générale. 

Le rapport du Conseil offre une vision « très limitée » du travail de fond, a commenté M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) qui a relevé le manque d’explications sur les raisons qui sous-tendent les décisions des États membres.  Il faut, a-t-il dit, améliorer la dimension analytique du rapport, surtout lorsque le droit de veto est exercé.  Le rapport doit également fournir davantage de détails sur les votes de procédure.  Concernant « le conflit entre l’Ukraine et la Fédération de Russie », le représentant a noté que les réunions sont toujours convoquées sur la base des lettres qu’ont adressés les deux pays au Président du Conseil, en 2014.  « Nous pensons que ceci n’est plus adapté », a-t-il déclaré, déplorant le manque d’informations dans le rapport dû, a-t-il dit, à « l’objectif politique » que s’est fixé depuis longtemps l’un des membres permanent du Conseil.  Il s’agit pour lui, a-t-il accusé, de « dénaturer » la réalité. 

Pour M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein), l’examen par l’Assemblée générale du rapport annuel du Conseil de sécurité est un mécanisme important par lequel le second est comptable de ses actes devant la première.  À son tour, il a dénoncé la publication tardive du rapport qui prive les États Membres du temps nécessaire pour l’examiner.  Le rapport, a martelé le représentant, doit être soumis au plus tard en avril.  Il a remarqué, dans ce contexte, que les membres permanents du Conseil de sécurité « se froissent » lorsque les autres États leur font des propositions pour changer leurs méthodes de travail. 

Venant au fond, le représentant a dénoncé l’absence d’action du Conseil sur le dossier syrien face à la situation au Myanmar et son incapacité de mettre un terme à la violence en Libye.  Lorsque le Conseil, a-t-il poursuivi, ignore les violations de ses propres résolutions sur l’Iran, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et ailleurs, il suscite des doutes sur sa crédibilité.  Le représentant a fustigé le recours au droit de veto, à l’origine de la paralysie du Conseil voire de la violation de la Charte.  Le représentant a estimé que l’Assemblée générale débatte « officiellement » de l’exercice de ce droit.

M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a souligné que la publication par le Conseil d’un rapport d’activités annuel est une obligation découlant des Articles 15 et 24 de la Charte des Nations Unies.  En vertu du premier paragraphe de l’Article 24, a rappelé le représentant, la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales est conférée au Conseil de sécurité « au nom de tous les États Membres ».  Le Conseil a, par conséquent, « la responsabilité et le devoir » de soumettre un rapport à l’Assemblée, a-t-il insisté, estimant que le rapport annuel est un moyen « d’améliorer la transparence » dans le travail du Conseil.  C’est également l’occasion pour les États Membres de « demander des comptes » aux membres du Conseil « pour leur action ou leur inaction ».

Le représentant a par ailleurs jugé important de veiller à la bonne mise e œuvre de la Note présidentielle S/2017/507, laquelle indique que le Secrétariat devrait soumettre le rapport annuel du Conseil à l’Assemblée au plus tard le 15 mars.  Il a regretté, une nouvelle fois, la publication tardive du rapport 2018.  « Pourquoi faut-il désormais huit mois pour pondre ce rapport, alors qu’auparavant il n’en fallait que quatre? », s’est énervé le représentant, jugeant que le Conseil n’a « pas fait l’effort » de respecter le calendrier établi par la Note S/2017/507.  La tendance à soumettre ce rapport à la fin de l’été, empêche toute analyse approfondie, s’est impatienté le représentant, en voulant que l’on redresse la barre l’année prochaine.

Ces dernières années, a-t-il par ailleurs noté, de plus en plus de membres du Conseil oublient de présenter leur rapport d’évaluation mensuel.  Peut-on en connaître les raisons?  Le représentant a aussi noté que la préparation du rapport s’effectue avec « très peu » de consultations et d’échanges avec les États Membres.  « Même entre les membres du Conseil de sécurité, il semble qu’il y ait peu de consultations. »

S’agissant du contenu du rapport, le représentant a jugé que le niveau d’analyse n’est toujours pas à la hauteur, bien qu’il se soit amélioré par rapport à l’année précédente.  Le rapport, a-t-il suggéré, devrait donner le nombre de fois où le droit de veto a été exercé et sur quelle situation.  Il devrait aussi dire comment les membres du Conseil ont voté sur telle ou telle question.  Le représentant a enfin voulu que l’on modifie la Note S/2017/507 pour y préciser que le rapport annuel du Conseil doit être soumis à l’Assemblée au plus tard au mois d’avril, afin que l’Assemblée puisse en débattre au plus tard au mois de juin.

M. MARTÍN GARCÍA MORITÁN ( Argentine) a d’emblée appelé à la transparence et à la démocratisation du travail du Conseil et de sa relation avec les autres États Membres de l’ONU.  À son tour, il a rappelé le Conseil à sa Note présidentielle 507 et aux délais qui y sont fixés.  L’Assemblée, s’est-il expliqué, doit pouvoir faire des recommandations après l’examen du rapport, conformément au pouvoir que lui confère la Charte sur les questions liées à la paix et la sécurité internationales.  De toutes façons, en l’état actuel, le rapport n’est pas assez analytique.  Quant aux propos selon lesquels les divisions ont empêché le Conseil de prendre des mesures sur certains conflits importants, le représentant a estimé que même s’il s’agit d’un constat honnête, les blocages successifs sur certains dossiers, comme le Moyen-Orient, sont tout simplement inacceptables.  Il n’a pas manqué de dénoncer la tendance de deux membres permanents du Conseil à recourir au droit de veto. 

Compte tenu du contexte international, a poursuivi le représentant, l’Assemblée générale ne saurait restée les bras croisés.  Il faut, a-t-il tranché, abolir purement et simplement le droit de veto ou au moins instaurer un code de conduite sur son exercice.  En attendant, l’Assemblée devrait retenir la proposition du Liechtenstein d’organiser une réunion chaque fois que le droit de veto aura été utilisé au Conseil de sécurité. 

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a déploré, à son tour, la publication tardive du rapport annuel du Conseil, en violation de la Note présidentielle S/2017/507.  Il a également déploré que le débat de l’Assemblée générale ait lieu cette année à quelques jours à peine de l’ouverture de la prochaine session.  Abordant ensuite les situations à l’ordre du jour du Conseil, le représentant a jugé fondamental que le Conseil fasse respecter les canaux de communication dans la crise yéménite et qu’il limite l’implication des pays voisins.  En tant que représentant d’un État d’Amérique latine, il a salué les mesures prises par le Conseil sur Haïti.  Il s’est également félicité, à titre national, des efforts du Conseil dans les trois domaines thématiques que sont les enfants dans les conflits armés, la protection des civils dans les conflits armés et l’agenda femmes, paix et sécurité. 

S’agissant du Myanmar, le représentant appelé à trouver une solution pour améliorer le sort des Rohingya.  Il s’est en outre dit préoccupé par le manque d’unité concernant la situation en Libye.  Il a dénoncé la « politique des deux poids, deux mesures », en vertu de laquelle le Conseil s’est montré incapable de condamner les troubles causés par un militaire de haut rang.  « Le Conseil devrait appuyer sans faille le Gouvernement de Tripoli », a-t-il martelé.  S’agissant du conflit israélo-palestinien, le représentant a jugé que le Conseil doit tout faire pour raviver la solution des deux États.

Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda) a souligné que l’examen par l’Assemblée générale du rapport annuel est un exercice de transparence et de responsabilisation qui va dans le sens de la légitimité du Conseil de sécurité.  Mais pour que cela soit vraiment possible, le rapport doit paraître à temps.  Les États Membres doivent en effet disposer d’assez de temps pour l’étudier et en commenter le fond.  Or cette année, a relevé à son tour la représentante, le rapport n’a été soumis que le 22 août.  Nous demandons donc au Conseil de sécurité de le publier au printemps et à l’Assemblée une meilleure date pour les discussions.  Le Conseil, a poursuivi la représentante, doit aussi améliorer le contenu de son rapport et le rendre plus analytique. 

M. JAN KICKERT (Autriche) a conseillé aux membres du Conseil de faire des efforts sur l’introduction de leur rapport et d’améliorer son caractère analytique.  Il s’est ensuite dit surpris que seulement six des 12 rapports mensuels d’évaluation aient été présentés en 2018.  Il a tenu à souligner par ailleurs que la présentation à l’Assemblée générale du rapport annuel est une « obligation » que le Conseil de sécurité est tenu d’honorer.  C’est un « instrument de responsabilité » qui mérite un débat de fond.  Or, année après année, l’Assemblée générale ne reçoit le rapport qu’à la fin de l’été, privée ainsi de l’occasion de tenir un vrai débat constructif.  Cette situation, s’est emporté le représentant, équivaut à ignorer les appels du Groupe responsabilité, cohérence et transparence mais aussi à contredire l’engagement pris par le Conseil lui-même dans sa Note présidentielle 507.  Le représentant s’est inquiété de l’impact de cette situation sur les relations entre les membres du Conseil et les autres membres des Nations Unies et du signal que cela envoie quant à l’engagement du Conseil à améliorer ses méthodes de travail. 

Droit de réponse

Le débat d’aujourd’hui laisse une impression bizarre, a commenté le représentant de la Fédération de Russie.  Au lieu de parler du fond du Rapport, plusieurs collègues, ceux du Groupe ACT, se sont concentrés sur le calendrier de préparation du document, a noté le représentant qui a jugé cela d’autant plus surprenante que c’est eux qui ont demandé le report.  Nous ne comprenons vraiment pas ce que vous voulez.  Ce genre de séances ne sert-il uniquement qu’à critiquer le Conseil? s’est-il inquiété.  Le représentant a toutefois reconnu que le Conseil pourrait, à l’avenir, faire davantage d’efforts pour soumettre le rapport plus tôt.  Mais en vérité, étudier un document de 12 pages en trois semaines est tout à fait possible, a-t-il estimé, avant d’encourager les États Membres à intervenir de manière constructive sur le sujet important des relations entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. 

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