Soixante-treizième session -
79e séance plénière (reprise) - matin
AG/12141

Assemblée générale: « repenser » le multilatéralisme pour redonner confiance aux peuples dans les institutions internationales

L’Assemblée générale, qui a mis fin aujourd’hui à la commémoration lancée hier de la « Journée internationale du multilatéralisme et de la diplomatie au service de la paix »*, a confirmé l’état alarmant du système multilatéral alors que le monde en a plus que jamais besoin pour relever les défis transnationaux.  Pour redonner confiance aux peuples dans les organisations internationales, nous devons, ont admis les délégations, « repenser » le multilatéralisme.

Durée et complexité des conflits, aggravation des inégalités mondiales, urgence climatique et environnementale, émergence de nouvelles menaces asymétriques, développement des nouvelles technologies, tels sont les défis mondiaux cités par la France.  La réponse à tous ces défis, a-t-elle estimé, passe par des solutions multilatérales mais pour cela il faut « repenser » le multilatéralisme et ses cadres.  La France a en effet constaté que paradoxalement depuis plusieurs années, ce n’est plus seulement le fonctionnement des institutions internationales et des Nations Unies qui est critiqué, c’est la pertinence même de ces outils multilatéraux qui est remise en question à la faveur de la montée en puissance des populismes et des nationalismes.

Tous les États, disait hier le Liechtenstein, ont leur lot de reproches à faire aux Nations Unies.  Si pour les uns l’ONU avance trop vite, pour les autres, elle procrastine, elle dépense trop et elle investit trop peu.  Si certains pensent qu’elle intervient quand c’est nécessaire, d’autres lui reprochent de rester trop souvent silencieuse.  Mais, a rappelé le Liechtenstein, nous avons tous cherché à en être membre pour participer aux nobles ambitions inscrites dans la Charte, convaincus que la souveraineté nationale se vit dans la coopération et non dans l’isolement.  Toujours hier, les Pays-Bas jugeaient illusoire de croire qu’en se repliant sur soi, les problèmes vont disparaître, alors qu’aujourd’hui le Bangladesh faisait une utopie de l’idée que seul le monde en développement aurait besoin du multilatéralisme et que les autres peuvent s’en passer.

Le multilatéralisme a toujours été attaqué par ceux qui croient que la puissance peut l’emporter sur le droit et ceux qui oublient les pénibles leçons de l’histoire.  Mais, a poursuivi l’État observateur de la Palestine, nous sommes bien placés pour savoir que l’ordre multilatéral est important mais limité.  Pour être juste et efficace, a-t-il plaidé, le multilatéralisme doit être fondé sur le droit international, cohérent et débarrassé de la règle du deux poids, deux mesures, des ambiguïtés et des engagements « faussés ».  Il faut de la « détermination » pour défendre ce à quoi on croit et de la « solidarité ».  Solidarité et éthique ont aussi été mises en avant par le Saint-Siège.

Après tout, les Nations Unies n’ont pas été créées pour servir de rampe de lancement des guerres, des menaces de guerre, des blocus et des sanctions économiques, financières et commerciales contre des nations souveraines.  Non, a martelé l’Angola, elles ont été créées pour nous aider à trouver un terrain d’entente et éviter de répéter les erreurs du passé.  Le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU doit donc être l’occasion, pour le Brésil, de réfléchir à l’avenir du multilatéralisme.  Nous avons en effet échoué, a-t-il prévenu, à actualiser nos principales institutions pour mieux refléter le paysage géopolitique actuel et un système de plus en plus multipolaire caractérisé par une présence plus renforcée des pays en développement. 

Des régions qui affichent « un bilan impeccable » en termes de contributions à la paix et la sécurité internationales ne sont toujours pas proprement représentées dans la gestion de l’ordre international.  Trop de questions traînent depuis longtemps, a estimé l’Algérie, en citant la réforme du Conseil de sécurité, l’augmentation du nombre de ses membres, l’examen de ses méthodes de travail mais aussi la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale.  Une des choses qu’il faut vraiment renforcer c’est la coopération avec les organisations régionales car le faire, c’est renforcer l’efficacité de l’ONU dans le règlement des conflits régionaux.  Travaillons pour renforcer le multilatéralisme qui est en réalité le « synonyme le plus juste » de l’ONU, a encouragé le Brésil.

C’est dans cet esprit que la France, l’Allemagne, le Japon et le Canada ont souhaité unir leurs efforts pour lancer l’Alliance pour le multilatéralisme, qui vise à organiser les États attachés à la coopération, au dialogue, à la régulation des relations internationales fondées sur le respect des principes agréés, en particulier les droits fondamentaux et l’état de droit.  « Nous voulons montrer que les États qui soutiennent le multilatéralisme et les Nations Unies restent largement majoritaires », a avoué la France.

*A/RES/73/127 du 12 décembre 2018

RÉUNION PLÉNIÈRE DE HAUT NIVEAU EN VUE DE CÉLÉBRER ET PROMOUVOIR LA JOURNÉE INTERNATIONALE DU MULTILATÉRALISME ET DE LA DIPLOMATIE AU SERVICE DE LA PAIX

Déclarations (suite et fin)

M. VITAVAS SRIVIHOK (Thaïlande) a commencé par dire que nous devons continuer de soutenir et renforcer le travail de l’ONU, en veillant à ce que les processus multilatéraux soient liés aux intérêts des populations.  Le seul moyen d’y parvenir est d’impliquer la société civile, en particulier les jeunes gens et les communautés locales.  Ensuite, il faut changer notre vision des choses, a plaidé le représentant, pour qui les défis au multilatéralisme peuvent en réalité créer des opportunités pour des changements positifs.  Il a soutenu les efforts en cours pour mettre en œuvre les réformes des Nations Unies.  Se rassembler autour d’efforts communs pour accroître la transparence, la responsabilité et l’efficacité de cette Organisation est une entreprise « galvanisante », a estimé M. Srivihok.  Enfin, la coopération régionale et transrégionale joue un rôle crucial dans la construction d’un ordre multilatéral, a-t-il affirmé, en présentant le thème choisi cette année par son pays pour sa présidence de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a réaffirmé le rôle essentiel des Nations Unies et des organisations régionales et sous-régionales dans la promotion du multilatéralisme pour faire avancer les trois piliers du travail de l’ONU.  La paix, le développement et les droits de l’homme exigent une bonne coopération multilatérale, ce qui signifie qu’il va falloir mettre à niveau les capacités de l’ONU pour renforcer son efficacité.  Le représentant a insisté sur la relation intrinsèque entre ces trois piliers et insisté sur l’élimination des inégalités entre les pays qui exige le renforcement du multilatéralisme.  Il a rappelé que son pays participe à la coalition internationale qui intervient dans plusieurs situations.  Il est impératif, a-t-il jugé, de créer une « coalition stratégique » pour sortir le Moyen-Orient de ses nombreuses crises.

M. MUAZ MOHAMAD A. K. AL-OTOOM (Jordanie) a rappelé les défis que sont les changements climatiques, le terrorisme et les inégalités croissantes contre lesquelles « il faut inéluctablement faire front commun ».  Il n’a pas oublié de mentionner la cause palestinienne qui exige des efforts diplomatiques pour sortir de l’impasse.  Ce conflit, a-t-il insisté, a provoqué une montée en puissance de l’extrémisme dans la région.  La diplomatie multilatérale est la rampe de lancement des valeurs de la Charte et il faut y inclure les jeunes.  Le représentant a souligné le rôle des Nations Unies, pierre angulaire de la diplomatie dans le monde, et salué l’Assemblée générale, instance irremplaçable.  Il a donc espéré que les États Membres se mettront rapidement d’accord sur la revitalisation de ses travaux.

Mme MARIA DE JESUS DOS REIS FERREIRA (Angola) a rappelé que le dialogue et l’approche multilatérale sont au cœur des valeurs défendues par le Gouvernement angolais dès qu’il s’agit de prévenir les crises et de trouver des solutions durables aux conflits dans le monde.  Le renforcement de la coopération internationale est plus que jamais nécessaire compte tenu des défis sécuritaires de plus en plus complexes et atypiques qui se posent dans le monde d’aujourd’hui.  L’Angola, a-t-il dit, soutient les réformes actuelles présentées par le Secrétaire général qui visent à rendre plus équilibrée et juste l’Organisation, en particulier les efforts en vue de réformer le Conseil de sécurité et autres organes onusiens pour qu’ils soient davantage conformes à la réalité géopolitique contemporaine.  Après tout, les Nations Unies n’ont pas été créées pour servir de rampe de lancement des guerres, des menaces de guerre, des blocus et des sanctions économiques, financières et commerciales contre des nations souveraines.  Non, a martelé le représentant, elles ont été créées pour nous aider à trouver un terrain d’entente et éviter de répéter les erreurs du passé.

Mme HELENA DEL CARMEN YÁNEZ LOZA (Équateur) s’est dite fermement convaincue des bienfaits du multilatéralisme, arguant que malgré les remises en question, nous voulons tous un monde juste et meilleur.  Nous sommes tous derrière le multilatéralisme parce que « le dialogue est plus fort que les armes ».  La représentante a d’ailleurs rappelé que son pays fait partie des membres fondateurs des Nations Unies.  Elle a souligné l’importance de l’Assemblée générale où chaque État Membre peut faire entendre sa voix.  L’intérêt du multilatéralisme, a-t-elle conclu, ne réside pas seulement dans cette Journée internationale mais également dans les efforts « inlassables » visant à promouvoir le droit international et à réaliser une paix durable par la médiation et la diplomatie. 

M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a d’abord rappelé que son pays est un des pères fondateurs des Nations Unies qui fêteront bientôt leur soixante-quinzième anniversaire.  Après toutes ces années, a-t-il souligné, les Nations Unies sont devenues l’expression la plus légitime du multilatéralisme et un outil irremplaçable pour la recherche de la paix, de la justice et du développement.  Le soixante-quinzième anniversaire doit être l’occasion d’examiner les défis auxquels est confrontée l’Organisation et de réfléchir, ce faisant, à l’avenir du multilatéralisme.  Parmi ces défis, le représentant a cité la difficulté de la communauté internationale à trouver des solutions politiques aux conflits dans le monde.  Ce n’est qu’en actualisant leurs mécanismes de gouvernance que les Nations Unies seront à la hauteur des défis, a prévenu le représentant.  Nous avons en effet échoué, s’est-il expliqué, à actualiser nos principales institutions pour mieux refléter le paysage géopolitique actuel et un système de plus en plus multipolaire caractérisé par une présence plus renforcée des pays en développement. 

Des régions qui affichent « un bilan impeccable » en termes de contributions à la paix et la sécurité internationales ne sont toujours pas proprement représentées dans la gestion de l’ordre international.  Pendant ces sept dernières décennies, le Brésil, a souligné le représentant, n’a cessé de défendre le multilatéralisme et le rôle de l’ONU comme moyen de trouver des solutions communes aux problèmes mondiaux.  Il est de l’intérêt de la communauté internationale d’avoir une ONU plus forte et plus en phase avec les réalités du XXIsiècle si différente de celles de 1945.  La communauté internationale doit travailler pour renforcer le multilatéralisme qui est en réalité le « synonyme le plus juste » de l’ONU.

Pour M. ABDOULAYE BARRO (Sénégal), il n’y a pas de doute que grâce au multilatéralisme il a été possible de faire des pas de géant en termes de paix et de sécurité à travers les opérations de paix, mais également en termes de développement par le truchement des objectifs de développement durable et de la lutte contre les changements climatiques avec l’Accord de Paris.  Cependant, pour aller plus loin, il va falloir rendre le système des Nations Unies plus inclusif et plus représentatif, a estimé le représentant avant d’exhorter tous les États Membres à poursuivre inlassablement les efforts de réforme et de revitalisation des Nations Unies, et notamment de l’Assemblée générale.  Pour lui, le renforcement du multilatéralisme passe aussi par des partenariats plus forts avec les organisations régionales et sous-régionales.

Le Sénégal, qui a fait du multilatéralisme un axe majeur de sa politique étrangère, participe régulièrement aux actions de prévention et de maintien de la paix sur les plans régional et mondial.  « Disons le très fort cependant: il existe un déficit manifeste de confiance dans les institutions internationales et régionales », a constaté le délégué, pour lequel il va falloir retrouver cette confiance pour le succès du multilatéralisme.  Rappelant que le multilatéralisme n’est rien d’autre que des pays qui se réunissent, se respectent et établissent les formes de coopération garantissant la paix et la prospérité de tous sur la planète, il a émis l’espoir de pouvoir surmonter les défis interconnectés contemporains en vue de parvenir à une société internationale plus unie, plus stable et plus résiliente.

M. KOKOU KPAYEDO (Togo) a saisi l’occasion de la commémoration de la Journée internationale pour souligner la contribution du Togo, et d’autres Membres des Nations Unies, au règlement de certains différends par des moyens pacifiques, notamment sa contribution en troupes aux différentes opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Ainsi, le Togo qui est actuellement membre du Conseil des droits de l’homme et du Conseil économique et social (ECOSOC) continuera de privilégier, au sein de ces instances et de l’Assemblée générale, une approche fondée sur le multilatéralisme et la diplomatie.  Il a également accédé et ratifié plus d’une centaine d’instruments multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général des Nations Unies, a encore précisé le représentant, qui a insisté sur la pertinence du multilatéralisme et du droit international.

Mme KOKI MULI GRIGNON (Kenya) a rappelé que le principal objectif de la politique étrangère du Kenya est la promotion de la coopération internationale et du multilatéralisme.  Elle s’est dite préoccupée par la montée de l’unilatéralisme et a rappelé que la mondialisation a sorti des millions de gens de la pauvreté, grâce au multilatéralisme et à la volonté des États Membres d’embrasser la coopération internationale.  Le dialogue multilatéral sur les défauts du modèle mondial actuel reste donc la meilleure voie pour avancer.  Il faut réformer les institutions économiques et politiques de gouvernance à tous les niveaux pour les rendre plus sensibles aux besoins des citoyens.  Il est tout aussi crucial de réformer le Conseil de sécurité pour le rendre plus représentatif.  

Pour le Kenya, la clef pour débloquer le plein potentiel du multilatéralisme est d’être aussi adaptable et inclusif que possible dans l’élaboration des solutions à nos défis communs.  Une volonté politique forte et un ferme soutien au multilatéralisme sont nécessaires.  Enfin, un bureau du Président de l’Assemblée générale renforcé, au sein d’une Assemblée générale revitalisée, peut être l’incarnation de l’affirmation du multilatéralisme.

M. NURZHAN RAKHMETOV (Kazakhstan) a relevé que les défis de l’heure, notamment les guerres, les conflits non résolus, le terrorisme, l’extrémisme, la pauvreté, les maladies, les migrations illégales et les changements climatiques appellent une réponse collective, une action multilatérale fondée sur le partage des responsabilités.  Le multilatéralisme peut être fortifié par la bonne mise en œuvre des différents programmes d’action à laquelle les femmes et les jeunes doivent participer.  Mais le multilatéralisme ne sera effectif qu’avec des partenariats solides aux niveaux régional et sous-régional.  C’est la raison pour laquelle le Kazakhstan a établi en 1999 avec 15 autres pays, la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA).  Le pays estime aussi que le Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale est une plateforme « unique ».  Conscient que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne peut être mis en œuvre effectivement que par le renforcement de la coopération régionale, le Kazakhstan, a dit son représentant, propose la création d’un centre interrégional des Nations Unies sur les objectifs de développement durable à Almaty, pour l’Asie central et l’Afghanistan.  D’ailleurs dans le domaine de la paix et la sécurité, le Kazakhstan n’a pas hésité à promouvoir la création de la zone exempte d’armes nucléaires en Asie centrale.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a rappelé que son pays doit beaucoup aux Nations Unies puisqu’elles lui ont permis d’accéder à l’indépendance.  Réaffirmant que les Nations Unies incarnent l’espoir des peuples, le représentant a mis en avant le rôle de porte-drapeau du multilatéralisme que joue son Premier Ministre grâce aux « humbles contributions » aux différentes initiatives et actions de l’ONU, qu’il s’agisse du maintien de la paix, du développement durable ou des changements climatiques.  Le Bangladesh, qui accueille 1,2 million de Rohingya, n’a pas hésité à se tourner vers les Nations Unies pour demander de l’aide.

Aucun pays ne peut gérer seul les problèmes mondiaux dont les réponses passent inéluctablement par le multilatéralisme, a poursuivi le représentant.  Il serait illusoire de croire que seul le monde en développement aurait besoin du multilatéralisme et que les autres peuvent s’en passer.  Il a tout de même fait observer que malgré les législations internationales existantes, il reste encore des vides juridiques dans certains domaines et ces lacunes ne peuvent être comblées que par le multilatéralisme.  Au-delà de la volonté politique, c’est la confiance des peuples dans le multilatéralisme qu’il faut urgemment rétablir, a conclu le représentant.  Cela signifie des changements positifs et tangibles dans la vie des gens.  L’avenir du système multilatéral c’est l’action, a conclu le représentant.

M. PHILIP OCHEN ANDREW ODIDA (Ouganda) a dit qu’en tant que pays en développement sans littoral et membre des pays les moins avancés (PMA), l’Ouganda estime que le système multilatéral reste le seul cadre viable et le seul outil pour éradiquer la pauvreté, promouvoir la croissance économique et le développement durable, faire face aux changements climatiques ou réaliser la paix et la sécurité internationales.  Pour défendre et renforcer le multilatéralise aujourd’hui, il est nécessaire, a noté le délégué, de réaffirmer notre engagement aux principes de la Charte des Nations Unies.  L’Ouganda, a précisé le représentant, préfère l’existence d’un système multilatéral à l’absence d’un système multilatéral tout court.  Pour améliorer ce système, la nature intergouvernementale de l’Assemblée générale doit être préservée pour qu’elle demeure le forum d’un réel dialogue intergouvernemental. 

Le Conseil de sécurité doit être réformé pour le rendre plus représentatif des États Membres des Nations Unies, et notamment les régions sous-représentées ou carrément absentes.  M. Odida a également plaidé pour le renforcement de la coopération entre États dans les domaines tels que le désarmement et la non-prolifération ou encore la prévention et la lutte contre le terrorisme.  Il a souhaité que le Conseil de sécurité exerce « avec prudence » et respect de la Charte et du droit international, son pouvoir d’imposer des sanctions.  Le non-respect ambiant du droit international menace de plus en plus le maintien de la paix et la sécurité internationales, a prévenu le représentant.

« Avons-nous foi dans le multilatéralisme et avons-nous la même compréhension de ce concept? » a demandé d’emblée M. MOHAMMED BESSEDIK (Algérie).  Les réponses ne sont pas faciles à trouver mais nous avons un dénominateur commun qui ne saurait être remis en question: Nous les États Membres de l’ONU et au-delà, nous devons examiner soigneusement les cadres pour lesquels les Nations Unies sont un pilier, un phare et un berceau de l’action multilatérale.

Nous avons, a poursuivi le représentant, un instrument précieux, la Charte, mais est-ce que nous la mettons vraiment en œuvre dans toute son intégralité?  Connaissons-nous le sens de ses buts et principes?  Après plus de 70 ans, a-t-il estimé, nous devons ajuster les structures des Nations Unies pour qu’elles soient plus pertinentes, plus efficaces et plus respectées.  Trop de questions traînent depuis longtemps, s’est expliqué le représentant, en citant la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale, la réforme du Conseil de sécurité, l’augmentation du nombre de ses membres, l’examen de ses méthodes de travail.  Une des choses qu’il faut vraiment renforcer c’est la coopération avec les organisations régionales car le faire, c’est renforcer l’efficacité de l’ONU dans le règlement des conflits régionaux.

Car malgré les succès énormes en Namibie et au Timor-Leste, combien d’échecs sont imputés injustement à l’ONU?  Clairement des questions comme la Palestine « hantent » l’ordre du jour des Nations Unies depuis sa création mais cet échec, a estimé le représentant, ne peut être vu comme l’échec du multilatéralisme.  Devons-nous tous en porter la responsabilité?  Si l’on regarde la Charte, il semble que certains États Membres, en particulier au Conseil de sécurité, ont des obligations spécifiques qu’on ne saurait ignorer.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et ce qu’il suppose en termes de responsabilité collective et de solidarité, constitue un autre test pour le multilatéralisme, a poursuivi M. Bessedik.  Le Programme exige des actions multilatérales dans lesquelles les grands et les petits, les puissants et les moins puissants, réfléchissent et agissent ensemble dans le respect mutuel et avec des responsabilités partagées.  Pour nous, a conclu le représentant, multilatéralisme et patriotisme ne sont pas contradictoires.  Les ouragans comme la lumière du soleil ne connaissent pas de frontières et il y a une seule façon d’atténuer les dégâts causés par les ouragans, de reconstruire ce qui a été détruit et faire briller le soleil sur tout le monde, c’est le multilatéralisme.

M. FRANCIS MUSTAPHA KAI-KAI (Sierra Leone) a recommandé à l’Assemblée générale de réfléchir à des mesures de réforme pour renforcer notre obligation collective de faire respecter les buts et principes à partir desquels l’ONU a été fondée.  Nous ne pouvons pas défendre la justice et la légitimité tant que l’Afrique continuera d’être exclue et sous-représentée dans l’un des plus importants organes décisionnaires de l’ONU, a-t-il estimé.  En tant que petit État, la Sierra Leone est pleinement consciente des bienfaits du multilatéralisme et de son poids dans la promotion de la paix, de la sécurité, et du développement aux niveaux national, régional et global.  Le représentant s’est déclaré convaincu que nous devons continuer à faire fructifier les gains de la diplomatie préventive, y compris en renforçant la coopération entre organisations régionales et en partageant les pratiques optimales qui nous ont permis de faire avancer la paix et la sécurité internationales. 

Mme ANNE GUEGUEN (France) est partie d’un constat préoccupant.  « Depuis plusieurs années, ce n’est plus seulement le fonctionnement des institutions internationales et des Nations Unies qui est critiqué, c’est la pertinence même de ces outils multilatéraux qui est remise en question à la faveur de la montée en puissance des populismes et des nationalismes ».  Or, les défis que nous avons à affronter collectivement n’ont jamais été aussi nombreux: durée et complexité des conflits, aggravation des inégalités mondiales, urgence climatique et environnementale, émergence de nouvelles menaces asymétriques, développement des nouvelles technologies.  Pour répondre à ces défis, les organisations internationales doivent être soutenues et modernisées et pouvoir travailler « en réseau », en renforçant leur connectivité avec la société civile pour répondre aux préoccupations des populations, a poursuivi le représentant.  C’est dans cet esprit, a ajouté Mme Gueguen, que la France, l’Allemagne, le Japon et le Canada ont souhaité unir leurs efforts pour lancer l’Alliance pour le multilatéralisme, qui vise à organiser les États attachés à la coopération, au dialogue, à la régulation des relations internationales fondées sur le respect des principes agréés, en particulier les droits fondamentaux et l’état de droit.  « Nous voulons montrer que les États qui soutiennent le multilatéralisme et les Nations Unies restent largement majoritaires ».

L’Observateur permanent du Saint-Siège, Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, a rappelé que les conditions essentielles du succès de la diplomatie multilatérale sont la bonne volonté et la bonne foi des parties, leur volonté de coopérer et de montrer du respect dans leurs rapports avec les autres, leur honnêteté et leur équité, sans oublier leur disposition à trouver des solutions communes pour surmonter les différends.  Il suffit que l’une de ces conditions manque pour que l’on assiste, dans la plupart des cas, à la domination des plus forts sur les plus faibles.

L’Observateur permanent a souligné la primauté du droit et de la justice dans la diplomatie et s’est dit préoccupé par résurgence de la tendance à imposer ou servir des intérêts nationaux, en contournant les instruments du droit international pour régler les différends, y compris les cours et tribunaux internationaux.  Il a mis l’accent sur la nécessité de défendre les plus vulnérables.  La communauté internationale doit être à leur écoute et leur donner une voix.  L’Observateur a dit parler des victimes des conflits en cours, chrétiennes ou d’autres minorités ethniques et religieuses au Moyen-Orient, des déplacés et des personnes forcées de fuir la pauvreté, les persécutions ou les catastrophes naturelles. 

La paix n’est jamais un bien partiel mais un bien qui embrasse l’humanité toute entière, a déclaré l’Observateur, ajoutant que la diplomatie au service de la paix ne doit pas avoir peur des étrangers, des pauvres et de ceux qui souffrent.  Elle doit les écouter.  Le multilatéralisme doit également être le pont entre les gens et ceux qui œuvrent pour la paix, une paix toujours fragile.  C’est un défi sans fin, à la fois ancien et nouveau, interne et communautaire, et qui s’inscrit dans le long terme.  La paix exige de la patience, le dialogue et le respect de la position des autres. 

La diplomatie multilatérale, a conclu l’Observateur, nous appelle à rester concentrés sur notre destin commun et sur les moyens adéquats pour le réaliser.  Les relations internationales ne sauraient être à la merci des forces militaires, des intimidations ou des stocks d’armes.  Notre destin commun doit plutôt être inspiré par l’éthique de la solidarité et par notre responsabilité commune et individuelle en tant que citoyens et bâtisseurs de l’avenir.

M. RIYAD H. MANSOUR (Palestine) a recensé les étapes qui ont conduit au multilatéralisme que l’on connaît, après les deux guerres mondiales et le développement du droit international, et plus récemment le Programme de développement durable à l’horizon 2030.  « Mais l’histoire n’est pas linéaire et nous devons reconnaître nos faiblesses et nos revers », a-t-il ajouté.  L’observateur a estimé que, pour être juste et efficace, le multilatéralisme devait être « fondé sur le droit international ».  Il doit aussi être « cohérent », car la règle du deux poids, deux mesures érode la crédibilité du système international, a-t-il prévenu.  Il faut encore de la « clarté », car l’ambiguïté et les engagements faussés ne feront qu’aggraver la vulnérabilité de ce système face aux attaques.  M. Mansour a encore recommandé de la « détermination » lorsqu’il s’agit de défendre ce à quoi on croit, dans quelques circonstances que ce soit.  Enfin, il faut de la « solidarité ».

Le multilatéralisme a toujours été attaqué, a-t-il poursuivi.  Il a fait référence notamment à ceux qui croient que la puissance peut l’emporter sur le droit, à ceux qui oublient les pénibles leçons de l’histoire.  « Comment de telles idées sont-elles devenues populaires dans certains coins du monde? »  Les principes et objectifs au cœur du système multilatéral ne sont jamais démodés; ils sont notre réponse face aux horreurs que l’humanité a connues par le passé, et aux défis mondiaux du présent et de l’avenir, a assuré M. Mansour.  La Palestine est bien placée pour savoir que l’ordre multilatéral est important mais limité, a-t-il indiqué en affirmant que le consensus international sur la question de Palestine tel qu’inscrit dans les résolutions de l’ONU demeurait le seul fondement pour la paix.  Et pourtant, a-t-il fait remarquer, aucune mesure de mise en œuvre n’a été prise pour garantir l’application de ces textes -notamment les résolutions du Conseil de sécurité- et pour faire jouer la responsabilité de ceux qui les violent.  Il a salué à cette occasion le travail humanitaire de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et conclu en proclamant sa foi dans le multilatéralisme.

M. ROBERT MARDINI, Observateur permanent du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a indiqué qu’en tant que « gardien du droit international humanitaire », acteur neutre, impartial et indépendant et plusieurs fois lauréat du prix Nobel de la paix, le CICR entend mettre l’accent sur la nature interdépendante de l’humanité et du multilatéralisme.  Il a rappelé qu’après la Seconde Guerre mondiale, les États ont reconnu que si la guerre ne peut être prévenue, il faut néanmoins la réglementer.  C’est ainsi que sont nées les quatre Conventions de Genève de 1949 qui constituent aujourd’hui la base du droit international humanitaire et l’engagement partagé de l’humanité.  Ratifiées universellement, ces règles de la guerre sont la quintessence du consensus multilatéral.  Elles démontrent ce qu’un multilatéralisme efficace peut faire. 

Ensemble, les États peuvent créer des normes, les défendre et agir.  Quand le droit international humanitaire est respecté, le résultat commun c’est moins de souffrances humaines.  L’humanité et le multilatéralisme sont au cœur même des Nations Unies et, en cette année qui marque le soixante-dixième anniversaire des Conventions de Genève, le CICR veut que l’on garde à l’esprit que ces textes défendent la dignité humaine même en plein conflit.  Il est de notre responsabilité collective de veiller à leur respect et c’est par le biais multilatéralisme que nous pouvons y parvenir.

Pour l’Observatrice permanente de l’Union interparlementaire (UIP), Mme PATRICIA ANN TORSNEY, la commémoration de cette première Journée internationale exige que l’on se penche sérieusement sur la gouvernance mondiale menée par les Nations Unies et sur les causes profondes de la méfiance croissante à l’égard des institutions démocratiques.  Cette question était d’ailleurs au cœur des débats de la session organisée en février dernier ici aux Nations Unies à laquelle ont participé plus de 200 parlementaires.  La session a permis de réaffirmer l’attachement des parlementaires au multilatéralisme mais également l’impératif de réformer l’ONU pour la rendre plus efficace.  « Le statu quo n’est pas une option » et le multilatéralisme comme la démocratie, sont une marche vers un idéal, un travail qui ne s’arrête jamais car réside en lui l’espoir de l’humanité et de la planète.

Les parlementaires participent désormais activement aux relations étrangères et les parlements sont devenus le lien privilégié entre les citoyens et les Nations Unies, leur organisation mondiale.  Mais les citoyens n’ont plus confiance dans leurs propres gouvernements et, par extension, dans les organisations intergouvernementales.  Il est paradoxal que la distance entre les citoyens et les organisations internationales se soit allongée alors même que les défis mondiaux comme les changements climatiques, les migrations, le désarmement nucléaire et le terrorisme exigent tous des solutions multilatérales.  Droits souverains et solutions multilatérales ne s’opposent pas.  L’UIP compte donc promouvoir des débats parlementaires, notamment sur le budget de l’ONU, qui reste trop souvent incomprise alors que l’Organisation cherche à réagencer ses principales instances pour que les citoyens du monde entier puissent voir et sentir ce qui se fait ici.  Mais, a prévenu l’oratrice, cela passe par la transparence et une Organisation comptable de ses actes devant les peuples.

M. AGSHIN MEHDIYEV, Observateur permanent de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), s’est dit convaincu qu’il est important de bâtir un multilatéralisme et une diplomatie pour parvenir à des sociétés inclusives et à une paix durable.  L’OIC s’est engagée dans des partenariats en faveur de la paix et de la dignité humaine.  Par exemple en République centrafricaine, son Département du dialogue et de la sensibilisation participe à la recherche de la paix et au Soudan, l’OIC encourage toutes les parties à maintenir un dialogue constructif.  L’OIC, qui promeut paix et tolérance, estime que les défis comme la xénophobie, l’islamophobie, l’antisémitisme, le racisme et les discours de haine doivent être combattus par le dialogue et la promotion du multilatéralisme.  Le délégué a en effet dénoncé la montée de l’islamophobie et les discriminations à l’égard contre les musulmans, citant le cas des Rohingya au Myanmar, les milliers de morts et le million de déplacés.  Il a aussi rejeté toutes les actions et décisions unilatérales qui vont dans le sens de la reconnaissance de l’occupation israélienne de Jérusalem-Est et du Golan syrien.  Il a exigé la fin de l’occupation des territoires par Israël, une occupation qui dure depuis 1967. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.