Session de 2018,
9e et 10e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6891

ECOSOC: Le segment « activités opérationnelles de développement » doit « poser les bases du consensus » sur le repositionnement du système des Nations Unies

Les sept axes de changement et les 38 actions et recommandations que le Secrétaire général de l’ONU propose pour donner vie au projet visant à repositionner le système des Nations Unies pour le développement vont être passés à la loupe au cours du segment « activités opérationnelles de développement » que le Conseil économique et social (ECOSOC) a ouvert ce matin.  Nous allons poser les bases du consensus, a expliqué le Vice-Président de l’ECOSOC, M. Marc Pecsteen de Buytswerve, indiquant que pour ces trois jours, le programme de travail a été conçu de façon à laisser aux États tout le temps de s’exprimer.

Revenant à la genèse de ses propositions de réforme, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a prévenu: le monde fait face à une crise, une crise de légitimité, une crise de confiance en soi, une crise de confiance tout court.  L’exclusion a un prix, a-t-il prévenu, en citant: « la frustration, l’aliénation et l’instabilité ».  C’est fort de ce constat qu’il a appelé à un développement inclusif et durable, un objectif à part entière, mais aussi « notre meilleur mode de prévention ».  Nous devons avoir une économie mondiale qui travaille pour tout le monde et qui offre des chances à tous, a-t-il plaidé, soulignant à cet égard que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est « notre contribution cruciale ». 

L’ambition du Programme, a estimé le Secrétaire général, requiert de l’ambition pour changer la manière dont l’ONU travaille.  Dans ses propositions, M. Guterres envisage un ensemble de sept axes de changement conçus pour se renforcer mutuellement dans le cadre des 38 actions et recommandations.  Les axes comprennent la création d’une nouvelle génération d’équipes de pays des Nations Unies bénéficiant de compétences renforcées, d’une présence physique optimisée et d’un soutien administratif consolidé et efficace; un système des coordonnateurs résidents impartial et aux moyens d’action renforcés; l’adoption d’une démarche à l’échelle du système pour les partenariats; et un nouveau pacte de financement entre les États Membres et le système des Nations Unies pour le développement.

Ces axes ont d’ailleurs fait l’objet des trois tables rondes que l’ECOSOC a tenues aujourd’hui.  Aider les États à réaliser l’objectif ambitieux du développement durable sera une victoire du multilatéralisme et un accomplissement pour les Nations Unies, a souligné le Vice-Président de l’Assemblée générale, M. Dian Triansyah Djani, qui a indiqué que le Président de l’Assemblée a nommé deux facilitateurs du processus intergouvernemental chargé de travailler sur les propositions de réforme du Secrétaire général.  Il s’agit des Représentants permanents de l’Algérie et du Danemark qui entendent rester en contact avec le Bureau de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU et avec l’ECOSOC.  « Ne laissons pas nos différences d’opinions saper notre promesse de ne laisser personne de côté », a plaidé le Vice-Président de l’ECOSOC, en paraphrasant le mot d’ordre du Programme 2030.

L’ECOSOC poursuivra ses travaux, mercredi 28 février, à partir de 10 heures, avec les chefs de secrétariat du système des Nations Unies pour le développement.

ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES DU SYSTÈME DES NATIONS UNIES AU SERVICE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LE DÉVELOPPEMENT: SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE GÉNÉRALE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ET DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (ECOSOC)

Pour l’examen de cette question, l’ECOSOC est saisi des rapports du Secrétaire général sur le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement en vue de la mise en œuvre du Programme 2030: garantir à chacun un avenir meilleur (A/72/124-E/2018/3 et A/72/684-E/2018/7) et sur l’application de la résolution 71/243 de l’Assemblée générale sur l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies en 2018 (A/73/63-E/2018/8)

Déclarations

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a annoncé que l’objectif du segment cette année était de faire le point sur la mise en œuvre de la résolution 71/243 et de discuter des propositions du Secrétaire général visant à repositionner le système des Nations Unies pour le développement en vue de mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Ce Programme, intégré et indivisible, assure l’équilibre entre les trois dimensions du développement durable, a souligné le Vice-Président.  Le Programme, a-t-il ajouté, illustre la détermination des États à promouvoir des sociétés pacifiques, justes et inclusives, fondées sur les droits de l’homme, l’égalité des sexes, l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, et débarrassées de la pauvreté, de la peur et de la violence.

Pour respecter ces promesses, a prévenu le Vice-Président, il nous faut un système des Nations Unies pour le développement qui corresponde aux engagements pris, qui soit plus intégré, plus efficace, plus efficient et plus responsable, « bref à la hauteur de la tâche ».

Le Vice-Président a rappelé que le Secrétaire général a présenté sa vision et ses propositions concrètes pour faire du système des Nations Unies le moteur de la concrétisation des promesses du Programme 2030.  Le Secrétaire général, a expliqué le Vice-Président, souhaite réaligner et redynamiser le système pour assurer la cohésion indispensable à la réponse adéquate et rapide que les États attendent d’une ONU au XXIe siècle.  Le Secrétaire général le fait en plaçant le développement au cœur des réformes, a résumé le Vice-Président.

Le segment « activités opérationnelles de développement » doit poser les bases du consensus qu’il faut forger, a voulu le Vice-Président qui a expliqué que le programme de travail du segment a été conçu de façon à laisser aux États le temps de s’exprimer tant dans les discussions interactives que dans le débat général.  Parmi les panélistes, on compte des hauts responsables des gouvernements, des présidents de conseils d’administration, des dirigeants des Nations Unies et d’importants partenaires du système.

Le monde fait face à une crise, une crise de légitimité, une crise de confiance en soi, une crise de confiance tout court, a diagnostiqué M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU.  Personne ne doute, a-t-il reconnu, des bienfaits de la mondialisation, comme l’intégration des économies, l’expansion du commerce et les avancées étonnantes de la technologie.  Mais beaucoup trop de personnes sont laissées de côté: les femmes ne participent toujours pas comme elles le méritent au marché du travail, les écarts salariaux subsistent, le chômage des jeunes est à un niveau alarmant et les inégalités se répandent.  Les gens, a prévenu le Secrétaire général, s’interrogent sur un monde où une poignée d’hommes est aussi riche que la moitié de l’humanité.  L’exclusion a un prix, a-t-il prévenu, en citant: « la frustration, l’aliénation et l’instabilité » et en poursuivant sur l’aggravation des vulnérabilités aux chocs économiques et climatiques et les risques de migrations forcées, et son corollaire, la tentation d’écouter le chant des sirènes de l’idéologie extrémiste. 

Le Secrétaire général a aussi prévenu que le monde commence à peine à voir le côté sombre de l’innovation qu’il s’agisse des menaces liées à la cybersécurité ou de l’impact naturel sur les sociétés de la quatrième révolution industrielle, comme les cyberattaques sur les infrastructures publiques et les processus électoraux, sans oublier la crainte d’une guerre cybernétique entre nations et les conséquences de l’intelligence artificielle sur le marché de l’emploi voire sur la sécurité mondiale et les sociétés tout entières.  On a vu comment l’Internet favorise aussi les discours de haine, a fait observer le Secrétaire général. 

Tout ceci doit nous pousser à faire tout notre possible pour réaliser un développement inclusif et durable, un objectif à part entière, mais aussi « notre meilleur mode de prévention », a encouragé le Secrétaire général.  Nous devons avoir une économie mondiale, a-t-il poursuivi, une économie qui travaille pour tout le monde et qui offre des chances à tous.  À cet égard, a estimé le Secrétaire général, le Programme 2030 est « notre contribution cruciale ».  Citant aussi le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, il a insisté sur le fait que l’ambition du Programme 2030 requiert de l’ambition pour changer la manière dont nous travaillons.  C’est la raison pour laquelle, a-t-il expliqué, les propositions sur le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement s’appuient sur la création d’une nouvelle génération d’équipes de pays pour aider les États, renforcer le leadership national et promouvoir l’appropriation nationale du développement durable.  Nous voulons, a précisé le Secrétaire général, un système axé sur la demande, orienté vers des résultats d’échelle et comptable de ses actes.  Nous travaillons, a-t-il ajouté, pour que notre appui à l’intégration régionale et notre examen des opportunités et des défis transfrontaliers soient conformes à la réalité et aux besoins des pays. 

Nous tenons, a insisté le Secrétaire général, à rendre le système des Nations Unies pour le développement plus comptable de ses actes, aux niveaux national et mondial.  Nous voulons, a-t-il dit dans ce cadre, un ECOSOC renforcé qui nous demande des comptes et qui exige de nous de toujours faire plus.  Le Secrétaire général est revenu sur le « Pacte de financement » qu’il propose pour donner au système des Nations Unies les ressources et la souplesse dont il a besoin pour produire des résultats, en échange d’une transparence améliorée et d’une obligation de résultats. 

Au nom du Président de l’Assemblée générale, M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie), Vice-Président de l’Assemblée générale, a rappelé qu’au cours du dernier débat général, en septembre dernier, 118 États Membres ont parlé des propositions de réforme du Secrétaire général, alors que 144 autres ont fait mention du développement durable et des objectifs de développement durable.  Réaliser ces objectifs dépend largement de la capacité du système des Nations Unies pour le développement à tenir ses promesses, estime le Président.  « Nous devons faire en sorte qu’il soit à la hauteur de la tâche », et c’est pourquoi les discussions sur son repositionnement sont si importantes.

Le Président de l’Assemblée générale, a rappelé son Vice-Président, n’a cessé d’entendre parler de la nécessité de rendre les Nations Unies « pertinentes et efficaces » et de renforcer le multilatéralisme.  Aider les États à réaliser l’objectif ambitieux du développement durable sera une victoire du multilatéralisme et un accomplissement pour les Nations Unies, a souligné le Vice-Président, promettant que le Président entend faire en sorte que les États s’approprient les réformes.  Il a pris note du fait que son homologue de l’ECOSOC estime qu’il faut travailler sur les propositions du Secrétaire général dans le cadre d’un processus intergouvernemental au sein de l’Assemblée générale. 

En conséquence, le Président de l’Assemblée générale a nommé deux facilitateurs de ce processus intergouvernemental; les Représentants permanents de l’Algérie et du Danemark qui entendent travailler en collaboration avec le Bureau de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU et avec l’ECOSOC.

Pour le Président de l’Assemblée générale, il y a un lien entre le repositionnement du système des Nations Unies pour le développement, l’examen de l’application de la résolution 68/1 et l’alignement du processus.  Ce qui est très important, estime le Président, c’est le rôle et le renforcement de l’ECOSOC et la reformulation des activités opérationnelles de développement.  Les États doivent dire comment ils veulent procéder et la bonne nouvelle est qu’ils ne partent pas de rien.

Le travail, explique le Président, a commencé bien avant l’adoption du Programme 2030 puisqu’en 2014 et 2015, l’ECOSOC a tenu des dialogues sur la manière de repositionner le système des Nations Unies pour le développement après 2015.  La résolution de 2016 sur les activités opérationnelles de développement a encore fait avancer le processus et aujourd’hui, les propositions de réforme du Secrétaire général sont examinées. 

De toutes ces discussions, le Président a dit avoir retenu que les États veulent réduire et éviter les chevauchements, placer l’ONU à la hauteur de la tâche et rompre avec les pratiques courantes.  Tout le monde est d’accord, a relevé le Président, pour se focaliser sur la personne et créer une ONU meilleure.  « Ne laissons pas nos différences d’opinions saper notre promesse de ne laisser personne de côté. »

Tables rondes

Perspectives du terrain: créer une nouvelle génération d’équipe de pays des Nations Unies

Quelles sont les difficultés auxquelles ces équipes de pays font face? a demandé le Vice-Président de l’ECOSOC et modérateur de la table ronde, M. Marc Pecsteen de Buytswerve.  Le système des Nations Unies peut-il résoudre ces difficultés?   

Mais d’abord que font ces équipes.  Mon Bureau dessert six pays de l’est des Caraïbes, dont trois États Membres des Nations Unies et trois territoires appartenant au Royaume-Uni, a indiqué M. STEPHEN O’MALLEY, Coordonnateur résident des Nations Unies à la Barbade.  Le Bureau, qui est un bureau conjoint des Nations Unies, regroupe le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Fonds des Nations Unie pour l’enfance (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial (PAM) qui est parti depuis quelques années parce que sa présence n’est plus nécessaire.  Le défi du Bureau est de présenter un document commun sur les six pays et territoires alors que l’équipe de pays est en réalité divisée en six.  Avec l’aide de la Communauté des Caraïbes, le plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD) a été mis au point pour les six pays et territoires lequel répond néanmoins aux préoccupations spécifiques de chacun des pays et territoires.

La Coordonnatrice résidente au Tadjikistan, Mme PRATIBHA MEHTA, a dit travailler dans un pays particulièrement vulnérable aux catastrophes naturelles, composé de 90% de montagnes et partageant plus de 1 000 km avec l’Afghanistan.  À l’heure actuelle, l’équipe de pays est un mélange de 15 agences des Nations Unies qui s’occupent de l’humanitaire, des droits de l’homme, de la médiation et du développement.  La moitié de ces agences gère elles-mêmes leurs propres ressources humaines et financières, laissant le volet administratif au PNUD qui emploie 50% du personnel et est doté de 90% de l’argent disponible. 

Le plan-cadre est actuellement en cours d’élaboration avec en son centre l’appui de l’équipe de pays à la mise en œuvre du Programme 2030, grâce à un équilibre entre la gestion des projets, à l’élaboration d’analyses et à l’établissement de partenariats.  C’est la question des analyses qui pose problème, du fait du manque de moyens.  La création d’équipes multipays serait l’occasion rêvée de mettre en commun les ressources et de se ménager les capacités nécessaires dont celles des institutions financières internationales.  La Coordinatrice a en effet plaidé pour que les Plans-cadres s’ouvrent à d’autres parties prenantes.  Elle a par exemple insisté pour que chaque équipe ait en son sein un économiste du développement.    

La Coordonnatrice résidente au Cabo Verde, Mme ULRIKA RICHARDSON, a dit travailler avec une « équipe mixte » composée du PNUD, de l’UNICEF et du PAM.  Nous sommes bien placés, a-t-elle affirmé, pour faire face à des problèmes multidimensionnels et mieux préparés pour contribuer à la réalisation du Programme 2030.  Elle a avoué que le financement n’est pas une chose facile mais la configuration de l’équipe a permis de s’adapter plus rapidement aux besoins. 

Quelles sont les attentes par rapport aux propositions de réforme du Secrétaire général? a demandé le Maroc.  Les attentes sont nombreuses mais le modèle de Cabo Verbe pourrait servir d’exemple, a répondu la Coordonnatrice résidente.  Il faut déjà décloisonner le système qui est très rigide et renforcer les relations avec le Siège, a-t-elle suggéré.  Son homologue au Tadjikistan, a dit attendre de la réforme, de l’efficacité car « on nous attend toujours sur les résultats ».  Il faut motiver le personnel et mutualiser les ressources.  Le plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement doit rester le document de référence et ancrer les agences dans le concret, a-t-elle ajouter.  C’est par la transformation du Bureau du Coordonnateur résident, dont le rôle est fondamental, qu’on réussira la Coordinatrice. 

Celui de la Barbade a exprimé l’espoir de voir une réforme qui placerait les résultats au centre de tout, « des résultats conformes aux besoins réels des pays ».  Pour y arriver, a-t-il suggéré, l’élément fondamental est « un système modulaire souple avec une capacité rapide de réaction ».  Il n’a pas oublié le nerf de la guerre: les ressources. 

Qu’en est-il dans ce cadre de programmes tels que le Programme d’action d’Istanbul pour les pays les moins avancés, s’est inquiété le Bangladesh.  Mais, a répondu le Coordonnateur résident à la Barbade, le plan-cadre est et doit être dirigé et piloté par les gouvernements eux-mêmes.  L’objectif est d’aider les gouvernements à réaliser le Programme 2030 et les programmes de développement qui leur tiennent à cœur.  Il faut considérer le plan-cadre comme un complément des plans nationaux de développement.  Le Plan-cadre peut être décrit comme la conjugaison des talents des gouvernements et des Nations Unies, a renchéri la Coordonnatrice résidente au Tadjikistan.  Le plan-cadre ne parle pas seulement du travail de l’ONU mais de toutes les parties prenantes « pour que le sentiment d’appartenance soit plus fort ».  

À l’appui du terrain: un système de coordonnateur résident redynamisé, impartial et indépendant

La redynamisation du système des coordonnateurs résidents est un élément central du repositionnement du système des Nations Unies pour le développement, comme cela est souligné dans la résolution 71/243 de l’Assemblée générale relative à l’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies. 

Mais qu’est-ce qu’un bon coordonnateur résident?  C’est quelqu’un qui doit savoir saupoudrer dans toutes ses activités.  C’est quelqu’un qui doit avoir de la patience et de l’humour, a dit l’Administrateur assistant et Directeur du Bureau régional du PNUD pour les États arabes, M. MOURAD WAHBA.

Plus sérieusement, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme AMINA J. MOHAMMED, a précisé que la fonction de coordonnateur résident est au cœur même des propositions de réforme du Secrétaire général.  Être coordonnateur résident, a-t-elle affirmé, est une des fonctions les plus compliquées à l’ONU.  Les coordonnateurs résidents gèrent les efforts collectifs de l’équipe de pays des Nations Unies avec une autorité limitée et des ressources et des capacités réduites.

Avec la nouvelle donne du Programme, a poursuivi Mme Mohammed, le coordonnateur résident doit faire en sorte que la somme du travail du système des Nations Unies pour le développement soit plus grand que les parties.  Il faut donc lui donner plus d’autorité et des capacités variées.

Un coordonnateur résident doit être capable de travailler dans tous les secteurs d’activité des Nations Unies, a renchéri M. Wahba.  Par exemple, dans une situation de conflit, le coordonnateur résident doit pouvoir établir des activités de consolidation de la paix tout en tenant compte des perspectives de développement pour la période qui vient juste après la crise.  

Aujourd’hui, le coordonnateur résident a un mandat clair, ce qui n’a pas été toujours le cas, a témoigné M. JOHN GING, Directeur de la Division des opérations au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  De nos jours, a-t-il poursuivi, les tâches sont davantage intégrées: développement, maintien de la paix et activités humanitaires.  Mais pour qu’il soit à la hauteur de ses tâches, le coordonnateur résident doit avoir des structures qui soutiennent son leadership sur le terrain même si ces structures n’enlèvent rien au fait que la compétence reste la clef tout comme la capacité à prendre des initiatives et répondre de ses actes, d’autant plus qu’au Siège, on ne répond pas toujours avec efficacité aux préoccupations du terrain, a souligné M. Ging. 

« Au Soudan, par exemple, où je travaille, il faut faire face à la malnutrition, ce qui demande des interventions humanitaires, des interventions dans le système national de santé, dans l’agriculture et la production des denrées », a expliqué la Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Soudan, Mme MARTA RUEDAS.  Il faut donc travailler avec tous les acteurs: agences onusiennes, gouvernements, secteur privé, société civile.  

Que faut-il changer dans cette fonction pour assurer l’efficacité? a demandé l’Allemagne.  À travers ses propositions de réforme, le Secrétaire général veut des coordonnateurs résidents au pouvoir renforcé, avec des fonctions distinctes du représentant résident du PNUD, a répondu la Vice-Secrétaire générale.  Il faut, a-t-elle reconnu, atténuer tout sentiment de conflit d’intérêts et laisser le PNUD se focaliser spécifiquement sur son mandat du développement durable.  Cette division du travail est nécessaire parce que la fonction de coordonnateur résident n’est pas un travail à temps partiel.

En outre, les capacités des coordonnateurs résidents ne peuvent être les mêmes partout, a noté la Coordonnatrice résidente au Soudan. Les contextes nationaux sont différents les uns des autres.  Au Soudan, par exemple, il faut un conseiller « paix et sécurité », ce qui n’est pas forcément utile dans un pays comme la Barbade. 

Le rôle de coordonnateur résident est de plus en plus complexe, ont relevé de nombreuses délégations en se demandant comment il leur est possible de travailler à la fois dans le maintien de la paix, l’humanitaire et le développement, tout en remplissant, dans certains cas, la fonction politique de représentant spécial adjoint du Secrétaire général.  Le coordonnateur résident est aussi un « conseiller de confiance du pays hôte qui le convie à contribuer à l’élaboration de politiques nationales de développement, a même ajouté la Vice-Secrétaire générale.

Comment les recruter? s’est enquis le Bangladesh.  Le profil sera clairement établi dans tous les pays, a rassuré la Vice-Secrétaire générale.  Le processus de recrutement sera renforcé pour disposer d’un pool de compétences disponibles pour chaque contexte national.

Certaines délégations ont aussi insisté sur la question de la représentativité des régions et des femmes.  Pour le moment, 47% des postes de coordonnateur résident sont occupés par des femmes, note le Secrétaire général dans son rapport sur les propositions de réforme.  Il faut aller plus loin, a conseillé l’Égypte, au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77).

Les orateurs se sont aussi inquiétés des mécanismes de redevabilité pour garantir que les coordonnateurs résidents soient réellement au service du développement et des pays.  Au Pérou, les mécanismes de reddition des comptes sont partagés avec le Gouvernement et permettent d’établir des rapports avec des indicateurs clairs qui s’appuient sur le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD), a expliqué Mme MARIA DEL CARMEN SACASA, Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Pérou.

Un système de double rapport sera d’ailleurs institué pour assurer une redevabilité mutuelle du coordonnateur résident et de l’équipe pays des Nations Unies, a rassuré la Vice-Secrétaire générale qui a expliqué qu’accorder davantage d’autorité au coordonnateur résident ne signifie pas qu’il n’aura de comptes à rendre à personne.  Au contraire, un coordonnateur résident indépendant aurait toute la latitude pour obtenir des entités de l’ONU qu’elles s’alignent sur les priorités du pays devant lequel elles sont comptables de leurs actes.  C’est pourquoi le Secrétaire général a aussi proposé « des fonds adéquats et prévisibles pour renforcer le système de coordonnateur résident ».  En consacrant par exemple 1% des fonds annuels versés pour les activités opérationnelles de développement à la fonction de coordination, on pourrait avoir des résultats plus probants, a argué la Vice-Secrétaire générale.

La Chine a insisté pour que toute réforme place l’aspect développement au centre des activités, tandis que le Royaume-Uni s’est inquiété de voir les activités humanitaires et de maintien de la paix rogner les fonds du développement.  La Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Soudan a rappelé que c’est aux États de répondre à cette préoccupation, puisque c’est bien eux qui débloquent des fonds préaffectés, au lieu d’accepter de verser de l’argent à gérer dans des fonds communs dont l’utilisation serait plus souple et plus facile. 

Renforcer les partenariats et l’engagement des parties prenantes

Dans son rapport, le Secrétaire général écrit que les États ont même reconnu le caractère indispensable des partenariats pour la mise en œuvre du Programme 2030.  Le système des Nations Unies pour le développement devra mettre à profit son pouvoir de mobilisation unique pour aider les pays à établir les divers partenariats nécessaires à l’échelle nationale, régionale et mondiale, et réunir les connaissances et les ressources scientifiques, technologiques et financières qui s’imposent pour trouver des solutions novatrices aux problèmes urgents.

L’Allemagne a d’emblée remarqué l’absence des agences de l’ONU à cette table ronde.  Elle a rejeté l’idée du représentant de la Chambre de commerce internationale (CCI), M. ANDREW WILSON, d’avoir un interlocuteur unique du secteur privé sur le partenariat à l’ONU.  « Ce serait un fardeau de plus sur les épaules du coordonnateur résident », a-t-elle averti.  Ces propos ont été appuyés par la Conseillère principale en matière de politique au « Global Policy Forum », Mme BARBARA ADAMS, qui a estimé que le partenariat ne fonctionnerait pas avec un interlocuteur unique.

Que peut faire le secteur privé pour booster les partenariats nécessaires à la réalisation du Programme 2030? ont demandé les États-Unis, à propos d’un secteur qui n’est pas seulement une source de financement mais aussi pourvoyeur de solutions alternatives à beaucoup de défis, a renchéri le représentant de la CCI

Le partenariat avec le secteur privé est « essentiel », a insisté, à son tour, le Directeur adjoint du Pacte mondial des Nations Unies, M. GAVIN POWER, qui a estimé que ce secteur commence à prendre conscience de l’importance du Programme 2030.  Déjà, plus de 75% des entreprises du Pacte mondial envisagent de prendre des mesures en faveur du Programme 2030 et en partenariat avec l’ONU, alors que parmi les petites et moyennes entreprises (PME), le sentiment est que le Programme est « un passeport » pour leur propre viabilité.  Quelque 75 pays ont déjà des réseaux locaux d’entreprises partisanes du développement durable.  

Pour être efficace et mobiliser le type de partenariats nécessaire à la réalisation du Programme 2030, il faut répondre aux questions suivantes, a estimé le représentant de la CCI: doit-on avoir un interlocuteur unique pour le secteur privé aux Nations Unies?  L’ONU peut-elle identifier un secteur ou des secteurs dans lesquels le secteur privé peut apporter une valeur ajoutée?  Quels sont les domaines dans lesquels l’ONU a le plus besoin d’aide et quels sont les partenaires les plus efficaces et les plus pertinents?  Est-ce que l’ONU peut donner au secteur privé des exemples de bonnes pratiques? 

Ce sont les équipes de pays qui devraient être capables de répondre avec précision à ces questions, a estimé la Directrice associée du Réseau des solutions pour le développement durable (SDSN), voyant en ces équipes « un pont entre les différentes parties prenantes ».  Mme LAURIE MANDERINO a rappelé que son Réseau a été lancé en 2012 par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, pour mobiliser l’expertise scientifique et technologique mondiale autour des objectifs de développement durable.  Si elle a reconnu l’importance du secteur privé, la Conseillère principale en matière de politique au « Global Policy Forum », a voulu que l’on n’oublie pas la société civile car elle est le relais des bénéficiaires du développement durable.  Mme BARBARA ADAMS a d’ailleurs suggéré la création d’une fiscalité progressive et équitable qui permettrait à l’État de financer les services sociaux. 

Comme les entreprises, a renchéri la Suisse, la société civile a de multiples facettes et il revient à l’ONU de mobiliser tous ces différents acteurs.  Faut-il redéfinir le « partenariat? »  Faut-il changer de terme parce qu’on met tout et son contraire dans ce mot? s’est demandé la Conseillère principale en matière de politique au « Global Policy Forum ».  « J’espère que le partenariat ne deviendra pas le talon d’Achille des propositions de réforme du Secrétaire général », s’est-elle inquiétée.  

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