8270e séance – après-midi
CS/13357

Ukraine: la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques appelle à la plus grande retenue et réclame le respect des accords de Minsk

Au moment où la situation se détériore encore dans l’est de l’Ukraine, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politique a émis l’espoir cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, que l’intensification des échanges diplomatiques pourra imprimer l’élan politique nécessaire à la mise en œuvre des accords de Minsk.  À la lumière des récentes informations sur l’accélération des préparatifs militaires le long de la ligne de contact, Mme Rosemary DiCarlo a également appelé les parties à la plus grande retenue.

« Pour dépasser le statu quo, il est impératif d’insuffler aux efforts une nouvelle énergie politique », a-t-elle souligné, déplorant que les négociations semblent avoir perdu leur élan et que les principales parties soient incapables de s’accorder sur les principales étapes à suivre, tandis que les discussions sur une éventuelle opération de paix internationale n’ont pas été concluantes.

Mme DiCarlo a aussi indiqué que depuis la dernière réunion du Conseil sur la situation en Ukraine, qui remonte au 2 février 2017, les pourparlers diplomatiques se sont poursuivis dans le cadre du format Normandie et du Groupe de contact tripartite, mais que, malgré ces « efforts louables », la situation sécuritaire sur le terrain demeure volatile, caractérisée notamment par l’utilisation d’armes interdites par les accords de Minsk, ainsi que par une nette augmentation du nombre de victimes.

Sur ce point, le Chef de la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) déployée en Ukraine, M. Ertuğrul Apakan, a indiqué que plus de 100 000 violations de ces accords ont été relevées depuis le début de l’année, rappelant que les armes lourdes auraient pourtant dû être abandonnées en vertu desdits accords.  Il a souligné l’urgence de trouver un accord sur des mesures supplémentaires qui rendraient le cessez-le-feu durable. 

Le représentant de la France, qui intervenait également au nom de l’Allemagne, a invité les deux parties à impérativement progresser vers la mise en œuvre du désengagement de la ligne de contact, et ce, « dans les zones déjà identifiées à cet effet et celles qui le seront à l’avenir ».  Trois ans après l’adoption de la résolution 2202 (2015), qui endosse l’ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk, la France et l’Allemagne appellent plus que jamais toutes les parties à mettre en œuvre leurs engagements, a notamment déclaré le délégué français qui a souligné le rôle joué par les deux pays dans le cadre du format Normandie. 

La Fédération de Russie a d’ailleurs proposé l’adoption d’une brève déclaration présidentielle par laquelle le Conseil appellerait à la pleine mise en œuvre de cet ensemble de mesures et exhorterait à s’abstenir de toute mesure qui contredise l’esprit et la lettre desdits accords.

Énumérant méthodiquement les 13 points qui sous-tendent ces accords, le délégué russe a voulu démontrer que c’est l’Ukraine qui refuse de les mettre en œuvre, insistant notamment sur l’importance de la décentralisation et de l’octroi d’un statut particulier pour Donetsk et Louhansk, ainsi que sur le principe d’« autodétermination linguistique ».  Il a aussi affirmé que les autorités ukrainiennes imposent un blocus économique au Donbass, et y mènent en outre une opération « très intensive » de leurs « forces unifiées ». 

Mais pour les États-Unis, c’est la Fédération de Russie qui serait « la clef du règlement » de ce conflit, notamment si elle retirait ses troupes de la Crimée.  La délégation a en outre accusé la Fédération de Russie d’avoir rejeté les efforts de pourparlers concernant l’Ukraine dans le cadre de l’initiative des États-Unis et d’autres partenaires comme la France et l’Allemagne. 

« Dès que Moscou décidera de mettre fin à la violence, le conflit s’arrêtera », a renchéri le Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine pour qui « l’activité militaire constante de la Russie dans les territoires occupés du Donbass reste l’obstacle à la résolution pacifique du conflit ».  M. Pavlo Klimkin a également demandé à la Russie d’appuyer l’envoi d’une force de maintien de la paix de l’ONU dans les territoires occupés des régions de Donetsk et Luhansk, une mission que la Suède appuierait.

C’est aussi la demande qu’a formulée le Ministre des affaires étrangères de la Pologne, M. Jacek Czaputowicz, en détaillant le mandat qu’aurait une telle mission, notamment assurer la mise en œuvre des accords de Minsk et faciliter le retrait des forces armées étrangères.  Il a aussi réclamé la nomination d’un envoyé spécial pour l’Ukraine.

La Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a quant à elle fait le point sur la situation humanitaire, préoccupée notamment du sort des 500 000 personnes qui vivent le long de la ligne de contact.  L’Ukraine compte le pourcentage le plus élevé de personnes âgées affectées par un conflit.  Tous les deux mois, elles doivent traverser la ligne de contact, « la troisième zone la plus minée du monde », pour toucher leur maigre retraite.

La situation de la station d’épuration d’eau de Donetsk, qui fournit de l’eau potable à quelque 350 000 personnes des deux côtés de la ligne de contact et qui a été ciblée à 34 reprises cette année, a été évoquée notamment par la représentante du Royaume-Uni qui s’est émue du fait que les séparatistes menacent de contaminer l’eau avec des déchets radioactifs.

Cette séance a aussi été l’occasion pour les membres du Conseil de parler du crash du vol MH17, alors que viennent d’être publiées, le 24 mai, les conclusions de l’équipe d’enquête mixte de l’OSCE qui a établi que le missile utilisé pour abattre le vol avait été lancé par un Buk TELAR venant de l’armée russe.

Le délégué de la Russie a toutefois accusé l’équipe d’enquête d’avoir manipulé les données, des propos qui ont poussé le Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas à reprendre la parole pour dénoncer la propagation de faits alternatifs.  M. Stephanus Blok a aussi appelé la Russie à s’impliquer de manière constructive sur ce dossier et à accepter sa responsabilité.  La grande majorité des 298 victimes de la catastrophe était des Néerlandais.

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations

Mme ROSEMARY A. DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, a indiqué que le conflit en Ukraine, qui est dans sa cinquième année est encore « très vivant », même s’il ne fait pas la une des médias.  Elle a indiqué qu’en dépit d’une réduction de la violence depuis 2015, les meurtres et les actes de destruction se poursuivent, le bilan établi par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme étant de 2 700 civils tués et 9 000 blessés.  En outre, 1,6 million de personnes demeurent déplacées, soit la plus importante population déracinée d’Europe.

La Secrétaire générale adjointe a indiqué que depuis la dernière réunion du Conseil sur la situation en Ukraine, qui s’est tenue le 2 février 2017, les pourparlers diplomatiques se sont poursuivis, notamment dans le cadre du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral.  Malgré ces efforts louables, a-t-elle déploré, la situation sécuritaire sur le terrain demeure volatile, caractérisée notamment par l’utilisation d’armes interdites par les accords de Minsk.  En outre, le calme relatif qui a prévalu au tout début de l’année a été suivi, en avril et mai, par une nette augmentation du nombre de victimes.

L’ONU est très préoccupée par la détérioration récente de la situation le long de la ligne de contact, notamment dans les zones autour de la station de filtration de Donetsk, et appelle à une cessation immédiate des combats.  À la lumière des récentes informations sur l’augmentation des préparatifs militaires le long de la ligne de contact, Mme DiCarlo a appelé à la plus haute retenue.

Mme DiCarlo a regretté que trois ans après l’adoption de la résolution 2202 (2015), les principaux dispositifs des accords de Minsk ne sont toujours pas mis en œuvre.  Les négociations semblent avoir perdu leur élan, les principales parties prenantes sont incapables de s’accorder sur les principales étapes.  À l’exception de l’échange de prisonniers pendant la période de Noël, les efforts déployés pour faire avancer les pourparlers ont connu peu de succès.  En outre les discussions sur une éventuelle opération de paix internationale n’ont pas été concluantes.

Sur la situation humanitaire, la Secrétaire générale adjointe a averti que les besoins demeurent immenses.  Plus de 500 000 personnes vivent dans les cinq kilomètres carrés de la ligne de contact, et subissent jour et nuit des pilonnages et des tirs d’armes à feu, ainsi que des explosions de mines et autres engins explosifs.  La zone autour de la ligne de contact est d’ailleurs la troisième zone la plus minée du monde.

Elle a aussi rapporté que la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine avait recensé des abus des deux côtés de la ligne de contact.  En outre, le suivi de la situation en République autonome de Crimée et dans la ville de Sébastopol est extrêmement difficile en raison du manque d’accès.  Elle a déploré les restrictions d’accès aux zones touchées par les conflits et a exhorté toutes les parties à faciliter l’accès humanitaire aux 3,4 millions de personnes dans le besoin.  Mme DiCarlo a aussi insisté sur l’importance d’établir la vérité au sujet du crash du vol MH17.

Elle a ensuite signalé que la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine avait enregistré son premier décès au mois d’avril.  Elle a appelé au plein respect de la liberté de mouvement de ses membres et à cesser immédiatement toute tentative d’intimidation.

Poursuivant, Mme DiCarlo a espéré que l’intensification des échanges diplomatiques de ces dernières semaines permettra de fournir l’élan politique nécessaire à la mise en œuvre des accords de Minsk.  Pour dépasser le statu quo, il est impératif d’insuffler aux efforts une nouvelle énergie politique, a-t-elle affirmé.  Elle a fait observer que le conflit en Ukraine menace la crédibilité des organisations internationales et régionales et sape la confiance dont les États ont besoin pour œuvrer en faveur de la stabilité en Europe.  En dépit des efforts déployés pour conclure un accord, une percée reste hors de portée, a déploré la Secrétaire générale adjointe, qui a appuyé les efforts déployés dans le cadre de l’OSCE et du format Normandie.

M. ERTUĞRUL APAKAN, Chef de la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) déployée en Ukraine, s’exprimant par visioconférence depuis Minsk, a parlé de l’état de la mise en œuvre des accords de Minsk.  Plus de 100 000 violations de ces accords ont été relevés depuis le début de l’année.  Même des zones qui étaient relativement calmes semblent sombrer dans le conflit.  Il a souligné qu’il est urgent de trouver un accord sur des mesures supplémentaires qui rendraient le cessez-le-feu durable.  Il a dénoncé une violence aveugle et l’utilisation de l’artillerie, rappelant que les armes lourdes auraient pourtant dû être abandonnées en vertu des accords de Minsk.  Ces armes sont souvent utilisées dans des zones résidentielles, causant des victimes civiles.

Concernant la protection des civils et des infrastructures civiles, M. Apakan a indiqué que la station d’épuration d’eau de Donetsk, qui fournit de l’eau potable à quelque 350 000 personnes des deux côtés de la ligne de contact, a essuyé des tirs.  La Mission qu’il dirige continue de faciliter le dialogue sur le terrain, et elle continue également de documenter le déroulement du conflit, recensant par exemple les victimes civiles, y compris les 107 victimes depuis le début de l’année.  Les mines font également des victimes et il faudra des années pour complètement s’en débarrasser, a-t-il affirmé.  Malgré les accords sur les mines, elles continuent encore d’être posées, a—t-il déploré.  Récemment, des représentantes d’un groupe de femmes ont fait part à la Mission de l’impossibilité pour elles de rendre visite à leurs enfants de l’autre côté de la ligne de contact. 

« La population autour de la zone de contact souhaite vivre en paix », a—t-il affirmé, avant de rendre hommage au personnel de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE qui continue de mettre en œuvre son mandat de manière impartiale, malgré les obstacles rencontrés sur le terrain.

Mme URSULLA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a souligné que des millions de civils continuent d’être les principales victimes du conflit dans l’est de l’Ukraine.  Plus de 2 700 civils ont été tués et plus de 9 000 d’entre eux ont été blessés depuis le début des hostilités, il y a quatre ans.  En particulier, 238 civils ont été mutilés ou tués par des mines terrestres en 2017.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a relevé un million de passages par mois de long de la ligne de contact longue de 457 kilomètres, qui divise l’est de l’Ukraine.  L’année dernière, a témoigné Mme Mueller, elle s’est elle-même rendue à l’un des postes de contrôle où la plupart des personnes faisant la queue étaient âgées.  « L’Ukraine a le pourcentage le plus élevé de personnes âgées affectées par un conflit dans le monde. »  Ces personnes, a-t-elle expliqué, sont obligées de traverser la ligne de contact tous les 60 jours pour toucher leur maigre retraite.

La Sous-Secrétaire générale a félicité le Gouvernement de l’Ukraine d’avoir adopté un plan national pour gérer la situation de 1,5 million de personnes déplacées enregistrées.  Pour fonctionner, ce plan requiert une approche gouvernementale globale et suffisamment de ressources.

Les lois de la guerre doivent être respectées par toutes les parties en Ukraine, a ensuite rappelé Mme Mueller.  En dépit des appels en ce sens, des stations d’épuration des eaux et leurs employés ont été ciblés à 34 reprises cette année.  La station de filtration de Donetsk, qui alimente en eau 345 000 personnes, a ainsi été visée huit fois au cours des 40 derniers jours.

Plus de 600 000 personnes sont régulièrement exposées aux affrontements le long de la ligne de contact, a-t-elle poursuivi.  Des familles vivent dans des caves humides, et plus de 100 000 enfants étudient dans des écoles où les fenêtres sont renforcées par des sacs de sable.

En 2018, le but des travailleurs humanitaires était d’apporter une aide vitale et des services de protection à 2,3 millions de personnes.  Toutefois, a souligné Mme Mueller, le plan d’aide humanitaire pour l’Ukraine n’a reçu que 13% des 187 millions de dollars demandés.  Cette situation a obligé des agences, comme le Programme alimentaire mondial (PAM), à se retirer du pays.  La situation en matière de santé est également grave, a averti l’intervenante.  Des millions de personnes, n’ont qu’un accès limité aux soins.

Sur une note plus positive, elle a informé que l’accès humanitaire de l’ONU dans la zone non contrôlée par le Gouvernement l’ONU s’était récemment amélioré.  « L’est de l’Ukraine se trouve maintenant dans une crise de protection prolongée » qui requiert « une nouvelle façon de travailler », a conclu Mme Mueller.  

M. JACEK CZAPUTOWICZ, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a déclaré que l’esprit de la « révolution de la dignité », qui a vu le jour il y a quatre ans, ne saurait être brisé, que ce soit par l’annexion illégale de la Crimée ou le conflit dans l’est de l’Ukraine.  Il s’est inquiété de l’impact du conflit sur la population civile, relevant que 2 800 personnes ont été tuées, 25 000 blessées et plus de 1,5 million déplacées.  Il a dénoncé les violations systématiques des droits de l’homme en Crimée, notamment contre les ONG et les Tatars, à commencer par les détentions arbitraires et les actes de torture et de violence sexuelle.  Il est revenu sur l’adoption, en décembre 2017 par l’Assemblée générale, d’une résolution sur la situation des droits de l’homme en Crimée et dans la ville de Sébastopol, qui condamne notamment l’application rétroactive de la législation russe dans le territoire occupé et l’imposition automatique de la citoyenneté russe aux citoyens ukrainiens.  Le Ministre a par ailleurs indiqué que la Pologne fournit une aide humanitaire à Kharkiv, Zaporizhia, Dnipropetrovsk et Donetsk et vise notamment à appuyer l’intégration des personnes déplacées.

Poursuivant, M. Czaputowicz a dénoncé la violation du droit international en Ukraine, pointant notamment l’action belliqueuse de la Russie contre un pays souverain et son annexion illégale de la Crimée.  Il a souligné que la reconnaissance de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol constitue une violation du droit international en ce qu’elle cherche à légaliser une situation illégale.  Il a aussi affirmé que la construction, par la Russie, du pont de Kerch, viole la résolution 68/262 de l’Assemblée générale sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Le Ministre s’est également inquiété du fait que les accords de Minsk n’aient pas débouché sur un cessez-le-feu, ni sur le retrait des armements lourds.  Il a accusé la Russie de continuer de financer, d’armer et d’entraîner des militants, et de prendre directement part aux combats.  Citant les conclusions de l’équipe d’enquête mixte communiquées le 24 mai, il a indiqué que le vol MH17 avait été abattu par un missile provenant d’un lanceur appartenant à la 53e Brigade antiaérienne des Forces armées russes.

Le Ministre a appelé la Russie à se détourner de toute action qui contrevient à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à user de son influence sur les militants pour faire observer le cessez-le-feu, à retirer les armements lourds et à faciliter l’accès de l’aide humanitaire.  Il a salué le travail de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine et a exhorté la Russie à regagner le Centre conjoint de contrôle et de coordination qui avait été un outil efficace pour renforcer la sécurité de la Mission.

M. Czaputowicz a ensuite exhorté les Nations Unies à déployer une mission de maintien de la paix dans la zone de conflit dans le but d’assurer la désescalade du conflit et la mise en œuvre des accords de Minsk, faciliter le retrait des forces armées étrangères et surveiller le processus de réintégration.  Cette mission, a-t-il poursuivi, devrait également assurer le contrôle de la frontière russo-ukrainienne internationalement reconnue et créer un environnement favorable à la tenue d’élections locales.  Il a aussi réclamé la nomination d’un envoyé spécial pour l’Ukraine avant d’engager le Conseil de sécurité à œuvrer en faveur de l’établissement d’une mission de maintien de la paix.

M. STEPHANUS BLOK, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a détaillé le lourd tribut payé par les parties en Ukraine après quatre années de combats dans le Donbass.  La population a ainsi beaucoup souffert, avec plus de 10 000 morts parmi les civils, tandis que certains ont perdu leur maison et que d’autres ont été déplacés.  À certains endroits de Donetsk et de Luhansk, des infrastructures civiles ont subi de gros dégâts, la fourniture d’électricité et d’eau est instable, et des engins explosifs et des mines menacent la population.  La jeune démocratie et l’économie de l’Ukraine ont elles aussi été atteintes par les combats, a poursuivi le Ministre en souhaitant encourager le Gouvernement pour ses efforts de réforme, et en exprimant le soutien de son pays et de l’Union européenne.  Autre victime du combat, l’ordre juridique international: « l’annexion illégale de la Crimée et le rôle déstabilisateur actif de la Russie dans le Donbass vont directement à l’encontre de l’Article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies, c’est-à-dire l’interdiction de l’utilisation de la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique d’un État ». 

Venant à l’accident aérien du vol MH17, M. Blok a rappelé que 196 des 298 victimes étaient des ressortissants néerlandais et que la Russie avait bloqué au Conseil de sécurité la proposition de créer un tribunal international relevant du Chapitre VII de la Charte.  L’enquête internationale indépendante menée, malgré tout, a conclu que le missile ayant touché l’appareil avait été lancé par un Buk TELAR venant de l’armée russe, a-t-il déclaré en soulignant le sérieux avec lequel l’enquête avait été menée.  Le Ministre a rappelé que l’Australie et les Pays-Bas avaient annoncé, vendredi dernier, qu’ils tenaient pour responsable la Fédération de Russie pour son rôle dans le crash du vol MH17, c’est pourquoi ces deux pays appellent maintenant la Russie à s’impliquer de manière constructive sur ce dossier et à accepter sa responsabilité.  La Russie doit donc coopérer pleinement avec l’équipe d’enquête mixte dans l’investigation en cours, a-t-il exigé.

C’est une demande claire, exprimée dans la résolution 2166 (2014), a dit le Ministre, un texte, a-t-il précisé, qui avait été adopté à l’unanimité par le Conseil de sécurité il y a près de quatre ans.  Les membres du Conseil, y compris la Russie, avait ainsi voté « en faveur de la justice », et pour que les responsables répondent de leurs actes et que tous les États coopèrent aux efforts pour établir les responsabilités.  Le Ministre a appelé à renouveler ces demandes.  Aucun État n’a le droit de rester silencieux, a-t-il asséné en soulignant au contraire le devoir de chaque État de coopérer de manière constructive.  « J’en appelle à la Fédération de Russie pour qu’elle assume ses responsabilités. »  En ce qui concerne les Pays-Bas, M. Blok a fait remarquer qu’ils avaient tenu le Conseil informé de leurs efforts et de leurs conclusions, ce qu’ils continueront à faire.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a salué le travail que mène la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine et a invité toutes les parties à coopérer avec elle.  Il a plaidé pour un cessez-le-feu immédiat et le respect des accords de Minsk.  Le représentant a aussi relevé que le conflit avait accentué les souffrances de la population, saluant au passage les efforts du personnel humanitaire sur le terrain.  Le délégué a ensuite exhorté les parties au conflit à faciliter l’accès du personnel humanitaire pour qu’il puisse atteindre les civils dans le besoin.  La Guinée équatoriale affirme que la seule solution de ce conflit est de nature politique et ne sera pas militaire, a lancé le représentant avant d’inviter la communauté internationale à poursuivre ses efforts pour parvenir à un accord politique.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a précisé que sa déclaration était également faite au nom de l’Allemagne avec qui la France est engagée pour la résolution de la crise ukrainienne.  Il a affirmé que depuis quatre ans, les deux pays n’ont ménagé aucun effort pour tenter d’apaiser les souffrances et trouver une issue à ce conflit.  Trois ans après l’adoption de la résolution 2202 (2015) qui endosse le paquet de mesures des accords de Minsk, la France et l’Allemagne appellent plus que jamais toutes les parties à mettre en œuvre leurs engagements.  Le représentant a également rappelé le soutien des deux pays à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

M. Delattre a déploré des centaines de violations du cessez-le-feu que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) observe chaque jour.  Il a exhorté les parties, en particulier la Fédération de Russie, à tout mettre en œuvre pour faciliter les déplacements des observateurs et à garantir leur sécurité ainsi que l’intégrité de leur équipement, y compris les drones.  Il a appelé au retrait des armes lourdes qui sont encore utilisées pour des attaques contre des infrastructures civiles.  Les deux parties sont aussi invitées à impérativement progresser vers la mise en œuvre, dans les zones déjà identifiées à cet effet et celles qui le seront à l’avenir, du désengagement de la ligne de contact. 

Le représentant a estimé que ce sont ces premières étapes qui pourront créer un climat de confiance et prévenir un nouveau drame comme celui du 17 juillet 2014, lorsque 298 passagers et membres d’équipage du MH17 ont perdu la vie à la suite d’un tir de missile.  Il a salué le professionnalisme de l’équipe d’enquête mixte qui mène son travail en toute indépendance.  Selon lui, afin de faire toute la lumière sur cette affaire et juger les responsables, il est crucial que les enquêteurs bénéficient de la pleine coopération de tous les États Membres.

Au sujet de la situation humanitaire, M. Delattre a déploré le fait que durant les rudes mois d’hiver, plusieurs centaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans eau, sans électricité et sans chauffage pendant plus d’une journée.  Afin de soulager les souffrances des populations, la France et l’Allemagne appellent à faciliter l’accès des organisations humanitaires au Donbass et à garantir leur sécurité.  Il a estimé qu’une résolution sur le long terme de cette crise dépend également des mesures politiques et économiques qui seront prises.  En plus des progrès majeurs accomplis par les autorités ukrainiennes ces trois dernières années dans la mise en œuvre des engagements politiques des accords de Minsk, il a plaidé pour des mesures concrètes pour améliorer la vie des populations dans le Donbass.

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) s’est inquiété de la complexité de la situation dans l’est de l’Ukraine, ainsi que des souffrances subies par les civils.  Il a dénoncé l’utilisation de mines et a appelé à établir la vérité sur le crash du vol MH17.  Le représentant a appuyé les mesures censées assurer la pleine mise en œuvre des accords de Minsk, appelant notamment à retirer les artilleries lourdes.  Il a déploré que l’OSCE ait recensé plus de 80 000 violations du cessez-le-feu ces trois derniers mois.  Le représentant a, enfin, salué tous les efforts visant à appuyer le dialogue, notamment par le biais du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral.

M. OLOF SKOOG (Suède) a affirmé que les violations des frontières en Ukraine et en Géorgie sont le fait d’un État qui a décidé de défier l’ordre international.  Il a plaidé pour un accès sans entrave aux populations pour le personnel humanitaire, ainsi que pour le plein respect des accords de Minsk.  Il a rappelé que c’est bien l’agression russe envers l’Ukraine qui est la cause du conflit, et estimé que la Fédération de Russie avait le pouvoir d’y mettre fin.  La Suède se tient prête à prendre part à une mission onusienne au Donbass, pour autant qu’une telle mission ait pleinement accès à tous les sites, a-t-il précisé, tout en déplorant que des observateurs de l’OSCE ne puissent mener à bien leur mission sur le terrain.  Il a déclaré que le pont récemment inauguré, qui relie la Crimée et la Russie, représente une grave violation du droit international.  Le délégué a enfin salué les résultats de l’investigation menée par l’équipe d’enquête mixte sur le vol MH17 et a invité les autorités russes à assumer leurs responsabilités à cet égard.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déploré la poursuite des combats dans l’est de l’Ukraine, se disant choquée du fait que plus de 100 000 violations du cessez-le-feu aient été recensées.  « Réfléchissez à ce que cela signifie pour la population », s’est-elle exclamée.  Elle s’est inquiétée de la dégradation de la situation le long de la ligne de contact et a appelé au respect des règles de la guerre.  La représentante s’est aussi préoccupée de la situation relative aux infrastructures civiles, comme la station de filtration d’eau de Donetsk, notant que des séparatistes menacent de contaminer l’eau avec des déchets radioactifs.  Elle a attiré l’attention sur les risques de dommages environnementaux, pour ensuite s’inquiéter de la sécurité alimentaire de la population.

Poursuivant, la représentante a vivement condamné l’annexion de la Crimée et a appelé au plein respect du droit international.  La Russie doit respecter le système international, a–t-elle souligné.  S’agissant du vol MH17, elle a indiqué que les preuves indiquent que le missile qui a abattu l’avion provenait des forces armées russes.  L’ensemble des membres du Conseil de sécurité, à commencer par la Russie, doivent fournir l’aide requise pour faire avancer l’enquête, a-t-elle souhaité.  Avertissant à nouveau du risque d’une catastrophe environnementale, la déléguée a appelé la Russie à se retirer de l’est de l’Ukraine, à cesser d’appuyer les séparatistes et à participer de bonne foi à des négociations pour parvenir à une paix durable.

M. ILAHIRI ALCIDE DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a déploré la détérioration de la situation sécuritaire en Ukraine et l’absence de progrès liés à la mise en œuvre des accords de Minsk de 2015, notamment les violations récurrentes du cessez-le-feu et les entraves à la circulation de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE.  Se disant en faveur de la résolution pacifique de la crise, il a appelé au respect du cessez-le-feu et soutenu les efforts de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE et du Centre conjoint de contrôle et de coordination.  Il a appelé les parties à prendre toutes les mesures appropriées allant dans le sens de l’apaisement. 

Le représentant s’est aussi inquiété de la situation humanitaire et notamment des coupures d’eau et d’électricité dont souffre fréquemment la population civile.  Il a condamné ces actes qui constituent des violations du droit international humanitaire, avant d’exhorter les parties à préserver les infrastructures hydrauliques et la fourniture des services sociaux de base.  Enfin, M. Djédjé a salué les efforts de la communauté internationale pour combler le déficit de financement du plan d’intervention humanitaire dans l’est de l’Ukraine.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est inquiété de la reprise des combats dans l’est de l’Ukraine et des violations répétées du cessez-le-feu recensées par l’OSCE.  Il s’est aussi préoccupé de la situation aux alentours de la station d’épuration d’eau de Donetsk, avant d’appeler à la pleine mis en œuvre de la résolution 2202 (2015) et des accords de Minsk.  Le délégué a aussi fait part de son appui aux efforts déployés dans le cadre du format Normandie et a appelé toutes les parties à œuvrer en faveur d’une paix durable.

Il s’est inquiété du sort des personnes âgées, qui représentent la moitié des personnes déplacées, et de l’impact, pour les civils, des pilonnages le long de la ligne de contact qui est de plus une des régions les plus minées au monde.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a indiqué que la Fédération de Russie, par son agression de l’Ukraine, avait provoqué une crise humanitaire dans l’est du pays.  Malgré la signature des accords de Minsk, elle a accusé le même pays d’avoir fait fi de ses promesses et d’avoir permis à ses troupes d’attaquer et détenir des observateurs internationaux et de confisquer leurs matériels.  Aucun accord de cessez-le-feu n’a été respecté par la Fédération de Russie, a-t-elle déploré tout en affirmant que ce pays arme et forme les militants de l’est de l’Ukraine, puisque « son matériel a été formellement identifié, y compris le missile ayant abattu le vol MH17 », a-t-elle poursuivi.  Elle a relevé que les proches des victimes de ce vol méritent d’obtenir des réponses et elle a salué les résultats de l’équipe d’enquête mixte.

Selon Mme Haley, c’est bien la Fédération de Russie qui a la clef du règlement de ce conflit, notamment si elle retirait ses troupes de la Crimée.  La déléguée a en outre accusé la Fédération de Russie d’avoir rejeté les efforts de pourparlers concernant l’Ukraine dans le cadre de l’initiative des États-Unis et d’autres partenaires comme la France et l’Allemagne.  Elle a enfin demandé que justice soit faite pour toutes les victimes du conflit en Ukraine.

M. MA ZHAOXU (Chine) s’est inquiété des lourdes pertes civiles provoquées par le conflit en Ukraine.  Il a appelé à renforcer les efforts de médiation et demandé aux parties de respecter à la lettre le mécanisme de cessez-le-feu et de privilégier le règlement politique du conflit, notamment en tenant dument compte des perspectives des différents groupes ethniques et des aspirations des différentes parties au conflit.

M. Ma a aussi appelé à s’attaquer aux causes profondes du conflit et à pleinement respecter la résolution 2202 (2015) du Conseil de sécurité, soulignant l’importance d’appuyer la coexistence pacifique des pays de la région.  Il a souhaité que les délibérations du Conseil de sécurité débouchent sur une amélioration de la situation dans la région.

M. SACHA LLORENTTY SOLíZ (Bolivie) a appelé toutes les parties à cesser immédiatement les hostilités et à respecter le cessez-le-feu, à permettre l’accès humanitaire et à faciliter l’accès de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE.  Il a rappelé que la communauté internationale s’est engagée à rechercher la paix durable dans l’est de l’Ukraine sur la base de la résolution 2202 (2015).  Il a plaidé pour le respect des engagements pris et pour l’instauration de mesures de confiance, en vue de trouver une solution politique à la crise. 

Sur le plan humanitaire, M. Llorentty Solíz a déploré les attaques dans les zones urbaines et sur les infrastructures civiles qui affectent 60% des personnes vivant au-delà de la ligne de contact.  Il a appelé toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations en vertu de la résolution 2365 (2017) sur l’action antimines.  « Nous appelons les parties à adhérer strictement à leurs obligations relatives à la protection des civils, y compris la résolution 2286 (2016) du Conseil de sécurité, dans le cadre du respect du droit international humanitaire. »  Le représentant a enfin salué les efforts menés par les dirigeants de la Russie, la France et l’Allemagne, en vue de trouver une solution pacifique à ce conflit.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a fermement appuyé le travail des agences des Nations Unies et de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE.  Il a appelé toutes les parties à mettre en œuvre immédiatement le Cadre de décisions sur le désengagement du Groupe de contact trilatéral et a salué les résultats de la dernière réunion qui s’est tenue à Minsk le 16 mai dernier.  Il a aussi exhorté les parties à donner à la Mission de l’OSCE un accès plein, sûr et illimité à la zone de conflit, ce qui est un impératif essentiel pour le rétablissement de la confiance. 

Le représentant a prôné un règlement pacifique du conflit fondé sur la résolution 2202 (2015) qui elle-même se base sur l’accord de Minsk.  En attendant, il a demandé aux parties de débarrasser la ligne de contact de toutes les armes lourdes et aux agences des Nations Unies, aux organisations régionales et à la communauté internationale à se tenir prêtes à aider la population, à contribuer aux efforts internationaux de médiation et à faciliter le processus de négociations, en se concentrant sur le format Normandie.

Rappelant que la semaine dernière, l’équipe d’enquête mixte a présenté ses conclusions sur le crash du vol MH17, le représentant a exhorté toutes les parties à mener une enquête objective, complète et impartiale de l’accident, conforment aux normes du droit international et de la résolution 2166 (2014) du Conseil de sécurité. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que le cessez-le-feu est crucial pour assurer la désescalade dans l’est de l’Ukraine et pour pouvoir répondre aux besoins des populations.  Pour l’Éthiopie, la résolution de la crise ne peut que passer par une solution pacifique.  C’est pourquoi toutes les parties doivent mettre en œuvre les accords de Minsk et respecter la résolution 2202 (2015) qui avait entériné une série de mesures pour la mise en œuvre de ces accords.  S’agissant du vol MH17, M. Alemu a jugé importante la coopération de tous les États et acteurs de la région dans la conduite de l’enquête, dans la droite ligne de la résolution 2166 (2014) qui avait été adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré qu’à entendre les interventions prononcées jusqu’à présent, la Russie, incapable d’accepter la révolution ukrainienne, aurait envoyé des troupes en Crimée, mènerait une troisième guerre mondiale et combattrait la civilisation.  L’Ukraine se tiendrait quant à elle aux avant-postes de cette lutte contre le mal et combattrait la barbarie de Moscou.  Le problème dans tout cela, a estimé le représentant, est que nous avons affaire à des « colporteurs de légendes », qui ont réussi à créer l’image d’une Ukraine éprise de liberté qui combat des troupes qui la détestent.

« Mais quelque chose ne colle pas dans ce tableau », a-t-il poursuivi.  « L’Ukraine prétend être en guerre avec la Russie, mais la Russie n’est pas en guerre contre qui que ce soit.  Les gens franchissent librement la frontière, on passe ses vacances dans la région, et les échanges commerciaux se poursuivent. »  En outre, a poursuivi le délégué, les choses vont-elles vraiment mieux en Ukraine depuis cette soi-disant « révolution de la dignité », alors que le niveau de corruption et la situation économique demeurent déplorables.  Mais, a-t-il constaté, il est tellement facile de mettre sur le dos de la Russie tous les maux de l’Ukraine.

Le représentant a indiqué que les médias de l’opposition en Ukraine ont été fermés sous prétexte qu’ils étaient des agents du Kremlin.  Il a dénoncé notamment l’intimidation des membres des médias et le meurtre, « il y a quelques heures », d’un journaliste.  « Le niveau de schizophrénie en Ukraine atteint son comble », s’est-il insurgé.  Il a dénoncé la glorification d’OUN, une organisation ayant collaboré avec les nazis, pour ensuite accuser les autorités de Kiev de chercher à « ukrainiser » le pays de force, pointant notamment l’adoption d’une loi visant à éliminer tout système éducatif en russe.  « C’est là une véritable purification linguistique », s’est-il alarmé avant de rappeler que la situation actuelle en Ukraine découle notamment d’un différend linguistique.  Il s’est aussi inquiété des marches au flambeau qui commémorent la naissance du nationaliste Stepan Bandera, des attaques lancées contre des journalistes, et a affirmé que l’intégrité physique des diplomates russes avait même été menacée au sein même de l’ONU.

M. Nebenzia a affirmé que les habitants du Donbass souhaitent simplement parler leur langue maternelle et honorer « leurs héros » et non pas ceux imposés par Kiev.  Il a aussi fait observer qu’il n’y a pas eu de manifestations pour dénoncer les actions des autorités locales, pour ensuite dénoncer le blocus économique et commercial imposé par Kiev « à sa propre population ».  Il a ensuite accusé certains membres du Conseil de sécurité de ne pas vouloir régler le conflit en Ukraine mais de chercher à maintenir un foyer de tension.

Les accords de Minsk demeurent la seule base possible pour un règlement du conflit, a reconnu le représentant en faisant observer qu’ils reposent sur 13 points portant sur la cessation des hostilités et le retrait des armes lourde.  Or c’est Kiev qui n’a pas réussi à obtenir le cessez-le-feu, a-t-il fait remarquer.  Il a précisé que la station d’épuration de Donetsk avait été pilonnée par la partie ukrainienne et non pas par les miliciens, faisant 5 morts et 33 blessés.  Il a aussi affirmé que les autorités ukrainiennes bloquent les processus de déminage et mènent, dans le Donbass, une opération très intensive avec ses « forces unifiées ».  Kiev, a-t-il encore accusé, refuse de mener le dialogue et de faire voter un projet de loi sur l’amnistie des miliciens.

Continuant de détailler les 13 points des accords de Minsk, le délégué a aussi affirmé que Kiev refuse de dialoguer avec les autorités locales pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et mène en outre un blocus économique dans le Donbass.

Il a également fait observer que le retrait des troupes est prévu une fois qu’une réforme constitutionnelle aura été engagée.  D’ailleurs, il n’y a pas de troupes russes dans le Donbass, a-t-il ajouté, disant avoir été « très amusé » par les propos des États-Unis.  Il a insisté sur l’importance de la décentralisation et de l’octroi d’un statut particulier pour Donetsk et Louhansk.  Le principe d’autodétermination linguistique n’a pas été rempli, la loi ukrainienne sur la réintégration du Donbass de février ne fait même pas mention des accords de Minsk et le point sur les élections locales n’est pas appliqué, a-t-il encore fait observer.  Ce qui lui a fait dire que l’Ukraine refuse de mettre en œuvre les accords de Minsk et sabote la formule Steinmeyer sur le statut du Donbass.

Il a appelé à reconnaître que le conflit au Donbass est une guerre fratricide, tout en affirmant que ce serait un suicide politique pour Kiev, et en relevant que le « paradigme de l’agression russe » lui permet de bénéficier de l’appui de l’occident.

Le représentant a ensuite proposé l’adoption d’une brève déclaration présidentielle selon laquelle le Conseil de sécurité notamment réaffirmerait sa résolution 2202, appellerait à la pleine mise en œuvre de l’ensemble de mesures en vue de l’application des accords de Minsk et exhorterait à s’abstenir de toute mesure qui contredise l’esprit et la lettre desdits accords.

Abordant ensuite le sujet du crash du vol MH17, il a réclamé une enquête impartiale, tout en soulignant que le crash n’a pas de lien direct avec le conflit.  Il a déploré la hâte avec laquelle ont été publiés les résultats des travaux de l’équipe d’enquête mixte.  Il a souligné que le parquet général russe avait toujours satisfait aux demandes d’aide juridique.  Dès octobre 2016, a-t-il ajouté, la Russie a envoyé les données radio sur la localisation qui excluent totalement la possibilité d’un tir depuis les territoires contrôlés par les miliciens.  Mais ces données n’ont pas été inclues dans l’enquête, a-t-il regretté.  Il s’est aussi interrogé sur le refus des Pays-Bas d’évaluer le fait que les autorités ukrainiennes ont refusé de fermer l’espace aérien dans la zone de conflit, tandis que les États-Unis n’ont toujours pas présenté les photos satellites prises immédiatement après la catastrophe.  Il a accusé l’équipe d’enquête de manipuler les données.  La Russie, a-t-il assuré, se tient prête à fournir tous les renseignements possibles pour faire avancer une enquête impartiale, à laquelle, a-t-il ajouté, elle doit participer.

Le Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas a repris la parole pour dire que la Fédération de Russie, dans son discours, n’avait rien dit de nouveau au sujet de l’enquête relative au vol MH17.  Cette rhétorique est douloureuse pour les proches des victimes, a dit le Ministre.  « Même en salle du Conseil, le représentant de la Fédération de Russie ne reconnaît pas les faits après des preuves irréprochables », s’est-il étonné en rappelant que les efforts pour créer un tribunal international sur cette question se sont heurtés au veto de la Fédération de Russie.  Il a exhorté ce pays à participer à des pourparlers relatifs à la responsabilité russe au sujet du vol MH17.

M. PAVLO KLIMKIN, Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a regretté de ne pas pouvoir apporter, aujourd’hui, de bonnes nouvelles au Conseil de sécurité.  Le conflit à l’ordre du jour a été brutalement imposé à l’Ukraine, a-t-il rappelé.  « Il y a quatre ans, mon pays a été envahi. »  Le résultat est bien connu: plus de 10 000 morts, des millions de déplacés, des dizaines de milliers de maisons détruites.  Le conflit est d’une nature complètement artificielle, a insisté le Ministre.  « Il a été inventé par le Kremlin pour punir les Ukrainiens de leurs aspirations à la liberté, la démocratie et un avenir européen. »

Les troupes russes sur mon territoire ne visent pas que mes compatriotes, a fait observer M. Klimkin, en évoquant les derniers résultats de l’enquête mixte sur le crash du vol MH17 détruit par un missile BUK et le rôle de la Russie dans cette affaire.  Il s’attendait au démenti de la Russie, parce que, a-t-il dit, « nous avons déjà vu cette même attitude sur les attaques chimiques en Syrie et à Salisbury ».  Pour le Ministre, il ne fait pas de doute que la destruction du vol MH17 est « un acte terroriste ».  Le 12 juin, a-t-il annoncé, l’Ukraine présentera à la Cour internationale de Justice (CIJ) un mémorandum avec des preuves supplémentaires des violations par la Russie de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme.

À l’heure où nous parlons, a poursuivi M. Klimkin, la violence continue de ravager le Donbass.  Le conflit a mis 4,4 millions de personnes dans une situation humanitaire catastrophique et le tribut ne fait que s’alourdir.  Plus de 600 000 personnes sont exposées aux affrontements armés le long de la ligne de contact, cette zone étant déjà la plus minée au monde.  Le Ministre a montré la photo d’une jeune fille de 15 ans tuée hier dans le jardin de sa maison par un obus de 122 millimètres interdit par les accords de Minsk.  « Je doute que cela impressionne la Russie », a-t-il lancé.  « Le Kremlin dans la poursuite de son grand agenda géopolitique n’apprécie pas la valeur de la vie humaine. »  Les complices de la Russie ont-ils acheté ces munitions et ces armes dans des supermarchés du coin? a-t-il ironisé auprès du délégué russe.  

L’Ukraine reste pleinement attachée à la paix, a assuré son Ministre des affaires étrangères.  Celui-ci a toutefois reproché à la Russie sa mauvaise volonté.  L’occupation russe est en train de provoquer une catastrophe écologique au Donbass, a-t-il souligné, en déplorant les attaques contre les infrastructures civiles, notamment hydrauliques.  En résumé, a-t-il dit, « l’activité militaire constante de la Russie dans les territoires occupés du Donbass reste l’obstacle à la résolution pacifique du conflit ».  Selon lui, « dès que Moscou décidera de mettre fin à la violence, le conflit s’arrêtera ».  M. Klimkin a donc demandé à la Russie de commencer par appuyer l’envoi d’une force de maintien de la paix de l’ONU dans les territoires occupés des régions de Donetsk et Luhansk.

Ensuite, le Ministre a jugé important de continuer de mettre l’accent sur l’occupation russe en Crimée.  « Les actions de la Fédération de Russie constituent la plus grave violation de la Charte des Nations Unies depuis la Seconde Guerre mondiale », a-t-il martelé.  L’occupation s’accompagne de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, notamment d’attaques contre l’identité des Tatars de Crimée et des Ukrainiens.   Il a notamment condamné l’ouverture, le 15 mai dernier, d’un pont à travers le détroit de Kerch, et reproché à la Russie d’essayer de changer la démographie de la péninsule.       

Réagissant aux propos du représentant russe, le Ministre ukrainien a ensuite fait part du meurtre tragique du journaliste Arkady Babchenko, « un opposant bien connu de Moscou », tué il y a quelques heures devant son appartement.  Il a indiqué que l’enquête de la police ukrainienne n’en était qu’à ses débuts, mais que ce meurtre concorde néanmoins avec « les assassinats politiques perpétrés par la Russie ».

M. Nebenzia a repris la parole au nom de la Fédération de Russie, déplorant la mort du journaliste évoqué par le Ministre ukrainien.  L’enquête va probablement conclure à une piste russe « comme la coutume le veux désormais », a-t-il ironisé.  S’il a déploré les morts civils dans l’est de l’Ukraine, il a toutefois invité le Ministre à ne pas se préoccuper des civils de la Crimée « puisque c’est désormais acquis que c’est un territoire russe », ajoutant à son endroit que le thème de la présente réunion est bien la situation en Ukraine.

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