8176e séance – matin
CS/13199

Kosovo: la stratégie de l’Union européenne pour l’élargissement aux Balkans une « opportunité » de relancer le dialogue Belgrade-Pristina

Le lancement, pas plus tard qu’hier, de la nouvelle stratégie de l’Union européenne (UE) pour l’élargissement aux Balkans occidentaux pourrait contribuer à réaliser les aspirations du Kosovo à rejoindre l’UE, s’est réjoui ce matin, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Zahir Tanin, qui a toutefois rappelé que la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina était une condition sine qua non pour concrétiser ce désir. 

« Plus ambitieux et plus vaste cadre d’engagement depuis le Sommet de Thessalonique en 2003 », cette stratégie ouvre la voie à une intégration des pays de la région conditionnée par les réformes politiques et socioéconomiques attendues d’eux, ainsi qu’à la réconciliation et à la résolution durable de leurs différends, a assuré celui qui est aussi le Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).  Pour M. Tanin, « 2018 peut présenter une nouvelle opportunité de relancer ce dialogue » sous l’égide de Bruxelles, en faveur duquel ont également plaidé la plupart des membres du Conseil.  Le représentant de la Fédération de Russie s’est toutefois demandé si l’admission éventuelle de Pristina dans l’UE ne remettait pas en cause la neutralité même de l’UE en tant que facilitatrice des pourparlers.

M. Tanin a jugé l’annonce d’hier d’autant plus opportune qu’en dehors de contacts officiels ou officieux de haut niveau entre les deux capitales, le dialogue n’a pratiquement produit aucun progrès substantiel « depuis plus d’un an ».  En effet, un certain nombre d’accords ne sont toujours pas mis en œuvre, à commencer par celui qui prévoit la création de l’association ou communauté des municipalités à majorité serbe du Kosovo, a expliqué le Représentant spécial. 

« Cela fait quatre ans que nous attendons que cette association ou communauté devienne réalité », s’est impatienté le Vice-Premier Ministre adjoint et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, M. Ivica Dačić, en rappelant que cette entité visait à protéger les intérêts serbes vitaux au Kosovo et à Mitrovica.  Une situation dont semblent s’accommoder les partenaires européens du Kosovo, a ironisé la Fédération de Russie.

Or, le meurtre en plein jour, le 16 janvier, d’Oliver Ivanović, une importante personnalité politique serbe du Kosovo et dirigeant de « l’Initiative citoyenne Serbie, Démocratie et Justice », qui a été abattu devant les locaux de son parti à Mitrovica, a envoyé une véritable onde de choc bien au-delà du nord du Kosovo, a fait observer le Représentant spécial.

Qualifiant cet assassinat « d’acte terroriste insensé », le Chef de la diplomatie serbe a dénoncé l’incapacité ou le manque d’empressement de Pristina à faire toute la lumière sur cet acte.  Mme Vlora Çitaku, du Kosovo, a au contraire assuré le Conseil que tout serait mis en œuvre pour que les assassins de cette « figure controversée » soient jugés, tout en faisant remarquer que l’assassinat n’avait pas suscité de réaction de haine ethnique, y voyant une preuve de la maturité acquise par la société kosovare alors que le Kosovo célébrera le 17 février les 10 ans de sa Déclaration unilatérale d’indépendance

Certains, dont la Fédération de Russie ou la Bolivie, se sont demandés pourquoi des responsabilités avaient été transférées de la mission EULEX à la police du Kosovo, chargée de mener l’enquête sur l’assassinat.  Si Belgrade coopère avec les autorités kosovares, des préoccupations demeurent quant à l’efficacité de l’échange d’informations, a estimé le Chef de la MINUK, qui a averti qu’un « échec à identifier les meurtriers ne serait pas seulement un terrible déni de justice, mais fragiliserait aussi la confiance de part et d’autre ». 

Autre motif d’inquiétude aux yeux de M. Tanin: la tentative, le 22 décembre, d’un certain nombre de parlementaires kosovars appartenant à la coalition au pouvoir d’abroger une loi adoptée en août 2015 qui exprimait un soutien aux travaux des Chambres spécialisées du Kosovo.  La création de cette juridiction et du Bureau du Procureur spécialisé qui lui est rattaché avait été « un événement majeur qui manifestait la sincère volonté du Kosovo de faire respecter l’état de droit », note le Secrétaire général dans le rapport dont était saisi le Conseil.

Le Ministre serbe des affaires étrangères y a vu une obstruction à la justice qui doit être rendue pour les crimes commis par l’Armée de libération du Kosovo.  M. Dačić a promis que son gouvernement réunirait et verserait aux procès des éléments de preuve, tout en rappelant que certains suspects seraient des « personnalités de premier plan ». 

Mme Çitaku a de son côté minimisé la portée de l’initiative prise par les 43 parlementaires qui ont signé la pétition visant à obtenir un débat en faveur d’une loi qui supprimerait les Chambres spécialisées.  Mais, a-t-elle prévenu, « aucun tribunal ne pourra réécrire l’Histoire ou imposer artificiellement une forme de parité morale », alors que « l’oppresseur et l’opprimé sont clairement identifiés dans notre tragique histoire récente ».

Dans ce contexte émaillé d’incidents et de tensions, la question du maintien de la MINUK, déployée depuis 1999, a de nouveau fait apparaître les clivages entre les membres du Conseil qui appuient la position de la Serbie, pour laquelle la présence de la Mission, dans sa configuration actuelle, demeure cruciale pour assurer la stabilité au Kosovo et ceux qui, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, mais aussi la Pologne, la Suède ou les Pays-Bas, souhaitent une réduction de la taille de la Mission et un examen moins fréquent de la situation au Kosovo par le Conseil. 

Quant à Mme Çitaku, elle a estimé que « la MINUK n’est ni une opération de maintien de la paix, ni une mission administrative ».  « Les Nations Unies peuvent choisir de maintenir au Kosovo une mission coûteuse, mais nous pensons que l’argent des contribuables pourrait être mieux utilisé », a-t-elle lancé.

RÉSOLUTIONS 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998), 1239 (1999) ET 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (S/2018/76)

Déclarations

M. ZAHIR TANIN, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a déclaré qu’hier avait été lancée la nouvelle stratégie d’élargissement de l’Union européenne pour les Balkans occidentaux.  Il y a vu le plus ambitieux et le plus vaste cadre d’engagement depuis le Sommet de Thessalonique en 2003, puisqu’il ouvre la voie à une intégration conditionnée par les réformes politiques et socioéconomiques, ainsi qu’à la réconciliation et à la résolution durable des différends.  Les réactions étaient mitigées au Kosovo, mais les dirigeants de Pristina ont souligné l’importance de cette nouvelle stratégie pour réaliser les aspirations du Kosovo à rejoindre l’Union européenne, a commenté M. Tanin.  Dans le cadre de ce nouveau dialogue, il est clair que la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina est une condition préalable pour concrétiser cette aspiration, a souligné le Représentant spécial. 

Or, s’il y a eu des contacts officiels ou officieux de haut niveau entre Pristina et Belgrade, cela fait plus d’un an qu’au niveau technique, le dialogue n’a pratiquement pas produit de progrès substantiels, a constaté M. Tanin.  « Un certain nombre d’accords ne sont toujours pas mis en œuvre, dont celui, crucial, qui prévoit la création de l’association ou communauté des municipalités à majorité serbe du Kosovo, prévue par le premier accord sur les principes gouvernant la normalisation des relations.  « 2018 peut présenter une nouvelle opportunité pour relancer ce dialogue », a toutefois estimé le haut fonctionnaire. 

Le 22 décembre, 43 membres de l’Assemblée du Kosovo appartenant à la coalition au pouvoir, mais sans la participation de la Liste serbe, ont signé une demande de convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée en vue d’abroger une loi adoptée en août 2015 qui exprimait un soutien aux travaux des Chambres spécialisées du Kosovo et du Bureau du Procureur spécialisé, a ensuite rappelé M. Tanin.  Cet effort a soulevé de graves préoccupations au sujet de l’engagement du Kosovo en faveur de la justice et de l’application impartiale de l’état de droit, a analysé le Représentant spécial.  « Le Président de l’Assemblée du Kosovo m’a assuré que les dirigeants de Pristina respecteraient leurs obligations internationales », a-t-il ajouté, avant de préciser que cette juridiction n’avait pas pour intention de prendre pour cible une communauté spécifique, mais s’intéressait uniquement à la responsabilité pénale individuelle.

Le meurtre en plein jour, le 16 janvier à Mitrovica-Nord, d’Oliver Ivanović, importante personnalité politique serbe du Kosovo et dirigeant de l’Initiative citoyenne Serbie, Démocratie et Justice, a constitué une véritable onde de choc, ressentie bien au-delà du nord du Kosovo, a fait observer M. Tanin.  Celui-ci a rappelé que les dirigeants politiques de Belgrade et Pristina avaient condamné cet assassinat et que le Président serbe Aleksandar Vučić s’était rendu en personne au Kosovo peu après pour rappeler aux communautés serbes du Kosovo que la paix est d’une importance capitale.  Mais si Belgrade coopère à l’enquête menée par les autorités kosovares, des préoccupations demeurent sur l’efficacité de l’échange d’informations.  « Un échec à identifier les meurtriers ne serait pas seulement un terrible déni de justice, mais fragiliserait aussi la confiance de part et d’autre », a prévenu le Chef de la MINUK. 

La communauté internationale continue de prêter assistance aux institutions du Kosovo pour promouvoir la justice, l’état de droit et les droits de l’homme, a expliqué M. Tanin, qui s’est notamment félicité que le Gouvernement du Kosovo ait approuvé quatre projets de loi relatifs au fonctionnement du système judiciaire, afin d’en renforcer l’efficacité et la transparence.  Le Représentant spécial a également pris note de la décision du Gouvernement du Kosovo visant à reconnaître et vérifier le statut des victimes de violences sexuelles, y compris en ce qui concerne l’attribution de rentes mensuelles aux survivants, et la nomination par le Premier Ministre du Kosovo, M. Ramush Haradinaj, de la Vice-Présidente de la Commission des personnes portées disparues.  De nombreux défis demeurent, dont la grâce présidentielle pour trois individus inculpés du meurtre en 2001 de cinq membres de la famille Hajra, dans une embuscade automobile.  « La protection des droits de l’homme ne devrait pas être fragilisée par des considérations politiques ou ethniques, sous peine de jeter une ombre sur les promesses d’une société fondée sur l’état de droit », a commenté M. Tanin. 

En conclusion, le Représentant spécial s’est dit persuadé qu’en dépit des divergences, les dirigeants de Pristina et Belgrade comprenaient les défis qu’il leur reste à relever dans les meilleurs délais.

M. IVICA DAČIĆ, Vice-Premier Ministre adjoint et Ministre des affaires étrangères de la Serbie, a dit espérer que la « représentante de Pristina » se concentrerait dans son allocution sur la situation au Kosovo et à Mitrovica et éviterait les leçons d’histoire truffées d’erreurs et d’accusations infondées.  L’établissement d’une association ou communauté de municipalités à majorité serbe est crucial pour les Serbes, dans la mesure où elle vise à protéger leurs intérêts vitaux au Kosovo et à Mitrovica, a-t-il affirmé, ajoutant que son pays attendait depuis quatre ans que cette association ou communauté devienne réalité.  Il a appelé Pristina à s’acquitter de ses obligations, ajoutant que la Serbie s’était acquittée des siennes de bonne foi.  S’il a indiqué que la Serbie est toujours disposée à dialoguer, M. Dačić s’est demandé dans quelle mesure un nouvel accord était possible si l’association ou communauté des municipalités à majorité serbe restait lettre morte. 

La réalité sur le terrain, c’est qu’Oliver Ivanović, le chef de l’Initiative citoyenne Serbie, Démocratie et Justice, a été assassiné à Mitrovica le 16 janvier dernier, a poursuivi M. Dačić en qualifiant cet assassinat « d’acte terroriste insensé » menaçant la stabilité dans le nord du Kosovo et à Mitrovica.  Le ministre a dénoncé l’incapacité ou le manque d’empressement de Pristina à faire toute la lumière sur ce meurtre.  Il a indiqué que la poursuite en justice des responsables de ce crime, ainsi que l’identification de ses motifs, étaient cruciales pour maintenir la paix au Kosovo et à Mitrovica.  Cet évènement tragique montre que la situation sécuritaire globale dans la province demeure très sérieuse et requiert la présence de la communauté internationale, a-t-il ajouté. 

M. Dačić a dénoncé la tentative des « structures au pouvoir » et des partis politiques d’abroger la loi sur les Chambres spécialisées mises en place pour juger des crimes commis par l’Armée de libération du Kosovo.  Il est évident que la communauté internationale ne partage pas les vues de ceux qui sont derrière cette initiative et pense que les crimes commis contre les Serbes et les non-Albanais du Kosovo et de Mitrovica ne doivent pas rester impunis, a-t-il dit.  Il a assuré de l’appui de son pays en vue de rassembler les preuves de ces crimes, ajoutant que le fait que certains individus soient des personnalités de premier plan ne devait pas empêcher le passage de la justice. 

À ce propos, M. Dačić s’est dit déçu de l’abrogation par INTERPOL de certains mandats d’arrêt internationaux visant Hashim Thaçi et Ramush Haradinaj.  Ces décisions créent de dangereux précédents, a-t-il affirmé.  La réalité est que le soi-disant Président du Kosovo, M. Hashim Thaçi, a gracié trois membres de l’Armée de libération du Kosovo condamnés à 30 ans de prison pour avoir assassiné la famille albanaise Hajra près de Glogovac en août 2001, a-t-il accusé.  Le père de famille, Hamza Hajra, qui était membre du Ministère de l’intérieur serbe, a été tué à titre de représailles, a-t-il expliqué.  Dans le droit fil du rapport, le Vice-Premier Ministre a déclaré que seul 1,9% des personnes déplacées par le conflit étaient rentrées au Kosovo et à Mitrovica, le taux de retour en 2017 ayant été le plus faible depuis 2000.  « Au vrai, quelle personne déplacée est prête à revenir dans un endroit où elle subira des discriminations, où la haine religieuse n’est pas punie, où les emplois sont peu nombreux, où le droit de propriété n’est pas protégé? » a-t-il demandé.

M. Dačić a ensuite déclaré que la préservation du patrimoine culturel et religieux des Serbes du Kosovo et de Mitrovica était d’une importance cruciale pour la Serbie.  Il a assuré que son pays recherchait une solution débouchant sur un accord historique avec la communauté albanaise au Kosovo et à Mitrovica.  Une telle solution devra prendre en compte les intérêts de la Serbie et de la communauté serbe du Kosovo et de Mitrovica, a-t-il précisé.  Le Vice-Premier Ministre a ainsi dit sa ferme opposition au projet du Pristina de former une « armée du Kosovo », y voyant une « initiative très dangereuse qui menace la stabilité de la région entière ».  Il a en outre dénoncé les tentatives de Pristina de devenir membre à part entière de certaines organisations internationales.  Ces tentatives sapent le droit international, a-t-il affirmé, avant de remercier les États qui n’ont pas reconnu l’indépendance de la province du Kosovo pour leur respect scrupuleux de la Charte des Nations Unies et de la résolution 1244 (1999) et d’inviter les États qui l’ont fait à reconsidérer leur décision.  Enfin, M. Dačić a exhorté les membres du Conseil à appuyer pleinement la MINUK, affirmant que sa présence demeure cruciale pour assurer la stabilité, et à préserver ses capacités. 

Mme VLORA ÇITAKU, du Kosovo, a rappelé que, le 17 février prochain, le Kosovo célébrera les 10 ans de son indépendance et s’est interrogée sur les réalisations de son pays en tant que jeune démocratie.  Rappelant que l’indépendance du Kosovo avait été reconnue « par la majorité écrasante des nations libres du monde » et que le pays était désormais membre de « dizaines d’organisations internationales et organisations régionales », elle a remercié les Nations Unies pour leur soutien, en rendant hommage en particulier à Sergio de Mello, qui fut en 1999 le premier Représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo, chargé de mettre en place l’administration intérimaire des Nations Unies.

Ces 10 années, a poursuivi Mme Çitaku, ont enseigné au Kosovo qu’un État ne consistait pas seulement à mettre en place un gouvernement et des institutions.  Elle a notamment rendu hommage à l’indépendance de la presse kosovare, qui « selon des organisations internationales est la plus libre de toute la région », et à la société civile « vibrante ».  Si nos institutions ont leurs défauts, il est indubitable que la société kosovare a mûri, a poursuivi Mme Çitaku, qui a pris en exemple l’absence de réaction ethnique haineuse après l’assassinat, le 16 janvier dernier, du dirigeant de la communauté serbe Oliver Ivanović.  Si ce dernier était une figure controversée, nous n’aurons de cesse que ses assassins soient jugés, a ajouté Mme Çitaku. 

Mme Çitaku a ensuite abordé la question des Chambres spécialisées du Kosovo.  Elle a mis en avant la coopération « exemplaire » du Kosovo avec les tribunaux internationaux et locaux chargés de juger des crimes de guerre.  « Jamais un seul Kosovar mis en examen pour des crimes de guerre n’a tenté d’échapper à la justice », a-t-elle affirmé, opposant cet état de fait avec la situation dans les autres États issus de l’ex-Yougoslavie.  En fait, il y a eu davantage de Kosovars jugés et condamnés pour des crimes de guerre au Kosovo que de Serbes, a-t-elle ajouté, estimant qu’il y avait là « un problème important ».  Aucun tribunal ne pourra réécrire l’Histoire ou imposer artificiellement une forme de parité morale, a encore ajouté Mme Çitaku, pour qui « l’oppresseur et l’opprimé sont clairement définis dans notre tragique histoire récente ».  Enfin, le peuple kosovar veut la justice, pour toutes les victimes, a affirmé Mme Çitaku, qui a rappelé que 80 parlementaires avaient voté en faveur de la création des Chambres spécialisées.  « Quarante-trois signatures pour obtenir un débat sur ce tribunal ne peuvent pas défaire cela et ne le déferont pas », a-t-elle affirmé, en référence aux signataires d’une pétition visant à obtenir un débat en faveur d’une loi qui supprimerait les Chambres spécialisées.

Mme Çitaku a reconnu que le Kosovo n’était « pas un paradis » et qu’il devait faire face à de nombreux défis, citant notamment la qualité de l’éducation.  Mais, « pour chaque insuffisance institutionnelle, il existe une success story, un citoyen modèle qui défie les difficultés et repousse les limites », a-t-elle affirmé, citant ensuite plusieurs exemples de femmes kosovares ayant, à force de persévérance, réussi, qui à retrouver son logement après 18 ans, qui à faire obtenir une rente pour les femmes victimes de violences sexuelles durant la guerre de 1999, qui à mettre en place des plateformes numériques pour accroître la redevabilité du Gouvernement, qui, enfin, à remporter une médaille d’or en judo aux Jeux olympiques de Rio. 

Faisant référence à la stratégie pour les Balkans occidentaux adoptée hier par l’Union européenne, Mme Çitaku a estimé que, si le langage utilisé pour le Kosovo avait pu être « plus précis et plus concret », il n’existerait aucun doute sur la voie à suivre.  Le statu quo actuel et le gel du conflit avec la Serbie ne sont pas la normalisation, a-t-elle affirmé, et cette dernière ne pourra être obtenue que par la voie d’un accord juridiquement contraignant entre le Kosovo et la Serbie, qui devra le reconnaître. 

Et plus vite la Serbie reconnaîtra le Kosovo, meilleur sera l’avenir de la région entière, a encore affirmé Mme Çitaku, avant de répéter que c’est à Bruxelles que doit se tenir le dialogue entre les deux pays.  « Les Nations Unies n’ont aucun rôle dans ce processus, la MINUK n’est pas une opération de maintien de la paix, ni une mission administrative.  Les Nations Unies peuvent choisir de maintenir au Kosovo une mission coûteuse, mais nous pensons que l’argent des contribuables pourrait être mieux utilisé », a-t-elle lancé, avant de conclure en répétant que l’indépendance du Kosovo était irréversible et confirmée par la Cour internationale de Justice, et qu’il appartient aux Kosovars de créer un Kosovo plus prospère pour les générations futures. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a condamné l’assassinat d’Oliver Ivanović, un acte qu’il a qualifié de « barbare ».  Il a salué le rôle des femmes dans la consolidation de la paix et de la stabilité aux niveaux régional et municipal.  Le représentant s’est en outre félicité du rôle joué par la MINUK au cours de la période à l’examen, en particulier pour disséminer les mesures de confiance parmi les parties prenantes, lesquelles doivent, selon lui, continuer de s’engager dans le dialogue.

Mme ANNE GUEGUEN (France) a indiqué que la France se tenait avec constance aux côtés du Kosovo dans l’affirmation de ce dernier sur la scène internationale.  Le Kosovo est une success story du maintien de la paix, a-t-elle ajouté.  Soulignant l’importance de la promotion de l’état de droit au Kosovo, elle a ensuite condamné l’assassinat d’Oliver Ivanović.  Elle s’est dite en outre préoccupée par la tentative de remise en cause des Chambres spécialisées à Pristina, estimant que ces projets devaient être abrogés. 

La représentante a ensuite invité le Conseil à mettre l’accent sur le recentrage de la MINUK.  Pour la France, l’avenir du Kosovo se joue dans le dialogue entre Pristina et Belgrade sous l’égide de l’Union européenne et les relations doivent être normalisées.  Chaque partie doit faire sa part et éviter toute provocation, a-t-elle ajoutée.  Enfin, Mme Gueguen a déclaré que les pays des Balkans occidentaux avaient vocation à rejoindre l’Union européenne à l’horizon 2025. 

M. MA ZHAOXU (Chine) s’est déclaré favorable à un dialogue accru entre Pristina et Belgrade.  La tolérance, la réconciliation, la coexistence pacifique servent les intérêts de tous, a ajouté le représentant, qui a souhaité que les dirigeants serbes et kosovars les placent au-dessus de toute considération.  La Chine exprime en outre son soutien à la MINUK pour le rôle qu’elle joue sur le terrain pour promouvoir la sécurité, la stabilité et le respect des droits de l’homme au Kosovo et dans la région, en coopération avec les deux capitales.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a réaffirmé son soutien pour un règlement pacifique des questions en suspens entre Pristina et Belgrade.  La tenue pacifique des élections au Kosovo est un signe encourageant, a-t-il estimé.  Il s’est dit néanmoins inquiet de l’état de la sécurité dans le nord du Kosovo, avant de souhaiter que les auteurs du meurtre d’Oliver Ivanović soient traduits en justice.  Le délégué a déploré les retards dans la mise en place de l’association ou communauté des municipalités à majorité serbe.  Il a exhorté les parties à s’abstenir de tout acte susceptible de nourrir les tensions.  Enfin, M. Alemu a demandé la pleine mise en œuvre des accords négociés sous l’égide de l’Union européenne et encouragé les parties à montrer leur attachement au dialogue. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a condamné l’assassinat du dirigeant de l’Initiative citoyenne Serbie, Démocratie et Justice, Oliver Ivanović, et a demandé à ce que toute la lumière soit faite sur cet incident, se félicitant à cet égard des assurances données aujourd’hui par Mme Çitaku.  Le représentant a ensuite encouragé Pristina et Belgrade à privilégier le dialogue et la réconciliation pour résoudre leurs différends.  Plaidant pour le respect de la diversité ethnique et pour la participation égale de toutes les communautés, le représentant a exhorté les autorités à ne ménager aucun effort pour résoudre la question des personnes déplacées.  M. Ndong Mba a par ailleurs exprimé des préoccupations quant aux violences survenues dans plusieurs régions du Kosovo au cours de la période à l’examen, avant de souhaiter que le dialogue entre Pristina et Belgrade reprenne très vite, compte tenu de l’importance de la coopération régionale et des relations de bon voisinage.

Pour Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), il est temps de mener un examen stratégique de la MINUK afin d’évaluer l’ampleur de la présence internationale au Kosovo.  La représentante a dénoncé la tentative d’abroger la loi sur les Chambres spécialisées et jugé rassurantes les récentes déclarations faites par M. Hashim Thaçi à ce sujet.  Elle a en outre souligné l’importance cruciale de la lutte contre la corruption.  Mme Wronecka a ensuite condamné l’assassinat d’Oliver Ivanović et demandé que les responsables soient traduits en justice.  En conclusion, elle a estimé que le Kosovo était « tout à fait capable de prendre son avenir en mains ». 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit partager les préoccupations du Ministre serbe des affaires étrangères et a estimé que la situation au Kosovo était grave.  Il y a 10 ans, a-t-il rappelé, nous avions prévenu des dangers que poserait la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.  Les « architectes de ce projet douteux » doivent se rendre à l’évidence de son échec, a tranché le représentant, qui a décrit le Kosovo comme un territoire infesté de terroristes, y compris ceux qui sont de retour de théâtres de conflits.  Invoquant des réformes, le Kosovo dissimule des « intérêts claniques » derrière une façade démocratique et fait la part belle à la criminalité organisée et à des « rêves de Grande Albanie », a affirmé M. Nebenzia, ajoutant que le Kosovo était accablé par la pauvreté. 

En outre, cela fait deux ans que le dialogue stagne, principalement parce que le Kosovo refuse d’honorer son engagement de créer une association ou communauté des municipalités à majorité serbe du Kosovo, ce dont ses partenaires européens semblent s’accommoder, a poursuivi le représentant de la Fédération de Russie.  M. Nebenzia a dit recevoir des signaux de plus en plus nombreux selon lesquels une préparation accrue est en cours pour hâter l’entrée du Kosovo dans l’Union européenne.  Pour la Fédération de Russie cependant, cette admission remet en cause la neutralité de l’Union européenne en tant que facilitatrice du dialogue entre Pristina et Belgrade. 

Préoccupé par l’assassinat d’Oliver Ivanović, le représentant a observé que c’est le déplacement pourtant « risqué » du Président serbe au Kosovo qui a permis d’y rétablir le calme.  La mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX) a un rôle essentiel à jouer à cet égard, a ajouté M. Nebenzia, qui a toutefois demandé qui d’autre qu’elle avait envisagé de transférer à la police du Kosovo les fonctions qu’elle assume maintenant.  Il a appelé à une enquête objective, assurant qu’il fallait traduire en justice les auteurs de ce crime, avant de s’élever contre les actes de vandalisme commis au Kosovo, y compris contre des églises orthodoxes serbes.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) s’est dit préoccupé par les tentatives de saper le travail des Chambres spécialisées et du Bureau du Procureur spécialisé.  Il a souhaité que la direction politique du Kosovo respecte l’engagement pris en faveur de l’état de droit.  Le représentant a condamné le meurtre d’Oliver Ivanović et a prévenu qu’il était de la plus haute importance que l’enquête en cours aboutisse.  La perspective européenne du Kosovo est claire mais il faut que des étapes irréversibles soient accomplies pour aller de l’avant, a prévenu M. Orrenius Skau, en jugeant essentiel que le Gouvernement reprenne les réformes et, pour ce faire, engage tout le spectre politique. 

L’avenir du Kosovo dépend d’un leadership courageux et engagé à Pristina et à Belgrade, avec le plein appui de l’Union européenne, a poursuivi le représentant, qui s’est félicité des mesures prises pour la phase 2 du dialogue et a encouragé les deux parties à mettre en pratique tous les accords signés.  Il est essentiel, a-t-il estimé, que la question du statut n’assombrisse pas la perspective européenne du Kosovo et son entrée dans les organisations internationales. 

Le représentant a rappelé qu’hier, la Commission européenne avait adopté sa stratégie sur les Balkans occidentaux, laquelle réaffirme la place du Kosovo en Europe et sa perspective européenne.  La stratégie reconnaît les défis auxquels fait face le Kosovo s’agissant de l’état de droit, des relations avec ses voisins et des réformes, des défis qui doivent et peuvent être relevés dans le cadre du processus d’intégration à l’Union européenne, a fait observer M. Orrenius Skau.  En conclusion, le représentant a souhaité que le Conseil s’entende sur une possible réduction de la structure, de la taille et des tâches de la Mission de l’ONU et sur une périodicité de six mois pour ses rapports et les réunions d’information du Conseil, au lieu des trois mois actuels. 

M. STEPHEN BENEDICT HICKEY (Royaume-Uni) a rappelé que le peuple kosovar avait participé à trois élections depuis la déclaration d’indépendance du Kosovo il y a 10 ans.  Le taux de croissance affiché par l’économie kosovare est satisfaisant, a-t-il ajouté, en saluant ces progrès encourageants accomplis par le Kosovo.  Il a en revanche mis en garde contre le projet visant à abroger la loi sur les Chambres spécialisées, avant d’appeler à traduire en justice les responsables de l’assassinat d’Oliver Ivanović. 

Le moment est venu de mettre en œuvre une mission plus efficace et plus réduite que la MINUK, a estimé M. Hickey.  Pour le Royaume-Uni, il n’est pas nécessaire d’avoir une mission de cette taille au regard des défis à relever au Kosovo.  Le Conseil devrait en outre se réunir moins fréquemment sur le Kosovo, a conclu le représentant.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a estimé que le moment était venu pour une paix véritable au Kosovo.  L’année dernière, un nouveau gouvernement a été formé à l’issue d’élections démocratiques, justes et transparentes, facilitées par la MINUK, a ajouté Mme Haley, pour qui « il est temps pour le Kosovo d’aller de l’avant ».  La normalisation est une proposition qui profitera aux deux pays, a-t-elle poursuivi, en apportant le soutien de Washington au dialogue mené sous l’égide de l’Union européenne.  « Dans les termes les plus vigoureux, nous exhortons Pristina et Belgrade à faire montre de volonté politique », a insisté la représentante.  Par ailleurs, Mme Haley a rappelé que les États-Unis avaient fermement condamné l’assassinat d’Oliver Ivanović, avant de préciser: « Nous avons offert notre assistance, mais sommes persuadés que le Kosovo saura faire la lumière sur cet assassinat. »  En conclusion, la représentante a estimé que le moment était venu de « réduire » la taille de la MINUK pour économiser de précieuses ressources qui sont davantage nécessaires ailleurs. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a estimé que la situation au Kosovo devrait permettre de réduire la fréquence des réunions que le Conseil de sécurité lui consacre, que ces dernières devraient se tenir sous forme de consultations et que la MINUK devrait se concentrer sur ses tâches essentielles.  Il a ensuite condamné l’assassinat du dirigeant serbe Oliver Ivanović et a jugé essentiel que ses auteurs soient trouvés et jugés.  Enfin, le représentant a mis l’accent sur la redevabilité comme élément de la réconciliation au Kosovo, ajoutant que les capacités judiciaires du Kosovo devaient pouvoir s’appuyer sur une volonté politique sincère de promouvoir et protéger l’état de droit.  C’est pourquoi il s’est dit préoccupé des mesures prises récemment pour saper la base juridique des Chambres spécialisées et du Bureau du Procureur spécialisé.  Il a encouragé les dirigeants du Kosovo à agir « en plein accord avec les obligations qu’ils ont contractées », tout en estimant que le Kosovo était sur la bonne voie.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUE (Côte d’Ivoire) a noté la bonne organisation des élections municipales d’octobre et de novembre 2017 au Kosovo, qui a démontré l’ancrage démocratique du pays ainsi que la maturité des institutions.  Il a souhaité que l’Assemblée du Kosovo adopte définitivement le projet de loi relatif à la liberté de religion, afin de garantir la liberté de religion de la communauté serbe du Kosovo.  Le représentant s’est par ailleurs dit préoccupé par l’assassinat d’Olivier Ivanović et a invité le Conseil à prendre les « mesures idoines » pour que les auteurs de ce crime soient appréhendés et jugés.  Il a appelé à l’opérationnalisation rapide de l’association ou communauté des municipalités à majorité serbe, qui sera « une source majeure d’apaisement et de décrispation du climat sociopolitique ».  Enfin, M. Tanoh-Boutchoue a exhorté le Gouvernement et l’Assemblée du Kosovo à respecter leurs engagements envers les Chambres spécialisées du Kosovo et le Bureau du Procureur spécialisé. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a considéré que la « supervision » de la communauté internationale, telle que l’a envisagée la résolution 1244 (1999), restait nécessaire au Kosovo et a encouragé la MINUK à continuer de jouer pleinement son rôle pour promouvoir la sécurité, la stabilité et le respect des droits de l’homme au Kosovo et dans la région.  Par conséquent, il a considéré que toute tentative de transformer les forces de police du Kosovo était contraire aux dispositions de cette résolution et que tout transfert de responsabilité devrait être autorisé par une décision du Conseil de sécurité.  La Bolivie a également condamné le meurtre d’Oliver Ivanović avant de se féliciter de la médiation de la Haute Représentante de l’Union européenne, avant de souhaiter la reprise du dialogue.  Le représentant a pris note des efforts déployés par les parties pour ce qui est de la conclusion des accords judiciaires dans le nord du pays. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a reconnu les progrès enregistrés dans l’édification d’une paix durable au Kosovo, exprimant son soutien à la reprise des discussions en vue de la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo, facilité par l’Union européenne, ainsi que la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles.  Il a plaidé en faveur d’une plus grande participation des femmes et des jeunes dans ces processus, y compris pour les prochaines élections municipales.  Le représentant a souligné les progrès à faire pour atteindre l’objectif de sécurité, condamnant le récent assassinat d’Olivier Ivanović et appelant à poursuivre en justice les responsables.  Il s’est également dit préoccupé des cas d’abus et de détentions arbitraires qui ont été signalés et dont la police kosovare serait responsable.  En outre, a-t-il ajouté, il faut continuer de mettre en application les mesures visant à faire respecter les droits des minorités et des personnes déplacées.

Sur la question des droits de l’homme, M. Meza-Cuadra a jugé cruciale la pleine coopération des autorités kosovares avec les Chambres spécialisées de La Haye pour ne pas laisser impunis les crimes commis par les ex-combattants de l’Armée de libération du Kosovo (ALK), de même que la création de la Commission vérité et réconciliation.  Il s’est par ailleurs félicité des initiatives d’ONU-Femmes, qui ont permis de prendre en compte les perspectives des femmes dans différents domaines du processus kosovar.  En ce qui concerne la MINUK, le représentant a souhaité qu’elle poursuive ses efforts pour continuer de faire face aux défis qui perdurent dans la mise en œuvre de l’Accord de Bruxelles, mais en prévoyant à terme une transition vers d’autres entités du système des Nations Unies présentes dans le pays. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a apporté son soutien au Représentant spécial et souligné le travail précieux accompli par la MINUK.  Il s’est félicité de la bonne tenue des dernières élections municipales au Kosovo et a dit son appréciation des positions mesurées prises par les responsables politiques après l’assassinat d’Oliver Ivanović.  Enfin, il a souhaité la préservation des Chambres spécialisées du Kosovo, avant d’appeler à la poursuite du dialogue entre Pristina et Belgrade sous l’égide de l’Union européenne. 

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