8154e séance – matin
CS/13158

Colombie: inquiétudes face aux progrès du processus de paix fragilisés par le regain des violences et à l’expiration du cessez-le-feu provisoire avec l’ELN

Il reste encore beaucoup à faire pour maintenir le processus de paix en Colombie « sur la bonne voie », a prévenu, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie, M. Jean Arnault, qui s’est déclaré convaincu qu’une volonté politique est nécessaire à cette fin.

C’est l’un des messages que le haut fonctionnaire a adressés au Conseil de sécurité, auquel il était venu présenter le dernier rapport* en date du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, qu’il dirige.  Celle-ci a débuté ses opérations le 26 septembre dernier, après la mise en œuvre de « l’Accord portant cessez-le-feu et cessation des hostilités bilatéraux et définitifs et dépôt des armes », salué aujourd’hui comme un « pacte efficace » par le Vice-Président de la Colombie, M. Óscar Adolfo Naranjo Trujillo, et une « réalisation extraordinaire » par le représentant de la Bolivie.

Toutefois, un regain de violences a été observé au cours des derniers mois « dans d’anciennes zones de conflit particulièrement touchées par l’économie illicite », après une année 2017 marquée par plusieurs succès, comme le recense le rapport: le processus complexe de cessez-le-feu et de séparation des forces; le dépôt des armes par les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP), assorti de la destruction de centaines de caches d’armes; la reconversion à la vie civile de milliers de membres des FARC-EP; et la transformation de l’organisation armée en parti politique.

Devant la hausse du nombre d’homicides dans ces secteurs, le Ministre colombien de l’intérieur a convoqué, dès le 8 janvier, la toute première réunion de l’organe interagences chargé de veiller à l’opérationnalisation du « système d’alerte rapide du Bureau du Défenseur du peuple » pour protéger les individus ou les communautés des violences imminentes, conformément à un « décret important » publié le 18 décembre, a précisé M. Arnault.

Avant cela, le 5 janvier, l’Unité nationale de protection a décidé de déployer des équipes supplémentaires dans les « secteurs territoriaux de formation et de réintégration », soit près de 600 districts ruraux vulnérables, de manière à ce que les ex-combattants puissent circuler en toute sécurité en dehors de ces zones, a relevé le haut fonctionnaire.

« Il est difficile de surestimer l’importance de cette décision à nos yeux.  Le contrôle du territoire par l’État est inséparable de la présence physique permanente de ses institutions dans ces zones », a-t-il expliqué.

Si la Colombie a connu en 2017 son niveau de violence « le plus bas depuis 42 ans », ce dont s’est enorgueilli le Vice-Président Naranjo Trujillo, celui-ci a cependant relayé auprès du Conseil de sécurité la préoccupation de son gouvernement face aux assassinats, dénoncés par le Représentant spécial, « de leaders communautaires, de militants des droits de l’homme, de promoteurs d’alternatives à la culture de la coca et de défenseurs de la restitution des terres ».

Pour M. Naranjo Trujillo, l’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord de paix, un an après sa signature, permet d’affirmer « sans hésitation » que l’édification de la paix en Colombie avance en termes structurels, comme en témoigne l’efficacité du processus de dépôt des armes, par lequel les FARC ont cessé d’exister en tant qu’organisation armée et se sont transformées en parti politique, une « mutation essentielle » à ses yeux.

À la suite du Représentant spécial, plusieurs membres du Conseil -les Pays-Bas, la France, la Côte d’Ivoire, ou encore le Koweït– se sont dits préoccupés quant au fait que le « cessez-le-feu national, bilatéral et temporaire » conclu le 4 septembre dernier entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN), cessez-le-feu que la Mission de vérification est chargée de surveiller, a expiré hier, le 9 janvier, sans être renouvelé pour l’heure. 

La Fédération de Russie a considéré comme prématuré et « dangereux » de conclure au succès du désarmement en Colombie, alors que les attaques de l’ELN contre les oléoducs viennent d’y reprendre, selon les informations rapportées par le Représentant spécial.  Aussi M. Arnault a-t-il souhaité que les pourparlers entamés hier à Quito entre les deux parties aboutissent à un résultat « conforme aux aspirations unanimes de la société colombienne » pour que les violences prennent fin. 

Le Vice-Président colombien a affirmé la disponibilité totale du Gouvernement pour un processus de négociation avec l’ELN visant à un accord de paix, demandant à cette « rébellion » de mettre fin aux violences.  De son côté le Secrétaire général devrait, a suggéré le Représentant spécial, attendre le résultat des discussions qui viennent de s’ouvrir à Quito pour faire ses recommandations au Conseil de sécurité. 

* S/2017/1117

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53)

Lettre datée du 8 décembre 2017, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2017/1037)

Rapport du Secrétaire général sur la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie (S/2017/1117)

Déclarations

M. JEAN ARNAULT, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie, a présenté les activités du tout premier trimestre d’existence de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, qui a débuté ses opérations le 26 septembre dernier, après la mise en œuvre de « l’Accord portant cessez-le-feu et cessation des hostilités bilatéraux et définitifs et dépôt des armes ».  Il a saisi cette occasion pour aborder les développements survenus depuis le 26 décembre dernier. 

Pas plus tard que le 8 janvier, a-t-il dit, le Ministre colombien de l’intérieur a convoqué la première réunion de l’organe interagences chargé de veiller à l’opérationnalisation du système d’alerte rapide du Bureau du Défenseur du peuple pour protéger les individus ou les communautés des violences imminentes, conformément à un décret important publié le 18 décembre 2016.  En outre, le 5 janvier, l’Unité nationale de protection a décidé d’établir des équipes supplémentaires dans les « secteurs territoriaux de formation et de réintégration » de manière à ce que les ex-combattants puissent circuler en toute sécurité en dehors de ces zones, a relevé le haut fonctionnaire.  Par ailleurs, l’armée colombienne a repris la supervision de la destruction des caches d’armes, avec la coopération des ex-combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP).  « Le résultat est encore modeste –environ une soixantaine– mais il est important que ce processus se poursuive en vue de garder ces armes hors de portée des groupes illégaux », a prévenu M. Arnault.

« Si je souligne les récents développements relatifs à la sécurité dans les zones de conflit, c’est parce que, comme vous le savez, un regain de violences ayant fait l’objet d’une condamnation unanime y a été observé au cours des derniers mois », a déclaré le Représentant spécial.  Il a pris note de la décision de la Colombie d’aller de l’avant avec le déploiement de longue durée de forces de sécurité dans près de 600 districts ruraux vulnérables situés dans les zones les plus touchées par le conflit, dont ceux où ont été assassinés des leaders communautaires, des militants des droits de l’homme, des promoteurs d’alternatives à la culture de la coca et des défenseurs de la restitution des terres.  « Il est difficile de surestimer l’importance de cette décision à nos yeux.  Le contrôle du territoire par l’État est inséparable de la présence physique permanente de ses institutions dans ces zones », a-t-il déclaré, en affirmant qu’il est probable qu’une présence occasionnelle préservera l’intégrité des « anciennes ou des nouvelles structures de pouvoir ». 

Bien entendu, a poursuivi M. Arnault, le déploiement de forces de sécurité « n’est pas la panacée ».  L’un des objectifs spécifiques de ce déploiement est précisément d’ouvrir la voie à un soutien social et économique renforcé aux institutions civiles de l’État colombien, a-t-il expliqué.  Les demandes des communautés qui portent le fardeau du conflit sont simples: des routes supplémentaires pour briser l’isolement, des services de santé et un accès à l’éducation, et la reconnaissance officielle de leurs titres de propriété, « sans laquelle la réinsertion dans l’économie formelle serait gravement compromise ».  Nous sommes convaincus, a ajouté le haut fonctionnaire, que le relèvement des zones de conflit, la réduction des violences et le succès durable de la lutte contre les stupéfiants commencent avec le programme de stabilisation entamé le mois dernier.

La réintégration des ex-dirigeants de la guérilla se poursuivra cette année dans le contexte des élections parlementaires et présidentielle, a constaté le Représentant spécial, qui a noté que les élections locales et départementales prévues dans deux ans fourniraient aussi l’opportunité de consolider encore davantage la réintégration du nouveau parti politique issu des FARC.  « Mais nous continuons d’être préoccupés par la réintégration socioéconomique de 14 000 anciens combattants.  N’oublions pas que nous sommes face à un large groupe dont le niveau de frustration accumulée –illustré par le nombre de ses membres qui sont toujours en prison– n’est pas évident à surmonter », s’est alarmé M. Arnault.  Le Président colombien, s’est-il félicité, a pris la décision importante de reconnaître l’accès à la propriété foncière comme une motivation de premier plan pour se réintégrer.  De nombreux membres des FARC ont d’ailleurs démontré qu’ils sont disposés à se lancer dans l’agriculture, y compris de substitution, et dans la protection de l’environnement, s’est réjoui le haut fonctionnaire.  Mais ce sont là des développements prometteurs, « rien de plus », a-t-il estimé, en affirmant que ce processus toujours fragile devra être consolidé dans les mois à venir.

Le Représentant spécial a ensuite regretté que l’Armée de libération nationale (ELN) ait exprimé des réserves très fermes quant à la mise en œuvre du cessez-le-feu provisoire et des engagements humanitaires qui en sont le corollaire.  Et si ce groupe a proposé de négocier un cessez-le-feu plus vigoureux, son leadership est resté en revanche silencieux après l’expiration du cessez-le feu provisoire hier, a constaté M. Arnault.  Aussi a-t-il souhaité que les pourparlers entamés le 9 janvier, à Quito, entre le Gouvernement colombien et l’ELN débouchent sur une issue en phase avec les aspirations unanimes de la société colombienne pour que les violences prennent fin.  Il a donc recommandé que le Secrétaire général attende le résultat de ces discussions pour faire ses recommandations au Conseil de sécurité.  Il s’est toutefois désolé d’annoncer avoir été informé « à l’instant » que les attaques de l’ELN contre les oléoducs avaient repris.

En conclusion, le Représentant spécial s’est déclaré convaincu qu’il reste encore beaucoup à faire pour garder le processus de paix en Colombie sur la bonne voie et qu’une volonté politique de la part de toutes les parties serait nécessaire à cette fin.  Ce succès dépendra aussi de l’ancrage de ce processus au niveau local, à l’université, dans le secteur privé et la société civile, qui sont tous désireux de tirer parti des opportunités offertes par la paix.

M. MATTHEW JOHN RYCROFT (Royaume-Uni) a souligné le courage et la diligence des deux parties qui ont permis de nombreux résultats positifs depuis la signature de l’Accord de paix entre le Gouvernement colombien et les FARC.  Il a rappelé notamment qu’un nouveau parti politique issu de ce processus pourra participer cette année aux élections en Colombie et que les FARC ont rendu leurs armes.  Sa délégation encourage les parties à travailler côte à côte pour surmonter les obstacles, y compris la recrudescence des violences et les meurtres de défenseurs des droits de l’homme et d’anciens membres des FARC.  Le Royaume-Uni salue les mesures annoncées par le Gouvernement de la Colombie pour faire face à ces problèmes.  De plus, il salue la volonté du Gouvernement colombien de faciliter l’accès à la terre et aux revenus pour les anciens combattants.

Le représentant britannique a également encouragé le Gouvernement colombien à rester focalisé sur l’adoption de textes de loi par le Parlement, notamment en ce qui concerne la juridiction spéciale.  Il a indiqué qu’il avait l’espoir de se pencher aujourd’hui sur un renouvellement du cessez-le-feu temporaire entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN), regrettant à cet égard les derniers développements.  Le Royaume-Uni réitère son appui au processus de paix en Colombie, a dit en conclusion le représentant.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué l’exemple que le processus de paix colombien représente pour la communauté internationale, avant de rappeler qu’il s’agit d’un processus complexe dont la mise en œuvre se heurtera à de nombreux défis, plus que par le passé.  Il a ajouté qu’il fallait regarder vers l’avenir avec espoir et avec la conviction que le développement durable est indissociable de la paix. 

Le Pérou soutient la politique consistant à s’attaquer au crime organisé dans les zones rurales autrefois contrôlées par les FARC et à respecter pleinement l’état de droit et les droits de l’homme.  Il considère que le dépôt des armes a représenté un jalon dans le processus de paix et salue les efforts des autorités nationales pour mettre en œuvre pleinement les accords de paix et réduire au minimum les cas de dissidence parmi les FARC.  M. Meza-Cuadra s’est ainsi félicité de la volonté des autorités de protéger l’ensemble des citoyens colombiens, notamment dans la cadre de l’Unité nationale de protection et du nouveau plan Horus.  Il est particulièrement important d’éviter de nouveaux assassinats de dirigeants communautaires ou sociaux ainsi que de défenseurs des droits de l’homme ou d’anciens membres des FARC, a-t-il ajouté. 

Enfin, le représentant a rappelé que la réintégration constitue une garantie de non-reprise du conflit.  De ce fait, la reconversion des FARC dans la vie politique ou encore la fourniture de services sociaux de base représentent des aspects essentiels du processus de paix, qui exigent aussi de la tolérance et de la souplesse de la part de la société colombienne, ainsi que l’appui de tous les États, et en particulier du Conseil de sécurité.  M. Meza-Cuadra a conclu en rappelant la forme transparente et inclusive du processus de paix colombien.  Il a aussi salué l’unité dont a fait preuve le Conseil dans son accompagnement, avant de rendre hommage au travail effectué en ce sens par le représentant de l’Uruguay, dont le pays a été membre du Conseil en 2016-2017, et de rappeler le plein soutien du Pérou au processus de paix.

Pour M. OLOF SKOOG (Suède), la sécurité et la réintégration des anciens combattants doivent être la prochaine étape de la consolidation de la paix durable en Colombie.  Il a exprimé sa préoccupation face à l’augmentation du nombre des intimidations, des représailles et des meurtres de défenseurs des droits de l’homme, de dirigeants communautaires, de membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et de leurs familles.  La délégation suédoise a ainsi souligné la nécessité pour l’État colombien de remplir l’absence d’autorité et de garantir l’état de droit.  Des efforts redoublés et durables sont nécessaires de la part de toutes les parties pour soutenir l’Accord de paix, y compris pour mener une réforme rurale complète, afin que l’Accord donne rapidement des fruits tangibles pour tous les Colombiens. 

Le développement du plan national de réintégration serait la clef à cet égard, a estimé la délégation suédoise, expliquant que cela donnerait un élan renouvelé et assurerait la cohérence entre tous les acteurs et toutes les initiatives.  En ce moment crucial de la mise en œuvre de l’Accord de paix, les Nations Unies et les partenaires internationaux de la Colombie doivent apporter un soutien total aux parties, et les aider à atteindre leurs objectifs, a plaidé la délégation avant d’exhorter aussi le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN) à renouveler le cessez-le-feu le plus tôt possible.  Elle a aussi réitéré que le Conseil de sécurité devait être prêt à aider les parties dans le suivi d’un nouvel accord.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a axé son intervention sur trois sujets: l’Accord de paix, les défis actuels et le cessez-le-feu avec l’Armée de libération nationale (ELN).  Concernant l’Accord de paix, le soutien des Pays-Bas à sa mise en œuvre se traduit par l’appui aux droits de l’homme, à la justice transitionnelle, à la démocratisation et aux droits fonciers.  S’agissant des défis, le délégué a indiqué qu’il fallait un plan national de réintégration « solide » pour une véritable réintégration politique, économique et sociale des anciens combattants dans la société.  Il a également souligné l’importance de l’aspect « genre » et souhaité que les femmes soient autorisées à participer pleinement à l’élaboration et à la mise en œuvre du plan de réintégration. 

Il a exprimé l’inquiétude des Pays-Bas à cause de la situation sécuritaire dans certaines régions et de l’augmentation de la violence contre des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants communautaires et d’anciens combattants.  À ce propos, le représentant a salué la révision du plan Victoria, qui devient le plan Horus et inclut désormais la police nationale en se concentrant plus fortement sur les régions où la situation sécuritaire est la plus critique.  Il a souhaité que l’impunité cesse, afin de parvenir à une paix pérenne et durable, et que les réparations dues aux huit millions de victimes leur soient versées ainsi que les garanties de non-répétition.  Pour ce qui est du cessez-le-feu avec l’Armée de libération nationale, M. van Oosterom a appelé les deux parties à le renouveler, dans l’intérêt du peuple colombien.  C’est aussi à son avis une condition préalable à la pleine participation de la société civile aux négociations de paix. 

Mme ANNE GUEGUEN (France) a noté que malgré de nombreux obstacles, le Gouvernement colombien était parvenu en quelques années à lancer un processus de paix historique avec les FARC auquel les Nations Unies en général, et le Conseil de sécurité en particulier, ont apporté leur soutien.  Après le désarmement et la transition politique, « nous sommes désormais entrés dans une phase cruciale, celle de la réincorporation des anciens combattants », a-t-elle poursuivi.  Au vu du mandat de la seconde mission des Nations Unies en Colombie, la France souhaite insister sur trois points dont le premier est la législation nécessaire à la mise en œuvre de l’Accord de paix, notamment en ce qui concerne la juridiction spéciale pour la paix.  Elle espère que cette juridiction disposera des moyens, des garanties et de l’autorité indispensables pour rendre une justice équitable et indépendante, conforme aux engagements pris sous l’Accord de paix. 

Le deuxième point porte sur les garanties de sécurité.  Bien que les anciens combattants des FARC soient relativement protégés au sein des zones de formation et de réintégration, Mme Gueguen a déploré une hausse de la violence dans les territoires auparavant contrôlés par cette guérilla, notamment contre les défenseurs des droits de l’homme et des représentants de la société civile.  Elle a salué les mesures annoncées par les autorités colombiennes pour lutter contre cette tendance. 

Enfin, la France souhaite attirer l’attention sur un point central pour la réintégration et l’avenir du processus de paix: l’accès à la terre et à des sources de revenus.  C’est en effet la clef d’une réincorporation réussie des anciens combattants et d’une pacification des territoires auparavant meurtris par un demi-siècle de conflit.  Avant de conclure, Mme Gueguen a espéré que le cessez-le-feu temporaire entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale (ELN) sera reconduit et que les négociations pourront mener à une paix historique en Colombie.

Évoquant une success story, Mme AMY NOEL TACHCO (États-Unis) a considéré que la Colombie s’était relevée du conflit qui l’avait accablée pendant des années.  Selon les États-Unis, l’heure est venue de consolider les progrès accomplis, notamment le déclin significatif du taux d’homicide national.  Si la mise en œuvre de l’Accord de paix a favorisé la réconciliation nationale, il est cependant nécessaire, selon la délégation, de trouver un équilibre entre justice et réconciliation, en ouvrant des poursuites judiciaires contre les auteurs de violations graves.  La représentante s’est ensuite dite préoccupée par les violences récentes commises par certains groupes armés dans les zones où règnerait un « vide sécuritaire », en citant les attaques présumées de l’Armée de libération nationale.  Aussi s’est-elle félicitée du déploiement de forces de sécurité dans les zones reculées du pays. 

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUE (Côte d’Ivoire) s’est dit préoccupé du retard pris dans la mise en œuvre de certaines dispositions de l’Accord de paix, notamment en ce qui concerne la réintégration politique, économique et sociale des anciens membres des FARC et la mise en œuvre des réformes nécessaires pour garantir de meilleures conditions de vie aux populations des régions colombiennes impactées par la guerre.  Le représentant a déploré la recrudescence de l’insécurité, de la violence et des trafics en tout genre, dans les zones anciennement occupées par les FARC-EP, « que se disputent aujourd’hui des bandes criminelles et les milices ».

Il a aussi noté que les nombreux assassinats de dirigeants sociaux ainsi que le retour observé des ex-combattants des FARC dans leurs anciennes zones, en raison du manque de perspectives, ajoutent à la complexité de la situation en Colombie.  Il a appelé toutes les parties colombiennes à s’investir davantage dans la dynamique du processus politique en cours, en s’acquittant, chacun avec responsabilité, de ses obligations.  Pour M. Tanoh-Boutchoue, la paix ne peut être durable et pérenne que si le processus de réconciliation est inclusif et implique l’ensemble des Colombiens.  Il a ainsi exhorté le Gouvernement et l’Armée de libération nationale à poursuivre leurs négociations en vue d’un renouvellement rapide du cessez-le-feu, dans la perspective d’un accord de paix global. 

Mme WRONECKA (Pologne) a noté que plus d’un an s’est écoulé depuis la signature et l’entrée en vigueur de l’Accord de paix entre le Gouvernement colombien et les FARC, se félicitant des résultats tangibles de ce processus de paix.  Elle a estimé que la mission mise en place par les Nations Unies devait jouer un rôle essentiel au cours de la prochaine phase, notamment pour ce qui est de la réintégration des anciens combattants des FARC et du respect du cessez-le-feu entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN).  Elle a également mis l’accent sur l’importance de la participation des femmes à ce processus de paix ainsi que sur la nécessité impérative de maintenir la confiance entre les deux parties. 

La réussite de ce processus de paix est essentielle pour toute la région de l’Amérique latine, selon la représentante qui a appelé à redoubler d’efforts pour le faire avancer.  Elle a salué notamment le rôle du Service de lutte antimines en Colombie.  Enfin, la représentante a annoncé la décision de son pays de participer à l’appel pluriannuel du Département de maintien de la paix pour soutenir ces efforts dans le cadre de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déclaré qu’en dépit des difficultés rencontrées « sur le chemin », la volonté manifestée par le Gouvernement et les FARC dans la mise en œuvre de l’Accord final devait aussi être présente lors du règlement d’autres conflits.  Il a qualifié de « réalisation extraordinaire » l’accord conclu entre le Gouvernement et les FARC, qui met ainsi fin à plus de 50 ans de conflit. 

Le représentant a ensuite constaté que l’étape la plus compliquée de l’Accord final, à savoir la réintégration politique, économique et sociale des anciens combattants des FARC, a été amorcée il y a quelques mois.  Il a estimé que les difficultés rencontrées en la matière ne devaient en aucun cas dévaloriser la portée des avancées réalisées dans la mise en œuvre de l’Accord, soulignant notamment que 107 lois et décrets ont été adoptés à ce jour pour réglementer la réintégration et pour apporter les garanties de sécurité et les réparations nécessaires aux victimes.

Le délégué a aussi jugé fondamental que la communauté internationale maintienne son appui, tout en reconnaissant que les principaux défenseurs du processus sont les Colombiens.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour garantir la réintégration adéquate des anciens combattants FARC à la vie civile, en commençant par leur réinsertion sur le plan juridique.  Il a aussi appelé au renforcement de la sécurité dans les zones précédemment contrôlées par les FARC, qualifiant d’alarmant les récents meurtres de dirigeants sociaux et d’anciens membres des FARC.  M. Llorentty Solíz a également réclamé des mesures concrètes pour faire avancer la réforme rurale, estimant que l’officialisation de l’accès à la terre est une condition primordiale pour garantir une paix stable et durable. 

M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que les Colombiens sont les premiers responsables du succès de leur processus de paix.  Il a espéré que toutes les parties concernées parviendraient à un consensus pour permettre la prorogation du mandat de la Mission de vérification dans le pays.  Après s’être dit d’accord avec les conclusions du Secrétaire général énoncées dans son rapport, le représentant a cependant souhaité savoir pourquoi les organisations non gouvernementales mentionnées qui coopèrent à des projets de développement dans les zones de conflit n’y sont pas « nommées ».  Il a également estimé que, compte tenu des agissements de l’Armée de libération nationale, il était prématuré et « dangereux » de conclure que le processus de désarmement en cours dans le pays était achevé.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a salué les résultats obtenus depuis la signature de l’Accord de paix entre le Gouvernement colombien et les FARC, en insistant sur la nécessité pour les deux parties d’honorer leurs engagements.  Après avoir constaté la diminution de la violence en Colombie depuis l’entrée en vigueur de l’Accord et la fin du processus de désarmement des anciens combattants des FARC, le représentant a néanmoins fait part de sa préoccupation au sujet du cessez-le-feu temporaire entre le Gouvernement et l’Armée de libération nationale (ELN), qui a expiré hier.  Il a encouragé les parties à le renouveler pour garantir la bonne marche et le succès du processus de paix en cours. 

Tout en se félicitant des progrès accomplis jusqu’à présent en Colombie, M. SHEN BO (Chine) a relevé que la mise en œuvre de l’Accord de paix s’y heurte à des difficultés.  Pour le représentant, « panser les plaies » après plus d’un demi-siècle de conflit ne sera pas tâche facile.  La Chine souhaite que la communauté internationale veille à respecter le leadership pris par les Colombiens eux-mêmes dans le cadre de leur processus de réconciliation.  La délégation a également recommandé que la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie continue d’accroître ses contacts avec les parties et contribue au renforcement de la confiance mutuelle entre elles. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que la Colombie avait fait partie « des bonnes nouvelles » au sein du Conseil de sécurité pour avoir réussi à tourner la page d’un conflit de longue durée, même s’il reste des défis à la mise en œuvre de l’Accord de paix entre le Gouvernement et les FARC et pour arriver à une paix pérenne.  Se félicitant du dépôt des armes par les FARC, un jalon majeur dans la mise en œuvre de l’Accord, le représentant a toutefois mis l’accent sur les défis majeurs qui restent à relever.  Il a cité, à ce titre, la réintégration dans la vie civile des anciens combattants des FARC et l’absence à combler d’institutions étatiques adéquates.  À ce propos, il a pris note de la création d’une juridiction spéciale pour la paix en Colombie et de la participation du parti politique issu des FARC aux élections parlementaires prévues pour cette année.  Encourageant les parties à poursuivre sur cette voie, il a également appelé le Conseil de sécurité à pleinement appuyer leurs efforts.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est félicité du succès de la mise en œuvre l’Accord de paix en Colombie, y voyant la preuve de la détermination tant du Gouvernement que des FARC-EP.  L’« accord de cessez-le-feu » et l’Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable sont le meilleur exemple de l’évolution satisfaisante du processus de paix dans le pays, s’est-il félicité.  Il a vu dans l’adoption de la résolution 2381 (2017) une étape majeure pour le contrôle du cessez-le-feu et de ce fait, le rétablissement de la confiance entre les parties, afin de permettre au pays de profiter des dividendes de la paix. 

Le délégué a ensuite constaté que la réinsertion effective d’anciens combattants demeure un défi important, de même que l’adoption d’initiatives législatives capable d’encadrer et d’assurer la participation effective de ces anciens combattants à la vie politique, économique et sociale du pays.  Il a estimé que les autorités judiciaires ont un rôle décisif à jouer en la matière.  Le représentant a aussi souligné que le succès du processus de paix en Colombie dépendra de la détermination des parties à honorer leurs engagements, y compris ceux qui ne relèvent pas de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie.  Il a aussi évoqué l’appui important de l’Église catholique à ce processus.

Après avoir salué la présence du Vice-Président de la Colombie, M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé que plus d’un an s’était écoulé depuis la signature et l’entrée en vigueur de l’accord entre le Gouvernement colombien et les FARC qui a formalisé le processus de paix et ainsi mis fin à un conflit vieux de plus de 50 ans.  Toutefois, le chemin reste long et il reste des défis à relever auxquels le Gouvernement colombien cherche à faire face, a-t-il constaté.  Il a donc encouragé les deux parties à garantir le succès de la réintégration des anciens combattants des FARC et la mise en œuvre de l’ensemble du programme législatif.  Déplorant la reprise des attaques de l’Armée de libération nationale (ELN), l’intervenant a espéré qu’il sera possible de prolonger le cessez-le-feu temporaire entre le Gouvernement et l’ELN. 

M. ÓSCAR ADOLFO NARANJO TRUJILLO, Vice-Président de la Colombie, a remercié les Nations Unies et le Conseil de sécurité pour la manière efficace dont ils appuient le processus de paix dans son pays.  Rappelant qu’en tant que responsable militaire, il avait assisté à la mort de milliers de membres de forces de l’ordre comme de Colombiens innocents lors d’un conflit qui aura fait 240 000 morts et plus de 8 millions de victimes enregistrées.  Il s’est dit pleinement satisfait de constater que l’Accord de paix avait été efficace, ajoutant qu’il avait permis d’épargner au moins 3 000 vies au cours de l’année passée. 

Pour M. Naranjo Trujillo, l’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord de paix, un an après sa signature, permet d’affirmer sans hésitation que la construction de la paix en Colombie avance en termes structurels.  Selon lui, l’Accord a été un pacte efficace pour mettre fin à la guerre, comme en témoigne notamment l’efficacité du processus de dépôt des armes, par lequel les FARC ont cessé d’exister en tant qu’organisation armée et se sont transformées en parti politique, une étape qu’il a qualifiée de « transformation essentielle ». 

Nous transformons l’État pour répondre aux nouveaux défis d’une situation d’après conflit et de la construction de la paix, a poursuivi le Vice-Président, qui a notamment cité le programme législatif en cours.  Celui-ci doit permettre d’introduire simultanément une série de réformes constitutionnelles et d’adopter près d’une centaine de lois et décrets pour jeter les bases de la construction de la paix.

M. Naranjo Trujillo a ensuite mis l’accent sur une série de progrès réalisés en matière de réinsertion des anciens combattants des FARC et de garanties de sécurité, domaine dont la supervision relève du mandat de la Mission des Nations Unies.  Il a insisté sur le fait que 14 années d’expérience en matière de réinsertion faisaient de la Colombie une référence mondiale en la matière, ajoutant que c’était aussi le point de départ de la réinsertion des anciens combattants des FARC.  Ainsi, sur 12 848 ex-combattants recensés dans le processus, 11 362 reçoivent actuellement une rente mensuelle de base.  Le Vice-Président a également mentionné les efforts déployés en matière d’éducation des anciens membres des FARC, ainsi que la mise en place de conseils territoriaux et la création de coopératives.

Le Vice-Président a également rappelé que le pays avait connu en 2017 son niveau de violence le plus bas depuis 42 ans, tout en regrettant l’assassinat de plusieurs dirigeants syndicaux, défenseurs des droits de l’homme et anciens membres des FARC.  Concernant ces derniers, il a rappelé qu’avaient été mis en place 162 régimes de protection concernant 877 personnes, avant d’assurer le Conseil de sécurité de la préoccupation du Gouvernement face à ces assassinats.  M. Naranjo Trujillo a présenté le système de prévention et d’alerte mis en place pour prévenir les assassinats et accélérer les enquêtes, avant d’affirmer la détermination des autorités à lutter contre le crime organisé.  Il a également rappelé que près de 80 000 policiers et militaires sont chargés d’effectuer un contrôle territorial efficace pour veiller à ce que les territoires abandonnés par les FARC ne tombent pas sous le contrôle de structures criminelles. 

Se disant persuadé que le succès historique que représente la fin du conflit l’emportera sur les défis énormes liés à la mise en œuvre du processus de paix, M. Naranjo Trujillo a affirmé la disponibilité totale du Gouvernement pour un processus de négociation avec l’ELN visant à un accord de paix.  Il a toutefois regretté l’attentat commis ce jour par cette organisation contre des infrastructures pétrolières et a souhaité que cette rébellion écoute l’appel de la société civile et des Colombiens et mette fin à de telles violences, afin de faire progresser le dialogue et de mettre fin aussi à ce conflit.  En conclusion, le Vice-Président a rappelé l’engagement du Gouvernement colombien en faveur de la paix, ajoutant que le succès du processus de paix en Colombie serait aussi un succès pour les Nations Unies et le monde entier. 

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