Soixante-treizième session,
18e séance – matin
AG/DSI/3610

La Première Commission examine la question des armes classiques, ses chiffres alarmants et ses quelques progrès

Avant de reprendre leurs débats sur les armes classiques, d’en reconnaître les chiffres alarmants mais aussi les quelques progrès, la Première Commission chargée du désarmement et de la sécurité internationale a d’abord rejeté, par 77 voix contre, 34 voix pour et 12 abstentions, une motion d’ordre des États-Unis visant à ne pas examiner un projet de résolution russe sur le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) duquel ils envisagent de se retirer.

Cette question tranchée, les délégations ont pu s’exprimer sur les armes classiques.  La Lettonie a souligné qu’aujourd’hui 90% des pertes en vies humaines dans les conflits sont désormais enregistrées parmi les populations civiles alors qu’au début du XXe siècle c’était parmi les soldats.  Chaque année, les armes conventionnelles tuent 500 000 personnes, dont 70 000, en zones de conflit, a chiffré la Lettonie.

Au premier rang des accusés, les armes légères et de petit calibre (ALPC). Leur imputant plus de 70% des décès chez elle, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a souligné qu’elle n’en produit pas ni n’en exporte.  La Jamaïque a imputé cette situation préoccupante à la porosité des frontières des pays comme le sien et à leur emplacement géographique.  Les pays en développement n’ont pas les ressources suffisantes pour lutter contre des réseaux criminels aux moyens sophistiqués et lourds, a prévenu le Honduras, qui estime qu’une grande partie du désarmement passe par la lutte contre ce fléau.  La balle est dans le camp des grands exportateurs d’armes, ont ajouté la CARICOM et le Honduras, en appelant au renforcement de la coopération internationale.

Quelques pays ont souligné les progrès réalisés ces dernières années: au nom des pays nordiques, la Finlande s’est félicitée de ce que la Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC ait mis en exergue la question de la participation des femmes à la réalisation des objectifs convenus.  Comme l’a noté le Canada, il est essentiel de donner aux femmes les moyens de s’engager comme partenaires à part entière dans l’élaboration de politiques et de programmes en matière de non-prolifération, de contrôle des armes et de désarmement.

Le Honduras a également apprécié que le problème spécifique des munitions y ait été reconnu, même si la Suisse a noté que cette question ne faisait visiblement pas l’unanimité.  Les États-Unis souhaitant que la communauté internationale reste concentrée sur les efforts à faire sans pour autant créer des exigences inatteignables.  Ils ont, par ailleurs, salué les résultats du Groupe intergouvernemental d’experts sur les systèmes d’armes létales autonomes, une discussion couronnée de succès et productive « malgré l’action de certains États qui ont essayé de politiser les débats ». 

Également ravie par la teneur des discussions, l’Union européenne a jugé que « les êtres humains doivent être aux commandes lorsque sont prises des décisions qui touchent à la vie et à la mort ».  La Finlande a paru en revanche peu convaincue de l’opportunité de mener à ce stade des négociations sur des normes juridiquement contraignantes.  Il nous manque, a-t-elle argué, une définition claire de ces armes pour avancer.  Cependant, elle a estimé que les mines sont un des domaines sur lesquels on peut progresser.

La mise en œuvre de la Convention sur les mines antipersonnel a en effet reçu quelques éloges même si l’Irlande a relativisé ce constat avec des chiffres alarmants. Élargissant le débat aux armes explosives en zones peuplées, elle a rappelé, qu’en 2017, 42 000 personnes ont été tuées ou blessées par ces dispositifs meurtriers et aveugles.  Non seulement 3 victimes sur 4 étaient des civils, soit une augmentation de 38% en un an, mais ce taux passe à 92% lorsque ces armes explosent dans des zones densément peuplées.  Quand la communauté internationale ne peut prévenir un conflit, qu’elle travaille au moins à la protection des civils, s’est-elle impatientée.

Face à ces chiffres terribles, la Suisse a souligné que les engins explosifs improvisés (EEI) activés par les victimes relèvent de la définition des mines antipersonnel.  À ce titre, la Convention citée plus haut fournit, selon elle, un cadre important pour faire face aux défis que posent ces engins et aux conséquences de leur utilisation.

Tous ces défis ont poussé certains représentants à s’inquiéter du financement des instruments multilatéraux.  La Lettonie s’est dite préoccupée par la chute des contributions obligatoires au Traité sur le commerce des armes.  Les États-Unis ont rappelé qu’ils sont toujours le premier pays en termes d’aide à la destruction des armes classiques, avec 3,2 milliards de dollars depuis 1993. L’Union européenne a précisé qu’elle entend contribuer à la lutte antimines dans le monde, en finançant les activités de déminage, de sensibilisation et d’aide aux victimes à hauteur de 600 millions d’euros.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR L’ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE ET LES ARMES CONVENTIONNELLES ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Motions d’ordre

Les États-Unis ont présenté une motion d’ordre visant à ce que la Commission n’examine pas le projet de résolution relatif au Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) qu’a soumis la Fédération de Russie.  Les États-Unis ont expliqué leur motion par le fait que cette dernière n’a soumis son texte qu’hier soir, soit plus d’une semaine après la date butoir du 18 octobre, sans compter qu’elle n’a pas hésité à le fuiter à la presse russe avant même que les membres de la Commission n’en soient informés, un « précédent regrettable ».

C’est l’évolution de la situation en ce qui concerne le Traité FNI qui nous a contraints à réagir, s’est expliquée la Fédération de Russie, face « à cet événement critique ».  Elle a rappelé que, le 20 octobre, le Président Donald Trump a jugé « possible » que son pays se retire du Traité FNI et annoncé son intention de renforcer l’arsenal nucléaire américain.  La communauté internationale, a dit craindre la Fédération de Russie, est donc confrontée à une nouvelle réalité, celle « moins sûre et moins stable » d’une nouvelle course aux armements nucléaires.  Le retrait des États-Unis du Traité aurait un impact sur la sécurité d’au moins 40 États européens, voire sur la sécurité internationale.  C’est devant ce « « cas de force majeure » que la Fédération de Russie s’est dite obligée de réagir pour prévenir des « conséquences apocalyptiques ». 

Le projet de résolution, a-t-elle précisé, se fonde sur une série de résolutions adoptées à l’Assemblée générale pour assurer la viabilité du Traité FNI.  Le texte vise la poursuite des consultations entre la Fédération de Russie et les États-Unis afin d’aplanir les préoccupations mutuelles dans le cadre du Traité.  Nous serions alors en mesure, a plaidé la Fédération de Russie, de préserver le Traité et de renforcer la responsabilité des deux parties dans sa mise en œuvre.  La préservation du Traité, a-t-elle insisté, est une condition sine qua non des progrès vers la réduction des arsenaux nucléaires.  La Fédération de Russie a donc appelé les États à appuyer son projet de résolution, se disant prête à poursuivre les consultations pour préciser sa position ainsi que les orientations et objectifs du texte.

Le Président de la Commission peut-il se prononcer sur notre motion d’ordre? se sont impatientés les États-Unis, qui ont invoqué l’article 113 du Règlement intérieur de l’Assemblée générale: « Au cours de la discussion d’une question, un représentant peut présenter une motion d’ordre et le Président statue immédiatement sur cette motion conformément au Règlement.  Tout représentant peut en appeler de la décision du président.  L’appel est immédiatement mis aux voix et, si elle n’est pas annulée par la majorité des membres présents et votants, la décision du président est maintenue. Un représentant qui présente une motion d’ordre ne peut, dans son intervention, traiter du fond de la question en discussion. »

Si j’ai bien compris, a demandé le Président, les États-Unis demandent que la Commission se prononce contre l’examen du projet de résolution russe?  Arguant de l’unanimité de tous les membres du Bureau, du Règlement intérieur et de l’importance du consensus, le Président a proposé d’accorder un peu plus de temps pour discuter de cette question et d’y revenir plus tard dans la journée ou demain matin.  Nous demandons une mise aux voix immédiatement, ont rétorqué les États-Unis.  Nous demandons, ont-ils précisé, que la Commission reconnaissance le dépassement de la date butoir pour la présentation des projets de résolution.  À moins qu’une délégation ne demande un vote, a avoué le Président, je préférerais poursuivre les discussions.  Nous demandons un vote, ont répété les États-Unis.

Après avoir consulté le Conseiller juridique, le Président a donné lecture de l’article 113 du Règlement intérieur.  Quelles seraient les conséquences de l’adoption de la motion d’ordre américaine? s’est inquiétée la Fédération de Russie.  Nous parlons, a-t-elle insisté, de sécurité internationale, une question qui relève de la compétence de l’ONU.  Nous allons, a-t-elle prévenu, « voter sur l’avenir du monde ».  « Les États-Unis veulent sortir du Traité et augmenter leur arsenal nucléaire et, nous, nous jouons au jeu du Règlement intérieur? » s’est indignée la Fédération de Russie « très émue et très frappée » par la situation.  Nous sommes, s’est-elle alarmée, « au bord d’une poudrière » qui pourrait enflammer l’Europe et le monde.  On ne peut pas opposer à une telle menace le Règlement intérieur.  Nous sommes absolument opposés à cette approche et demandons à tous les États « responsables » d’appuyer notre proposition, a plaidé la Fédération de Russie.

Le Président a tout de même appelé « au calme » et rappelé que « rester civilisé fait partie de la profession de diplomate ».  Les questions urgentes de sécurité relèvent du Conseil de sécurité, ont martelé les États-Unis, répétant que nous sommes ici devant une date butoir largement dépassée.  Votons sur la recevabilité ou l’irrecevabilité du projet de résolution russe, se sont-ils, une nouvelle fois, impatientés.

Ma proposition, a répété, à son tour, le Président, est de donner plus de temps aux discussions.  Pour examiner la motion d’ordre? s’est demandé l’Allemagne.  De combien de temps parlez-vous?  La précision est venue du Secrétariat de la Commission: ceux qui votent « oui », votent pour la recevabilité du projet de résolution russe, et ceux qui vote « non », votent pour donner plus de temps aux discussions sur ladite recevabilité.  Le Président veut donc un peu plus de temps pour prendre une décision sur la motion d’ordre américaine? ont dit comprendre les Pays-Bas.

Mise aux voix, la motion des États-Unis sur l’irrecevabilité du projet de résolution russe a été rejetée par 77 voix contre, 33 voix pour et 12 abstentions.  La Commission a donc suivi la proposition de son Président de laisser du temps aux discussions en vertu de l’article 116 du Règlement intérieur qui dispose : « Au cours de la discussion d’une question, un représentant peut demander l’ajournement du débat sur la question en discussion.  Outre l’auteur de la motion, deux orateurs peuvent prendre la parole en faveur de l’ajournement, et deux contre, après quoi la motion est immédiatement mise aux voix. »

Déclarations

Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme AAHDE LAHMIRI (Maroc) s’est dite profondément préoccupée par le commerce, le transfert et le flux illicites des armes légères et de petit calibre et de leur présence « excessive et incontrôlée » dans de nombreuses régions du monde, compte tenu, en particulier, de leurs conséquences socioéconomiques innombrables.  Elle a salué le succès en juin dernier, de la troisième Conférence d’examen du Programme d’action contre les armes légères et de petit calibre et appelé les États à honorer leurs obligations.  Malgré l’éventail des initiatives régionales, la représentante a souligné que l’aide et la coopération internationales demeurent des ingrédients essentiels à une bonne mise en œuvre du Programme d’action.  Appelant les pays développés à octroyer une meilleure aide technique et financière, elle a exhorté tous les États à mettre en œuvre le Traité sur le commerce des armes, et ce, d’une manière équilibrée qui réaffirme leur droit souverain d’acquérir, de fabriquer d’exporter, d’importer et de posséder des armes classiques pour leur défense et leurs besoins de sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies.

Au nom des pays nordiques, M. JARMO VIINANEN (Finlande) a appelé à mieux inclure les femmes dans les prises de décisions concernant les armes légères et de petit calibre (ALPC).  Il n’y a que des avantages à réaliser l’égalité entre les sexes, a-t-il estimé.  Il s’est dit ravi que la Conférence d’examen du Programme d’action des Nations Unies sur les ALPC ait mis en exergue la question de la participation des femmes à la réalisation des objectifs convenus.  Le contrôle des flux d’armes est une question de désarmement mais aussi de développement, a souligné le représentant.  S’il a reconnu que la réglementation du commerce des armes n’est pas tâche facile, il a assuré que les groupes de travail se concentrent sur des questions pratiques qui auront des répercussions concrètes.  Le Traité sur le commerce des armes doit être mis en œuvre d’un point de vue pratique, a pressé le représentant, et le fonds de contributions volontaires pourrait être utile, à cet égard.  Rappelant que le Traité propose de créer une plateforme transparente, il a encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à le ratifier.

Le représentant a ensuite jugé fructueuses les discussions sur les armes autonomes létales.  Beaucoup reste à faire sur ce sujet émergent, a-t-il tout de même reconnu.  Nous ne sommes pas convaincus que les négociations sur des normes juridiquement contraignantes soient une bonne idée à ce stade, a-t-il cependant jugé.  Pour le moment, il nous manque une définition claire de ces armes pour avancer sur cette question.  Il s’est, enfin, dit préoccupé par les rapports sur l’usage des armes à sous-munitions et les dégâts qu’elles provoquent sur les populations civiles.  Un important travail doit être fait pour débarrasser le monde de ces mines, a-t-il ajouté.  Quand les processus de désarmement et de commerce semblent polarisés, celui sur les mines est l’un des domaines sur lesquels nous pouvons avancer, a-t-il conclu.  « Un monde exempt de ces mines est à notre portée. »

Au nom de la Communauté des Caraïbes, M. RUDOLPH MICHAEL TEN-POW (Guyane) a rappelé que sa région est confrontée à une prolifération illicite des petites armes et insisté sur le taux élevé de crimes qui sape la confiance dans les États.  Plus de 70% des décès sont liés aux armes à feu alors qu’il s’agit d’une région qui ne produit ni n’exporte des armes légères et de petit calibre (ALPC).  La CARICOM est un fervent défenseur du Traité sur le commerce des armes, qui permet de réguler le commerce des armes classiques et de s’attaquer aux détournements de ces armes vers des marchés illégaux.  L’objectif de ce Traité doit donc rester présent à l’esprit des États jusqu’à ce qu’il soit atteint.  S’agissant du transfert d’armes, ce sont les civils, a rappelé le représentant, qui payent le plus lourd tribut des conflits dans le monde.  Aussi, a-t-il appelé tous les États parties à la bonne foi et les États non parties à la lutte contre les transferts d’armes qui sont contraires au Traité.  Il a également insisté sur l’importance de l’universalisation du Traité et appelé les États qui ne l’ont pas fait à le ratifier au plus vite.

Toutes les discussions sur les ALPC seraient incomplètes sans la mention des munitions, a-t-il poursuivi, se félicitant de ce que la Conférence d’examen en tienne compte ainsi que des situations de violence.  Le représentant a exhorté les États à se concentrer sur les enjeux en constante évolution, notamment les répercussions des nouvelles technologies sur la fabrication de ces armes.  Il a également souligné le rôle particulier des femmes dans le désarmement, surtout dans la désescalade des tensions et auprès des communautés.  Les femmes, a-t-il rappelé, sont frappées de façon disproportionnée par la violence dans les conflits.  Le représentant a conclu en demandant que l’on se penche sur les processus de désarmement et que l’on évite de politiser les débats.

M. VIKTOR DVOŘÀK, délégué de l’Union européenne, a jugé que les flux illicites mal régulés d’armes contribuent aux conflits, favorisent les terroristes et ont des répercussions humanitaires et socioéconomiques.  Ils hypothèquent nos efforts conjoints en faveur des objectifs de développement durable. Le représentant s’est donc félicité des engagements internationaux sur la lutte contre les armes légères et de petit calibre.  Pour lui, les contrôles des transferts constituent un « défi majeur », mais il est possible de le faire au niveau des exportations.  « Notre échange d’informations joue un rôle majeur en ce sens », a-t-il jugé, en attirant l’attention sur l’exemple de l’Union européenne.  Il a donc appelé les États Membres de l’ONU à souscrire au Traité sur le commerce des armes qui, avec l’Instrument international de traçage et le Protocole facultatif sur les armes à feu, est un cadre qui évite les détournements illicites et renforce la paix et la sécurité.

Évoquant la Convention sur les mines antipersonnel, le représentant a vu là un bon exemple de contrôle multilatéral des armes.  Si les mines antipersonnel sont interdites dans 164 États, on voit, s’est-il alarmé, des mines improvisées dans beaucoup de pays, notamment pour empêcher le retour des réfugiés et des déplacés.  Le représentant a confirmé que l’Union européenne entend contribuer à la lutte antimines dans le monde, en finançant les activités de déminage, de sensibilisation et d’aide aux victimes à hauteur de 600 millions d’euros.  Le représentant s’est dit particulièrement préoccupé par les répercussions énormes des engins improvisés et a appelé à des mesures plus strictes, au niveau national, pour en barrer l’accès aux terroristes.  Il a conclu en saluant les efforts de sensibilisation de la communauté internationale aux discussions sur les armes classiques.  Il s’est notamment félicité des progrès enregistrés après la discussion des experts sur les armes autonomes létales.  « Les êtres humains doivent être responsables des décisions qui touchent à la vie et à la mort », a-t-il estimé.

Au nom d’une quarantaine de pays, Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a fait une déclaration sur les armes explosives en zones peuplées.  Elle a insisté sur la responsabilité de tous, dont les belligérants, de protéger les civils dans les conflits armés.  Les armes détruisent les infrastructures de base, altèrent les conditions de vie des populations à long terme et provoquent des déplacements de population, les rendant encore plus vulnérables.  Les répercussions à long terme de ces armes ont été détaillées dans les travaux de l’ONU, a souligné la représentante, qui a cité le dernier rapport sur la protection des civils dans les conflits dans lequel le Secrétaire général de l’ONU regrette une protection « faible » et appelle à agir d’urgence pour garantir le respect du droit international humanitaire.  Quand elle ne peut pas prévenir un conflit, la communauté internationale, a pressé la représentante, doit au moins travailler pour améliorer la protection des civiles.  En 2017, a-t-elle rappelé, 42 000 personnes ont été tuées ou blessées par des armes explosives et 3 victimes sur 4 étaient des civils, soit une augmentation de 38% en un an.  Quand des armes explosent dans des zones peuplées, 92% des victimes sont des civils, a martelé la représentante, devant des chiffres alarmants qui appellent à une réaction rapide.

Dans les situations de conflit, la question est toujours de savoir comment les règles du droit international humanitaire sont mises en pratique.  Il faut faire beaucoup plus et tous les États doivent appuyer des mesures pour renforcer la protection des civils, définir des normes et partager les politiques et les bonnes pratiques.  Toute initiative doit avoir pour objectif de renforcer la protection des personnes et des infrastructures civiles, a insisté la représentante.

M. ANDREJS PILDEGOVIČS (Lettonie) a regretté qu’aujourd’hui, 90% des pertes en vies humaines dans les conflits soient enregistrées parmi les populations civiles alors qu’au début du XXsiècle c’était parmi les soldats.  Les armes conventionnelles tuent 500 000 personnes chaque année, dont 70 000 en zones de conflit, a-t-il rappelé.  À cet égard, le représentant a souligné l’importance du désarmement dans le domaine des armes conventionnelles.  Son pays a d’ailleurs ratifié le Traité sur le commerce des armes le 2 avril 2014, soit un an après son adoption.  Réussir la mise en œuvre de ce Traité a été la priorité du Gouvernement letton, a déclaré le représentant, qui a souhaité partager son expérience nationale pour aider les autres pays à développer des systèmes de contrôle des exportations d’armes, efficaces et conformes aux normes internationales.  La Lettonie, a-t-il rappelé, a accédé à la présidence du Traité le 24 août dernier, avec un programme « ambitieux ».  Nous nous concentrerons en outre sur les questions de sexospécificité, a-t-il annoncé, avant de souligner que l’universalisation du Traité est la clef d’un monde sans la violence causée par la circulation illégale des armes.  Le représentant s’est dit préoccupé par la chute des contributions obligatoires car « l’efficacité du Traité dépend de la disponibilité des ressources ».  Il a appelé toutes les délégations à honorer leurs obligations financières et a déploré que le même problème touche la Convention sur l’interdiction de certaines armes classiques.

Mme IRMA ALEJANDRINA ROSA SUAZO (Honduras) a estimé qu’une grande partie du désarmement passe par la lutte contre les armes légères et de petit calibre dont son pays souffre au quotidien.  Le Congrès national s’apprête d’ailleurs à adopter une loi sur le port d’armes qui implique des règles beaucoup plus rigoureuses.  Il a, en outre, déjà identifié les grandes routes de trafic afin d’en renforcer le contrôle.  Dans le même temps, la justice pénale a été améliorée, notamment son aspect « prévention ».  De même une règlementation est en cours d’élaboration pour encadrer les activités du secteur privé.  En 2017, le Honduras a ratifié le Traité sur le commerce des armes et la Convention interaméricaine sur les armes à feu, a indiqué la représentante, qui a souligné le caractère « essentiel » de la coopération internationale, s’agissant du renforcement des capacités, du transfert des technologies et du partage des meilleures pratiques.  Les pays en développement, a-t-elle rappelé, n’ont pas les ressources suffisantes pour lutter contre des réseaux criminels aux moyens sophistiqués et lourds.

M. ROBERT WOOD (États-Unis) a estimé que la Convention sur certaines armes classiques est un instrument important.  Il a, à cet égard, salué les résultats du Groupe d’experts gouvernementaux sur les systèmes d’armes létales autonomes, une discussion couronnée de succès et productive « malgré l’action de certains États qui ont essayé de politiser les débats ».  Demandant la mise en œuvre du Programme d’action sur les armes légères et de l’Instrument international de traçage, il a considéré qu’on doit rester concentré sur les efforts à faire sans créer des exigences inatteignables.  Le représentant a reconnu qu’il reste beaucoup à faire pour réaliser les engagements pris, il y a 17 ans.  Il a assuré que les États-Unis continueraient à fournir une assistance financière et technique dans la destruction des armes classiques.  « Même s’il y a longtemps qu’on n’a pas vu de missiles portatifs à courte portée (MANPAD), la menace demeure, a-t-il prévenu. Il est important de contribuer à réduire cette menace qui pèse sur les aéroports internationaux. 

Le représentant a d’ailleurs rappelé que les États-Unis avaient contribué à détruire plusieurs dizaines de ces missiles et un nombre considérable de vecteurs.  Considérant que le Registre des armes classiques est un instrument important, il a demandé à tous les États d’y inclure leurs données sur le transfert d’armes légères et de petit calibre et sur les armes lourdes.  Il a finalement rappelé à la communauté internationale que les États-Unis sont toujours le premier pays en termes d’aide à la destruction des armes classiques, contribuant notamment au déminage des pays post conflit. Depuis 1993, nous avons versé la somme de 3,2 milliards de dollars pour la destruction des armes classiques, a-t-il chiffré.

Mme SABRINA DALLAFIOR (Suisse) a voulu que l’on ne remette pas en cause les concepts fondamentaux du droit international humanitaire dans les enceintes de l’ONU, en utilisant des formules ou un vocabulaire erroné.  Ce droit et les droits de l’homme doivent être respectés en toute circonstance.  Nous devons élaborer des mesures pratiques pour une meilleure mise en œuvre du droit international humanitaire, a-t-elle estimé.  L’urbanisation croissante des conflits et les effets directs qu’elle a sur la population et leurs infrastructures civiles soulignent la nécessité de l’approche sur deux axes: le respect par toutes les parties belligérantes des obligations internationales et la condamnation de toute violation; et l’adoption de mesures concrètes pour garantir le respect du droit international humanitaire dans les zones urbaines.  La représentante a aussi estimé que comme des engins explosifs improvisés (EEI) activés par les victimes relèvent de la définition des mines antipersonnel, la Convention sur l’interdiction de ces mines fournit aux États un cadre important pour faire face aux défis que posent ces engins et aux conséquences de leur utilisation.  Quant aux munitions, elle a souligné que la question mérite d’être traitée comme une problématique à part entière.  La mise sur pied d’un groupe d’experts gouvernementaux constituera une étape propice à une discussion spécifique. L’expérience a montré, a-t-elle ajouté, que la mise en œuvre de lignes directrices internationales existantes, telles que les directives techniques internationales sur les minutions, est essentielle.  Concluant sur les systèmes d’armes létales autonomes, la représentante s’est dite favorable à la proposition d’élaborer une déclaration politique qui renfermerait des principes clefs, donnerait une orientation aux futurs débats et ouvrirait la voie à de possibles mesures pratiques.

« Certains défendent l’idée que le Traité sur le commerce des armes est la solution pour mettre un terme à tous les flux illégaux d’armes classiques », a remarqué le représentant de l’(Égypte), M. BASSEM YEHIA HASSAN KASSEM HASSAN, qui a cité quelques lacunes.  Il a dénoncé un manque de définitions claires, ce qui sape son efficacité et l’expose aux abus.  Le Traité peut ainsi être utilisé pour des manipulations politiques et la sécurisation des monopoles sur le commerce des armes classiques, tout en ignorant la nécessité d’en barrer l’accès aux destinataires « non autorisés » comme les terroristes et les groupes armés illégaux.  Par conséquent, l’Égypte réitère son appel aux États parties au Traité pour qu’ils veillent à une mise en œuvre conforme à la Charte des Nations Unies et respectueuse du droit des États à assurer leur sécurité et leur légitime défense.

Rappelant que l’Égypte fait partie des pays qui ont le plus souffert des mines antipersonnel, puisque 20% des mines plantées pendant la Seconde guerre mondiale l’ont été sur le sol égyptien, le représentant a demandé une coopération internationale plus soutenue pour faire face à ce problème majeur.  Il a, en outre, souligné que ce n’est pas tant le manque de contrôle des exportations d’armes classiques ou le manque de sécurité des stocks qui pose problème, mais plutôt le fait que certains pays continuent d’approvisionner délibérément et de manière illicite les groupes terroristes et les groupes armés illégaux.  Ce phénomène exige une attention immédiate, a estimé le représentant, avant de demander aux Nations Unies de prendre des mesures concrètes.

La promotion de la paix et de la sécurité internationales dépend de notre capacité collective à reconnaître et à tenir compte des spécificités de genre en ce qui trait à la non-prolifération, au contrôle des armes et au désarmement, a souligné Mme KAYA DUNAWA-PICKARD (Canada).  Elle a rappelé que son pays est profondément engagé dans le programme pour les femmes et la paix et la sécurité, comme en attestent le deuxième plan d’action national mais aussi l’organisation de discussions sur le désarmement au sein du Groupe des Amis des femmes et de la paix et de la sécurité, à New York et à Genève, au printemps dernier, ainsi que la poursuite des discussions sur le renforcement des capacités, à Genève, cette année.  L’emploi d’une « optique féministe » sur le désarmement fournit des points de vue essentiels sur la manière dont les gouvernements peuvent prévenir et répondre à la violence et aux conflits et mieux soutenir les victimes.  Il est essentiel de comprendre, par exemple, la façon dont les armes légères sont utilisées pour perpétrer la violence faite aux femmes et aux filles. 

Le Canada est sensible à la manière dont les transferts illicites d’armes légères et de petit calibre peuvent aggraver les répercussions séxospécifiques de la violence armée.  Nous nous efforçons de tenir compte du risque de violence fondée sur le sexe dans nos évaluations du contrôle des exportations et d’étudier systématiquement ce risque dans nos politiques plus générales, a affirmé le représentant.  Afin de surmonter la discrimination enracinée et de réaliser des progrès, il est essentiel de donner aux femmes les moyens de s’engager comme partenaires à part entière dans l’élaboration de politiques et de programmes et dans les travaux concrets en matière de non-prolifération, de contrôle des armes et de désarmement.  Cette année, le Canada a inclus des dispositions dans sa résolution sur le traité d’interdiction de la production des matières fissiles, qui soulignent l’importance d’assurer l’inclusion véritable des femmes dans la négociation du traité futur, a conclu le représentant.

M. ENRIQUE JOSÉ MARÍA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a estimé que l’universalisation des traités et instruments sur les armes classiques est la seule solution pour supprimer la menace à la paix et à la sécurité qu’elles posent.  Il s’est dit en faveur de l’adoption d’un cadre complémentaire au Traité sur le commerce des armes qui traiterait de la diminution des armes classiques existantes.  Il a souhaité que l’interprétation du droit à la légitime défense ne serve pas à justifier un réarmement ou une prolifération des armes classiques.  Demandant aux pays de favoriser la participation des femmes à cette lutte et de mettre sur un pied d’égalité les explosifs et les munitions dans leur cadre réglementaire, il a surtout insisté sur le besoin de prendre des mesures de renforcement de la confiance.  À ce titre, il a salué le rôle joué par la communauté internationale et la société civile.  Les engagements reposent sur la coopération internationale, a-t-il insisté, rappelant la nécessité de renforcer les ressources humaines, de disposer des ressources financières suffisantes et de bénéficier des technologies adéquates.  Il a jugé que cette Commission est un lieu d’échange des meilleures pratiques propres à renforcer la confiance entre les États.  Il a souhaité que les ressources allouées à la modernisation des arsenaux soient plutôt réaffectées vers la réalisation des objectifs de développement durable.

Frappée par l’impact dévastateur des armes classiques pas uniquement dans les situations de conflits armés, mais aussi dans des sociétés « comme la nôtre » où la violence armée a significativement augmenté, Mme DIEDRE NICHOLE MILLS (Jamaïque) a réitéré l’importance qu’il y a à ce que les discours reflètent cette dynamique.  Elle a rappelé que la Jamaïque, à l’instar des autres pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), n’est ni producteur ni importateur net d’armes classiques, ce qui ne l’empêche pas d’être de plus en plus vulnérable aux crimes violents et aux activités criminelles associées au commerce illicite de armes légères et de petit calibre, compte tenu de la porosité de ses frontières et de son emplacement géographique.  La Jamaïque s’est donc attelée à mettre en place des mesures législatives, politiques et opérationnelles pour contrecarrer la prolifération de ce type d’armes.  Une loi est en cours de préparation pour inclure de nouvelles dispositions, notamment rendre le traçage de ces armes obligatoire, y compris leur enregistrement et la capture de leur signature balistique.  La révision de la loi sur les armes à feu de 1967 offrira une base juridique à un registre national, alors qu’il est aussi prévu de mettre en place un comité national inter-agences et de créer une liste nationale de contrôle.  Un manuel relatif aux normes de marquage a également été établi. 

Un plan d’action national a été adopté, ainsi que d’autres mesures que la représentante a passé en revue, avant de rappeler que la Jamaïque continue de compter sur l’assistance de ses partenaires.  Elle a donc salué le soutien apporté aux pays de la région par le Centre régional des Nations Unies pour la paix, le désarmement et le développement en Amérique latine et dans les Caraïbes, et a espéré qu’il sera doté des ressources nécessaires pour maintenir son assistance « à la lumière des dynamiques spécifiques au niveau de la sous-région ».

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