Soixante-treizième session,
Réunion de haut niveau – matin & après-midi
AG/12098

Assemblée générale: comment sortir du « piège du revenu intermédiaire » pour réaliser le Programme 2030?

Sortir du « piège du revenu intermédiaire », comme l’a dit le Directeur du Bureau des politiques du PNUD, est une tâche ardue « parce que l’on nous pousse de toutes les échelles que l’on essaye de grimper », a argué le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda, au cours de la Réunion de haut niveau que l’Assemblée générale a tenue aujourd’hui sur les lacunes et les difficultés des pays à revenu intermédiaire dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

La Réunion s’est scindée en deux tables rondes et deux débats pléniers sur les succès et les difficultés dans la mise en œuvre du Programme 2030 et sur le rôle de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire. 

Les pays à revenu intermédiaire, qui sont au nombre de 109, représentant 70% de la population mondiale et 73% des pauvres de la planète, font face à des défis et des besoins spécifiques qui compromettent leur développement, a relevé la Présidente de l’Assemblée générale, Mme María Fernanda Espinosa Garcés, retenant des débats qu’il faut renoncer au critère « revenu par habitant » pour mesurer leur niveau de développement et inclure un critère « vulnérabilité ». 

À cause d’une vision biaisée de ce que représente le développement, en particulier le critère du revenu par habitant, « mon petit État insulaire » est disqualifié de l’accès aux prêts concessionnels et aux dons, a souligné le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda.  « L’absurdité » de la situation, a-t-il poursuivi, est que nos peuples sont punis pour deux choses: leur adhésion aux droits politiques et aux droits de l’homme qui leur a donné de meilleures revenus; et l’ouverture de leur économie aux investissements étrangers.  Or, les investissements étrangers donnent lieu à un rapatriement des profits « anormalement élevé » et à des salaires élevés « pour un petit groupe d’expatriés », qui déforment le revenu réel par habitant.  Nous n’avons créé ni les changements climatiques ni le réchauffement de la planète.  Nous n’avons pas non plus créé le « cancer » des crises financières internationales qui vident nos caisses, a rappelé le Premier Ministre pour qui le développement ne saurait être réduit au revenu par habitant. 

Les critères, a-t-il dit, doivent tenir compte du caractère inéquitable du commerce mondial, du manque d’accès aux financements, des règles anticoncurrence, de la taille des pays, du fardeau de la dette et de la vulnérabilité pour ne pas oublier les effets dévastateurs des changements climatiques.  À ces fléaux, le Premier Ministre a ajouté les graves problèmes liés à la participation des pays comme le sien aux systèmes financiers et commerciaux internationaux et la suppression ou les restrictions à l’accès aux services de correspondant bancaire, à cause d’un faux titre de « paradis fiscal » et donc d’« économie à hauts risques ».  « Le tableau est sombre parce que l’on nous pousse de toutes les échelles que l’on essaye de grimper », a tranché le Premier Ministre. 

L’Économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU a reconnu ces problèmes et la nécessité de traiter des « vulnérabilités systémiques » de ces pays.  Le système des Nations Unies pour le développement doit tenir compte des réalités « hétérogènes » des pays à revenu intermédiaire, s’est impatientée la Présidente de l’Assemblée générale. 

Sortons de la « tyrannie du PIB », a encouragé le Directeur du Bureau des politiques du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui s’y attèle déjà avec l’élaboration d’un nouvel indice de développement « plus proche de la réalité ».  La Banque mondiale, a assuré sa Directrice principale pour la lutte contre la pauvreté et pour l’équité, a désormais bien intégré la nature « multidimensionnelle » de la pauvreté en établissant de nouveaux critères propres aux pays à revenu intermédiaire.  Le Fonds monétaire international (FMI) n’analyse plus seulement le revenu par habitant pour consentir aux prêts.  Il tient aussi compte désormais de la faculté d’accès aux marchés et des vulnérabilités.

Malgré les défis auxquels sont confrontés les pays à revenu intermédiaire, ce sont eux, en tant que pays émergents, qui offrent les meilleures opportunités économiques, a affirmé le Directeur du Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  Mais comme croissance économique ne veut pas dire développement durable, comme l’a dit le Costa Rica, le Directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique pour l'Afrique (CEA) a conseillé le renforcement de la coopération Sud-Sud avec pour pilier « l’innovation, la science et la technologie ».  Les pays du Sud doivent trouver leurs propres solutions à leurs propres problèmes, a argué le Ministre des affaires étrangères de Cabo Verde.  Aux Nations Unies, a avoué le Directeur du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC), nous n’avons pas été capables d’exploiter le plein potentiel de la coopération Sud-Sud, devenue plus sophistiquée et plus réglementée selon la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). 

L’idée selon laquelle les pays du Sud pourraient se développer en empruntant la même voie que les pays développés, a donné lieu à la coopération technique et à la coopération au développement.  Mais le Brésil, la Chine et les « Tigres asiatiques » ont montré que les pays du Sud peuvent trouver leurs propres solutions.  La deuxième Conférence sur la coopération Sud-Sud, qui se tiendra en mars 2019 à Buenos Aires, sera l’occasion de renforcer les vecteurs de cette coopération et de braquer les projecteurs sur ses succès mais aussi ceux de la coopération triangulaire, a conclu le Directeur de l’UNOSSC.

L’Assemblée générale se réunira de nouveau demain, le mercredi 5 décembre à 10 heures, pour se prononcer sur les recommandations de sa Première Commission chargée du désarmement et de la sécurité internationale.

RÉUNION DE HAUT NIVEAU SUR LES LACUNES ET LES DIFFICULTÉS DES PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE DANS LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’HORIZON 2030

Déclarations liminaires

La Présidente de l’Assemblée générale, Mme MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, a estimé que cette réunion démontre la vigueur du multilatéralisme et l’intérêt de la communauté internationale pour les pays à revenu intermédiaire.  Ces pays, a-t-elle souligné, qui sont au nombre de 109, représentent 70% de la population mondiale, dont 73% vit dans la pauvreté.  Il est vrai qu’en 50 ans, ces pays sont devenus une « force économique en plein essor », leur contribution au PIB mondial passant de 18 à 33% et leur part des exportations mondiales, de 21 à 30%.  Ces avancées ont contribué à la réduction de la pauvreté et de la faim, et à l’amélioration des conditions de vie dans le monde. 

Les pays à revenu intermédiaire continuent néanmoins, a fait observer la Présidente, de faire face à des défis et des besoins spécifiques qui compromettent leur développement.  Les différentes propositions pour définir cette catégorie de pays ont permis de mieux appréhender le caractère multidimensionnel du développement durable.  En effet, la classification basée exclusivement sur le revenu par habitant n’a pas permis de refléter la diversité des besoins, des défis et des capacités qui déterminent à la fois les possibilités et les trajectoires du développement de ces pays. 

Si nous ne nous attaquons pas, a prévenu la Présidente, aux obstacles structurels et aux talons d’Achille, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 sera tout simplement compromis.  Il est fondamental, a-t-elle martelé, de combler le fossé de la pauvreté, des inégalités, du financement et des investissements.  Cela requiert la mobilisation de ressources financières et techniques et à cet égard, l’augmentation « durable et prévisible » des ressources domestiques est importante tout comme leur utilisation « efficace ».  Il faut donc développer des politiques de redistribution qui élargissent la base fiscale.

Les sources de financement externes comme les investissements étrangers directs, l’aide publique au développement (APD) et la coopération internationale sont également cruciales, a poursuivi la Présidente.  L’accès différentiel aux marchés des capitaux est vital pour ne pas mettre en péril la viabilité de la dette, étant donné que beaucoup de pays à revenu intermédiaire ont déjà des niveaux très élevés d’endettement.  Ils ont besoin d’investissements socialement responsables et respectueux des droits de l’homme, de la législation environnementale, des normes fiscales et du droit du travail.  L’égalité entre les sexes et l’émancipation économique des femmes permettent aussi de faire la différence.  

À l’heure actuelle, les pays à revenu intermédiaire se trouvent dans une situation paradoxale, a estimé la Présidente.  Comme l’accès à l’APD est principalement déterminé par le revenu par habitant, ces pays souffrent d’une réduction drastique des flux de la coopération au développement.  Nous devons, a dit la Présidente, procéder à une refonte des bases de cette coopération, en tenant mieux compte de la coopération Sud-Sud et triangulaire et en mettant l’accent sur la durabilité du développement et la réduction des inégalités.  La Présidente a espéré que la deuxième Réunion de haut niveau des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud, qui se tiendra en mars en 2019 en Argentine, offrira une excellente occasion de rectifier le tir. 

Nous devons également, a-t-elle ajouté, continuer de travailler avec les pays les plus vulnérables et ceux qui sont dans une situation spéciale pour assurer leur intégration au système de la coopération internationale.  Les petits États insulaires en développement et les pays sans littoral font en effet face à des défis de plus en plus complexes.  Il faut également formuler des stratégies qui renforcent les pays africains à revenu intermédiaire pour qu’ils puissent assurer le succès de l’Agenda 2063. 

Mon pays est l’un des plus petits et des plus vulnérables au monde, a déclaré d’emblée M. GASTON BROWNE, Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda.  À cause d’une vision biaisée de ce que représente le développement, en particulier le critère du revenu par habitant, « mon petit État insulaire » est disqualifié de l’accès à des prêts concessionnels et aux dons.  « L’absurdité » de la situation est que nos peuples sont punis pour deux choses: leur adhésion aux droits politiques et aux droits de l’homme qui leur a donné de meilleures revenus; et l’ouverture de leur économie aux investissements étrangers.

Or, a souligné le Premier Ministre, l’ouverture aux investissements étrangers donne lieu à un rapatriement des profits « anormalement élevé » et à des salaires élevés « pour un petit groupe d’expatriés », qui déforment le revenu réel par habitant.  Il est temps, s’est-il impatienté, de rejeter cette base naturellement fausse pour juger la richesse d’un pays ou son degré de développement.  Si cette tendance persiste, a-t-il prévenu, l’on assistera à un déclin constant des chances économiques et ses corollaires, la désintégration sociale et les troubles politiques.  Non seulement nous ne réaliserons pas les objectifs de développement durable, mais nos acquis seront aussi menacés.

En réalité, a estimé le Premier Ministre, cette tendance montre déjà ses conséquences: les graves problèmes auxquels sont confrontés les pays à revenu intermédiaire, en particulier les petits États insulaires en développement, sont générés ou influencés par l’extérieur.  Nos pays, s’est-il expliqué, n’ont créé ni les changements climatiques ni le réchauffement de la planète.  Ils en sont pourtant les plus grandes victimes et tentent tout simplement de survivre, en vidant leur caisse au détriment des infrastructures, de l’éducation, de la santé, de la lutte contre la pauvreté ou des technologies.

Nous n’avons pas non plus créé le « cancer » des crises financières internationales et alors que nous tentons de diversifier nos économies, limitées par la dépendance à un éventail étroit d’activités productives, les pays riches nous empêchent de participer à la course commerciale.  Ces pays, a insisté le Premier Ministre, contrôlent les services fiscaux et financiers et imposent unilatéralement des règles arbitraires à leur avantage, au lieu d’encourager le dialogue et la prise de décisions universelles aux Nations Unies.   

Le développement ne saurait être réduit au revenu par habitant, a martelé le Premier Ministre.  Les critères doivent tenir compte du caractère inéquitable du commerce mondial, du manque d’accès aux financements, des règles anticoncurrence, de la taille des pays, du fardeau de la dette et de la vulnérabilité pour ne pas oublier les effets dévastateurs des changements climatiques.  À ces fléaux, le Premier Ministre a ajouté les graves problèmes liés à la participation des pays comme le sien aux systèmes financiers et commerciaux internationaux et la suppression ou les restrictions à l’accès aux services de correspondant bancaire, à cause d’un faux titre de « paradis fiscal » et donc d’« économie à hauts risques ».  « Le tableau est sombre parce que l’on nous pousse de toutes les échelles que l’on essaye de grimper », a tranché le Premier Ministre. 

Il a donc fait sept recommandations: renoncer au critère du revenu par habitant pour ouvrir la voie des pays à revenu intermédiaire aux financements; et formuler une méthodologie pour déterminer les vulnérabilités, dont la taille, l’exposition aux changements climatiques, les mauvais termes commerciaux, le coût élevé des transactions, l’étroitesse de la base productive et la dette élevée.  Il faut aussi ouvrir l’accès aux financements concessionnels; créer un partenariat mondial pour l’allègement de la dette; instituer des échanges dette/climat; faire baisser les budgets de la dépense dans les pays riches et réaffecter l’argent au développement humain; et enfin, reconnaître le changement climatique comme « le démon qu’il est ».  Les plus grands pollueurs doivent admettre leur responsabilité et financer comme il se doit les mesures d’adaptation et d’atténuation.  Sans cela, aucun effort de résilience ne suffira, a prévenu le Premier Ministre.

Les pays à revenu intermédiaire présentent en effet un « portrait bigarré », a reconnu M. ELLIOT HARRIS, Sous-Secrétaire général et Économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales (DAES).  Malgré une croissance économique « robuste », ces dernières années, la pauvreté et les inégalités se sont aggravées dans beaucoup d’entre eux, pour plusieurs raisons dont la moindre n’est pas le changement climatique.  Pour préserver leur faculté à mettre en œuvre le Programme 2030, il faut traiter de leurs « vulnérabilités systémiques », en renforçant leurs capacités, leur résilience et leur gouvernance.  Ces pays doivent pouvoir « sortir de l’impasse » grâce à des investissements dans le capital humain et dans les nouvelles technologies pour assurer la durabilité de la croissance.  L’Économiste en chef a vanté les mérites de la coopération Sud-Sud et a appelé le système des Nations Unies à plus d’efficacité et de responsabilité dans le soutien qu’il apporte à ces pays pour la mise en œuvre du Programme 2030. 

L’examen quadriennal complet des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies (QCPR), le Programme 2030 et le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement ont tous reconnu la nécessité de traiter des progrès auxquels sont confrontés les pays à revenu intermédiaire, a rappelé M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus), Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC).  Ces problèmes, comme la faiblesse des structures socioéconomiques, le chômage ou encore l’étroitesse des activités productives, a-t-il argué, peuvent être surmontés par des partenariats pluripartenaires pour autant qu’il y ait un environnement international propice et un véritable accès aux facilités financières et aux technologies.  Le Vice-Président a cité l’exemple d’un programme conjoint Banque mondiale-ONU-Banque islamique de développement pour les pays d’accueil des réfugiés, dont le Liban et la Jordanie. Il a aussi mis l’accent sur l’importance de la bonne gouvernance et des politiques « responsables ».  S’il a, à son tour, vanté les mérites de la coopération Sud-Sud, il a estimé que le système de l’ECOSOC peut également jouer un « rôle majeur ».

Table ronde sur les succès et les difficultés des pays à revenu intermédiaire dans la mise en œuvre du Programme 2030

Ces pays ne forment pas un groupe « homogène », même s’ils partagent certains obstacles qui les empêchent d’assurer la pleine mise en œuvre du Programme 2030, a précisé le Sous-Secrétaire général et Économiste en chef du Département des affaires économiques et sociales (DAES).  Parmi les succès, le Ministre de l’économie et des finances du Maroc a cité le « Plan Maroc Vert » qui vise à mettre en valeur et à moderniser le secteur agricole et à améliorer sa résilience aux facteurs climatiques.  Le Plan, a dit le Ministre, a permis au pays de doubler ses exportations agricoles, ces sept dernières années, même si le pays a du mal à accéder à des financements préférentiels.

La mobilisation des ressources est une des plus grandes difficultés, a confirmé la Vice-Ministre de la coopération au développement d’El Salvador, dont le pays, qui entend augmenter ses dépenses sociales, compte sur une assiette fiscale de 50% du PIB contre les 12% actuels pour l’ensemble des pays à revenu intermédiaire, a précisé le Directeur du Bureau des politiques et de l’appui aux programmes du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Le Fonds monétaire internationale (FMI) estime pourtant à 24% le seuil requis pour parvenir au développement et l’initiative « Inspecteurs des impôts sans frontières » du PNUD obéit à l’ambition de renforcer la capacité des pays à revenu intermédiaire de collecter les recettes fiscales.   

Mais à quel chiffre doit-on se fier? s’est impatientée la Jamaïque, qui a rappelé que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parle d’un seuil de 15%.  Nous parlons d’un seuil, a précisé le Directeur du Bureau des politiques du PNUD, pour expliquer que « rien n’est figé ».  Ce qui est important pour éviter le « piège du revenu intermédiaire », a-t-il dit, c’est d’adopter des politiques adaptées et cohérentes, favorisant la création d’emplois, et étant donné que l’APD ne peut à elle seule tout faire, il faut faciliter les investissements privés.  Les pays à revenu intermédiaire devant à tout prix être attractifs pour les investisseurs, le PNUD a apporté sa pierre à l’édifice.  Il a élaboré un outil présentant les capacités de chaque pays et leurs opportunités d’affaires dans les domaines à fort impact pour les objectifs de développement durable.

Nous devons travailler « main dans la main », a renchéri le Directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), lequel aide les pays à assurer l’inclusion financière par l’établissement d’un cadre juridique approprié qui protège les consommateurs et facilite l’accès de toutes les couches sociales aux services financiers.  Le Fonds contribue aussi aux réformes structurelles, dont l’amélioration du secteur commercial et des politiques fiscales.  Les pays à revenu intermédiaire, a insisté le Directeur adjoint, doivent en effet améliorer leur résilience financière, en s’attachant à une bonne gestion des risques, en adaptant leur système de sécurité sociale et en anticipant les mutations du monde de l’emploi, dont les progrès technologiques.  

Le défi est, il est vrai, d’atténuer les conséquences néfastes de ces progrès sur le monde du travail, a reconnu l’Indonésie.  On nous demande de suivre l’avancement rapide des technologies alors que nous n’avons pas les moyens de les exploiter, s’est lamentée Maurice.  La première chose à faire est d’avoir les bonnes infrastructures, a conseillé la Directrice principale de la lutte contre la pauvreté et pour l’équité au Groupe de la Banque mondiale.  Il faut aussi veiller au renforcement des capacités des jeunes et des travailleurs, en leur assurant une formation permanente pour qu’ils gardent leur emploi.  La Banque mondiale, a assuré la Directrice, a désormais bien intégré la nature « multidimensionnelle » de la pauvreté.  En plus du seuil de 1,90 dollars par jour qui définit l’extrême pauvreté, elle a fixé les seuils de 3,20 et 5,50 dollars qui correspondent à ceux des pays à revenu intermédiaire inférieur et supérieur.  Nous avons pris les devants, ont indiqué les Philippines, et établi un indice de pauvreté qui comprend pas moins de 13 indicateurs. 

En plus de la pauvreté, les inégalités sont un autre obstacle à la réalisation du Programme 2030.  Au Costa Rica par exemple, les ressources sont concentrées dans quelques mains, ce qui exige un nouveau paradigme de développement pour combler de telles lacunes structurelles.  Cette question est « centrale », a acquiescé le Directeur du Bureau des politiques du PNUD.  Tant qu’elle ne sera pas résolue, « on sera pas sorti de l’auberge ».  Les flux illicites des capitaux du Sud vers le Nord est une autre question qu’ont soulevée l’Ouganda et le Nigéria, arguant qu’ils représentent « quand même » 4% du PIB de l’Afrique. 

 Sortons de la « tyrannie du PIB », a encouragé le Directeur du Bureau des politiques du PNUD, en parlant des appels à renoncer au critère du revenu par habitant pour mesurer le niveau de développement.  Le PNUD, a-t-il affirmé, s’y attèle, avec l’élaboration d’un nouvel indice de développement « plus proche de la réalité ».  Le FMI n’analyse plus seulement le revenu par habitant pour consentir aux prêts.  Il tient aussi compte désormais de la faculté d’accès aux marchés et des vulnérabilités.  Nous avons fini par comprendre, a embrayé le Premier Ministre d’Antigua-et-Barbuda, que les partenaires au développement dont l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) tiennent au critère du revenu par habitant pour sonner plus vite la fin de l’APD.  Le Premier Ministre a plaidé, cette fois, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour un critère alternatif et pour un « financement climatique » comme « élément central » de l’aide aux pays à revenu intermédiaire.  Il est revenu sur la question de la dette et sur la nécessité d’une meilleure méthodologie pour évaluer la résilience des pays à revenu intermédiaire.

Le système des Nations Unies doit faire plus en faveur de ces pays qui pourraient devenir les donateurs de demain, a plaidé, à son tour, la Fédération de Russie.  C’est la coordination qui est attendue de ce système, a précisé l’Égypte, au nom du Groupe des 77 et la Chine.  Une coordination avec les institutions financières internationales, les organisations régionales et les autres parties prenantes, a-t-elle encore précisé.  Le système des Nations Unies doit rapidement mettre en place les arrangements institutionnels nécessaires dont une stratégie « globale et à long terme » pour faciliter la coopération au développement, en tenant compte de la nature « multidimensionnelle » de la pauvreté et des dimensions sociale, économique et environnementale des activités productives nationales, sans oublier les lacunes structurelles à tous les niveaux.  Les pays à revenu intermédiaire méritent de meilleures modalités de coopération au développement, a reconnu l’Espagne et des traitements commerciaux préférentiels, a ajouté Cuba.

Table ronde sur le rôle de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire dans la mise en œuvre du Programme 2030

Nous assistions depuis les années 90 à un « changement de géographie économique », a déclaré le Directeur du Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  Il a parlé des progrès rapides des économies émergentes telles que la Chine, reléguant les grandes économies au rang de pourvoyeurs de l’APD.  Aujourd’hui, malgré les défis auxquels sont confrontés les pays à revenu intermédiaire, ce sont eux, en tant que pays émergents, qui offrent les meilleures opportunités économiques.  Mais, a tempéré le Costa Rica, croissance économique ne veut pas dire développement durable.  Il suffit de regarder les inégalités et les faiblesses structurelles qui caractérisent toujours les pays à revenu intermédiaire à forte croissance.  En effet, le Pérou continue à faire face à des contraintes d’ordre structurel qui affectent sa capacité à consolider les progrès. 

D’où les avantages de la coopération Sud-Sud qui doit s’appuyer sur le pilier « innovation, science et technologie », a conseillé le Directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique pour l’Afrique (CEA).  Des pays comme le Cameroun et le Gabon pourraient par exemple profiter d’une plus grande coopération avec la Malaisie et l’Indonésie pour transformer et commercialiser l’huile de palme et les pays du Golfe ne transforment toujours pas leur pétrole.  « Le développement n’est pas une course mais une destination » a fait valoir l’Ouganda, en encourageant les États à trouver leur propre rythme.  Une position partagée par le Ministre des affaires étrangères et des communautés et Ministre de la défense de Cabo Verde, qui a appelé les pays du Sud à trouver leurs propres solutions à leurs propres problèmes.  Mais les coopérations Sud-Sud et triangulaire ne sont pas la panacée.  Elles ne remplacent pas la coopération Nord-Sud, mais la complète. 

Seule la patience et des investissements concertés permettront de réaliser des progrès dans la durée, a encore dit le Directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la CEA.  Il est important que les pays africains comprennent bien leurs avantages comparatifs et renforcent le lien entre développement et industrialisation, en particulier dans le secteur agricole.  Pour les Maldives, il faut créer des conditions propices aux investissements et à la coopération technique.

Aux Nations Unies, a avoué le Directeur du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC), nous n’avons pas été capables d’exploiter le plein potentiel de la coopération Sud-Sud.  L’idée selon laquelle les pays du Sud pourraient se développer en empruntant la même voie que les pays développés, a donné lieu à la coopération technique et à la coopération au développement.  Mais le Brésil, la Chine et les « Tigres asiatiques » ont montré que les pays du Sud peuvent trouver leurs propres solutions.  La deuxième Conférence sur la coopération Sud-Sud, qui se tiendra en mars 2019 à Buenos Aires, sera l’occasion de renforcer les vecteurs de cette coopération et de braquer les projecteurs sur ses succès mais aussi ceux de la coopération triangulaire.  Les Nations Unies doivent adopter une approche globale, a conseillé le Bélarus

Nous faisons face à des défis et à des changements d’une telle ampleur que seule une coopération accrue pourra nous aider à y faire face, a déclaré la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC).  Le fait que la croissance économique ne suffise pas nous oblige à réfléchir et la crise du multilatéralisme exige de nous des solutions nouvelles pour « rebâtir le monde ».  Alors que 28 des 33 pays de de la CEPALC sont des pays à revenu intermédiaire, les flux de l’APD se sont taris.  Heureusement que la coopération, les échanges et les investissements Sud-Sud se sont développés, devenant plus sophistiqués et plus réglementés. 

L’Union européenne, qui assure 57% de l’APD mondial, a préconisé des arrangements pluripartenaires mieux conçus.  Les pays à revenu intermédiaire étant des pays en développement, il faut examiner plus soigneusement les politiques macroéconomiques, a souligné la Chine.  Il faut modifier les modalités de la coopération en s’attaquant à l’endettement, a repris le Directeur du développement de l’OCDE.  La dynamique de l’endettement limite en effet l’espace fiscal, a reconnu la Secrétaire exécutive de la CEPALC, alors que les pays à revenu intermédiaire doivent pouvoir mobiliser les ressources domestiques.  Confrontés au coût exorbitant de la reconstruction post-catastrophe, les petits États insulaires en développement ont besoin d’une approche « systémique » pour remédier à leur endettement, a dit Sainte-Lucie, notamment des modalités d’ajustement après les chocs.  

Déclaration de clôture

La Présidente de l’Assemblée générale a fait la liste des propositions « les plus innovantes » dont la nécessité de renoncer au critère unique du revenu par habitant et d’inclure un critère « vulnérabilité ».  Elle a aussi retenu des débats la nécessité pour le système des Nations Unies de tenir compte, dans l’aide qu’il fournit aux pays à revenu intermédiaire, de leurs réalités « hétérogènes ».  Elle a d’ailleurs annoncé la publication prochaine d’un rapport du Secrétaire général contenant des informations actualisées sur les efforts déployés par le système des Nations Unies pour créer des indicateurs qui reconnaissent la nature multidimensionnelle de la pauvreté.  La Présidente a dit aussi avoir entendu que les nouvelles technologies sont à la foi un défi et une opportunité dont l’exploitation maximale exige le renforcement des capacités et la mise en place des infrastructures nécessaires.  Elle a également dit avoir entendu les appels à l’accès des pays à revenu intermédiaire à une meilleure coopération au développement, dont l’APD.  Elle a pris note de la perception de la coopération Sud-Sud comme « catalyseur » de l’échange des meilleures pratiques.

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