Soixante-treizième session,
30e séance plénière - matin
AG/12086

L’Assemblée générale rejette huit amendements américains et adopte sa vingt-septième résolution consécutive sur la levée du blocus imposé à Cuba

Peu sensible aux arguments prodroits de l’homme des États-Unis, dans le contexte de sa réunion, l’Assemblée générale a rejeté aujourd’hui les huit amendements américains et adopté, comme à l’accoutumée, par une majorité écrasante, sa résolution annuelle sur la nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba, laquelle a été présentée par le Ministre cubain des relations extérieures.

Par 189 voix pour et l’opposition des États-Unis et d’Israël, l’Assemblée générale a adopté pour la vingt-septième fois consécutive un texte dans laquelle elle exhorte de nouveau tous les États à s’abstenir d’adopter ou d’appliquer des lois et règlements, tels que la loi dite « Helms-Burton » dont les effets extraterritoriaux portent atteinte à la souveraineté d’autres États et aux intérêts légitimes d’entités ou de personnes relevant de leur juridiction ainsi qu’à la liberté du commerce et de la navigation.  L’Assemblée demande de nouveau instamment aux États qui continuent d’appliquer des lois ou mesures de ce type de faire le nécessaire pour les abroger ou les annuler dès que possible, dans le respect de leur législation.

Les Nations Unies n’ont pas le pouvoir de lever l’embargo américain mais elles peuvent envoyer un message « moral » à la dictature cubaine, ont déclaré les États-Unis, en présentant leurs huit amendements, « pour libérer les prisonniers politiques, condamner l’absence de liberté et mettre fin à l’oppression des travailleurs ».  Aujourd’hui, ont-ils estimé, l’Assemblée générale peut faire preuve de leadership et réaffirmer les droits de l’homme et les libertés fondamentales du peuple cubain.  Votez « oui » pour montrer au monde que l’Assemblée défend réellement la dignité et les droits humains, ont conclu les États-Unis.

Rien n’y a fait: les huit textes ont été rejetés par plus de 110 voix, les seules voix pour étant celles des États-Unis, d’Israël et de l’Ukraine.  Les Îles Marshall se sont jointes à ces derniers sur l’amendement concernant les droits civils, politiques et économiques.  Le Ministre cubain des relations extérieures, qui a présenté la résolution, a dénoncé l’argument « ignominieux » du Département d’État américain pour défendre ses amendements et le cynisme avec lequel il a argué que « les actions de Cuba menacent clairement les objectifs de développement durable ».  C’est prendre cette Assemblée pour une imbécile, s’est emporté M. Bruno Eduardo Rodríguez Parrilla.

Ce qui constituait un seul amendement de huit paragraphes a été converti, a fait observer le Ministre, en huit amendements séparés dans le seul but de semer la confusion, d’abuser du temps de l’Assemblée générale et de lasser ses Membres.  « C’est une magouille malhonnête », s’est-il emporté.  Ancré dans la guerre froide, l’objectif du blocus n’a pas changé au fil du temps, a dit le Ministre.  Il s’agit toujours, a-t-il expliqué en invoquant « l’infâme » mémorandum secret du 6 avril 1960, « de provoquer la faim, le désespoir et finalement le renversement du gouvernement ».  Le peuple cubain, a promis le Ministre, continuera de décider librement de ses affaires intérieures comme il le fait en ce moment, en discutant du projet de réforme de la Constitution et comme il le fera en participant au referendum pour l’adopter.  « Nous n’admettons ni n’admettrons aucune ingérence d’une puissance étrangère ».

Avec le « changement générationnel » du leadership qui s’est opéré à Cuba en avril dernier, l’Union européenne a exprimé son intention d’accompagner le pays dans ses réformes, tout en continuant de promouvoir, vigoureusement, la démocratie et le respect des droits de l’homme.  Elle a tout de même jugé que les amendements américains n’ont pas leur place dans une résolution qui concerne un sujet différent et largement économique.  À l’instar de plusieurs délégations, le Canada n’a pas dit autre chose. 

Une nouvelle fois, se sont lamentés les États-Unis, le peuple cubain a été laissé sous le joug brutal de la dictature castriste.  Il a été abandonné par les Nations Unies et par la plupart des gouvernements du monde, ont-ils commenté, promettant que le peuple américain sera aux côtés des Cubains jusqu’à ce qu’on leur restitue « les droits que Dieu leur a donnés, comme à nous tous ».  Frappés par les similitudes entre les souffrances du peuple cubain, sous la dictature castriste, et celles du peuple iranien, sous les mollahs, les États-Unis ont provoqué un droit de réponse de l’Iran.  Nous regrettons vivement que l’Assemblée générale ait été obligée d’entendre la délégation américaine confirmer « les tendances pathologiques » de son gouvernement, a taclé l’Iran.

L’Assemblée reprendra ses travaux demain, vendredi 2 novembre, à partir de 10 heures pour examiner le rapport annuel du Conseil des droits de l’homme.

NÉCESSITÉ DE LEVER LE BLOCUS ÉCONOMIQUE, COMMERCIAL ET FINANCIER IMPOSÉ À CUBA PAR LES ÉTATS-UNIS

Débat général

Mme KEISHA ANIYA MCGUIRE (Grenade) a d’abord souligné à quel point le blocus est contraire aux principes de la Charte des Nations Unies, avant d’avouer que son pays avait placé beaucoup d’espoir dans la volonté des États-Unis de rétablir ses relations diplomatiques avec Cuba.  Elle a donc regretté que ce rapprochement se soit arrêté.  La représentante s’est opposée fermement aux lois et mesures qui sapent la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale, la liberté du commerce et de la navigation.  Elle a appelé à la levée immédiate de l’embargo « injuste » et espéré la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba.  Que ce blocus unilatéral devienne un vestige du passé, a-t-elle souhaité.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a indiqué qu’il « persiste et signe » en se joignant, comme les années précédentes, à la clameur des voix des 191 États sur les 193 Membres de l’ONU qui demandent la levée d’un blocus d’un demi-siècle contre la situation économique, commerciale, culturelle et sociale du peuple cubain.  Il a évoqué les espoirs, vite déçus, qu’avait suscités, en 2016, l’initiative de Président Barack Obama de concrétiser cette exigence mondiale: l’ouverture des missions diplomatiques, les visites des hauts responsables, la reprise des vols aériens.  Il a lancé un appel à l’Administration actuelle pour qu’elle poursuive sur la voie tracée par le Président précédent, en mettant pleinement en œuvre la résolution 72/4 de l’Assemblée générale.  Le représentant a aussi souligné qu’en dépit d’un isolement « imposé », Cuba a réussi à afficher des indices élevés de développement humain et à développer une coopération Sud-Sud avec des dizaines de pays de régions différentes.  Il a fait état de la vaste coopération avec la Guinée équatoriale dans les secteurs de l’éducation et de la santé et demandé à l’audience d’imaginer ce que Cuba aurait pu réaliser sans ce blocus.  Le représentant a appelé le Gouvernement américain à actionner tous les mécanismes établis par l’Administration précédente et à appliquer les résolutions des Nations Unies pour la levée inconditionnelle du blocus contre Cuba.    

M. HAU DO SUAN (Myanmar) a dit que son pays croit aux principes fondamentaux de la souveraineté nationale, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États et du règlement pacifique des différends, tous consacrés par la Charte des Nations Unies.  Il a dénoncé la portée extraterritoriale du blocus et la politisation des droits de l’homme, raisons pour lesquelles son pays a toujours voté en faveur de la résolution annuelle de l’Assemblée générale.  L’embargo, a-t-il estimé, a causé d’énormes souffrances au peuple cubain, des souffrances qui sont d’autant mieux comprises par le Myanmar qu’il a lui-même été soumis à des sanctions unilatérales pendant plus de 20 ans.  Le Myanmar, qui s’était félicité du rapprochement entre les deux pays et de la reprise des relations diplomatiques en 2016, les encourage aujourd’hui à poursuivre le dialogue et les négociations pour parvenir à une pleine normalisation des relations bilatérales, basées sur les principes d’égalité souveraine et de respect mutuel, a conclu le représentant.

Présentation du projet de résolution A/73/L.3

Pour présenter le projet de résolution, M. BRUNO EDUARDO RODRÍGUEZ PARRILLA, Ministre des relations extérieures de Cuba a d’abord évoqué trois cas d’urgence médicales affectant des enfants, pour illustrer le caractère « incalculable » des dommages humains causés par le blocus.  Ce blocus, a-t-il dit, est un acte de génocide, aux termes de l’article 2, alinéas b et c de la Convention de 1948 et constitue une violation du droit international humanitaire.  Ancré dans la guerre froide, son objectif n’a pas changé au fil du temps, a dit le Ministre.  Il s’agit toujours, a-t-il expliqué en invoquant « l’infâme » mémorandum secret du 6 avril 1960, « de provoquer la faim, le désespoir et finalement le renversement du gouvernement ».

Le blocus, a poursuivi le Ministre, constitue pour les Cubains le principal obstacle au flux d’information et à un accès plus large à Internet.  Il entrave les relations culturelles, universitaires, scientifiques et sportives et celles de la société civile.  Cette politique « hostile », a-t-il souligné, l’Administration américaine la mène en arguant des prétextes les plus incroyables mais en poursuivant des visées politiques tout à fait réelles. 

Le Ministre a dénoncé le mémorandum « ignominieux » que le Département d’État a adressé la semaine dernière aux États Membres sur « les amendements qui visent à aborder la raison sous-jacente de l’embargo ».  Avec le même cynisme, a encore dénoncé le Ministre, le Département d’État dit que « les actions de Cuba menacent clairement les objectifs de développement durable et, si nous voulons les mettre en œuvre totalement, il faut que vous appuyiez les amendements ».  C’est prendre cette Assemblée pour une imbécile, s’est emporté le Ministre.  

Ce qui constituait un seul amendement de huit paragraphes a été converti, a fait observer le Ministre, en huit amendements séparés dans le seul but de semer la confusion, d’abuser du temps de l’Assemblée générale et de lasser ses Membres.  « C’est une magouille malhonnête », s’est-il encore emporté.   

L’Administration américaine, a tranché le Ministre, « n’a pas une once d’autorité morale pour critiquer ni Cuba ni qui que ce soit en matière des droits de l’homme ».  Le Ministre a rejeté les manipulations à des fins politiques et le « deux poids deux mesures » qui caractérisent ces droits.  Il s’est attardé sur le bilan américain des « crimes contre l’humanité », en citant la politique des armes de destruction massive et des armes classiques, l’instauration de dictatures militaires, les exécutions extrajudiciaires, l’état des prisons ou encore les violations des droits des afro-américains, des latinos, des minorités et des migrants.  Les États-Unis, a-t-il ajouté, ne sont parties qu’à 30% des instruments relatifs aux droits de l’homme et ne reconnaissent pas les droits à la vie, à la paix, au développement, à la sécurité et à l’alimentation ni même les droits de l’enfant.  Comment s’étonner qu’ils aient abandonné le Conseil des droits de l’homme, a feint de s’interroger le Ministre, qui a parlé du pouvoir des lobbies dont l’impunité de celui des armes, des discours de haine, des tricheries électorales et de la désinformation.  Le Gouvernement américain, a-t-il encore accusé, s’ingère sans scrupules dans les élections et les affaires intérieures de la plupart des États de la planète.  Il a attiré l’attention sur la politique américaine vis-à-vis du Venezuela, du Nicaragua et de la Bolivie.  Ce Gouvernement, s’est énervé le Ministre, prétend exercer sa domination sur « notre Amérique ». 

M. Rodríguez Parrilla a estimé les préjudices totaux dus à un blocus de 60 ans à 933 678 milliards de dollars.  Cette année, les pertes s’élèvent à 4 321 200 000 dollars.  Le blocus reste l’obstacle fondamental à la mise en œuvre du Plan national de développement social et économique et au Programme de développement durable à l’horizon 2030, car sans ce blocus, Cuba aurait une croissance annuelle de 10%.  Parallèlement la portée extraterritoriale du blocus s’est intensifiée, en particulier la traque des transactions financières, bancaires et de crédits de Cuba d’un bout à l’autre de la planète. 

Nous avons, a reconnu le Ministre, des relations diplomatiques avec les États-Unis, des épisodes de dialogue officiel et une certaine coopération mutuellement avantageuse dans une série limitée de domaines.  Mais le trait qui marque et définit nos relations bilatérales, c’est le blocus, une politique inspirée par des visées de domination, d’intolérance idéologique et de vengeance politique. 

Le peuple cubain, a-t-il promis, continuera de décider librement de ses affaires intérieures comme il le fait en ce moment, en discutant du projet de réforme de la Constitution et comme il le fera en participant au referendum pour l’adopter.  Nous n’admettons ni n’admettrons aucune ingérence d’une puissance étrangère.  « Avant que nous ne renoncions à notre volonté de rendre notre partie libre et prospère, la mer du Sud se sera unie à la mer du Nord et un serpent sera né d’un œuf d’aigle », a prévenu le Ministre, en paraphrasant José Marti. 

M. Rodríguez Parrilla est revenu sur le projet de résolution pour arguer que toute intervention sur le fond n’a plus de raison d’être à ce stade de la procédure.  Il a demandé à la Présidente de l’Assemblée générale de faire respecter cette règle. 

Chaque année, à l’exception d’une, les États-Unis votent contre la résolution et compte tenu de la structure de la dernière, ils feront de même aujourd’hui, a annoncé Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis), qui s’est élevée contre un texte imputant à son pays la pauvreté, la répression et l’absence de liberté à Cuba, voire un génocide.  La résolution ne change rien, a-t-elle souligné.  Elle ne nourrit pas un seul enfant cubain ni ne libère un seul prisonnier politique.  La raison de l’embargo américain a toujours été le déni de la liberté et des droits humains les plus fondamentaux du peuple cubain, a affirmé la représentante.  Les États-Unis resteront aux côtés du peuple cubain et ne reculeront pas, a-t-elle prévenu.  Nous n’avons aucun problème, a-t-elle dit, à voter seul pour ce en quoi nous croyons et nous le ferons, une nouvelle fois, avec fierté.  Mais la chose la plus regrettable est que cette résolution est une perte de temps, car si vous croyez que vous nous touchez, vous avez tort.  C’est au peuple cubain, a accusé la représentante, que vous faites du mal puisque vous dites à son régime que la manière dont il le traite est tout à fait acceptable. 

La représentante a dit avoir écouté attentivement les déclarations faites ici et a fermement appuyé celle de l’Union européenne, l’année dernière, qui insistait sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales.  De toutes les déclarations, la représentante a dit avoir retenu les appels à ce que Cuba réalise le Programme 2030, lequel consacre ces droits et ces libertés fondamentales que nie Cuba.  La représentante a dit être frappée par les similitudes entre les souffrances du peuple cubain, sous la dictature castriste et celles du peuple iranien, sous les mollahs.  Les deux Gouvernements, a-t-elle dit, détournent des fonds pour financer leur agression à l’étranger.  Chaque année, a rappelé la représentante, l’Assemblée générale adopte une résolution pour condamner les violations des droits de l’homme commises par le régime iranien.  L’année dernière, la résolution a été adoptée par 81 voix pour et c’est la cause des droits de l’homme en Iran qui a gagné.  Il est temps, a pressé la représentante, que l’Assemblée fasse de même pour Cuba. 

Les Nations Unies ne peuvent pas lever l’embargo américain mais elles peuvent envoyer un message « moral » à la dictature cubaine pour véritablement améliorer les conditions de vie des citoyens.  Nous avons proposé, a dit la représentante, une série d’amendements pour libérer les prisonniers politiques, condamner l’absence de liberté et mettre fin à l’oppression des travailleurs.  Cette année, a-t-elle encouragé, nous avons l’occasion de dire clairement au peuple cubain que le monde n’ignore pas ses souffrances.  Aujourd’hui, l’Assemblée générale peut faire preuve de leadership et réaffirmer les droits de l’homme et les libertés fondamentales du peuple cubain.  Votez « oui » à chacun des amendements, votez « oui » pour montrer au monde que l’Assemblée générale défend réellement la dignité et les droits humains, a conclu la représentante. 

M. PHILIPP CHARWATH (Autriche), au nom de l’Union européenne (UE), a relevé que le commerce extérieur et les investissements étrangers peuvent jouer un rôle crucial pour remettre Cuba sur la voie du développement durable.  Pour l’Union européenne, la levée du blocus devrait faciliter l’ouverture de l’économie cubaine pour le bien-être de sa population.  L’UE regrette donc la reprise des restrictions dans les relations entre les États-Unis et Cuba.  Au-delà de l’impact du blocus sur le Cubain moyen, les sanctions unilatérales et les autres mesures administratives et judiciaires affectent négativement les intérêts économiques de l’UE.  L’Union s’est toujours opposée fermement aux mesures à portée extraterritoriale, en violation des règles acceptées du commerce international.  Nous ne pouvons accepter que des mesures unilatérales sapent nos relations économiques et commerciales avec Cuba, a déclaré le délégué.  C’est pourquoi le Conseil des Ministres de l’UE a adopté un règlement et une action commune afin de protéger l’Union contre l’ingérence indue et les problèmes pour les citoyens, les entreprises et les ONG travaillant à ou avec Cuba. 

L’UE invite les États-Unis à continuer de respecter et de mettre en œuvre l’accord adopté au Sommet de Londres en mai 1998.  Cet accord, a-t-il expliqué, couvre des exceptions à la loi Helms-Burton.  Pour l’UE, « ouvrir les portes et assurer un engagement plus proche sont l’approche à prendre avec Cuba ».  Le délégué a noté que le 1er novembre, sera commémoré le premier anniversaire de l’application provisoire de l’Accord de dialogue politique et de coopération (ADPC) entre l’Union européenne et Cuba.  Un Accord qui va permettre à l’UE, a-t-il expliqué, de soutenir et accompagner Cuba sur la voie de la réforme et de la modernisation.  L’UE réitère son appel au Gouvernement cubain pour qu’il accorde à ses ressortissants les droits et libertés civils, politiques et économiques internationalement reconnus, qu’il reconnaisse le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et qu’il accepte les visites des rapporteurs spéciaux. 

L’UE prend note des amendements présentés par les États-Unis et souligne que les préoccupations qu’ils contiennent avaient été soulevées par des membres de l’UE au cours de la dernière session du Conseil des droits de l’homme.  Mais pour l’UE, ces préoccupations n’ont pas de place dans la présente résolution qui concerne un sujet différent et largement économique.  « Dans un contexte particulièrement sensible, des sujets distincts ne doivent pas être mis ensemble », a expliqué l’UE.  Le délégué a déclaré qu’avec le changement générationnel du leadership à Cuba en avril dernier, et alors que s’y déroule une réforme constitutionnelle, l’UE entend accompagner Cuba dans ses réformes, tout en continuant de promouvoir, vigoureusement, la démocratie et le respect des droits de l’homme.  Constatant que le blocus ne promeut pas ces objectifs mais sape leur mis en œuvre, les États membres de l’Union européenne entendent donc voter en faveur du projet de résolution sur la fin du blocus contre Cuba. 

M. MARC-ANDRÉ BLANCHARD (Canada) a annoncé son opposition aux amendements américains même s’il n’en conteste pas le fond.  Il a tout simplement estimé que la résolution sur la levée du blocus n’est pas la plateforme adéquate pour considérer le respect par Cuba de ses obligations internationales en matière de droits de la personne. 

M. LAZAROUS KAPAMBWE (Zambie) a rappelé que l’Assemblée générale vient tout juste de célébrer la vie de Nelson Mandela, dont l’un des maîtres mots était « Ubuntu », à savoir « humanité » ou « conscience humaine ».  Si la Zambie peut critiquer la gouvernance des uns et des autres, même de Cuba, elle ne conteste pas pour autant le droit de chaque peuple de décider de son propre destin et de la gestion de ses affaires.  Je me suis laissé dire, a-t-il confié, que les agents de l’ordre américains rejettent l’expression « incarcération de masse » pour expliquer la présence disproportionnée d’un segment de la population dans les prisons.  Ces agents de l’ordre nous disent que chaque personne arrêtée l’est à titre individuel pour un crime donné.   Le Gouvernement américain, a estimé le représentant, devrait prendre exemple sur eux et cesser les punitions collectives contre un peuple de Cuba qui n’a commis aucun crime contre lui ou le peuple des États-Unis.

Nous ne sommes pas ici, a rassuré le représentant, comme une bande de voyous déterminés à faire couler du sang américain.  Il a cité une expression zambienne qui dit « celui qui t’avoue à quel point tu es laid est un bon ami.  Les États-Unis sont un bon ami ».  Nous voulons, s’est expliqué le représentant, appeler ce pays au sens de l’« Ubuntu », dans le traitement qu’il réserve au peuple cubain et pour lui demander de se hisser à la hauteur des normes démocratiques qui nous dictent d’accepter la décision de la majorité et de lever le blocus contre Cuba.  Les États-Unis sont un grand pays mais la grandeur ne tient pas à la faculté d’opprimer les autres mais à celle de les inspirer.  La grandeur ne tient pas à la faculté de détruire mais à celle de réparer et de construire, à celle d’user de son pouvoir pour protéger les faibles et les petits, a conclu le représentant.

Examens des projets d’amendements et du projet de résolution

Avant toute chose, les États ont d’abord adopté par 126 voix pour, 9 voix contre (Australie, Barbade, Canada, États-Unis, Géorgie, Israël, Pérou, République de Moldova, Ukraine) et 52 abstentions, la motion de Cuba selon laquelle l’adoption ou le rejet des amendements et de la résolution se fera à la majorité des deux tiers et non à la majorité simple.

L’Assemblée a ensuite rejeté par 113 voix contre, 3 voix pour (États-Unis, Israël, Ukraine) et 67 abstentions, le projet d´amendement (A/73/L.9) consistant à ajouter un alinéa au préambule se lisant comme suit: « constatant avec une vive inquiétude que, à Cuba, les graves difficultés d’accès à l’information, les restrictions drastiques à la liberté d’expression, l’absence totale d’indépendance de la magistrature et les arrestations et détentions arbitraires compromettent l’action menée collectivement pour mettre en œuvre l’objectif 16 du développement durable, qui consiste à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, à assurer l’accès de tous à la justice et à mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ».

Le projet d’amendement (A/73/L.10) a été rejeté par 115 voix contre, 3 voix pour (États-Unis, Israël, Ukraine) et 65 abstentions.  Il consistait à ajouter l’alinéa suivant au préambule: « constatant avec une vive inquiétude que, à Cuba, l’absence de femmes dans les organes de décision les plus influents, notamment dans le comité exécutif du Conseil des ministres et parmi les hauts responsables militaires, compromet fortement l’action menée collectivement pour mettre en œuvre l’objectif de développement durable, qui vise à parvenir à l’égalité des sexes et à autonomiser toutes les femmes et les filles en luttant contre les discriminations fondées sur le genre profondément ancrées, qui sont la conséquence d’attitudes patriarcales et de normes sociales apparentées ».

Autre projet d’ajout au préambule, l’amendement (A/73/11) a aussi été rejeté par 114 voix contre, 3 voix pour (États-Unis, Israël, Ukraine) et 66 abstentions.  Il se lisait comme suit: « constatant avec une vive inquiétude que, à Cuba, le monopole syndical exercé par la Centrale des travailleurs de Cuba, l’interdiction du droit de grève et les restrictions limitant les négociations et les accords collectifs, notamment le fait que les autorités publiques et la direction de la Centrale des travailleurs ont le dernier mot sur ces accords, compromettent fortement l’action menée collectivement pour atteindre l’objectif 8 de développement durable, qui consiste à promouvoir une croissance économique soutenue et partagée, le plein emploi productif et un travail décent pour tous ».

Cette fois-ci dans le dispositif, les États-Unis comptaient ajouter le paragraphe suivant (A/73/L.12), se lisant comme suit: « demande à Cuba d’accorder pleinement à ses citoyens les droits et libertés civils, politiques et économiques internationalement reconnus, notamment la liberté de réunion, la liberté d’expression et le libre accès à l’information ».  Le texte a été rejeté par 114 voix contre, 4 voix pour (États-Unis, Îles Marshall, Israël, Ukraine) et 65 abstentions.

« Demande à Cuba, notamment aux autorités judiciaires et aux services de sécurité, de créer et de maintenir, en droit et dans la pratique, un environnement sûr et favorable dans lequel une société civile indépendante, diverse et pluraliste puisse opérer sans entrave injustifiée et en toute sécurité ».  C’est l’autre amendement au dispositif (A/73/L.13) qui a été rejeté par 114 voix contre, 3 voix pour (États-Unis, Israël, Ukraine).

Celui contenu au document (A/73/L.14) a été rejeté par 114 voix pour, trois voix contre (États-Unis, Israël, Ukraine) et 66 abstentions.  Il disait « prie Cuba de faire cesser les restrictions graves et généralisées imposées, en droit et dans la pratique, à la liberté d’expression et d’opinion, à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique, aussi bien en ligne que hors ligne, notamment en mettant fin au harcèlement, à l’intimidation et à la persécution des opposants politiques, des défenseurs des droits de l’homme, des militants des droits des femmes et des minorités, des responsables syndicaux, des militants des droits des étudiants, des journalistes, des blogueurs, des utilisateurs de médias sociaux, des administrateurs de groupes dans les médias sociaux, des professionnels des médias, des chefs religieux et des avocats ».

Le projet d’amendement (A/73/L.15) a été rejeté par 114 voix contre, 3 voix contre (États-Unis, Israël, Ukraine) et se lisait « prie instamment Cuba de remettre en liberté les personnes détenues arbitrairement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux en toute légitimité, d’envisager de revenir sur les peines excessivement sévères prononcées contre des personnes ayant exercé ces libertés fondamentales, et de mettre fin aux représailles exercées contre les particuliers, notamment contre celles et ceux qui coopèrent avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme ».

Enfin, rejeté par 114 voix contre, 3 voix pour (États-Unis, Israël, Ukraine) et 66 abstentions, le projet d’amendement contenu au document A/73/L.16 qui se lisait: « demande à Cuba de prendre des mesures pour déterminer les responsabilités dans toutes les violations graves des droits de l’homme, y compris celles qui mettent en cause les autorités judiciaires et les services de sécurité cubains, et de mettre fin à l’impunité dont jouissent les auteurs de ces violations ».

L’Assemblée a ensuite adopté par 189 voix pour et l’opposition des États-Unis et d’Israël, la résolution sur la nécessité de lever le blocus contre Cuba (A/73/L.3).

Explications de vote

Je suis toujours un peu surprise quand j’entends des applaudissements à un moment pareil, a avoué la représentante des États-Unis.  Il n’y a pas de vainqueurs aujourd’hui, il n’y a que des perdants.  Les Nations Unies ont perdu, a-t-elle asséné.  Elles ont raté l’occasion de défendre les droits de l’homme.  La Charte, a souligné la représentante, engage chaque pays présent ici à promouvoir la paix, la sécurité et les droits de l’homme.  Or, cette Charte a été trahie aujourd’hui et une nouvelle fois, nous voyons pourquoi tant de gens dans le monde croient que la foi dans les Nations Unies est toujours vaine.  Les pays qui prétendent défendre les droits de l’homme ont perdu et ils méritent que l’on doute d’eux.  Mais surtout, a souligné la représentante, c’est le peuple cubain qui a perdu.  Une nouvelle fois, il a été laissé sous le joug brutal de la dictature castriste.  Il a été abandonné par les Nations Unies et par la plupart des gouvernements du monde.  Mais ce peuple n’est pas seul.  Les États-Unis sont à ses côtés.  Le peuple cubain est notre voisin, c’est notre ami, et comme nous, un enfant de Dieu, a proclamé la représentante.  Le peuple américain sera avec le peuple cubain jusqu’à ce qu’on lui restitue les droits que Dieu leur a donnés, comme à nous tous, des droits qu’aucun gouvernement ne peut légitimement nier.  Si le vote d’aujourd’hui n’a rien eu d’admirable, il a été en revanche extrêmement révélateur et a contribué à la cause de la vérité, base essentielle de la liberté et des droits de l’homme, a conclu la représentante.

Son homologue de l’Uruguay a expliqué son abstention sur les amendements américains par son opposition à l’idée de changer un texte qui fait presque l’unanimité.  En outre, le contenu des amendements n’avait aucun lien avec la question centrale de la résolution qui est la levée du blocus contre Cuba.

Jugeant que les mesures économiques unilatérales sont contraires à la Charte des Nations Unies, la représentante de l’Indonésie, a souligné qu’elle s’est ralliée à la majorité des États en votant pour la résolution.

La déléguée de l’Équateur a rappelé que la Déclaration d’indépendance des États-Unis parle de l’égalité des hommes et des libertés individuelles.  Elle s’est donc dite surprise qu’un pays doté d’une telle Constitution prenne des mesures coercitives contre un autre peuple.

Nous sommes d’accord avec les États-Unis, a indiqué la représentante de l’Australie, en reconnaissant le problème des droits de l’homme à Cuba.  Mais, a-t-elle expliqué, nous nous sommes abstenus sur les amendements parce que « ce n’est pas le lieu d’en parler ici ».  Nous avons aussi voté pour la levée du blocus.

Son homologue du Costa Rica a jugé que voter pour les amendements américains, c’était dénaturer la résolution annuelle de l’Assemblée générale.  Elle a plutôt plaidé pour un dialogue sincère entre les deux pays.

Le représentant de l’Argentine a insisté sur un blocus contraire au droit international, dont le principe d’égalité souveraine des États.  Il a, à son tour, appelé à un dialogue sans condition entre les deux gouvernements pour parvenir à la levée du blocus.

Les deux États doivent rétablir le dialogue, a plaidé également, le représentant du Panama qui a rappelé que c’est sur son territoire que le rapprochement historique entre Cuba et les États-Unis s’est fait en 2015.

Nous sommes opposés au blocus contre Cuba, a dit son homologue du Pérou, tout en exprimant son attachement au respect des droits de l’homme, un de principes de la politique étrangère péruvienne. 

Droit de réponse

Le représentant de l’Iran a vivement regretté que l’Assemblée générale ait été obligée d’entendre la délégation américaine confirmer « les tendances pathologiques » de son gouvernement.  Nous rejetons, a-t-il dit, ce type de comportements de la part d’un pays dont le mépris flagrant des accords internationaux est de notoriété publique, comme en atteste sa décision de se retirer du Plan d’action global commun sur le dossier nucléaire iranien.  Le représentant en a profité pour dénoncer le blocus américain auquel son pays est soumis et qui viole les droits de millions d’Iraniens.  Il a fustigé, dans la foulée, la politique interventionniste dévastatrice des États-Unis au Moyen-Orient.  Les organes de traité des Nations Unies, a-t-il rappelé par ailleurs, ne cessent d’exprimer leur inquiétude quant aux discriminations à l’égard de certains groupes et minorités que l’on voit aux États-Unis.  Il a espéré que les représentants américains présenteront devant l’Assemblée générale des excuses pour des politiques qui suscitent « l’indignation » du monde entier.

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