Soixante-treizième session,
24e & 25e séances plénières – matin & après-midi
AG/12082

Assemblée générale: appui unanime à la Cour internationale de Justice face à la « crise de confiance » qui frappe le multilatéralisme

Alors que son Président, le juge Abdulqawi A. Yusuf, a présenté, devant l’Assemblée générale, le dernier rapport de la Cour internationale de Justice (CIJ) pour la période du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, « une période chargée et productive », tous les États ont salué son rôle, en particulier dans cette ère où les institutions internationales et le multilatéralisme sont confrontés à une crise de confiance.

Depuis le 1er août 2017, 17 affaires contentieuses ont été pendantes devant « l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies », alors qu’un certain nombre d’autres affaires ont été réglées.  La CIJ a aussi rendu quatre arrêts et 13 ordonnances, tout en étant saisie de cinq nouvelles affaires contentieuses.

Son Président a fait part de l’inquiétude de la Cour, laquelle croule sous le poids des affaires tout en faisant face à l’éventualité d’un déménagement du Palais de la Paix, son siège de La Haye, bientôt en travaux.  « La Cour n’a pas encore d’information sur les modalités de ce déménagement », a déploré le juge Yusuf, rappelant qu’il est important de disposer d’un plan de transition souple en cette période chargée.  Le manque d’information « crée une atmosphère d’incertitude qui n’est pas propice à l’exercice des fonctions judiciaires », a-t-il déploré.

Après que le juge Yusuf a décrit les activités menées et celles en cours, plusieurs délégations ont salué la diversité géographique des affaires qui illustre le caractère universel de la compétence de la Cour.  C’est aussi un signe que le multilatéralisme, mis à rude épreuve, reste le meilleur garant de la paix et de la sécurité internationales, s’est réjoui le Sénégal.  Face à la « crise de confiance » dans les institutions internationales, le rôle de la CIJ est plus que jamais important, a renchéri Singapour.  En cette période de défis pour le multilatéralisme, la CIJ demeure une institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique internationaux, a ajouté la France.  Malgré les vents contraires, la CIJ incarne les principes de paix et de justice », a dit, à son tour, Chypre.

La Cour, a poursuivi le Gabon, « peut se féliciter qu’à ce jour, le sérieux de son travail constitue le socle sur lequel est arc boutée sa crédibilité ».  La représentation en son sein des différents systèmes juridiques, des langues et des cultures, contribue sans aucun doute à l’efficacité et à la qualité des décisions, a commenté la Belgique, tandis que d’autres saluaient le fait que 193 États sont parties au Statut de la Cour et que 73 États ont accepté sa juridiction obligatoire.

La mission de la Cour est de régler, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique qui lui sont soumis par les États et de donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes et les institutions spécialisées de l’Organisation des Nations Unies autorisés à le faire.  Au vu de cette double mission, la Gambie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a salué l’efficacité et le professionnalisme avec lesquels la CIJ a traité de la requête de l’Assemblée générale sur les conséquences juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965. 

Le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a regretté que le Conseil de sécurité n’ait sollicité aucun avis consultatif de la Cour depuis 1970.  De toutes façons, ont noté des États dont la Libye, certains pays ne respectent pas les arrêts de la Cour.  Il a rappelé l’avis consultatif de 2004, resté lettre morte, sur l’illégalité du mur de séparation érigé par Israël.  Une affaire, ont professé les Pays-Bas, ne devrait jamais être présentée à la Cour sous le prétexte fallacieux d’un avis consultatif.  La saisine doit contenir une question générale de droit international et non une question sur l’application de ce droit à une situation particulière, ce qui est dans les faits un différend juridique entre des États.  La Cour, ont-t-il insisté, doit toujours s’assurer du consentement des parties et ce consentement ne peut exister que si les parties ont reconnu sa juridiction obligatoire. 

Ce cours de droit n’a pas empêché Cuba d’accuser les membres du Conseil de sécurité d’user de leur droit de veto pour faire obstacle aux arrêts de la Cour, ce qui montre les imperfections des mécanismes d’exécution des arrêts et pointe vers la nécessité d’une réforme pour protéger les pays en développement contre les grandes puissances, a prôné le pays.  L’Iran a justement demandé aux États-Unis de se ranger à l’ordonnance de la CIJ du 3 octobre par laquelle la Cour indique que ces derniers doivent, par les moyens de leur choix, supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers l’Iran de certains biens et services qui sont énumérés. 

L’Ukraine a également accusé la Fédération de Russie qui « persiste à discriminer l’Assemblée des Tatars de Crimée, alors que dans sa décision du 19 avril 2017 les 15 juges de la CIJ avaient demandé au pays de ne plus imposer des limitations au droit de cette communauté à préserver ses institutions ». 

L’Assemblée générale reprendra ses travaux le vendredi 26 octobre à 10 heures pour examiner la question de l’espace comme moteur de développement durable.

RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (A/73/4 ET A/73/319)

L’Assemblée générale est saisie du rapport de la Cour internationale de Justice (A/73/4); et du rapport du Secrétaire général sur le Fonds d’affectation spéciale du Secrétaire général destiné à aider les États à porter leurs différends devant la Cour internationale de Justice (A/73/319) portant sur la période allant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, durant laquelle le Fonds n’a reçu aucune demande, et des contributions ont été versées par la Suisse et la Finlande. 

Présentation du rapport

M. ABDULQAWI A. YUSUF, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a présenté son rapport A/73/4 qui couvre la période allant du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, « une période chargée et productive », au cours de laquelle 17 affaires contentieuses ont été pendantes devant la CIJ, alors qu’un certain nombre d’autres affaires ont été réglées au cours de l’année. 

Au cours de la période du rapport, a expliqué le Président, la Cour a entendu six affaires, y compris les audiences sur les exceptions préliminaires soulevées par la France dans le cadre de l’affaire des « Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) ».  Elle a aussi entendu les parties impliquées dans le différend concernant l’obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).  En juin et août derniers, la CIJ a entendu les arguments oraux des parties sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Qatar au sujet de l’affaire relative à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Émirats arabes unis).  Elle a également entendu les parties sur l’affaire des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique).

Depuis le 1er août 2017, la CIJ a rendu quatre arrêts.  Le 2 février 2018, elle a rendu deux arrêts sur le fond, le premier portant sur la fixation du montant de l’indemnisation due par le Nicaragua au Costa Rica, et le second sur la délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua).  La CIJ a fixé le total de la somme due par le Nicaragua au Costa Rica au 2 avril 2018 à 378 890,59 dollars. 

Au sujet de l’affaire de la « délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique » (Costa Rica c. Nicaragua), a poursuivi M. Yusuf, la Cour a reconnu la souveraineté du Costa Rica sur toute la partie septentrionale d’Isla Portillos, y compris sa côte jusqu’au point où la rive droite du fleuve San Juan rejoint la laisse de basse mer de la côte de la mer des Caraïbes, à l’exception de la lagune de Harbor Head et du cordon littoral qui sépare cette dernière de la mer des Caraïbes, sur lesquels la souveraineté est nicaraguayenne à l’intérieur de la frontière définie au paragraphe 73 de l’arrêt.  Le 14 février, le Nicaragua a informé la Cour qu’il avait démantelé son camp militaire du territoire du Costa Rica. 

Le troisième arrêt de la Cour, rendu le 6 juin 2018, portait sur les exceptions préliminaires soulevées par la France dans le cadre de l’affaire des « Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France) ».  Pour rappel, le 13 juin 2016, la Guinée équatoriale a déposé une requête introductive d’instance contre la France au sujet d’un différend ayant trait à « l’immunité de juridiction pénale du second Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la défense et de la sécurité de l’État, M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, ainsi qu’au statut juridique de l’immeuble qui abrite l’ambassade de Guinée équatoriale en France ».  Le 31 mars 2017, la France avait soulevé trois exceptions préliminaires à la compétence de la Cour.  La Cour a rejeté à l’unanimité la demande de la France tendant à ce que l’affaire soit rayée du rôle; et a indiqué, à titre provisoire, que la France doit, dans l’attente d’une décision finale en l’affaire, prendre toutes les mesures dont elle dispose pour que les locaux présentés comme abritant la mission diplomatique de la Guinée équatoriale, au 42 avenue Foch, à Paris, jouissent d’un traitement équivalent à celui requis par l’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité.

Le quatrième arrêt de la Cour a été rendu le 1er octobre 2018 quand elle a tranché au fond l’affaire relative à l’obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).  Le 24 avril 2013, l’État plurinational de Bolivie a déposé une requête introductive d’instance contre le Chili au sujet d’un différend ayant trait à « l’obligation du Chili de négocier de bonne foi et de manière effective avec la Bolivie en vue de parvenir à un accord assurant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique ».  La Cour a ainsi conclu, le 1er octobre, que le Chili n’avait pas contracté d’obligation juridique de négocier l’accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique.  Elle a cependant ajouté que sa conclusion ne devait pas être comprise comme empêchant les parties de poursuivre leur dialogue et leurs échanges dans un esprit de bon voisinage, afin de traiter les questions relatives à l’enclavement de la Bolivie, dont la solution était considérée par l’une et l’autre comme relevant de leur intérêt mutuel.

Le juge a ensuite évoqué trois ordonnances qui ne sont pas de nature procédurale et que la Cour a rendues au cours de la période considérée.  Dans son ordonnance en date du 15 novembre 2017, la Cour a dit que la première et la deuxième demandes reconventionnelles présentées par la Colombie étaient irrecevables comme telles et ne faisaient pas partie de l’instance en cours, et que la troisième et la quatrième demandes reconventionnelles présentées par la Colombie étaient recevables comme telles et faisaient partie de l’instance en cours. 

Le 23 juillet 2018, la Cour a rendu son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires, demandant ainsi, entre autres, que « les familles qataro-émiriennes séparées par suite des mesures adoptées par les Émirats arabes unis le 5 juin 2017 soient réunies »; et que « les Qatariens affectés par les mesures adoptées par les Émirats arabes unis le 5 juin 2017 puissent avoir accès aux tribunaux et autres organes judiciaires de cet État ».

Le 3 octobre enfin, la Cour a rendu une troisième ordonnance en indication de mesures conservatoires, dans l’affaire « des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique).  Le 16 juillet 2018, l’Iran avait déposé une requête introductive d’instance contre les États-Unis au sujet d’un différend concernant des violations alléguées du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires signé par les deux États à Téhéran le 15 août 1955 et entré en vigueur le 16 juin 1957.  L’Iran a indiqué que sa requête portait sur la décision prise le 8 mai 2018 par les États-Unis de rétablir pleinement et de faire appliquer un ensemble de sanctions et de mesures restrictives la visant, directement ou indirectement, ainsi que les ressortissants et sociétés iraniennes.  Des mesures que les autorités américaines avaient auparavant décidé de lever dans le cadre du Plan d’action global commun, l’accord sur le programme nucléaire iranien, conclu le 14 juillet 2015 par l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, l’Allemagne et l’Union européenne.  L’Iran avait également introduit, le 16 juillet dernier, une demande en indication de mesures conservatoires.

C’est dans ce contexte, a expliqué le Président, qu’il faut comprendre l’ordonnance de la CIJ du 3 octobre par laquelle la Cour indique que « les États-Unis doivent, par les moyens de leur choix, supprimer toute entrave que les mesures annoncées le 8 mai 2018 mettent à la libre exportation vers le territoire de la République islamique d’Iran de médicaments et de matériel médical; de denrées alimentaires et de produits agricole; et de pièces détachées, des équipements et des services connexes nécessaires à la sécurité de l’aviation civile ».  Les États-Unis doivent également veiller à ce que, s’agissant des biens et services visés, les permis et autorisations nécessaires soient accordés et à ce que les paiements et autres transferts de fonds ne soient soumis à aucune restriction.  De plus, les deux parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie, ou d’en rendre la solution plus difficile. 

Le 28 septembre dernier, a continué M. Yusuf, l’État de Palestine a engagé une procédure contre les États-Unis au sujet de la violation de la Convention de Vienne de 1961.  Pour rappel, cet État avait déposé au Greffe de la Cour, le 4 juillet 2018, une déclaration ainsi libellée: « L’État de Palestine déclare par la présente qu’il accepte avec effet immédiat la juridiction de la Cour internationale de Justice pour tous différends nés ou à naître relevant de l’article premier du Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne, sur les relations diplomatiques, concernant le règlement obligatoire des différends (1961), auquel l’État de Palestine a adhéré le 22 mars 2018. »

Le Président de la Cour a par ailleurs noté que la CIJ a décidé que ses membres ne pourront désormais prendre part qu’aux arbitrages impliquant plusieurs États.  Néanmoins, un juge ne peut prendre part à plus d’une procédure d’arbitrage et il ne peut non plus intervenir dans un arbitrage impliquant un État qui aurait une autre affaire pendante devant la Cour.

Par ailleurs, le Président de la CIJ a fait part de l’inquiétude de la Cour devant l’éventualité d’un déménagement du Palais de la Paix qui devra faire l’objet de travaux de rénovation par le pays hôte, notamment à cause d’une contamination à l’amiante.  « La Cour n’a pas encore d’information sur les modalités de ce déménagement », a déploré le juge Yusuf, en rappelant qu’il est important d’avoir un plan de transition souple en cette période chargée.  Le manque d’information « crée une atmosphère d’incertitude qui n’est pas propice à l’exercice de ses fonctions judiciaires », a-t-il conclu.

Déclarations

S’exprimant au nom du Groupe de Visegrad (Slovaquie, République tchèque, Hongrie et Pologne), M. METOD ŠPAČEK, Directeur du Département du droit international au Ministère des affaires étrangères et européennes de la Slovaquie, a souligné le rôle irremplaçable de la Cour internationale de Justice (CIJ), principal organe judiciaire des Nations Unies, dans le règlement pacifique des différends entre États.  Le nombre croissant d’États soumettant leurs différends à la juridiction de la Cour reflète leur confiance en elle, a-t-il dit.  Durant la période examinée, cinq affaires ont été soumises à la Cour et quatre jugements et plusieurs ordonnances ont été délivrés, ce qui témoigne de son intégrité et de son efficacité pour ce qui est de rendre la justice internationale.  Les pays du Groupe de Visegrad apprécient la remarquable contribution à long terme de la CIJ à la prévention des conflits et à la promotion de relations amicales entre États. 

M. Špaček a ensuite abordé deux sujets inséparables à son sens: l’élargissement de l’acceptation de la juridiction de la CIJ; et l’énorme contribution de la CIJ au renforcement de l’état de droit au niveau international.  S’agissant du premier, il a rappelé que le Statut de la Cour offre aux États plusieurs moyens d’accepter sa juridiction et qu’à présent, 73 sur les 193 États parties acceptent la juridiction obligatoire en vertu de l’article 36, paragraphe 2 du Statut.  Des arrangements spéciaux de soumission des différends constituent un autre moyen d’acceptation et ceux-ci ne doivent pas être sous-estimés. 

La volonté des États de soumettre leurs différends doit aller de pair avec leur volonté d’appliquer, en toute bonne foi, les décisions de la Cour, a encore indiqué le représentant, estimant que ce n’est qu’après leur mise en œuvre que les jugements et ordonnances garantissent que le système de justice internationale est pleinement efficace.

S’agissant de la contribution de la CIJ au renforcement de l’état de droit, M. Spacek a fait valoir que les 17 affaires dont elle est saisie couvrent plusieurs sujets du droit international, notamment des questions maritimes, territoriales et environnementales, des questions relatives aux droits de l’homme, aux immunités des États, ou encore à l’interprétation des traités.  Ce large éventail, conjugué avec la variété des régions concernées, est une manifestation du caractère universel de la Cour et du rôle indispensable de la noble mission des Nations Unies de maintien de l’ordre juridique international, a-t-il conclu. 

M. SAMUEL MONCADA (Venezuela), au nom du Mouvement des pays non alignés, a indiqué que ses États membres ont décidé d’optimiser leurs efforts pour poser de nouveaux jalons en vue d’atteindre « le plein respect du droit international ».  Il a mis l’accent sur le rôle de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans le règlement pacifique des différends, conformément aux dispositions pertinentes de la Charte et du Statut de la Cour, en particulier les articles 33 et 94 de la Charte. 

Compte tenu du fait que le Conseil de sécurité n’a sollicité aucun avis consultatif de la Cour depuis 1970, le Mouvement des pays non alignés exhorte le Conseil à se servir davantage de la Cour en tant que source chargée d’interpréter le droit international, notamment sur des sujets polémiques, et à envisager que celle-ci examine ses décisions.  Le Mouvement invite également l’Assemblée générale, d’autres organes et institutions autorisés par la Charte, à solliciter l’avis consultatif de la CIJ sur des questions juridiques qui surgissent dans le cadre de leurs activités respectives. 

Le représentant a, en outre, réaffirmé l’importance de l’avis consultatif de la CIJ, en date du 8 juillet 1996, sur la « légalité de la menace ou l’emploi d’armes nucléaires » par lequel elle avait déterminé qu’il existe une obligation de poursuivre, en toute bonne foi, et de conclure les négociations visant au désarmement nucléaire sous tous ses aspects sous un contrôle international strict et effectif. 

Enfin, M. Moncada a lancé un appel à Israël, la Puissance occupante, à pleinement respecter l’avis consultatif de la CIJ en date du 9 juillet 2004 sur les conséquences juridiques de la construction d’un mur sur le territoire palestinien occupé.  Il a également demandé à tous les États de respecter les dispositions figurant dans cet avis, pour mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967, et établir un État de Palestine indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale. 

Prenant la parole au nom de la Communauté des pays lusophones, M. JOSÉ LUIS FIALHO ROCHA (Cabo Verde) a rappelé à son tour que la CIJ était la seule juridiction internationale de caractère universel à compétence générale.  À ce titre, elle assume d’importantes responsabilités au sein de la communauté internationale et joue un rôle fondamental dans le règlement des différends entre États et le renforcement de l’état de droit international.  Ce faisant, elle évite que des désaccords entre États conduisent à une éruption de violence.  Le taux élevé de respect de ses jugements au fil de son histoire est très encourageant.  Le représentant y a vu une preuve de la confiance des États en son indépendance et impartialité. 

Le représentant a noté le surcroît de travail et le large éventail de sujets traités par la CIJ, ce qui confirme son succès, bien que les affaires devant elle proviennent du monde entier et soient juridiquement complexes.  Cela réaffirme l’universalité de la Cour, l’élargissement de la portée de ses travaux et sa spécialisation grandissante, a-t-il déclaré, ajoutant que la CIJ déploie des « efforts impressionnants » pour faire face au niveau très élevé d’activités.  Partant, il a jugé indispensable que les États Membres admettent la nécessité de lui fournir des ressources adéquates. 

M. Fialho Rocha a souligné la contribution de la CIJ au développement du droit international, en particulier en ce qui concerne l’usage de la force, la délimitation des frontières maritimes, l’autodétermination, et l’immunité des États et de leurs agents.  Ses jugements et avis consultatifs ont en outre inspiré les décisions des organes internationaux, a-t-il encore relevé, louant au passage le fait que la CIJ prend en considération le travail d’autres juridictions internationales.  Cette tendance positive gagnerait à être encouragée, a-t-il commenté, puisqu’elle promeut plus de cohérence au sein du système international.  À cet égard, la Communauté des pays lusophones est convaincue que les juridictions internationales devraient coopérer dans l’amélioration de l’ordre juridique international par le biais du dialogue et de la « fertilisation mutuelle ». 

Reconnaissant « la tension fréquente entre droit et pouvoir », le représentant de Cabo Verde a admis la difficulté qu’il y a de trouver un juste équilibre entre l’obligation qu’ont les États de régler leurs différends de façon pacifique, d’une part, et la nécessité d’un consentement souverain pour recourir à de tels mécanismes, d’une autre.

S’exprimant au nom du Canada et de la Nouvelle-Zélande, Mme MARIE-CHARLOTTE MCKENNA  (Australie) a noté l’augmentation « considérable », depuis 20 ans, du nombre d’affaires présentées devant la CIJ, ce qui reflète la confiance des États Membres sur le rôle de la Cour dans le règlement pacifique des différends.  L’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont accepté la juridiction obligatoire de la Cour, a rappelé le représentant, en appelant les États qui ne l’ont pas encore fait à soumettre une déclaration en ce sens.

Prenant acte des efforts déployés par la Cour pour traiter les affaires en cours, Mme McKenna a encouragé la Cour à répondre rapidement et de façon appropriée aux situations urgentes qui requièrent son attention.

M. AMADOU JAITEH (Gambie), s’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, a indiqué que le principe de prévention avait été relevé dans l’avis consultatif de la CIJ relatif à l’utilisation ou la menace d’utilisation d’arme nucléaire.  Le Groupe des États d’Afrique insiste sur le fait qu’un avis unanime de la CIJ en date du 8 juillet 1996 avait conclu qu’il existe une obligation de poursuivre de bonne foi, et de parvenir à, une conclusion sur des négociations visant le désarmement nucléaire sous tous ses aspects.  Ce sujet est important pour l’Afrique qui est une zone exempte d’arme nucléaire, a indiqué le délégué.

Le Groupe note que la Cour a rejeté les trois affaires présentées par les Îles Marshall sur les « obligations concernant les négociations relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire ».  M. Jaiteh a tout de même souligné que ces arrêts ont été pris par des décisions serrées.

Les États d’Afrique saluent l’efficacité et le professionnalisme avec lesquels la CIJ a traité de la requête de l’Assemblée générale, en vertu de la résolution 71/292, par laquelle elle demandait un avis consultatif de la Cour sur les conséquences juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965.  Le Groupe se félicite notamment que la CIJ ait permis à l’Union africaine de prendre part aux débats sur cette question.

Après avoir salué la contribution de la CIJ au règlement pacifique des différends internationaux, M. MASAHIRO MIKAMI (Japon) a déclaré que l’état de droit et les relations internationales fondés sur des règles constituent le fondement de la politique étrangère de son pays.  Le Japon, a rappelé le représentant, a récemment accueilli le sommet de l’Organisation juridique consultative pour les pays d’Asie et d’Afrique (AALCO).  Au cours des discussions, les participants ont souligné l’augmentation significative du nombre de différends soumis à la Cour depuis 1991. 

Plus de 300 traités bilatéraux et multilatéraux reconnaissent la compétence de la CIJ pour le règlement des différends découlant de l’interprétation des traités, a indiqué M. Mikami.  Toutefois, seuls huit États de la région Asie-Pacifique, sur un total de 73, ont fait une déclaration reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour.  La communauté internationale dispose aujourd’hui de plusieurs instances de règlement pacifique des différends, telles le Tribunal international du droit de la mer et le système de l’Organisation mondiale du commerce, a-t-il noté, en encourageant les juridictions internationales à assurer la « cohérence » de la jurisprudence afin d’éviter la fragmentation du droit international. 

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a rappelé que les Nations Unies ont été créées pour préserver les générations futures du fléau de la guerre, et que l’un de leurs buts consiste à faire respecter les principes de la justice et du droit international.  La CIJ, en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation, joue dès lors un rôle fondamental, en particulier dans la prévention des conflits.  Le représentant a insisté sur le rôle de la CIJ dans le renforcement du droit international et de l’état de droit sans lesquels toutes les activités entreprises sous l’égide de l’ONU « n’auraient aucun sens », que ce soit dans les domaines de la paix et la sécurité, du développement durable ou des droits de l’homme.  Ainsi, ses avis consultatifs et ses jugements sont fondamentaux pour affermir l’engagement de la communauté internationale en faveur de la primauté du droit.

D’après le Soudan, le rapport annuel de la CIJ, et le nombre de différends qui lui ont été soumis, montrent l’importance accordée par les États parties au travail effectué dans le Palais de la Paix.  M. Mohamed a invité les États à appuyer davantage la Cour, en lui apportant notamment des ressources supplémentaires pour qu’elle soit en mesure de bien s’acquitter de sa mission. Il a aussi encouragé la Cour à persévérer dans ses mesures visant à l’amélioration des qualifications de son personnel et à faire face au fardeau croissant de ses responsabilités, notamment en ce qui concerne la durée de l’examen des affaires.

Le Soudan a par ailleurs prié l’Assemblée générale de demander aux États qui n’ont pas encore accepté la juridiction obligatoire de la CIJ d’appréhender positivement cette question.  Il a aussi prié le Conseil de sécurité, qui n’a pas requis d’avis consultatif de la Cour depuis 1970, d’envisager de le faire.

L’ONU, et le Conseil de sécurité en particulier, doivent promouvoir le règlement pacifique des différends, comme le prévoit le Chapitre VI de la Charte, a déclaré M. FRANCISCO TENYA (Pérou).  Fort de son expérience devant la CIJ, le Pérou a témoigné de son efficacité en rappelant la décision relative à sa frontière maritime avec le Chili, et son application par les deux pays dans un esprit de bon voisinage.  Il a également renvoyé au rôle de la Cour en vertu de l’article 96 de la Charte sur les avis consultatifs que l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité, et d’autres organes et institutions spécialisés autorisés, peuvent demander à la Cour.

M. Tenya a noté que l’Assemblée générale avait à nouveau prié les États ne l’ayant pas encore fait d’envisager la possibilité de reconnaître la juridiction obligatoire de la Cour, comme l’ont fait le Pérou et 72 autres États.  Il a loué le travail des juges, du Président et de la Vice-Présidente, de même que le personnel du Secrétariat, avant d’appeler l’Assemblée à continuer à examiner les besoins de cet organe en prenant en considération ses activités actuelles, qui sont particulièrement denses, ce qui explique aussi son prestige et la nature universelle de sa compétence.  Il a signalé la présence de l’Amérique latine parmi les juges de la CIJ qui compte des magistrats de toutes les régions du monde.  Enfin, le représentant a encouragé à poursuivre la réflexion sur les voies et moyens de répondre à la surcharge de travail de la Cour. 

Face à la « crise de confiance » envers le multilatéralisme et les institutions internationales, M. BURHAN GAFOOR (Singapour) a jugé le rôle de la CIJ plus important que jamais.  Dans ce contexte, le respect de règles agréées par l’ensemble des États revêt une importance particulière pour les petites nations comme Singapour.  Le délégué a encouragé la Cour à poursuivre son action en faveur de la promotion et du renforcement de l’état de droit, y compris le règlement pacifique des différends.

Singapour a informé la Cour de son accord avec les deux requêtes de suspension des procédures présentées en 2017 par la Malaisie, a rappelé M. Gafoor, en saluant le fait que les parties ont accepté de suivre les processus juridiques afin de régler leurs différends de manière amicale.  Enfin, il a salué les efforts déployés par la CIJ pour améliorer le contenu de son site Internet, permettant ainsi la diffusion de ses audiences dans le monde entier. 

La CIJ enregistre un nombre de plaintes toujours plus conséquent et sa masse de travail atteint un point critique, a reconnu Mme ALINA OROSAN, Ministre des affaires étrangères de la Roumanie.  Néanmoins, a-t-elle noté, il est aussi bon signe pour la Cour qu’un nombre toujours plus grand d’États y fassent appel.  Les affaires portées devant la Cour sont très complexes et sensibles, c’est donc un gage de confiance de la part des États que de faire appel à la CIJ, a estimé Mme Orosan.  Elle a rappelé que c’étaient les États Membres qui, avec leur consentement, donnaient à la Cour son pouvoir, et que ces mêmes États, en veillant à ce que ses décisions soient respectées, agissaient dans la logique de la Charte et dans la même ligne que celle des Nations Unies. 

Pour sa part, la Roumanie a fait « une impressionnante volte-face » vis-à-vis de la CIJ.  À l’époque du communisme, a expliqué la Ministre, le pays était résolument contre, jusqu’en 2015 quand il a déposé une déclaration d’acceptation de la juridiction souveraine de la CIJ, reconnaissant son autorité.  « La Cour n’est pas un élément décoratif », mais un organe central de promotion du droit international, un pilier fondamental de la paix et de bon voisinage à travers le monde, a conclu Mme Orosan.

M. MOHAMED A. M. NFATI (Libye) a déploré le fait que certains États ne respectent pas les arrêts de la Cour, faisant ainsi obstacle au rôle de la Cour.  Il a rappelé ainsi que dans un avis consultatif, la Cour avait estimé en 2004 que le mur de séparation construit par Israël était une violation du droit international.  La CIJ avait ainsi demandé au Conseil de sécurité de prendre des mesures appropriées en vertu de la Charte des Nations Unies.  Il a regretté que le Conseil n’ait jamais pris ces mesures. 

Le représentant a en outre rappelé que la Libye a déjà comparu plusieurs fois devant la CIJ et que le pays a toujours respecté ses arrêts, « même quand ceux-ci allaient contre ses intérêts ».   

2018 marque le soixantième anniversaire de l’acceptation par son pays de la juridiction obligatoire de la Cour, a signalé M. PAUL RIETJENS, Directeur général des affaires juridiques auprès du Ministère des affaires étrangères de la Belgique.  Il a souhaité encourager tous les États qui ne l’auraient pas encore fait à accepter cette juridiction, et lancé un appel à tous les États pour qu’ils continuent de l’accepter dans le cadre de traités spécifiques, bilatéraux et multilatéraux, qui ont désigné la Cour comme l’instrument principal pour régler les différends au sujet desdits traités.

Commentant le rapport annuel de la CIJ, le représentant a constaté que la charge de travail est en augmentation constante avec pas moins de 17 affaires pendantes à l’heure actuelle.  Cette activité intense témoigne de la confiance que les États lui accordent et de leur intérêt pour trouver une solution juridique et pacifique à leurs différends.  Il a aussi souligné que, tant par ses arrêts que par ses avis consultatifs, dont le nombre a significativement augmenté au cours des années, la Cour contribue de manière substantielle à l’application, l’interprétation et la précision du droit international.

Compte tenu de la portée « considérable » de sa jurisprudence et de sa contribution à la détermination et au développement du droit international, la Belgique a encouragé les États et les organismes internationaux à continuer d’inclure dans les futurs traités multilatéraux des dispositions reconnaissant la compétence de la CIJ pour les différends liés à l’application ou à l’interprétation de ces traités.  La représentation, en son sein, des différents systèmes juridiques, des langues et des cultures, contribue sans aucun doute à l’efficacité et à la qualité des décisions, a commenté M. Rietjens, qui a conclu que la Cour ne peut être véritablement efficace que si ses arrêts, avis et ordonnances sont respectés. 

M. ALEJANDRO ALDAY (Mexique) a fait remarquer que le monde est à présent confronté à des défis qui mettent à mal l’état de droit et érodent le multilatéralisme, comme les changements climatiques, les conflits armés, le terrorisme et les violations des droits de l’homme.  Face à une telle réalité, la force des institutions mondiales et du droit international demeure fondamentale.  « Le travail de la Cour internationale de Justice ne saurait être perçu comme un thème de plus à l’ordre du jour de l’Assemblée générale », a-t-il déclaré, insistant que cet organe et la valeur de ses accomplissements doivent être au centre de l’attention.  Le rapport présenté par le Président de la CIJ montre sa solidité et met l’accent sur sa pertinence dans le maintien de la paix et la sécurité internationales. 

Le représentant a rappelé que pour la seule décennie écoulée, la CIJ a été saisie de plus de 20 nouvelles affaires contentieuses émanant d’États de toutes les régions et que l’on a aussi eu recours à ses avis consultatifs.  Il a relevé la diversité des sujets traités, différends territoriaux sur terre et sur mer ou immunités des fonctionnaires étatiques, ainsi que la diversité des sources du droit invoquées et analysées.  Il a regretté que certains États cherchent cependant à recourir à d’autres mécanismes pour éviter de se soumettre à la juridiction de la Cour.  De plus, la non-application du principe de responsabilité est toujours préjudiciable à l’état de droit et risque de générer d’autres différends. 

En somme, a résumé M. Alday, l’efficacité de la Cour est tributaire de la mise en œuvre de ses avis et décisions.  Reconnaissant qu’il s’agit là d’un sujet délicat pour le Mexique, il a rappelé qu’en 2003, pour la première fois, son pays avait eu recours à la CIJ dans l’affaire Avena pour résoudre, de bonne foi, un différend résultant d’une violation de l’Article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires au sujet de 51 cas de Mexicains condamnés à la peine de mort par plusieurs tribunaux des États-Unis.  Avec une sentence favorable émise le 31 mars 2004, cela fait maintenant quinze ans que l’on attend l’application de l’avis de la Cour.  Il a aussi signalé que durant ces années, José Ernesto Medellin Roja, en 2008, Humberto Leal Garcia, en 2011, Edgar Tamayo Arias, Ramiro Hernandez Llanas, en 2014, et Ruben Cardenas Ramirez en 2017, normalement protégés par l’avis de la CIJ, ont été exécutés.  Chacune de ces exécutions constitue une violation supplémentaire du droit international », a-t-il commenté, en exhortant à ce que cela ne devienne pas le cas de Roberto Ramos Moreno dont l’exécution est programmée pour le 14 novembre.   

Mme ANA SILVIA RODRÍGUEZ ABASCAL (Cuba) a regretté le fait que certains arrêts de la CIJ restent lettre morte, en violation flagrante de l’Article 94 de la Charte des Nations Unies qui dispose que « chaque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie ».  Elle a souligné que l’efficacité et la mise en œuvre de certains arrêts de la Cour sont sujets à critique, non sans raison, alors que certains pays ne reconnaissent pas toujours des arrêts qui ne leur sont pas favorables.  Elle a évoqué le refus de ces pays d’appliquer les arrêts de la Cour, y compris en faisant obstacle aux mécanismes dont disposent les Nations Unies pour appliquer ces arrêts, en faisant valoir leur droit de veto au Conseil de sécurité.  Pour Cuba, cela montre à suffisance les imperfections des mécanismes d’exécution des arrêts de la Cour, et cela invite à reformer le système des Nations Unies et la CIJ, en vue de donner davantage de garanties aux pays en développement face aux nations puissantes.

Cuba attache une importance spéciale aux avis consultatifs de la CIJ, y compris celui du 9 juillet 2004 relatif aux « conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé ».  Pour cette raison, Cuba demande que cet avis consultatif soit pleinement respecté et invite tous les États à respecter et assurer le respect des dispositions de la Cour sur cette question, a conclu la représentante. 

M. XU HONG (Chine) a souligné que la charge de travail de la Cour a cru récemment, attestant de la confiance dont elle jouit.  Il a invité la CIJ à statuer dans le strict respect du droit et à veiller à préserver sa réputation.  Elle doit être dotée de ressources suffisantes, d’autant que sa charge de travail est très importante, a-t-il dit, en prenant note des difficultés financières rencontrées par la Cour.

« Membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine va continuer d’appuyer la Cour. »  Pointant « le grave défi actuel de l’unilatéralisme », le délégué chinois a enfin assuré de la détermination de son pays à préserver le droit international et la Charte des Nations Unies.

« La Cour internationale de justice (CIJ) reste une composante essentielle d’un ordre international basé sur le multilatéralisme et demeure un maillon fondamental dans la promotion des relations amicales entre les États », a déclaré M. YOUSSEF HITTI (Liban).  La CIJ est un élément majeur de sauvegarde du droit international et ce, à la fois à travers sa fonction contentieuse mais aussi consultative.  « La Cour donne vie à des règles juridiques, prouvant que celles-ci ne peuvent être réduites à des concepts abstraits », a ajouté le représentant en saluant notamment le bilinguisme de la Cour.

Le français et l’anglais, les deux langues officielles de la Cour, reflètent une tradition, une culture et un système juridiques, a précisé M. Hitti pour qui leur emploi équilibré a un impact sur la jurisprudence de la Cour.  Et de paraphraser le Professeur Alain Pellet pour qui le bilinguisme est « un gage de meilleure justice plus authentiquement internationale et de ce fait, sans doute plus acceptable pour tous les justiciables particuliers que sont les États souverains ».

M. Hitti a aussi évoqué la diversité géographique des États recourant à la Cour, ce qui « illustre sa prééminence et assoit un peu plus son caractère universel », ainsi que la palette variée de domaines couverts.  Un exemple récent est la reconnaissance, inédite, dans l’arrêt Costa Rica c. Nicaragua du 2 février 2018, du droit à la réparation des dommages causés à l’environnement.  Le représentant a aussi relevé que la charge de travail sans cesse grandissante n’empêche pas la Cour de statuer dans un « délai raisonnable » qui n’excède pas six mois entre la clôture de la procédure orale et la lecture d’un arrêt ou d’un avis consultatif.  

M. GEORGE RODRIGO BANDEIRA GALINDO (Brésil) a estimé que la présentation du rapport annuel de la CIJ est l’occasion unique d’évaluer ce que le droit international est capable de faire pour apaiser les tensions et promouvoir un monde plus pacifique.  En améliorant le dialogue dans la langue du droit international, la CIJ devient un instrument efficace de la diplomatie préventive.  Le représentant a rappelé l’importance accordée par le Secrétaire général au volet prévention, lequel est inextricablement lié au règlement pacifique des différends.  La CIJ est au cœur de ces efforts.  Elle est plus qu’un simple moyen énoncé dans le Chapitre VI de la Charte: elle est le principal organe judiciaire des Nations Unies et la seule Cour internationale à caractère universel et à compétence générale.

Le dernier rapport est un autre chapitre de l’histoire de la Cour: quatre jugements, 13 arrêts et cinq nouvelles affaires, tandis que celles en cours englobent des États de quatre continents dont six d’Afrique, sept des Amériques, six d’Asie et cinq d’Europe.  Après avoir évoqué la charge croissante de travail et la variété des sujets abordés, preuves de la vitalité renouvelée de cet organe et de son rôle universel dans la promotion de la justice, le représentant a salué les activités de proximité qui rapproche la CIJ d’une série d’audiences et contribuent à propager le droit international.  Il a, en particulier, souligné le programme de stages ainsi que la participation à des manifestations organisées par des universités. 

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré, qu’en tant que pays qui a réglé les questions de la délimitation des frontières maritimes par des voix juridiques et pacifiques, son pays suit avec intérêt le travail de la CIJ sur les différends territoriaux et maritimes ainsi que sur la conservation des ressources vivantes et naturelles.  Côtier de l’Océan indien, le Bangladesh voit aussi un intérêt particulier dans l’avis consultatif que la Cour donnera, à la demande de l’Assemblée générale, sur l’Archipel des Chagos.  Tous les ans, a rappelé le représentant, le Bangladesh se porte coauteur de la résolution sur le suivi de l’avis consultatif relatif à la légalité des armes nucléaires.  Il a conclu en encourageant la Cour à examiner les candidatures des stagiaires issus des pays en développement et en remerciant la Suisse pour avoir versé cette année des contributions volontaires au Fonds d’affection du Secrétaire général destiné à aider les États à s’acquitter des dépenses découlant de la saisine de la Cour.

Mme MARIANA DURNEY (Chili) a dit avoir suivi de près les activités de la Cour durant la période examinée, lesquelles révèlent des thèmes chaque fois plus divers et plus complexes du droit international.  Tous ces sujets sont le reflet d’une communauté d’États ouverte aux décisions de la CIJ.  Mme Durney a mentionné la décision définitive de la Cour sur une affaire concernant le Chili, qui est également partie à une affaire en suspens.  Le Chili a participé aux procédures en réaffirmant, à chaque étape, son attachement au droit international et aux relations pacifiques entre États.  La politique étrangère chilienne repose en effet sur le renforcement du droit international, en tant que cadre de coopération et d’édification de la communauté des États.  Le droit international apporte des éléments fondamentaux à la coexistence et au règlement pacifique des différends. Dans ce contexte, Mme Durney a mis en exergue le rôle essentiel des traités internationaux.

La représentante a aussi noté les efforts de la Cour pour accélérer le traitement des dossiers, ce qui a des avantages pratiques en termes de coûts tant pour la Cour que pour les États.  Le rapport met aussi en lumière les efforts de proximité de la Cour, en particulier avec le public, les étudiants, les universitaires, les magistrats, les avocats et autres communautés intéressées, s’est réjouie la représentante.

M. SIDHARTHA FRANCISCO MARIN ARÁUZ (Nicaragua) a remarqué que trois des quatre cas énumérés par le Président de la CIJ concernaient le Nicaragua, ce qui témoigne de l’engagement de son Gouvernement à respecter le droit international et à promouvoir l’état de droit dans toutes les affaires auxquelles il est partie.  Le Nicaragua participe également aux sessions orales de la Cour, a dit le représentant, qui a attiré l’attention sur un point du rapport du Président qui mentionne une augmentation des travaux, avec notamment des demandes de mesures provisoires qui viennent s’ajouter aux procédures en cours.  Il faut tenir compte de cette surcharge de travail au moment d’élaborer le budget de la CIJ, a estimé le représentant.

M. VISHNU DUTT SHARMA (Inde) a noté la nature variée et le nombre élevé d’affaires pendantes devant la CIJ, estimant que le fait que les questions touchent quatre continents traduit le caractère universel de la Cour.  Il a salué la Cour pour avoir adapté ses méthodes de travail.  Il a également salué le fait que la Cour veille à une large diffusion des décisions qu’elle prend, ce qui constitue une source d’informations pour les États qui veulent par exemple évoquer sa jurisprudence. 

M. RODRIGO ALBERTO CARAZO ZELEDÓN (Costa Rica) a, à son tour, mis en avant l’intense activité de la Cour et la diversité des affaires sur plusieurs continents.  Il a en particulier évoqué l’avis consultatif que l’Assemblée sollicitera sur les conséquences juridiques de la séparation de l’archipel de Maurice en 1965.  La solution pacifique des différends internationaux est un objectif essentiel des Nations Unies, a-t-il encore noté, en insistant sur le rôle de la CIJ dans le maintien de la paix et la sécurité internationales et la promotion de l’état de droit au niveau international.  Pour cette raison, il est de la responsabilité de l’ONU et des États d’appuyer la Cour et cela exige que l’ONU veille à ce qu’elle puisse continuer à traiter de façon efficace et objective, avec une indépendance absolue du point de vue juridique et des procédures, les affaires dont elle est saisie, tout en lui garantissant les ressources budgétaires nécessaires.

Le représentant costaricien a également insisté pour que l’ONU envisage des moyens pour le suivi des décisions judiciaires.  Il a reconnu par ailleurs le rôle que la CIJ pourrait jouer dans la réalisation des objectifs de développement durable car c’est un organe qui a réussi à prévenir l’usage de la force, à défendre les droits des peuples à l’autodétermination, à plaider pour la préservation de l’environnement et à reconnaître et éviter de futures violations des droits de l’homme.  Le Costa Rica, qui accepte la juridiction obligatoire de la Cour depuis 1973, a invité tous les États à faire de même. 

Selon M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), il est indéniable que la Cour remplit pleinement son rôle d’instrument privilégié au service de la paix et de la sécurité internationales que lui confère le chapitre II de son Statut.  Ainsi, « la Cour peut se féliciter qu’à ce jour, le sérieux de son travail constitue le socle sur lequel est arc-boutée sa crédibilité ».  Pour le Gabon, cela honore l’institution et renforce la confiance des États Membres dans la primauté du droit comme instrument à leur service dans la recherche de solutions pacifiques aux différends qui les opposent. 

M. JORGE SKINNER-KLEE ARENALES (Guatemala) a apprécié l’importance de la CIJ car sa contribution est essentielle pour la coexistence pacifique et la coopération entre les États.  Il a aussi saisi cette occasion pour mentionner le référendum qui s’est déroulé le 15 avril dernier dans son pays et qui a permis aux Guatémaltèques de saisir la Cour du différend territorial, insulaire et maritime de plus d’un siècle et demi avec Belize.  La population guatémaltèque a accepté cette saisine, réaffirmant ainsi la vocation pacifique de leur pays et sa foi dans le droit international.

M. DOROS VENEZIS (Chypre) a estimé que la grande charge de travail de la Cour illustre la confiance qu’ont les États en elle.  Il a souhaité que la Cour soit dotée des ressources nécessaires à la bonne exécution de son mandat.  Il a rappelé que Chypre avait pris part à la rédaction de la résolution 71/146 de l’Assemblée générale qui demandait un avis consultatif de la CIJ sur l’archipel de Chagos, séparé de Maurice en 1965.  Maintenant que les juges ont entamé leurs délibérations, Chypre espère que leur avis sera accepté et mis en œuvre par tous les États.

Mme OKSANA ZOLOTAROVA (Ukraine) a salué le fait que de plus en plus d’États recourent à la Cour, ce qui confirme sa crédibilité et la confiance en sa capacité de trancher les litiges avec équité.  La Cour, a-t-elle poursuivi, se positionne comme une source du droit international à laquelle différents organes judiciaires internationaux se réfèrent.  Cependant, a-t-elle regretté, tous les pays n’ont pas le même respect pour ses décisions.  La représentante en a voulu pour preuve la Fédération de Russie, qui persiste à interdire l’Assemblée des Tatars de Crimée, alors que, dans sa décision du 19 avril 2017, la CIJ lui avait intimé l’ordre de ne plus limiter le droit de cette communauté de préserver ses institutions.  La Fédération de Russie, a constaté la représentante, ne fait que démontrer le peu de respect qu’elle a pour la Cour, la Charte et le droit international.  Elle a aussi rappelé qu’en juin 2018, l’Ukraine a soumis à la CIJ la liste des violations des Conventions internationales pour la répression du financement du terrorisme et sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale commises par la Fédération de Russie.  Puisque le pays est partie aux deux Conventions, a insisté la déléguée, il viole en effet ses obligations internationales par son comportement dans le Donbass et en Crimée.

M. CHRISTOPHE EICK (Allemagne) s’est inquiété de voir des acquis fondamentaux du droit international remis en cause et a considéré que dans ce contexte, plus que jamais, la Cour est une institution indispensable.  La CIJ représente un pilier majeur de l’ordre international et apporte une contribution majeure au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Mais le fait que son travail soit fondé sur le libre consentement des États, en vertu d’un principe bien connu du droit international, lui interdit de se saisir d’une situation sans l’aval des parties concernées.  En 2008, a rappelé le représentant, l’Allemagne avait présenté une Déclaration par laquelle elle acceptait la juridiction obligatoire de la CIJ.  Elle encourage les autres États à faire de même, a dit le représentant, qui a remarqué une augmentation du nombre des affaires portées devant la Cour.  De plus en plus de pays portent leurs conflits devant elle, ce qui accroît sa charge de travail et exerce une pression sur ses capacités.

Mme HELENA DEL CARMEN YÁNEZ LOZA (Équateur) a également rapidement évoqué les activités de la CIJ au cours de la période du rapport, notant qu’en 20 ans, le volume de travail avait considérablement augmenté, ce qui montre la confiance des États.  Elle a salué le rôle fondamental de la CIJ qui maintient un degré élevé d’efficacité et de qualité pour répondre rapidement aux situations urgentes.  La Cour doit donc être dotée des ressources et des fonds nécessaires à l’accomplissement de sa mission, a-t-elle plaidé.    

Pour Mme PIRANAJ THONGNOPNUA YVARD (Thaïlande), le nombre accru de affaires dont est saisie la CIJ signe la confiance que les États placent en elle pour sauvegarder les principes et les objectifs de la Charte des Nations Unies.  Elle a salué les efforts de la Cour pour clarifier le rôle du droit international par rapport au droit coutumier et l’a appuyée quand elle considère que « l’obligation de négocier est une obligation de moyen et non de résultat ».  Les travaux de la Cour contribuent au règlement pacifique des différends sans procédures contradictoires et prolongées.  La représentante a donc encouragé les autres États à utiliser davantage la CIJ et à soutenir son rôle dans la délivrance des avis consultatifs.

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a remarqué que les décisions et avis de la CIJ sont toujours fondés sur une profonde analyse juridique propre à un corps judiciaire prestigieux et responsable travaillant en toute indépendance et en totale objectivité.  Il a encouragé tous les États à lui apporter leur soutien et à réaffirmer la primauté du droit et de la justice dans le règlement des différends soumis à sa juridiction.  Invoquant la contribution de son pays à la génération des normes du droit international, le représentant a dit que l’Uruguay a toujours pu compter, au cours de son histoire, sur des juristes de renom.  Il a cité l’un des juges de la CIJ, M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, qui a aussi présidé cet organe.  L’Uruguay a en outre été l’un des premiers pays à avoir saisi la Cour et à s’être plié à ses décisions.  Il est l’obligation de tous les États de défendre son intégrité territoriale et en conséquence, il est fondamental que la CIJ et ses avis ou décisions soient pleinement respectés.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a souhaité beaucoup de fermeté de la part de la communauté internationale en cas de non-application des arrêts et décisions de la CIJ.  Le Qatar, a-t-elle affirmé, a toujours respecté les arrêts de la Cour.  Elle a rappelé que le 11 juin 2018, son pays a saisi la Cour des violations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, commises par les Émirats arabes unis.  Le 23 juillet 2018, s’est réjouie la représentante, la Cour a donné raison au Qatar et demandé aux Émirats arabes unis de réparer les torts causés aux ressortissants qataris.  

M. CARLOS JIMÉNEZ PIERNAS, (Espagne), a indiqué que sans préjuger du bon travail de la CIJ, il convient de commenter certains aspects qui nécessiteraient plus d’exactitude et dont la correction servirait à promouvoir le principe de l’économie des procédures et renforcerait leur efficacité et leur transparence.  Nos commentaires ne sont nullement un exercice théorique mais bien le fruit de notre expérience devant la Cour, a prévenu le représentant.  Sans recourir à une réforme du Statut de la Cour, il a proposé l’adoption de mesures pour réduire et rationnaliser la durée aussi bien de la phase écrite que de la phase orale.  Dans la première phase, il faudrait un seul tour de rédaction sans affecter le droit des États de solliciter, exceptionnellement, un deuxième tour.  Pour la phase orale, il a évoqué l’article 61 des règles de procédures et suggéré que les membres de la Cour dirigent ou identifient les aspects factuels et juridiques sur lesquels les parties devraient centrer leurs plaidoyers.  Cela contribuerait à se concentrer sur les aspects les plus fondamentaux du différend.  Il a en outre recommandé d’assouplir la procédure devant la Cour, ce qui aidera à économiser les ressources sans porter préjudice aux parties impliquées.   

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLIZ (État plurinational de Bolivie) a fait observer que les pays d’Amérique latine sont les « principaux clients » de la Cour, avec pratiquement 50% des affaires.  La Cour a pu ainsi trouver des solutions aux divers problèmes frontaliers et autres problèmes hérités de la longue période coloniale.  Les frontières terrestres et maritimes ont en effet généré des confrontations belliqueuses, aboutissant parfois à la « loi du plus fort » sans possibilité de recourir au droit international.  Le représentant a rappelé qu’un de ces conflits avait eu lieu en 1879, avec l’invasion de la Bolivie par le Chili.  Les frontières territoriales ont été altérées sans que les traités de paix n’y puissent rien.  Il a également rappelé qu’il y a quelques années, la CIJ avait réglé le différend maritime entre le Pérou et le Chili, octroyant au Pérou une nouvelle frontière maritime et 20 000 km de mer.

À son tour, la Bolivie a fait appel à l’arbitrage de la Cour pour résoudre la pire conséquence de sa confrontation belliqueuse: son enclavement maritime.  Or, a estimé le représentant, la décision communiquée il y a quelques jours à peine montre que la Cour n’a pas pris en compte l’obligation faite au Chili par l’Organisation des États Américains (OEA) « de négocier avec la Bolivie un accès à l’océan Pacifique ».  La Bolivie respecte la décision de la Cour mais elle déplore ce qui ne s’apparente pas vraiment à « un sens de la justice », lequel aurait servi les intérêts mutuels des deux pays mais également ceux du continent, qui veut soigner ses dernières plaies et surtout, fortifier l’esprit de bon voisinage et d’intégration entre « peuples frères ».

C’est la raison pour laquelle, après la décision de la Cour, la Bolivie a immédiatement invité le Chili à renouer le dialogue bilatéral, conformément d’ailleurs à la décision de la CIJ.  Le dialogue est la voie à suivre, a insisté le représentant, en invoquant le Pacte de Bogota duquel la CIJ devrait s’inspirer pour rester à la hauteur des défis et s’assurer du soutien des États.  

M. FRANCOIS ALABRUNE (France) a rappelé l’importance de la représentation à la Cour des différentes cultures juridiques et des langues, dont l’équilibre contribue à la qualité de ses travaux et à l’autorité de sa jurisprudence.  Le rapport d’activité témoigne de l’importance de la Cour dans le règlement pacifique des différends entre États, a-t-il souligné, en renvoyant à la liste des affaires inscrites au rôle et à l’accroissement de l’activité contentieuse au cours des dernières décennies.  Il a aussi noté que depuis la présentation du rapport de l’année passée, cinq requêtes introductives d’instance ont été déposées auprès du Greffe de la Cour.  Celle-ci a aussi rendu trois arrêts, deux au fond, le troisième sur des exceptions préliminaires, et deux ordonnances à propos de demandes en indication de mesures conservatoires.  Pour M. Alabrune, les décisions de la Cour contribuent à l’apaisement des relations entre États et les aident à parvenir à une solution lorsque les autres moyens de règlement pacifiques ne le permettent pas.  Il a estimé qu’en cette période de défis pour le multilatéralisme, la CIJ demeure une institution essentielle pour la paix et l’ordre juridique internationaux.   

M. GIORGI MIKELADZE (Géorgie) a relevé qu’alors que la communauté internationale est de plus en plus unie dans différentes sphères d’interactions, le respect du droit international est de la plus grande importance pour parvenir à une paix et une stabilité durables sur les plans international et national.  Il a promis que la Géorgie allait continuer de respecter ses obligations en vertu du droit international et des droits de l’homme.  En dépit de l’occupation illégale de 20% de son territoire et de l’agression dont elle est toujours victime, la Géorgie demeure respectueuse du principe de résolution pacifique des différends et soutient les principes contenus dans la Charte des Nations Unies et le Statut de la CIJ. 

Après avoir salué le rôle « irremplaçable » de la Cour, M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) est revenu sur l’ordonnance du 3 octobre 2018 que le Président du CIJ a évoqué dans sa présentation.  Cette ordonnance, a-t-il rappelé, a constaté que les sanctions imposées à l’Iran par les États-Unis après le retrait du Plan d’action global commun, contreviennent pour partie aux termes du Traité d’amitié signé entre les deux pays en 1955.  En conséquence, a poursuivi le délégué, la Cour a constaté le caractère « illégal des sanctions américaines » et demandé des mesures provisionnelles afin que les États-Unis retirent tout frein à l’exportation vers l’Iran des produits visés par ledit Traité.  Cette décision crée des obligations juridiques internationales auxquelles les États-Unis sont obligés de se plier.  Il a précisé que la CIJ a noté que les mesures américaines peuvent potentiellement mettre l’aviation civile en danger et avoir un impact sur la santé du peuple iranien.  Il a enfin rappelé que la Cour a ajouté une mesure additionnelle intimant aux deux parties de prévenir toute aggravation du différend.  Or, a-t-il pointé, les sanctions additionnelles que les États-Unis comptent prendre le 4 novembre prochain entrent dans ce cadre.  Afin de respecter le rôle de la Cour, en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies, le représentant a demandé à tous les États de se garder de tout soutien aux sanctions des États-Unis.

Après s’être félicité que la Cour soit de plus en plus sollicitée pour régler des litiges, M. MOHAMMED ATLASSI (Maroc) y a vu la preuve d’une confiance des États et de son caractère universel.  Selon lui, le rôle de cet organe est complémentaire avec celui du Conseil de sécurité pour faire régner la paix et la sécurité internationales.  Mais, a-t-il insisté, l’impact de la CIJ va bien au-delà de ses seuls arrêts et avis. Tant de différends ont pu trouver un début de règlement par le simple fait que l’une des parties a su suggérer de saisir la Cour.  De plus, a poursuivi le représentant, plusieurs litiges soumis à la CIJ ont connu un dénouement non par une quelconque décision mais simplement parce que des mesures provisoires ont contribué à leur règlement.

M. ENRIQUE JOSE MARIA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a estimé nécessaire de soutenir le travail de la Cour pour renforcer le système multilatéral.  La jurisprudence qui émane de ses arrêts et avis consultatifs contribuent à une plus grande prévisibilité du droit international et la diffusion de ses travaux aide à sensibiliser le public au règlement pacifique des conflits et à la stabilité.  Il a défendu l’idée de faire de l’espagnol l’une des langues officielles de la Cour.  Il a estimé qu’il convient de réfléchir à la possibilité de lier les travaux de la CIJ à l’Assemblée générale pour assurer une bonne application des décisions par tous les États Membres et au Conseil de sécurité.  Tous les États Membres se doivent de respecter et d’honorer les décisions de la Cour, en totalité et de bonne foi, a insisté le représentant. Il a souligné la nécessité de conforter la Cour, en lui octroyant des ressources suffisantes pour son fonctionnement.  Par ailleurs, les contributions au Fonds d’affectation spéciale créé par le Secrétaire général aideront les pays, qui n’ont pas de grands moyens, à saisir plus facilement la Cour, a fait observer le représentant.

M. EL SHINAWY (Égypte), a résolument appuyé la CIJ et mis l’accent sur le fait que de plus en plus d’États lui soumettent leurs différends dans une large gamme de sujets.  Il a insisté sur la nécessité de respecter les décisions et les avis consultatifs de la Cour, tout en relevant qu’en dépit de l’intensification de ses activités, la Cour n’a pas été priée, cette année, de donner un avis consultatif, à l’exception de celui sur l’archipel des Chagos.  Le représentant a souligné l’importance des avis consultatifs et a encouragé par ailleurs les États à accepter la juridiction obligatoire de la Cour.  Il a demandé à l’Assemblée générale de garantir à la Cour les ressources qu’il lui faut, compte de sa surcharge de travail.  Les États qui le peuvent, a ajouté le représentant, ne doivent pas hésiter à faire des contributions au Fonds d’affectation spéciale du Secrétaire général destiné à aider les pays à saisir la Cour.   

M. NARCISO SIPACO RIBALA (Guinée équatoriale) a déclaré que son pays s’efforce d’encourager le règlement pacifique des conflits par la diplomatie préventive, le dialogue sincère et des négociations inclusives.  Pour cette raison, la CIJ a un rôle déterminant dans le règlement pacifique des conflits et le renforcement de l’état de droit.  Elle promeut, applique, interprète et développe le droit international, a énuméré le représentant, voyant un rôle qui permet d’éviter le recours à la force ou l’imposition de sanctions unilatérales susceptibles de déchaîner de nouvelles vagues de violations du droit international, avec des conséquences tragiques pour les couches les plus vulnérables de la société, notamment les femmes et les enfants.  Le représentant s’est en effet montré inquiet devant la tendance grandissante de certains États à violer les principes d’égalité souveraine des États et celui de non-ingérence dans les affaires intérieures.  Il a fermement condamné toutes les violations de la Charte et des immunités et privilèges conférés aux chefs d’États, aux dignitaires et aux diplomates par le droit international.  Le représentant a pris note des procédures et salué les démarches expliquées par le Président de la CIJ dans l’affaire Guinée équatoriale contre France.   

M JAGDISH DHARAMCHAND KOONJUL (Maurice) a estimé que le volume des affaires dont la Cour est saisie témoigne de la confiance que lui accordent les États Membres pour régler les différends et donner des orientations à tous les organes de l’ONU sur les questions d’ordre juridique.  Dans ce contexte, il a estimé que les États doivent renforcer leur appui en allouant à la CIJ des ressources proportionnelles aux tâches qui l’attendent.  Il s’est félicité de voir un plus grand nombre de pays comparaître devant la Cour ou participer à ses débats.  La Cour et son Greffe continuent de mener les procédures de façon professionnelle et « parfaitement équitable » entre État, grands ou petits, a-t-il conclu.

Après avoir remercié le Président de la Cour pour son exposé, M. MAMADOU RACINE LY (Sénégal) a estimé que la multiplication des affaires dont est saisie la CIJ est un gage de sécurité supplémentaire, démontrant la préférence donnée par les Nations Unies au règlement pacifique des différends sur « la loi du plus fort ».  C’est aussi un signe que le multilatéralisme, mis à rude épreuve, reste le meilleur garant de la paix et de la sécurité internationales.  Voici le cadre idéal, a estimé le représentant, pour se pencher sur les possibilités de renforcer notre engagement commun en faveur de l’état de droit et d’échanger sur la complémentarité entre l’Assemblée générale et la Cour.  Le représentant a espéré que l’ONU et la Cour continueront d’œuvrer pour gagner la bataille de la paix et de la sécurité.  Il a aussi émis le souhait d’une collaboration efficace, assurant le respect et l’exécution des décisions de la Cour qui par sa jurisprudence ne cesse de contribuer au développement du droit international, base légale de notre commun vouloir de vivre ensemble.

M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Savador) a déclaré que les activités de la Cour montrent son rôle fondamental dans le règlement pacifique des différends.  En tant que Cour internationale à double juridiction, la CIJ joue un rôle fondamental dans la promotion de l’état de droit et le renforcement du droit international.  L’accès à un règlement pacifique des différents doit se faire sur un pied d’égalité, a poursuivi le représentant, qui a fait observer qu’il y a des pays qui ne peuvent pas saisir la Cour en raison des coûts, « chaque fois plus élevés ».  Parallèlement, la charge de travail de la CIJ augmente et il serait bienvenu de lui assurer le budget nécessaire.  Le représentant a conclu en plaidant pour une répartition géographique parmi le personnel de la Cour et pour l’égalité des sexes.  Il a enfin demandé que les documents de la Cour soient publiés dans les six langues officielles.

M. RENÉ LEFEBER (Pays-Bas) s’est déclaré fier que son pays continue d’être l’hôte de la CIJ, avant d’encourager les États qui ne l’ont pas encore fait à accepter sa juridiction obligatoire et de le faire avec le moins de réserves possible.  Il s’est alarmé dans ce contexte de la tendance à l’augmentation du nombre des réserves.  Les Pays-Bas ont fait tout leur possible pour éliminer les leurs, a-t-il fait savoir, soulignant que l’unique réserve est une ratione temporis selon laquelle le Royaume ne reconnaîtra que les différends émanant de situations ou de faits remontant à moins de 100 ans.  La CIJ doit être en mesure de décider de tous les différends entre États car ce n’est, en effet, qu’en jouissant d’un large mandat qu’elle pourra s’acquitter de ses fonctions en tant que principal organe judiciaire de la communauté internationale, a-t-il argué.  En attendant l’acceptation universelle sans aucune réserve du Statut de la Cour, les Pays-Bas ont loué l’incorporation dans tous les traités d’une clause compromissoire relative à la juridiction de la Cour.  Lorsque la clause sera optionnelle, a-t-il dit, les Pays-Bas feront une déclaration de reconnaissance de la juridiction de la Cour.  Mais, a-t-il prévenu, le libellé d’une telle clause pourrait limiter la juridiction à tel point que la Cour se verrait forcée de se déclarer incompétente ou de ne considérer qu’une partie du différend.

Le représentant s’est dit inquiet de la tendance de certains États à se retirer des traités qui contiennent de telles clauses quand ils sont cités dans une affaire dont est saisie la Cour, et ce, même avant que la Cour ne se prononce sur sa compétence.  La Cour, a-t-il estimé, ne devrait pas se déclarer compétente en l’absence du consentement des parties au différend car le consentement est une condition préalable de sa compétence.  Une affaire, a poursuivi le représentant, ne devrait jamais être présentée à la Cour sous le prétexte fallacieux d’un avis consultatif.  La saisine doit contenir une question générale de droit international et non une question sur l’application de ce droit à une situation particulière, ce qui est dans les faits un différend juridique entre des États.  La Cour, a-t-il insisté, doit toujours s’assurer du consentement des parties et ce consentement ne peut exister que si les parties ont reconnu sa juridiction obligatoire. 

Après avoir rappelé le rôle clef joué par la Cour dans l’architecture des Nations Unies, Mme MARIA ANGELA PONCE (Philippines) s’est félicitée de l’augmentation de sa charge de travail, de la variété des sujets dont elle est désormais saisie et de la diversité géographique des États parties.  C’est là le signe de la confiance placée en elle et dans sa mission de régler pacifiquement les différends sur la base du droit.  La rapidité avec laquelle la Cour prend désormais ses décisions et sa détermination à rester hermétique aux pressions politiques ne sont pas étrangères à la multiplication des saisines, s’est félicitée la représentante.  Qualifiant de « fondamentale pour la paix et la sécurité » la relation qu’entretiennent la Cour et le Conseil de sécurité, elle a conseillé à ce dernier de faire davantage appel à la CIJ pour des avis et des conseils sur les normes juridiques internationales.  Elle a noté que la dernière requête de ce type remonte à 1970.

Droit de réponse

Réagissant à l’intervention de l’Ukraine « qui a saisi l’occasion du débat non pas pour évaluer le travail de la CIJ mais pour faire sa propre propagande », la Fédération de Russie a rejeté une interprétation fallacieuse.  La Cour, a-t-elle affirmé, n’a pas encore finalisé son arrêt du 19 avril 2017, portant entre autres sur les institutions des Tatars de Crimée.  Ce n’est qu’en mai dernier que la Fédération de Russie a transmis ses propres commentaires. 

Le Chili a déploré, à son tour, que la Bolivie ait choisi d’offrir une interprétation unilatérale de la décision de la Cour.  Il est, a-t-il jugé, tout à fait inopportun d’ouvrir ici un débat sur une décision qui, par ailleurs, montre la bonne foi dont a fait preuve le Chili tout au long des échanges bilatéraux.  Mais la décision de la Cour, a rassuré le Chili, n’empêche en rien la diplomatie de suivre son cours, au nom de la justice.

Les Émirats arabes unis ont tenu à répondre au Qatar, qui a jugé bon de commenter une décision de la CIJ alors que cette dernière a pris soin de demander aux deux pays de s’abstenir de tout acte qui pourrait rendre le différend encore plus difficile à régler.  Nous nous sommes engagés, ont dit les Émirats arabes unis, à respecter la décision de la CIJ et à appliquer des mesures humanitaires.  Les 2 194 Qataris, qui sont pour le moment aux Émirats, peuvent rester ou partir à leur gré.  À ce jour, le nombre d’entrées et de sorties des Qataris a atteint les 8 000.  En outre, 694 autres ressortissants qataris continuent de travailler dans les institutions émiriennes.  Évitons donc les revendications sans fondement, se sont impatientés les Émirats arabes unis.

Les Émirats arabes n’ont jamais respecté la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a rétorqué le Qatar.  Ils ont expulsé collectivement tous les Qataris et refusé aux autres d’entrer sur leur territoire.  Le Qatar a rappelé qu’il a demandé à la CIJ d’ordonner toutes les mesures nécessaires pour que les Emirats arabes unis respectent enfin leurs obligations et suspendent toutes les mesures discriminatoires et hostiles.

Nous ne pouvons que dénoncer ces fausses allégations, ont répliqué les Émirats arabes unis qui ont affirmé avoir imposé des mesures qui ne ciblent en aucun cas le peuple qatari mais bien son « régime ».  La CIJ n’a pas encore rendu sa décision finale et il serait bon que les deux parties agissent de bonne foi pour espérer un règlement, ont-t-il tranché.

Pourquoi politiser les décisions de la CIJ et les tordre? s’est demandé le Qatar.  Il a rejeté les accusations des Émirats arabes unis selon lesquelles il s’ingère dans leurs affaires intérieures.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.