Soixante-treizième session,
22e séance plénière – après-midi
AG/12080

L’Assemblée générale réfléchit aux moyens de tirer parti de la « quatrième révolution industrielle » pour accélérer la mise en œuvre du programme 2030

La « quatrième révolution industrielle », les « chances formidables » qu’elle offre mais aussi les défis qu’elle présente ont été commentés aujourd’hui à l’Assemblée générale qui tenait une séance sur l’« incidence de l’évolution rapide de la technique sur la réalisation des objectifs de développement durable ».  Les États ont souligné le rôle de « catalyseur » que les nouvelles technologies peuvent jouer dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

C’est un fait établi, a dit la Présidente de l’Assemblée générale: les changements technologiques ont un impact sur chaque objectif de développement durable, et il est donc indispensable d’identifier ceux qui nous permettront d’accélérer la réalisation du Programme 2030 et ceux qui sont susceptibles de l’entraver.

Mme Maria Fernanda Espinosa Garcés a par exemple rappelé que pour réaliser l’objectif lié au plein emploi et au travail décent, il faudra créer 600 millions d’emplois d’ici à 2030, dans un contexte où l’automatisation devrait conduire à la suppression de quelque 75 millions d’emploi d’ici à 2022, tout en en créant 133 millions.  La Présidente a aussi parlé du potentiel des changements technologiques pour l’action climatique et l’objectif de contenir le réchauffement planétaire à 1,5ºC.  L’évolution technologique peut en effet booster le développement d’une énergie propre et abordable, a-t-elle souligné.  Le recours aux technologies propres a permis de changer la matrice du secteur électrique chilien, ce qui a fait du pays un pionnier régional en matière de transition énergétique, s’est enorgueilli le Chili. 

Chaque jour, s’est réjoui Israël, des compagnies et individus israéliens repoussent les limitent du possible.  Ce qui était inconcevable hier devient la réalité aujourd’hui: c’est un défi certes mais aussi une « chance formidable ».  Chez nous, a embrayé le Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, la numérisation a apporté une meilleure croissance économique, une plus grande efficacité dans la gestion des ressources et un meilleur développement humain.  L’Estonie, a rappelé le Ministre, est le premier pays à avoir instauré des « élections en ligne », ce qui a provoqué la hausse du taux de participation, alors que le recensement numérique a permis au pays d’économiser l’équivalent de 2% de son produit intérieur brut (PIB).   

Le leadership du Mexique sur la question de l’évolution rapide du changement technologique au sein des Nations Unies a été longuement salué.  Son Ministre des affaires étrangères, M. Luis Videgaray Caso, a annoncé un projet de résolution en préparation, après le texte qui a été adoptée, l’année dernière.  Le Groupe de travail de haut niveau du Secrétaire général sur la coopération numérique et sa Stratégie sur les nouvelles technologies ont été d’autant plus applaudis que les défis sont là, dont la persistance de la fracture numérique dans les pays et entre eux. 

Le Canada a avoué que le grand nord canadien est encore « peu et pas connecté » et selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la différence entre les utilisateurs et les utilisatrices est de 250 millions dans le monde.  L’Inde a cité d’autres risques comme la cybersécurité, les attaques cybernétiques contre des infrastructures cruciales, l’exposition de données personnelles, les questions éthiques liées à la manipulation génétique ou encore l’obsolescence de certains métiers et industries.

Il revient aux gouvernements et aux autres parties prenantes, a conseillé l’Union européenne, de faire en sorte que le « pouvoir de transformation » des nouvelles technologies soit exploité dans l’intérêt de tous.  Cuba a appelé à l’engagement des pays développés dans les questions liées au financement, aux investissements, à la formation et à l’échange des connaissances, aux infrastructures, sans oublier les aspects pertinents du droit de propriété intellectuelle.  Malgré les dangers et risques, les promesses sont tellement « alléchantes » qu’il ne faut pas freiner l’innovation.  Il faut plutôt, a proposé la Géorgie, veiller et prévenir les dangers.

L’Assemblée générale tiendra une autre séance plénière demain, vendredi 19 octobre, à partir de 10 heures pour examiner la question du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique.

INCIDENCE DE L’ÉVOLUTION RAPIDE DE LA TECHNIQUE SUR LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT DURABLE

Déclaration liminaire

Mme MARIA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de la soixante-treizième session de l’Assemblée générale, a déclaré que le changement technologique est en train de modifier d’une façon vertigineuse notre présent et nos perspectives d’avenir.  Les universitaires, les scientifiques, le secteur privé, la société civile et les gouvernements se sont concentrés sur les chances, les défis et les menaces que cette transformation substantielle et accélérée que l’histoire implique.  En conséquence, la Présidente de l’Assemblée a estimé à l’ONU de participer à la « conversation la plus importante de notre temps », selon certains. 

C’est un fait établi: les changements technologiques ont un impact sur chaque objectif de développement durable, a affirmé la Présidente, soulignant qu’il est indispensable d’identifier ceux qui nous permettront d’accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ceux qui sont susceptibles de l’entraver.

La Présidente s’est attardée sur l’impact de ces changements sur les emplois de l’avenir et a d’abord rappelé que pour réaliser l’objectif du Programme lié au plein emploi et au travail décent, il faudra créer 600 millions d’emplois d’ici à 2030.  L’automatisation devrait conduire à la suppression de quelque 75 millions d’emploi d’ici à 2022 mais en créer 133 millions nouveaux.  Il faudra donc amorcer des stratégies pour que les gens, y compris les femmes et les filles, s’adaptent et tirent profit du nouveau marché du travail.

La Présidente a ensuite parlé du potentiel des changements technologiques pour l’action climatique et l’objectif de contenir le réchauffement planétaire à 1,5ºC, conformément à l’Accord de Paris et à l’objectif 13 du Programme 2030.  L’évolution technologique peut en effet booster le développement d’une énergie propre et abordable.

Poursuivant, la Présidente a souligné que les progrès technologiques peuvent transformer positivement la vie s’ils touchent tout le monde.  Il faut en effet éviter de creuser encore les inégalités et de voir s’éloigner la possibilité de réaliser l’objectif 10 du Programme 2030.  La Présidente a cité l’exemple de la technologie numérique qui, en dépit de son expansion rapide, ne touche que 48% de la population mondiale.  Le fossé numérique persiste tant dans les pays qu’entre eux et reste un obstacle au développement.  L’autre défi, a reconnu la Présidente, est le respect de la vie privée à l’ère numérique.  Elle a parlé des autres technologies en cours de développement, comme l’intelligence artificielle, qui exige des cadres de réglementation solides pour pallier aux risques de manipulation.

Débat

M. MAUTHE-KAETER, délégué de l’Union européenne, a déclaré qu’alors que des millions de personnes ont su tirer profit des chances offertes par les nouvelles technologies, d’autres courent le risque d’être laissées sur le côté, notamment celles qui ne sont pas connectées à Internet.  Il revient donc aux gouvernements et aux autres parties prenantes de faire en sorte que le « pouvoir de transformation » des nouvelles technologies puisse être exploité dans l’intérêt de toute la population mondiale.  Le représentant a salué, à cet égard, la mise en place, par le Secrétaire général, du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique et de la Stratégie sur les nouvelles technologies. 

Pour l’Union européenne, ces nouvelles technologies doivent mener à un développement durable, à la croissance économique et à la création d’emplois, tout en contribuant à la protection de l’environnement et au renforcement des institutions démocratiques.  Pour ce faire, nous devons entretenir un dialogue transparent à l’échelle mondiale, a expliqué le représentant, tout en améliorant la coopération.  Les mécanismes tels que le Forum sur la gouvernance d’Internet doivent être mis à contribution pour favoriser la mise en œuvre du Programme 2030. 

Pour sa part, l’Union européenne a déjà mis en place un marché unique numérique ainsi qu’un règlement relatif à la protection des données à l’intention des entreprises concernées.  En adoptant la politique « Digital4Development », les États membres de l’Union européenne entendent intensifier leur coopération avec les pays en développement.

M. LUIS VIDEGARAY CASO, Ministre des affaires étrangères du Mexique, a d’abord parlé des migrants honduriens et guatémaltèques qui ont formé « une caravane » en direction des États-Unis.  Il a prié les pays sud-américains et les États-Unis de répondre aux besoins de ces personnes, dans le respect de leurs droits.  Il a exhorté toutes les régions du monde à aider l’Amérique centrale à traiter des causes profondes et structurelles de ce phénomène humanitaire aux racines économiques.

Le Ministre a déclaré que la résolution A/RES72/242 que son pays avait présentée sur la question examinée aujourd’hui et qui avait été adoptée en décembre 2017, grâce à l’appui de 35 États, montrait déjà les répercussions à plusieurs facettes, inévitables et profondes de la « quatrième révolution industrielle ».  Le Secrétaire général a reconnu l’importance de ce phénomène et en a fait une de ses priorités.  Les technologies, a dit le Ministre, ont un impact économique, sociale et écologique sur tous les pays.  Elles peuvent présenter des risques mais aussi apporter des choses positives.  Cette réalité a d’ailleurs été illustrée par l’attribution du prix Nobel d’économie à Paul Romer pour sa contribution méthodologique à l’identification des causes et des conséquences de l’innovation technologique.  Devant des défis de cette ampleur, le Mexique, a indiqué le Ministre, a décidé de ne pas rester observateur mais de rechercher activement des solutions car, alors que le monde se transforme à un rythme exponentiel, les politiques publiques restent les mêmes.

Depuis l’adoption de la résolution A/RES/72/242, entre 44 et 60 pays se réunissent régulièrement pour écouter les experts, discuter et voir comment élaborer de meilleures politiques publiques.  Une de ces réunions a eu lieu à la « Silicon Valley », « centre de la quatrième révolution industrielle ».   Le Ministre a salué le Secrétaire général de l’ONU qui a assumé son rôle de chef de file en créant le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique et en présentant la Stratégie sur les nouvelles technologies.  Avec ces initiatives et le Forum sur la science, la technologie et l’innovation, nous sommes, s’est félicité le Ministre, en train de poser les premiers jalons d’une prise de conscience mondiale.  Les Nations Unies et l’Assemblée générale sont les forums les plus importants pour diriger les débats les plus importants de notre temps, a souligné le Ministre.    

M. SVEN MIKSER, Ministre des affaires étrangères de l’Estonie, a attribué, en grande partie, le développement rapide de son pays aux technologies de l’information et des communications (TIC), dont la gouvernance électronique.  La numérisation a apporté une meilleure croissance économique, une plus grande efficacité dans la gestion des ressources et un meilleur développement humain.  La numérisation, a expliqué le Ministre, améliore en effet l’efficacité du gouvernement, sa transparence et la confiance du citoyen dans les processus publics, tout en renforçant la participation de ce dernier à l’édification d’une société plus inclusive et plus unie, ce qui est crucial pour la réalisation du Programme 2030.

Pour l’Estonie, a poursuivi le Ministre, les TIC peuvent tout simplement « révolutionner » l’entrepreneuriat, l’éducation, l’emploi et même le secteur de la santé.  Les services en ligne, qui dépassent les frontières géographiques, détruisent les barrières inutiles, entre le citoyen et l’État, entre le monde des affaires et les autres.  Le Ministre a d’ailleurs indiqué que son pays a partagé ses connaissances avec de nombreux pays et va continuer à le faire, en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Union africaine et toutes les autres parties intéressées.  Un projet avec le PNUD va d’ailleurs permettre à l’Estonie de partager son expérience de gouvernance électronique avec près de 170 pays et territoires.

Mais, a prévenu le Ministre, aucune technique ni expertise technologique n’aidera les pays à se numériser si la volonté politique et le leadership nécessaire ne sont pas là pour guider les processus.  Il a donné l’exemple du recensement numérique des Estoniens, un projet qui a permis au pays d’économiser l’équivalent de 2% de son produit intérieur brut (PIB).  De même, en 2017, 96% de la population estonienne effectuait leur déclaration d’impôt en ligne.  L’Estonie, s’est enorgueilli le Ministre, est le premier pays à avoir instauré des « élections en ligne », ce qui a provoqué la hausse du taux de participation.

La numérisation n’est pas la panacée, a reconnu le Ministre.  Mais, a-t-il encouragé, les obstacles peuvent être surmontés.  L’expérience estonienne montre que les avantages sont bien supérieurs aux inconvénients, a rassuré M. Mikser, qui a dit voir dans les nouvelles technologies « des catalyseurs » de l’égalité des chances quand ils sont sous-tendus par les bonnes politiques.  Les dangers qui entourent ces technologies accroissent les risques conventionnels mais rien qu’un environnement juridique international approprié ne pourrait prévenir.  Le monde, a conclu le Ministre, ne peut s’offrir le luxe d’ignorer le potentiel de la numérisation s’il veut réaliser les objectifs de développement durable. 

M. VITALY MACKAY (Bélarus) a estimé que les nouvelles technologies sont l’un des meilleurs leviers pour la réalisation du Programme 2030 et a appuyé la prospection technique qui est au cœur même du développement.  Le Bélarus met d’ailleurs au point un programme national de prévision technique 2025-2040 pour identifier avec exactitude les biens et services qui seront nécessaires et élaborer des recommandations.  La question de la prospection et des prévisions n’a pas été proprement abordée par les gouvernements, a estimé le représentant, constatant que c’est la « chasse gardée » des entreprises.  Il a donc invité les États à axer davantage leurs efforts sur des domaines tels que l’analyse des tendances technologiques et les projets de recherche.  Une telle coopération devrait permettre de répondre aux priorités nationales et d’affiner les stratégies aux fins de développement durable.

Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie) a dit que la « quatrième révolution technologique » aura une portée inédite.  Si les nouvelles technologies peuvent en effet faire avancer la mise en œuvre des objectifs de développement durable, il ne faut pas pour autant oublier les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international.  La représentante s’est surtout attardée sur le potentiel des TIC pour la santé et la prévention des risques de catastrophe.  Elle s’est d’ailleurs félicitée du rôle de chef de file que joue son pays dans le projet européen « Galileo » qui exploite les images satellites pour la prévention des catastrophes.

Mme ANAYANSI RODRIGUEZ CAMEJO (Cuba) a cité quelques technologies qui peuvent faciliter la réalisation du Programme 2030 comme les mégadonnées; l’intelligence artificielle; le 3D; ou la biotechnologie.  Pour Cuba, la numérisation et la connectivité sont deux facteurs majeurs qui exigent les politiques nécessaires pour les mettre au service des peuples.  Cuba plaide pour une lutte bien financée pour rétrécir le fossé entre les pays du Nord et du Sud.  Il faudra de la volonté politique mais aussi l’engagement des pays développés dans les questions liées au financement, aux investissements, à la formation et à l’échange des connaissances, aux infrastructures, sans oublier les aspects pertinents du droit de propriété intellectuelle.  Cuba est du reste toujours préoccupée par l’utilisation « illégale et secrète » des nouvelles technologies pour promouvoir la guerre, l’interventionnisme, la déstabilisation, la subversion, l’unilatéralisme et les actes terroristes.  La seule manière d’éliminer ces menaces, c’est la coopération entre États, a souligné la représentante qui a conclu sur la détermination de son pays à réaliser le Programme 2030 malgré le blocus imposé depuis plus de cinquante ans par les États-Unis.

M. RAUF ALP DENKTAS (Turquie) a indiqué qu’en tant que membre du Groupe sur l’évolution rapide du changement technologique, il a apprécié que le Mexique ait placé cette question au centre des débats.  La Turquie ayant la population la plus jeune et la deuxième population la plus importante d’Europe, accorde un intérêt croissant à l’impact des technologies dans cette « quatrième révolution industrielle » qu’il faut embrasser aux niveaux local, national et international.  Les États et l’ONU doivent et peuvent influencer ce processus, a-t-il assuré, en encourageant l’ONU à servir de plateforme pour sensibiliser l’opinion publique et établir de bons modèles pour les cadres réglementaires nationaux.

Il nous faut des politiques souples et favorables au renforcement des capacités novatrices pour aider la population active à s’adapter aux nouvelles demandes et aux technologies émergentes, comme l’intelligence artificielle et la robotique.  Il nous faut mieux comprendre les retombées potentielles des nouvelles technologies sur les pays à faible revenu et en l’occurrence, l’ONU doit contribuer au renforcement des capacités, en veillant à des partenariats renforcés et à l’échange des expériences et du savoir-faire.  L’innovation scientifique et technologique est une question transversale pour les objectifs de développement durable, a souligné le représentant qui a rappelé que la Banque technologique que son pays abrite jouera un rôle primordial dans l’intégration des pays les moins avancés (PMA) dans l’économie fondée sur le savoir.   La Banque a d’ores et déjà commencé à créer des banques de données après avoir évaluer les besoins en Guinée, en Haïti, au Soudan, au Timor-Leste et en Ouganda, en collaboration avec les agences de l’ONU.     

M. CHO TAE-YUL (République de Corée) a insisté sur les « angoisses » et « désagréments » générés par les nouvelles technologies s’agissant notamment du respect de la vie privée, de l’équité ou de la sécurité d’emploi. Il a jugé essentielle la tenue d’un dialogue entre toutes les parties prenantes afin d’y remédier et tirer le meilleur parti de ces technologies, l’ONU devant à ce titre jouer un rôle central.  Le délégué a exhorté tous les pays, développés ou en développement, à miser sur l’éducation des jeunes générations pour une utilisation efficace de ces technologies.  Le fossé technologique entre pays doit également être comblé, a-t-il dit, ajoutant, en conclusion, que l’ONU peut servir à cet égard de plateforme d’échange des bonnes pratiques.

M. MILENKO SKOKNIC TAPIA (Chili) a déclaré que l’intelligence artificielle, les mégadonnées, l’automatisation, la neuroscience et la nanotechnologie ont des incidences multiples et variées sur tous les aspects de la vie quotidienne.  Il faut, a-t-il estimé, saisir cette chance « incroyable » pour élaborer des politiques à même d’améliorer la qualité de vie de l’être humain partout dans le monde surtout dans les domaines de la santé, de l’alimentation, de l’énergie et de l’éducation.  C’est à juste titre que le Programme 2030 qualifie les nouvelles technologies de « catalyseurs ».  Il est donc tout à fait logique de tirer profit des possibilités offertes par la « quatrième révolution industrielle » et le Programme à l’horizon 2030 pour concevoir des politiques publiques plus efficaces.  Le représentant a donné l’exemple du recours aux technologies propres pour changer la matrice du secteur électrique chilien, ce qui a permis au pays de devenir un pionnier régional en matière de transition énergétique.  Les mégadonnées et leur relation avec l’intelligence artificielle sont aussi au cœur d’une plateforme qui regroupe plus de 50% de la capacité des observatoires astronomiques du monde.  Le représentant a espéré que ce taux montera à 75%, au cours des dix prochaines années.   

Mme SALOME IMNADZE (Géorgie) a dit que les nouvelles technologies peuvent contribuer à guérir des maladies, nourrir des populations, améliorer la croissance économique et connecter les entreprises, les communautés, les familles et les amis à travers le monde.  Les nouvelles technologies peuvent être les « agents de changement » et accélérer la réalisation du Programme 2030.  L’intelligence artificielle peut, par exemple, « révolutionner » les salles de classe en mettant à la disposition des élèves des « mentors virtuels ».  La représentante s’est tout de même attardée sur les risques: l’intelligence artificielle et la robotique conduisent à l’automatisation qui elle-même peut déstabiliser les travailleurs et les forcer à émigrer.  La différence entre cette « quatrième révolution industrielle » et les précédentes, a-t-elle estimé, tient à son échelle et à sa vitesse.  Les pays en développement et les économies en transition sont ceux qui porteront le poids de ces changements, puisque leur avantage traditionnel du coût de production finira par disparaître.  N’oublions pas non plus, a ajouté la représentante, que la technologie n’est qu’un outil et qu’aux mains de criminels ou de terroristes, elle devient meurtrière.  Mais, s’est-elle résignée, les promesses sont tellement alléchantes qu’il ne faut pas freiner l’innovation.  Il faut plutôt, a-t-elle proposé, veiller et prévenir les dangers.

Nous sommes au début d’une « quatrième révolution industrielle », a affirmé, à son tour, Mme MILICA PEJANOVIĆ ĐURIŠIĆ (Monténégro), pour qui les innovations en matière de technologies, d’intelligence artificielle, de nanotechnologie et de biotechnologie « se potentialisent les unes aux autres ».  Dans cet environnement « dynamique et interconnecté » où l’imagination ne connait pas de limite, la représentante monténégrine a appelé les États à mettre en commun leurs ressources pour capitaliser rapidement sur les changements technologiques et mieux comprendre les risques liés aux innovations récentes.  Dans cet esprit de partage, Mme Pejanović Đurišić a souhaité rendre compte d’une « excellente expérience » en cours, impliquant le Monténégro, l’Union internationale des télécommunications (UIT) et plusieurs autres pays, et consistant à cartographier l’innovation digitale des États impliqués.  Cette expérience, a-t-elle précisé, permettra d’établir des mesures de comparaison des capacités d’innovation nationales respectives.

M. TANMAYA LAL (Inde) a relevé que la convergence des nouvelles technologies est facilitée par l’émergence de plateformes numériques et la réduction du coût d’entrée pour les innovateurs.  « Même si la technologie est neutre, son déploiement et son accès ne le sont pas », a affirmé le délégué.  Les nouvelles technologies aggravent les inégalités existantes et créent de nouvelles lignes de faille.  Il a évoqué d’autres risques comme la cybersécurité, les attaques cybernétiques contre des infrastructures cruciales, l’exposition de données personnelles, les questions éthiques liées à la manipulation génétique ou encore l’obsolescence de certains métiers et industries.  « Toute révolution technologique fait des gagnants et des perdants dans les communautés et les nations », a-t-il reconnu, prévenant que le monde ne peut s’offrir ce luxe alors qu’il est engagé dans la réalisation du Programme 2030. 

En Inde, les autorités se sont servies des TIC pour renforcer l’inclusion financière, notamment en liant le système d’identification biométrique unique à l’ouverture de comptes bancaires et à l’utilisation de téléphones portables, y compris pour les plus pauvres et les marginalisés.  Ces mesures ont facilité l’accès aux services publics tout en améliorant la transparence et en faisant baisser la corruption.  Le représentant a aussi parlé de la télémédecine et le télé-enseignement ou encore des systèmes d’informations géographiques déployés pour diffuser les informations relatives à l’eau, faire l’inventaire des cultures ou encore prévenir les risques de catastrophes naturelles.  Pour l’Inde, l’impact « transformateur » des nouvelles technologies est évident, même si toutes les implications ne sont pas encore comprises.  Il est donc important que la communauté internationale discute des risques, dans un cadre de collaboration pour l’intérêt collectif.

M. DMITRY S. CHUMAKOV (Fédération de Russie) a estimé que le monde est au seuil d’un profond changement de paradigme compte tenu de la vitesse et de l’accélération constante des sciences numériques qui transforment les sociétés de plus en plus rapidement.  Ainsi, les biotechnologies transforment l’agriculture, et la nanotechnologiques ouvre la porte à de nouvelles possibilités pour l’être humain. L’étude de cette évolution est un sujet essentiel pour les Nations Unies, a reconnu le représentant qui a jugé que le Forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation est la plateforme la plus adéquate pour analyser les incidences des nouvelles technologies sur le développement durable.  Il a d’ailleurs demandé des informations plus détaillées sur le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique créé par le Secrétaire général.  Il nous faut, s’est-il expliqué, une approche globale et équilibrée, qui tienne compte des défis et des avantages.  Nous devons littéralement faire « un bond de géant » dans l’examen de ces questions et de l’utilisation des technologies, en promouvant la recherche interdisciplinaire.  

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a estimé que nous nous trouvons face à un tournant décisif où les citoyens mais aussi les entreprises et les politiciens sont de plus en plus préoccupés par certains aspects les plus compliqués de la numérisation.  En ce qui concerne l’intervention du gouvernement et la régulation de la numérisation, la Suisse considère qu’il est important de suivre une approche favorable à l’innovation.  La numérisation relie divers secteurs politiques qui ont traditionnellement été traités indépendamment les uns des autres.  Dans l’univers numérique, nous devons prendre en compte ces interdépendances en abordant conjointement les questions telles que l’accès à Internet pour tous, la régulation du marché et le potentiel de la numérisation pour réaliser les objectifs de développement durable.

Le représentant a salué le lancement du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique par le Secrétaire général.  Ce panel constitué de membres éminents issus d’horizons divers, apportera des idées concrètes sur la manière dont les nombreux acteurs de la gouvernance numérique coopèrent de manière plus constructive et efficace afin que nous puissions tous mieux profiter des opportunités que nous offre la numérisation.  La coopération multipartite est capitale et le Forum mondial sur la gouvernance d’Internet a un rôle essentiel à jouer dans la coopération numérique présente et future. 

Il faut se demander, a estimé M. SAUD HAMAD GHANEM HAMAD ALSHAMSI (Émirats arabes unis), si le développement technologique et son utilisation nous rapprochent de la réalisation de notre objectif d’éliminer la pauvreté, de parvenir à l’éducation universelle ou de combattre les changements climatiques.  Pour répondre à cette question, la communauté internationale doit se mettre d’accord sur des mécanismes et des valeurs sur lesquels notre gestion des technologies se fondera.  En deuxième lieu, l’approche public-privé semble la plus efficace pour mettre le changement technologique au service des objectifs de développement durable.  Le secteur privé doit donc être invité à participer aux forums et aux réunions de l’ONU.  En troisième lieu, a conclu le représentant, nous devons agir rapidement pour réduire le fossé technologique.

Mme AHMAD RAFIE (Brunéi Darussalam) a indiqué que son pays vit la « quatrième révolution industrielle » laquelle a changé le quotidien des citoyens. La Vision 2035, mise au point par le gouvernement, vise d’ailleurs à l’émergence d’une société hautement qualifiée, bien éduquée et capable d’assurer la viabilité de l’économie.  La représentante a insisté sur les efforts déployés pour renforcer le système éducatif qui met désormais un accent particulier sur la science et les technologies.  Elle a mentionné le Centre de formation permanente pour doter le pays d’une main d’œuvre conforme à la Vision 2035.  Brunéi Darussalam, a-t-elle conclu, s’est lancé dans la diversification de son économie et reste déterminé à réaliser le Programme 2030.

Mme NOA FURMAN (Israël) s’est réjouie qu’Israël fasse partie du Groupe des Amis créé par le Mexique sur l’évolution rapide du changement technologique.  Israël est en effet « au top » de l’innovation technologique.  Chaque jour, s’est réjouie la représentante, des compagnies et individus israéliens repoussent les limitent du possible.  Ce qui était inconcevable hier devient la réalité aujourd’hui: c’est un défi certes mais aussi une « chance formidable », s’est exclamée la représentante.  Elle s’est aussi dit fière que l’Israélienne, Kira Radinsky, ait été nommée au Groupe de haut niveau du Secrétaire général sur la coopération numérique.  Kira Radinsky, a-t-elle expliqué, est l’une des plus jeunes scientifiques au parcours extraordinaire.  C’est elle qui a mis au point un algorithme pour détecter les signaux d’alerte d’évènements majeurs comme les soulèvements politiques ou les épidémies.

La représentante a donc insisté sur la formation des jeunes, « indispensable », pour en faire des agents du changement.  Elle a donné l’exemple d’une startup israélienne qui enseigne aux très jeunes enfants les rudiments de la programmation, et ce, de façon ludique en se servant de briques pour fabriquer des robots.  Les femmes sont également partie intégrante du changement car la technologie leur ouvre, à elles et aux populations marginalisées, des portes dont elles ne soupçonnaient même pas l’existence.

Selon M. MHER MARGARYAN (Arménie), le taux de pénétration d’Internet dans le pays est de 72,5%.  L’Arménie abrite en effet un secteur de la technologie et de l’information « vibrant et dynamique », exploitant le potentiel de ses scientifiques et de leurs liens avec la diaspora.  Les nouvelles technologies sont, il est vrai, indispensables pour jeter des ponts avec la diaspora et créer un écosystème d’entreprises et des fonds d’investissements pour les jeunes entrepreneurs.  Les nouvelles technologies sont aussi de plus en plus utilisées en Arménie pour améliorer l’efficacité des services publics et le travail quotidien du gouvernement. 

Ce dernier a lancé un programme qui vise à tourner l’économie vers la haute technologie et l’innovation.  Le représentant a d’ailleurs rappelé que la semaine dernière, Erevan a accueilli le Sommet de la Francophonie dont l’un des thèmes principaux était « la Francophonie numérique » pour favoriser l’accès des jeunes et des femmes aux nouvelles technologies.  Pour le représentant, l’ONU reste un important partenaire pour la promotion des nouvelles idées et de la créativité au-delà de la coopération traditionnelle au développement.  Avec l’équipe de pays des Nations Unies, l’Arménie a mis en place des plateformes focalisées sur le potentiel des réformes et de l’innovation dans la réalisation d’un « développement intelligent ».

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a salué le Ministre mexicain des affaires étrangères pour avoir attiré l’attention sur le sort des migrants et a voulu que l’on aborde le phénomène migratoire, en accordant la priorité aux droits de l’homme et à la protection des migrants.  S’agissant du changement technologique, le représentant a reconnu qu’il ne manquera pas d’avoir une incidence sur tous les aspects de la réalisation du Programme 2030.  Mais, a-t-il prévenu, le manque d’informations et de clarté sur les effets négatifs et positifs des nouvelles technologies sur les sociétés, les économies et l’environnement et même sur les politiques nationales demeure préoccupant.  Le Mécanisme de facilitation des technologies pour la réalisation des objectifs de développement durable et son Groupe de travail interinstitutions sont d’une grande importance en ce sens qu’ils facilitent un dialogue élargi sur les vulnérabilités.  D’après le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Roberto Azevêdo, 80% des emplois perdus le sont à cause des nouvelles technologies.  Il est donc urgent d’épauler le Mécanisme de facilitation pour avoir une connaissance plus approfondie des technologies et de leur impact sur nos vies quotidiennes.

M. TORE HATTREM (Norvège) a jugé important d’examiner soigneusement le rôle que la technologie numérique peut jouer pour le développement durable et d’être conscient du nouvel ensemble de défis qu’elle crée.  Nous devons continuer d’avancer pour réduire le fossé numérique, y compris entre les sexes.  Nous devons aussi, a poursuivi le représentant, combler nos lacunes dans la compréhension du phénomène et promouvoir une collaboration interdisciplinaire pour que le système des Nations Unies pour le développement puisse non seulement suivre et relever les défis mais également exploiter et propager les opportunités.  La création par le Secrétaire général du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique et sa Stratégie sur les nouvelles technologies montre que l’ONU place cette question en tête de ses priorités, s’est réjoui le représentant.  Notre expérience nationale, a-t-il confié, nous a appris que nombreuses sont les entreprises et les organisations aux riches compétences technologiques qui sont disposées à prêter main forte.

M. PIERRE-DAVID JEAN (Canada) a prévenu que ce ne sont pas « les vieilles recettes » qui vont nous permettre de réaliser le Programme 2030.  Les technologies innovantes peuvent nous servir.  Le représentant a donc plaidé pour que la communauté internationale veille à ce que ces technologies soutiennent l’intégration économique et sociale.  Le Canada, a-t-il confié, s’intéresse particulièrement au potentiel de ces technologies pour l’égalité entre les sexes, en particulier l’accès égal des femmes au capital, aux marchés, à l’entreprenariat ou encore au leadership.  Il a rappelé que malgré l’expansion de ces technologies, le fossé numérique subsiste dans les pays et entre eux, et ce, en fonction du sexe, de la localisation, de l’âge ou du revenu.  Même dans un pays comme le Canada, a-t-il avoué, la connectivité demeure un défi, car de nombreuses régions du nord sont encore peu ou pas connectées.

M. ROBIN OGILVY, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a souligné que l’innovation rapide, y compris de la numérisation, détient un énorme potentiel pour améliorer la productivité, les revenus et le bien-être partout dans le monde.  Il a espéré que l’on se servira de ces technologies pour réaliser le Programme 2030 et veiller à ne laisser personne sur le côté.  Il a jugé particulièrement encourageant le potentiel de ces technologies pour les pays en développement, soulignant que l’accès aux technologies reste inégalitaire.  Les différences entre les utilisateurs et les utilisatrices est de 250 millions dans le monde et malgré des progrès, les femmes et les filles sont toujours sous-représentées non seulement dans l’accès aux technologies mais aussi dans les filières scientifique, technologique ou mathématique.  Les normes sociales et les institutions sont des obstacles de taille, a alerté le représentant.  Il a prévenu que l’innovation sera un facteur perturbateur pour le marché de l’emploi, affectant la répartition des postes, les salaires et les revenus.  La solution n’est pas de mettre des freins à l’innovation mais de travailler ensemble pour adopter les bonnes politiques et faire en sorte que les dividendes de l’innovation soient plus largement partagés. 

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