Soixante-treizième session,
21e séance plénière – après-midi
AG/12079

Assemblée générale: le Mécanisme résiduel a franchi « un cap important » en fonctionnant comme une institution autonome, déclare son Président sortant

Le Président du « Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) » a indiqué aujourd’hui que le successeur des deux Tribunaux fonctionne désormais comme une institution autonome, depuis la fermeture du TPIY, en décembre 2017.  La justice, la fin de l’impunité, la primauté du droit ont été les maîtres mots de M. Theodor Meron qui, dans sa toute dernière intervention devant l’Assemblée, présentait le sixième rapport d’un Mécanisme créé par la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité.

La justice importe, s’est expliqué le Président, parce que c’est en établissant les responsabilités dans le cadre de procès indépendants, impartiaux et rigoureusement équitables, que l’on consolide le respect de la primauté du droit et pose les jalons sur la voie de la paix; parce que c’est au travers de procédures judiciaires que nous exigeons le respect des valeurs que nos lois incarnent; et parce que, dans son essence même, il y a une profonde reconnaissance de la dignité humaine, du prix de chaque vie, de la douleur des victimes et de la responsabilité que nous avons les uns envers les autres.

Le Mécanisme, qui a une division à La Haye et l’autre à Arusha, sièges des anciens TPIY et TPIR, a continué à fournir appui et protection aux victimes et aux témoins vulnérables, à contrôler l’exécution des peines des personnes condamnées, à préserver et gérer les archives « incomparables » des Tribunaux et à répondre aux demandes d’assistance émanant des juridictions nationales, a précisé M. Meron, fier que son Mécanisme ait franchi un autre cap important, après la fermeture du TPIY, en décembre 2017. 

Pour la première fois depuis sa création, le Mécanisme fonctionne en effet comme une institution autonome, sans l’appui de ses prédécesseurs, tout en cherchant à être un modèle en matière de gestion attentive des ressources. M. Meron a insisté sur le caractère indispensable de la coopération des États pour l’exécution des peines des personnes condamnées, la réinstallation de celles qui ont été acquittées et libérées ou le bon fonctionnement de l’institution sur les territoires des États hôtes. 

La Serbie a affirmé que c’est précisément ce à quoi elle s’emploie.  Elle est d’ailleurs revenue sur l’objectif « punition et resocialisation » visant à ce que les condamnés exécutent leur peine dans leur pays d’origine.  Elle a assuré qu’elle prendrait toutes les mesures voulues si ses ressortissants pouvaient exécuter leur peine chez eux et qu’elle serait même disposée à accepter un contrôle international.  Une mise en garde a été lancée par les États-Unis contre la tentation « de réviser les faits, de rejeter l’histoire, de politiser des tragédies ou d’ériger en héros des criminels de guerre condamnés en justice ».  Les États-Unis ont d’ailleurs promis de continuer à offrir des récompenses « généreuses » pour toute information liée aux huit fugitifs recherchés alors par le TPIR.

Le Mécanisme ne rend pas justice, il se complait dans les intrigues, a tranché la Fédération de Russie qui a dénoncé tour à tour la transformation des acquittements en condamnation, les « chaises musicales » dans la nomination des juges, le fait que des juges du TPIY traitent des mêmes dossiers dans les procédures d’appel du Mécanisme ou encore le fait que ce dernier renforce les capacités d’États qui n’ont aucun lien avec les activités du TPIY.

L’Assemblée générale tiendra une autre séance plénière demain, jeudi 18 octobre, à partir de 16 heures pour examiner l’incidence de l’évolution rapide de la technique sur la réalisation des objectifs de développement durable.

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (A/73/289)

Déclarations

La justice.  La fin de l’impunité.  La primauté du droit.  Si familiers que soient ces idéaux, il faut néanmoins que l’on s’arrête un moment sur les raisons pour lesquelles ils importent, a estimé, dans sa toute dernière intervention à l’ONU, M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.  La justice importe, s’est-il expliqué, parce que c’est en établissant les responsabilités dans le cadre de procès indépendants, impartiaux et rigoureusement équitables, que l’on consolide le respect de la primauté du droit et pose les jalons sur la voie de la paix; parce que c’est au travers de procédures judiciaires que nous exigeons le respect des valeurs que nos lois incarnent; parce que, dans son essence même, il y a une profonde reconnaissance de la dignité humaine, du prix de chaque vie, de la douleur des victimes et de la responsabilité que nous avons les uns envers les autres.

Jugeant « remarquable » l’héritage des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), M. Meron a indiqué que le Mécanisme a réalisé des avancées notables au cours de l’année écoulée.  Il a continué à fournir appui et protection aux victimes et aux témoins vulnérables, à contrôler l’exécution des peines des personnes condamnées, à préserver et gérer les archives « incomparables » des Tribunaux, et à répondre aux demandes d’assistance émanant des juridictions nationales.  Le Procureur du Mécanisme a également poursuivi les efforts pour retrouver et arrêter les derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR et le Mécanisme et à cet égard, a souligné M. Meron, la coopération des États est indispensable tout comme elle l’est pour l’exécution des peines des personnes condamnées, la réinstallation de celles qui ont été acquittées et libérées ou le bon fonctionnement de l’institution sur les territoires des États hôtes.

M. Meron a aussi indiqué que les juges du Mécanisme ont rendu un arrêt et de nombreuses décisions et ordonnances, et modifié le Règlement de procédure et de preuve.  Ils ont aussi adopté une version révisée du Code de déontologie des juges introduisant une procédure disciplinaire.  Le Mécanisme, a poursuivi M. Meron, a franchi un autre cap important lorsque, après la fermeture du TPIY en décembre 2017, il a commencé à fonctionner, pour la première fois depuis sa création en tant qu’institution autonome, sans l’appui de ses prédécesseurs.  Le Mécanisme a redoublé d’efforts pour améliorer les opérations, les méthodes de travail et les procédures afin d’accroître au maximum l’efficacité et la productivité, tout en cherchant à être un modèle en matière de gestion attentive des ressources.

Des changements ont aussi été apportés ces dernières semaines à la composition des formations de la Chambre d’appel saisies des affaires Ratko Mladić et Radovan Karadžić, suite à des demandes de dessaisissement de certains juges, dont « moi-même », a confié M. Meron, considérant que son retrait était dans l’intérêt de la justice.

M. ÉRIC CHABOUREAU, délégué de l’Union européenne a pris note des amendements apportés au Règlement de procédure et de preuve du Mécanisme et de la révision du Code de déontologie.  Il a encouragé les efforts déployés par le Bureau du Procureur pour retrouver les huit fugitifs mis en examen par le TPIR.  Les poursuites engagées par des tribunaux nationaux sont désormais essentielles pour que justice soit rendue aux victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda, a-t-il noté.  Il revient donc au Bureau du Procureur de leur fournir un appui, comme en témoignent les 404 demandes d’entraide judiciaire reçues au cours de la période couverte par le rapport.  Le représentant a salué à cet effet les formations offertes par le Bureau du Procureur au Sénégal, à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie afin de renforcer les capacités des tribunaux nationaux. 

M. Chaboureau s’est dit préoccupé par les difficultés rencontrées par le Mécanisme dans le recrutement du personnel, en raison notamment des contraintes budgétaires.  Il s’est toutefois félicité de l’adoption du budget biennal 2018-2019 et du travail du Mécanisme après la fermeture du TPIY.  Le représentant a remercié les États Membres qui ont permis à des personnes condamnées de purger leur peine sur leur territoire, tout en encourageant les États à conclure des accords avec le Mécanisme afin de réduire le nombre de personnes acquittées ou libérées à Arusha.  Enfin, il a regretté les circonstances qui ont mené au non renouvellement du mandat du juge Aydin Sefa Akay.

Au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), M. RICHARD ARBEITER (Canada) a déclaré que la communauté internationale devrait être extrêmement fière du travail du TPIR et du TPIY et de leurs importantes contributions au droit pénal international.  Pour le groupe CANZ, le Mécanisme ainsi que les autres tribunaux internationaux sont les pierres angulaires d’un ordre international fondé sur des règles.  M. Arbeiter a souligné que dans l’administration de la justice, les dernières étapes d’une procédure peuvent être tout aussi importantes que les premières pour veiller à ce que justice soit rendue.  C’est pourquoi le groupe CANZ croit qu’il est important que la communauté internationale continue à offrir son soutien au Mécanisme afin d’en favoriser les effets positifs à long terme sur les collectivités touchées, les victimes et les témoins. 

Le représentant a salué le fait que le Mécanisme ait atteint l’étape où il exerce la gamme complète des fonctions qui lui sont confiées sans le soutien des tribunaux précédents.  Il a tout de même souhaité que le Mécanisme exploite les pratiques exemplaires et les leçons apprises des deux Tribunaux.  Il s’est dit préoccupé par le sort des personnes acquittées qui désirent quitter Arusha.  Il a invité le Mécanisme à poursuivre les discussions avec les États Membres pour trouver une solution pratique.  Le représentant a noté également que 8 inculpés du TPIR sont toujours en fuite, sachant que 3 de ces fugitifs doivent être jugés par le Mécanisme tandis que les 5 autres le seront par le Rwanda.  Il a insisté sur la coopération des États, rappelant que le succès du Mécanisme en dépend.  Le représentant a d’ailleurs salué la coopération du Rwanda qui a interpellé cinq individus, accusés par le Mécanisme, de subordination de témoins et d’entrave à l’administration de la justice. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou), dont le pays préside le Groupe de travail informel sur les Tribunaux internationaux, a estimé que le Mécanisme contribue, à son tour, au développement du droit pénal international comme l’avaient fait les deux Tribunaux pénaux.  Il a salué la manière dont le Mécanisme s’est acquitté de son mandat, surtout après la fermeture, en décembre dernier, du TPIY. Il a plus particulièrement mis l’accent sur les mesures adoptées pour exécuter les recommandations du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) et pris note des amendements au Règlement de procédure et de preuve censés équilibrer les approches des systèmes juridiques romano-germanique et anglosaxon.  Il a également salué la bonne disposition de plusieurs gouvernements africains et européens à accueillir, dans leurs prisons, les personnes condamnées et à contribuer à l’arrestation des fugitifs.  Le succès du Mécanisme dépend dans une large mesure de la coopération des États, a insisté le représentant.   

M. PABLO ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a pris note des difficultés auxquelles le Mécanisme s’est heurté, lui qui pour la première fois depuis le mois de janvier s’acquitte de ses responsabilités sans l’appui administratif et financier du TPIY.  Il a jugé opportun que le Mécanisme consente à des coupes budgétaires et reconnu que ce dernier fait tout pour assoir son statut de « petite entité à vocation temporaire », dont les fonctions et la taille iront en diminuant, et capable de faire son travail, en instaurant un équilibre entre les responsabilités immédiates et les priorités à long terme.

Mme MARGARITA PALAU-HERNANDEZ (États-Unis) a salué le Mécanisme pour avoir assumé sans heurt les fonctions du TPIR et du TPIY et adopté des amendements en vue d’améliorer l’efficacité de ses procédures.  Nous espérons que le plan de réduction des dépenses mis en œuvre par le Mécanisme augmentera encore son efficacité, a déclaré la représentante.  Elle a émis le vœu que les efforts visant à la localisation des huit personnes recherchées par le TPIR seront fructueux, avant d’inviter le Mécanisme à continuer d’appuyer les poursuites judiciaires engagées par les gouvernements.  Elle a d’ailleurs souligné que la nature temporaire du Mécanisme rend d’autant plus important un soutien aux juridictions nationales.  Au cours de ces 20 dernières années, a-t-elle rappelé, nous avons offert des millions de dollars de récompenses pour les avis de recherche des deux Tribunaux, mais ces efforts ne peuvent s’arrêter puisqu’il reste encore huit fugitifs.  Elle a assuré que son pays continuera d’offrir des récompenses généreuses et exhorté les autres pays à se montrer « implacables » dans leurs efforts pour les appréhender.  Aux victimes, nous disons, on ne vous pas oubliées, a lancé la représentante qui, aux fugitifs, a dit: nous n’arrêterons pas nos recherches.  Elle a conclu en appelant les États ou les individus à se garder de « réviser les faits, de rejeter l’histoire, de politiser des tragédies ou d’ériger en héros des criminels de guerre condamnés en justice. »

Mme SANDRA PEJIC (Serbie) a souligné que son pays remplit toutes ses obligations, s’agissant de sa coopération avec le Mécanisme.  Les institutions serbes facilitent l’accès aux pièces à conviction, aux documents, aux archives et aux témoins, lesquels sont autorisés à témoigner librement, renonçant à leur droit de ne pas divulguer des secrets d’État, militaires ou officiels.  La représentante a expliqué que l’initiative de la Serbie visant à ce que les condamnés exécutent leur peine dans leur pays d’origine obéit à l’objectif de « punition et resocialisation ».  Les condamnés incarcérés à l’étranger ne comprennent pas la langue et ne peuvent recevoir ni famille ni proche, sans compter des conditions de détention bien souvent déplorables et le manque d’accès aux soins de santé.  La Serbie, a poursuivi la représentante, confirme qu’elle prendrait toutes les mesures voulues si ses ressortissants pouvaient exécuter leur peine chez eux.  La Serbie est même disposée à accepter un contrôle international.

Sur le plan national, la Serbie continue de poursuivre en justice les auteurs de crimes de guerre, quelle que soit leur nationalité.  Au niveau régional, elle estime que la coopération est le seul moyen de parvenir à la réconciliation et à des relations stables entre les États voisins.  C’est pourquoi la Serbie a signé des accords bilatéraux qui offrent le cadre légal pour la coopération entre les pays de la région dans les dossiers de crimes de guerre, a encore expliqué la représentante. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a dit qu’au cours de l’examen des activités du Mécanisme l’an dernier, son pays avait espéré que ce serait l’occasion pour le Mécanisme de se détourner des mauvaises pratiques du TPIY.  Il s’est donc dit déçu de voir que le Mécanisme transforme des acquittements en condamnation, comme l’illustre l’affaire Vojislav Šešelj.  Il s’est aussi dit déçu que le Mécanisme ait les mêmes travers dans le recrutement des juges et la gestion de l’administration.  Le représentant a dénoncé les « chaises musicales » dans la nomination des juges et s’est étonné que des juges du TPIY traitent des mêmes dossiers dans les procédures d’appel du Mécanisme, comme en témoignent les affaires concernant Ratko Mladić et Radovan Karadžić.

Le Mécanisme ne rend pas justice.  Il se complait dans les intrigues, a accusé le représentant, qui s’est dit inquiet de l’état de santé de Ratko Mladić.  Si les médecins du Mécanisme ne peuvent pas le soigner, il faut le libérer et l’envoyer en Fédération de Russie ou en Serbie, a estimé le représentant.  Il s’est également dit surpris de voir que les activités de renforcement des capacités du Mécanisme soient menées dans des États qui n’ont aucun lien avec les activités du TPIY, ce qui est une violation de la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité.  Le Mécanisme, a prévenu le représentant, doit cesser de « gaspiller » les ressources humaines et financières et se focaliser sur son mandat. 

Droits de réponse

La Turquie a remercié M. Meron pour son leadership et salué le travail accompli par le Mécanisme qui a un certain nombre de fonctions essentielles à exercer.  Réagissant aux interventions de l’Union européenne et de la Serbie, il a rappelé que le juge Aydin Sefa Akay est une personnalité turque contre laquelle une procédure judiciaire a été lancée en Turquie, en raison de certains de ses agissements qui n’ont rien à avoir avec son travail au Mécanisme.  Personne n’est au-dessus des lois, a tranché la représentante.

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