Soixante-douzième session  
105e séance plénière – matin  
AG/12038

L’Assemblée générale achève son débat sur la responsabilité de protéger que certains États continuent d’opposer à la souveraineté nationale

La responsabilité de protéger les populations s’oppose-t-elle à la souveraineté des États?  Les États ont, une nouvelle fois, posé la question alors que l’Assemblée générale reprenait aujourd’hui le débat qu’elle avait entamé, le 25 juin dernier, après neuf ans de silence.

« La responsabilité de protéger et la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité » est un concept que les États ont adopté lors du Sommet mondial de 2005.  En 2009, soit la dernière fois que l’Assemblée générale s’est penchée sur cette question, le Secrétaire général de l’ONU dessinait une stratégie en trois piliers: la responsabilité de chaque État, celle de la communauté internationale d’aider les États à s’acquitter de leur devoir, et celle de cette même communauté d’utiliser les moyens diplomatiques, humanitaires et autres pour protéger les populations.  La stratégie insiste sur la valeur de la prévention et au cas où elle ne donnerait pas de résultats, elle prévoit une intervention « rapide et souple » conçue en fonction des traits spécifiques de chaque cas.

Une nouvelle fois, c’est le troisième pilier qui a été commenté dans les 30 déclarations entendues aujourd’hui.  La souveraineté comme responsabilité, a déclaré le Rwanda, est « le pilier philosophique » de la doctrine de la responsabilité de protéger.  Il est crucial de garder à l’esprit cette idéologie selon laquelle souveraineté implique responsabilité.  Le Rwanda a dit l’avoir appris à ses dépens: quand un État est responsable de violations ignobles des droits de l’homme, il ne devrait pas pouvoir empêcher les acteurs d’intervenir.  C’est l’essence même de la responsabilité de protéger, a souligné le Rwanda.  « Contraint une nouvelle fois » de gérer la crise des Rohingya, le Bangladesh a renchéri: « au cas où un État ne peut pas, ou ne veut pas, assumer sa responsabilité de protéger, la communauté internationale ne peut tout simplement pas détourner les yeux et reléguer la situation au domaine des affaires intérieures ou bilatérales ». 

Il a fustigé l’apathie et la complaisance de certains acteurs régionaux et internationaux mais aussi les inadéquations et les omissions des agences de l’ONU qui ont permis aux autorités du Myanmar de promouvoir leur discours « inventés et toxiques » contre les Rohingya.  Les jugements de valeur, la catégorisation des situations comme crimes d’atrocités et la décision d’invoquer la responsabilité de protéger doivent être fondés sur des données « factuelles, non biaisées, impartiales et objectives », a rétorqué le Myanmar, en insistant sur le respect de la souveraine nationale et l’intégrité territoriale des États.  Le Myanmar a dénoncé « les manipulations et les deux poids, deux mesures et l’hypocrisie qui ont abouti à des catastrophes ».

La Fédération de Russie n’a pas dit autre chose, en invoquant la Libye où les interventions des puissances étrangères ont entraîné « le chaos » et échoué précisément à protéger la population.  Il a aussi cité « l’agression contre l’État souverain de la Syrie » et dressé un parallèle entre ces interventions et le bombardement de l’Otan en ex-Yougoslavie, autant d’interventions qu’il a qualifiées « d’ingérences barbares ».  « La responsabilité de protéger n’est ni une norme ni une règle », a estimé la Fédération de Russie et la controverse autour de ce concept ne tient pas à la « noblesse » de ses idées mais à une mise en pratique à la tonalité plus politique que droit-de-l’hommiste, a acquiescé l’Iran.  « C’est là que réside le vrai défi » car autoriser le recours à la force contre un État quel qu’en soit le prétexte pourrait ouvrir la voie à des interventions politiques partout. 

Je suis sûr que personne ne voudrait que l’on revienne au concept de « guerre juste », a prévenu l’Iran.  La manipulation du concept pour légitimer l’ingérence étrangère, les agressions et les changements de régime expliquent la méfiance, a ajouté la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Comme les divergences de vues persistent sur la nature, la portée et l’application de la responsabilité de protéger, il faut, a estimé l’Azerbaïdjan, poursuivre les discussions et identifier les points de convergence pour parvenir à un consensus.  Ces discussions, a précisé le Venezuela, doivent se tenir en réunions informelles: « les discussions officieuses sont une bonne enceinte pour faire avancer le processus », a-t-il jugé.

Ce n’est qu’après que cette question pourra être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale et faire l’objet de débats formels, ont argué plusieurs intervenants.  Au premier jour du débat, le 25 juin dernier, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, avait lui-même reconnu les « malentendus » et la « méfiance ».  Dans son rapport intitulé « Responsabilité de protéger: de l’alerte rapide à l’intervention rapide », il propose une stratégie à trois volets: renforcer les capacités de prévention existantes; promouvoir l’obligation de rendre des comptes; et innover en élargissant sensiblement l’implication de la société civile dans la prévention des atrocités.

LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER ET LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE, DES CRIMES DE GUERRE, DU NETTOYAGE ETHNIQUE ET DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger: de l’alerte rapide à l’intervention rapide (A/72/884)

Déclarations

M. MILENKO E. SKOKNIC TAPIA (Chili) a appuyé l’idée d’inscrire de manière permanente la question de la responsabilité de protéger à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  L’objectif est de donner la priorité aux droits et à la dignité des victimes, de mettre fin à l’impunité, d’encourager la participation de la société civile et des communautés locales, entre autres, et d’améliorer la communication stratégique des Nations Unies dans l’intérêt de la transparence.  Le représentant s’est donc félicité du rapport du Secrétaire général qui donne une nouvelle fois l’occasion d’insister sur le pilier « prévention » de la responsabilité de protéger, maintenant que l’ONU est dans un processus de réforme.  Nous efforts doivent tendre vers la promotion de sociétés résilientes et inclusives, a-t-il dit. 

Dans ce contexte, il a mis en avant le rôle essentiel des femmes dans la prévention des crimes d’atrocités. Il s’est également dit convaincu que le travail sur le renforcement du multilatéralisme est le moyen le plus efficace de maintenir l’ordre et la paix et la sécurité internationales, et s’agissant de la responsabilité de protéger, d’éviter les cicatrices inoubliables que les échecs pourraient infliger à l’humanité.  On ne peut réécrire l’histoire mais on peut en tirer des leçons, a souligné le représentant, en arguant que l’action collective sur la responsabilité de protéger doit aller de pair avec la mise à disposition d’informations fiables pour que les décisions se prennent en toute responsabilité et transparence, et avec un seul objectif: l’impératif éthique de protéger les personnes des quatre crimes graves prévus dans la responsabilité de protéger.

M. FABIEN STEPHAN YVO RAUM (Luxembourg) a appuyé les déclarations de l’Union européenne et du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger.  Il a encouragé le Secrétaire général à nommer un nouveau conseiller sur la question, déplorant que depuis le Sommet mondial de 2005, toujours plus de civils sont tués, toujours plus d’atrocités sont commises, et toujours plus de souffrances immenses sont provoquées.  Le représentant a aussi appuyé le Code de conduite du Groupe ACT -Accountability, Coherence and Transparency- (Groupe Responsabilité, cohérence et transparence) et l’initiative franco-mexicaine appelant les membres permanents du Conseil de sécurité à renoncer à leur droit de veto en cas d’atrocités de masse.  La protection des droits de l’homme est essentielle pour prévenir les crimes graves et mettre en place des systèmes d’alerte rapide, a poursuivi le représentant qui a appelé à l’universalisation du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  La responsabilité de protéger n’est pas en contradiction avec la souveraineté nationale.  Au contraire, elle la consolide et la légitime, a-t-il insisté, en prévenant: « Le repli sur soi ne saurait être un dénominateur commun. »

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a dit souhaiter une discussion honnête et franche sur le concept de responsabilité de protéger pour éviter que les différentes interprétations et le scepticisme sur certains de ses aspects ne finissent par compromettre les efforts communs visant à protéger les populations menacées.  Un engagement constructif des États à atténuer les préoccupations et les désaccords est de la plus haute importance, a insisté le représentant.  Il a jugé important de détecter et de s’attaquer aux discours de haine, au racisme, à la xénophobie et aux discours belliqueux lorsque l’on examine la situation de tel ou tel pays.  Pour sa part, l’Arménie a coorganisé un certain nombre de manifestations ces dernières années, y compris dans le cadre du Conseil des droits de l’homme et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).  Au mois de novembre dernier, Erevan a accueilli la Conférence de l’OSCE intitulée « Combattre et prévenir les crimes de haine contre les Chrétiens et les membres d’autres groupes religieux ». 

L’Arménie a toujours promu la notion d’alerte rapide, en particulier dans le contexte de la prévention.  En mars de l’année dernière, le Conseil des droits de l’homme a d’ailleurs adopté par consensus une résolution initiée par l’Arménie sur la prévention du génocide.  Depuis 2015, a ajouté le représentant, l’Arménie accueille le Forum mondial contre le crime de génocide.  L’année prochaine, le Forum va porter sur le rôle que l’éducation et les médias peuvent jouer dans la prévention des crimes fondée sur l’identité et la lutte contre le négationnisme.  À l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Convention contre le génocide, cette année, l’Arménie a proposé le lancement d’une campagne à l’échelle du système des Nations Unies pour sensibiliser l’opinion publique aux dispositions du traité, a conclu le représentant. 

Résolument contre l’inclusion de la notion de responsabilité de protéger dans l’ordre du jour de l’Assemblée générale, M. MAXIM V. MUSIKHIN (Fédération de Russie) s’est référé à l’historique des débats depuis 2005, pour dénoncer le manque de convergence d’opinions sur le sujet.  Un groupe d’États a imposé un vote pour organiser la séance d’aujourd’hui, a-t-il révélé, regrettant que le résultat en soit la destruction d’un consensus déjà « fragile ».  La responsabilité de protéger n’est ni une norme ni une règle, a souligné le représentant.  Le Secrétaire général fait état dans son rapport, « d’un certain progrès » mais il est difficile de comprendre de quoi il parle.

S’étonnant que les « vives critiques » émises durant les consultations ne se retrouvent plus dans le rapport, il a estimé qu’« en rendant la chose formelle, on espère que la chose s’arrangera.  Or ce n’est pas le cas ».  Le représentant a insisté sur le manque de consensus autour de la responsabilité de protéger et a dénoncé une « mise en œuvre catastrophique », à savoir des « résultats négatifs » comme l’ingérence et la destruction de l’état de droit.  Le représentant a pris l’exemple de la Libye, dont les interventions des puissances étrangères ont entraîné « le chaos » et échoué à protéger la population.  Il a aussi cité « l’agression contre l’État souverain de la Syrie » en avril 2018, pointant du doigt le Royaume-Uni, en particulier.

Il a dressé un parallèle entre ces interventions et le bombardement de l’Otan en ex-Yougoslavie à la fin du XXe siècle, autant d’interventions qu’il a qualifiées « d’ingérences barbares ».  « Toute discussion formelle sur la responsabilité de protéger ne saurait être appropriée.  Elle est même inutile », a tranché le représentant, après avoir dénoncé les « erreurs catastrophiques » qui ont accompagné la mise en œuvre pratique de la responsabilité de protéger.  « Les débats actuels à l’Assemblée générale ont montré une fois de plus que si on ne travaille pas sur les erreurs du passé, on répétera les mêmes erreurs. »

Mme INASS A. T. ELMARMURI (Libye) a espéré que ce débat contribuera à renforcer le rôle de l’Assemblée générale dans la promotion de la responsabilité de protéger.  L’adoption du Document final sur cette notion lors du Sommet mondial de 2005 a été très importante.  La responsabilité de protéger établit, d’une part, la responsabilité première des États souverains et reconnaît, d’autre part, celle de la communauté internationale d’y contribuer.  La représentante a plaidé pour l’amélioration des efforts d’alerte rapide, soulignant que le succès dans le règlement pacifique des différends dépend d’abord d’une bonne force de dissuasion en amont.  Elle a conclu en plaidant pour la mise en place de mécanismes de responsabilité et en demandant que l’aspect humanitaire de la responsabilité de protéger soit renforcé.

Mme HELENA YÁNEZ LOZA (Équateur) a exprimé son soutien à la résolution 60/1 adoptée en 2005, qui avait fixé clairement les trois piliers sous-tendant la « responsabilité de protéger ».  Elle a indiqué que son pays, qui respecte pleinement les droits de l’homme, estime qu’il faut une ligne stricte de subordination politique et des étapes chronologiques qui privilégient les piliers 1 et 2 -l’État est le premier responsable de la protection de sa population et la communauté internationale doit aider les États à développer leurs capacités leur permettant d’assumer ces responsabilités-.  Le troisième pilier -possibilité de mesures collectives de la communauté internationale avec une utilisation éventuelle de la force-, ne doit s’employer que dans des circonstances exceptionnelles et en ultime recours, et seulement en application d’une résolution du Conseil de sécurité, a rappelé la déléguée.

Seule l’Assemblée générale a compétence et autorité pour faire avancer la définition de la responsabilité de protéger, a-t-elle poursuivi, en appréciant l’occasion donnée d’en discuter de manière constructive et transparente.  En même temps, la représentante a souligné que la prévention des conflits par le règlement pacifique des différends est la meilleure voie à suivre pour éviter que des crimes d’atrocités ne soient commis.  Elle a aussi plaidé pour l’instauration de la confiance, tant dans la loi que dans le droit international public, ainsi que dans l’exécution de la justice.  Elle a souligné à ce propos le rôle important que joue la Cour pénale internationale (CPI), avant de mettre aussi l’accent sur le rôle des organisations régionales et sous-régionales dans la prévention des conflits. 

Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a rappelé que la Constitution indonésienne reconnaît la responsabilité de protéger comme une valeur fondamentale.  Treize ans après le Sommet mondial, nous débattons toujours de l’aspect concret de cette notion, a constaté le représentant.  Promouvoir les principes de cette responsabilité, à travers la prévention et le renforcement des capacités, est la clef pour remporter l’adhésion du plus grand nombre, a-t-il estimé.  La responsabilité de protéger doit être vue dans le contexte plus large de la prévention, entre autres, a-t-il insisté.  Le renforcement des capacités est particulièrement essentiel dans les domaines des cadres juridiques et de l’alerte rapide.  Il faut aussi renforcer les cadres institutionnels et la résilience des communautés dans le monde.  Nous devons sans cesse promouvoir le respect et la tolérance et les organisations régionales peuvent et doivent jouer un rôle plus actif, comme le fait l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).  En 2012, l’ANASE a adopté sa propre déclaration des droits de l’homme et mis en place son institut pour la paix et la réconciliation.  Pour finir, la représentante a appelé les membres permanents du Conseil de sécurité à éviter l’exercice du droit de veto face aux crimes prévus par la responsabilité de protéger, y compris lorsqu’il s’agit d’offrir une protection internationale aux civils palestiniens, comme l’a demandé la forte majorité des États Membres la semaine dernière.

M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a d’abord dénoncé l’inaction du Conseil de sécurité, due à l’absence d’unanimité de ses membres, qui a « permis le génocide au Rwanda et d’autres catastrophes ».  La controverse autour de la responsabilité de protéger ne tient pas à la « noblesse » des idées, a-t-il dit.  C’est la mise en pratique qui a une tonalité plus politique qu’ancrée dans les droits de l’homme.  Cela ne peut que remettre en question l’efficacité en tant qu’outil, a-t-il insisté, car trop souvent, la notion devient un outil politique.  C’est là que réside le vrai défi, a souligné le représentant.

Rappelant qu’un cadre normatif régissant les atrocités existe déjà, il a estimé que les échecs viennent plutôt de l’action illégitime et unilatérale de certains États qui créent le chaos dans l’ordre international.  Qualifiant le recours à la force de « violation flagrante de la souveraineté nationale » et « un exemple clair de l’abandon des normes agrées », le représentant a prévenu qu’« avant de trouver un accord sur la responsabilité de protéger, il reste à définir son champ d’application ».  Autoriser le recours à la force contre un État quel qu’en soit le prétexte pourrait ouvrir la voie à des interventions politiques partout.  Je suis sûr que personne ne voudrait que l’on revienne au concept de « guerre juste », a-t-il conclu, en insistant sur « le respect des normes de base de la Charte en toutes circonstances ».

M. JA SONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a déclaré que son pays est contre l’idée même de ce débat à l’Assemblée générale, étant donné qu’il n’y a pas de consensus sur ce concept.  La responsabilité de protéger relève du droit souverain de chaque État et ne saurait servir de prétexte pour s’ingérer dans les affaires intérieures des États.  Le représentant a pris l’exemple du Moyen-Orient où certains États ont semé le chaos, en procédant à une invasion militaire sous prétexte de protéger les civils et déposer le gouvernement légitime, tuant au passage de nombreux civils et forçant des dizaines de millions d’autres à la fuite.  La manipulation du concept pour légitimer l’ingérence étrangère, les agressions et les changements de régime expliquent la méfiance, a souligné le représentant.  Protéger les civils, a-t-il précisé, c’est traiter de la faim, de la pauvreté, des inégalités, de la discrimination et des ingérences dans les affaires intérieures d’autres États.  Le concept « dangereux » de responsabilité de protéger, qui a été manipulé pour des interventions armées illégales fondées sur les intérêts politiques, la sélectivité et le double standard, ne doit plus être considéré comme un point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale, a tranché le représentant.

M. HAU DO SUAN (Myanmar) a rappelé que 13 ans après l’adoption du Document final du Sommet mondial de 2015 sur la notion de responsabilité de protéger, il n’y a toujours pas de consensus sur la manière de traduire ce concept dans la pratique.  La protection des civils incombe en premier lieu aux États.  La communauté internationale peut leur venir en aide et notamment en contribuant au renforcement de leurs capacités.  Les actions préventives doivent se baser sur des moyens pacifiques comme le dialogue, la négociation, les mesures d’établissement de la confiance mutuelle et la réconciliation.  Le dialogue interconfessionnel et la promotion de l’harmonie religieuse peut également contribuer à éviter les confrontations communautaires, a-t-il poursuivi en exigeant à nouveau que les pays aient la marge de manœuvre nécessaire pour développer leurs propres mécanismes de prévention et de règlement pacifique des différends.

Pour ce qui est de l’intervention internationale dans le contexte de la responsabilité de protéger, le représentant a insisté sur le respect de la souveraine nationale et de l’intégrité territoriale des États.  Il a souligné que les jugements de valeur, la catégorisation des situations comme crimes d’atrocités et la décision d’invoquer la responsabilité de protéger doivent être fondés sur des données factuelles, non biaisées, impartiales et objectives.

À cet égard, il a catégoriquement rejeté les accusations « sans fondement » et la qualification de la situation humanitaire dans l’État Rakhine comme un cas d’atrocités de masse.  C’est aux États que revient en premier lieu la responsabilité d’enquêter et de poursuivre les responsables de crimes devant les juridictions nationales, a-t-il poursuivi indiquant que son gouvernement n’a aucune intention de rester passif devant les violations des droits de l’homme.  Le Gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer son intention de mettre en place une commission d’enquête indépendante avec des membres internationaux pour faire la lumière sur les violations des droits de l’homme après les attaques terroristes de l’Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA) qui ont eu lieu en aout 2017.

Inquiet de la politisation et des abus de la Cour pénale internationale, le représentant a averti que cela pouvait mettre en cause sa légitimité et son intégrité.  Il s’est catégoriquement opposé à ce que le Myanmar figure dans la catégorie de pays où des atrocités de masse « auraient eu lieu » et où l’on voit des « déplacements forcés et une crise des réfugiés ».  Un tel jugement « préjudiciable » basé sur des « allégations non fondées » ne contribue en rien à une discussion constructive et objective sur cette question, a estimé le représentant. 

Notant les divergences toujours présentes dans l’interprétation de la notion de responsabilité de protéger, il a recommandé de poursuivre le dialogue interactif sur ce « concept délicat » en vue de parvenir à un consensus sur la manière de le traduire en actes.  Face « aux manipulations et aux deux poids, deux mesures et à l’hypocrisie qui ont abouti à des catastrophes », le représentant a voulu que l’on se concentre en premier lieu sur le renforcement des capacités humaines et institutionnelles des États.  À ce stade, a-t-il conclu, mon pays n’est pas en mesure d’appuyer l’inscription de la notion de responsabilité de protéger en tant que point permanent de l’ordre du jour de l’Assemblée générale.

La souveraineté comme responsabilité, a déclaré Mme UREJENI BAKURAMUTSA (Rwanda), est « le pilier philosophique » de la doctrine de la responsabilité de protéger.  Il est crucial de garder à l’esprit cette idéologie selon laquelle souveraineté implique responsabilité.  Le Rwanda l’a appris à ses dépens: quand un État est responsable de violations ignobles des droits de l’homme, il ne devrait pas empêcher d’autres acteurs d’intervenir.  C’est l’essence même de la responsabilité de protéger.  L’alerte et l’intervention rapides doivent être une partie intégrante des mécanismes nationaux, régionaux et internationaux.  La représentante a donc souligné l’importance de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et indiqué que sur le continent africain, la Communauté d’Afrique de l’Est a créé une force en attente qui a pour mandat de renforcer la paix et la sécurité dans la région, ce qui est en fait l’une des cinq forces multidimensionnelles régionales de la Force en attente africaine. 

La Force en attente de l’Afrique de l’Est est sur le point de mettre en œuvre son système d’alerte rapide qui permettra déploiement préventif, appui à la paix et opérations de maintien de l’ordre.  L’Union africaine a aussi pris des mesures pour créer un système d’alerte rapide à l’échelle du continent.  La représentante a conclu en citant les trois questions qu’il faut inclure dans les discussions sur la responsabilité de protéger: l’établissement des responsabilités et la lutte contre l’impunité; les opérations de maintien de la paix et les Principes de Kigali sur la protection des civils; et l’agenda « femmes, paix et sécurité » et la protection contre la violence sexuelle. 

M. MELITÓN ARROCHA RUÍZ (Panama) a salué l’inclusion officielle de ce thème dans l’ordre du jour de la soixante-douzième session de l’Assemblée générale, en soulignant le caractère prioritaire de l’alerte rapide et de l’action des États Membres qui sont appelés à garantir une action opportune pour assumer leur responsabilité de protéger.  Ce débat se place dans le cadre du multilatéralisme, seul forum approprié pour affronter efficacement les défis mondiaux.  Il a souligné le leadership que doit assumer la communauté internationale à cet égard, et principalement l’ONU, en particulier le Conseil de sécurité dont les décisions sont cruciales dans l’ordre du jour de la prévention des crimes d’atrocités.  

Dérivée de sa responsabilité première de garantir la paix et la sécurité internationales, l’action opportune qui découle des décisions du Conseil de sécurité est cruciale pour éviter des actes de génocide, des crimes de guerre et contre l’humanité.  C’est dans cet esprit que le Panama a adhéré à l’initiative franco-mexicaine qui promeut la suspension du droit de véto en cas d’atrocité de masse, ainsi qu’au Code de conduite du Groupe Responsabilité, cohérence et transparence.  Le représentant a jugé important de réfléchir à partir des succès et des échecs du passé et a appelé les États à s’engager à interdire et prévenir les crimes d’atrocités et à assurer la protection de la population, par le biais des instruments internationaux.  Il faut aussi appuyer les capacités nationales, en reconnaissant le rôle actif de la société civile et l’importance de l’autonomisation des femmes et des jeunes, a-t-il ajouté. 

Mme ELISENDA VIVES BALMAÑA (Andorre) a brossé les grandes lignes du rapport du Secrétaire général et qu’un travail de fond est nécessaire pour assurer la promotion de la prévention et de la responsabilité de protéger, lesquelles ne font pas les gros titres dans la presse.  Elle a encouragé tous les États à adhérer au Statut de Rome ainsi qu’au Code de conduite du Groupe ACT.  Insistant sur la prévention, elle a rappelé le rôle essentiel d’une éducation de qualité pour inculquer les valeurs de l’Organisation à la jeunesse.

M. TAREQ MD ARIFUL ISLAM (Bangladesh) a dit ne pas voir où peut nous mener « l’opposition de principe » au pilier III de la responsabilité de protéger à moins de le réconcilier avec l’architecture générale du concept avec les garanties nécessaires.  Il a appelé les États à parler de ces questions dans un esprit constructif.  La responsabilité de protéger ne devrait offrir aucune occasion de violer le principe « fondamental » de la souveraineté nationale, a dit le représentant.  Toutefois, au cas où un État ne peut ou ne veut pas assumer sa responsabilité de protéger, la communauté internationale ne peut tout simplement pas détourner les yeux et reléguer la situation au domaine des affaires intérieures ou bilatérales.  L’ONU a un rôle à jouer, a dit le représentant qui a appuyé la vision du Secrétaire général de placer la prévention au cœur de l’agenda. 

Le représentant s’est attardé sur la crise humanitaire des Rohingya que son pays doit « une nouvelle fois » gérer, à cause de l’apathie ou de la complaisance de certains acteurs régionaux et internationaux.  Le représentant s’est particulièrement dit déçu par l’inadéquation flagrante de l’alerte lancée par les agences de l’ONU au Myanmar même quand les préparatifs des atrocités étaient en cours.  Ce sont ces inadéquations et ces omissions qui ont permis aux autorités du Myanmar de promouvoir leur discours inventés et toxiques contre les Rohingya.

Le représentant a espéré que les opportunités offertes par l’engagement des Nations Unies dans l’État Rakhine permettront de prévenir toute autre violation et de créer un environnement favorable au retour volontaire, sûr et digne des Rohingya.  On pourrait même songer à appuyer le développement de cadres juridiques et institutionnels de prévention au Myanmar, a-t-il estimé.  La question de l’établissement des responsabilités doit être au centre des efforts, a insisté le représentant.  Les enquêtes lancées par le Myanmar manquent de crédibilité et la mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme n’a toujours pas été autorisée à se rendre dans le pays.  La réponse du Myanmar à l’appel de la CPI visant à ce qu’il envisage un tribunal spécial pour connaître de la déportation forcée des Rohingya est toujours entourée d’incertitudes.  Les atrocités commises contre cette communauté sont clairement un cas d’abdication de la responsabilité de protéger, a tranché le représentant.  Il a donc repris la proposition de son Président de créer des « zones sûres » dans l’État Rakhine.  Nous continuerons, a-t-il promis, à plaider pour un mécanisme qui garantisse la protection de cette communauté.  Il a conclu en appelant la communauté internationale à soutenir la reconnaissance du génocide commis au Bangladesh lors de sa guerre de libération en 1971.  Le représentant n’a pas oublié d’annoncer l’adhésion prochaine de son pays au Code de conduite du Groupe ACT.

M. NHO HUNG DINH (Viet Nam) a espéré que ce débat permettra de créer un meilleur climat de confiance entre les États.  Le Viet Nam est favorable à la mise en place de mécanismes d’alerte rapide à condition qu’ils soient conformes aux circonstances spécifiques des pays et au droit international.  Il ne faut pas perdre de vue l’objectif ultime qui est de préserver les générations futures du fléau de la guerre.  Il faut donc, a estimé le représentant, s’attaquer aux causes profondes des conflits et promouvoir le développement durable.  Le Viet Nam estime que l’inclusion de la notion de responsabilité de protéger comme point permanent à l’ordre du jour de l’Assemblée générale devrait d’abord avoir l’assentiment de tous les États Membres.

M. TEODORO LOPEZ LOCSIN (Philippines) a souligné que la responsabilité de protéger doit aussi s’appliquer aux actes non étatiques et pas seulement aux forces de sécurité nationales.  Quand un État ne combat pas le terrorisme et la criminalité organisée, il se déroge à sa responsabilité de protéger, a encore souligné le représentant.  La prévention est l’essence même de cette responsabilité.  Il faut renforcer les institutions de gouvernance mais aussi les forces de défense et consolider la démocratie.  Nous devons professionnaliser les forces de sécurité et leur apprendre à protéger sans mettre en danger les citoyens.  Le concept de dégâts collatéraux n’a pas sa place dans les opérations de police et de sécurité.  Mais on ne peut décider de ne pas combattre l’ennemi par peur de provoquer des souffrances.  La criminalité et le terrorisme n’ont rien à voir avec la diversité ou le pluralisme.  Ils sont ce qu’ils sont et une fois que le terrorisme s’est répandu, a grandi et a commencé à porter des fruits, il faut « arracher » ses racines avant que ses graines ne s’éparpillent.  Il faut le faire, a reconnu le représentant, sans effusion de sang parce que le sang des innocents fertilise le terreau du terrorisme. 

Une partie de la prévention, a-t-il prévenu, c’est décourager la manipulation du concept de responsabilité de protéger à des fins politiques pour justifier les ingérences.  « La route de l’enfer résonne des pas des moralisateurs », a prévenu le représentant.  « Que l’alerte rapide ne vienne pas nous interdire toute action élémentaire pour stopper le crime. »  Non, s’est expliqué le représentant, le défi est de préserver l’équilibre entre cohérence et prévisibilité de l’état de droit, en reconnaissant le caractère unique de chaque situation.  On n’a peut-être tous les mêmes notions de ce qui est juste mais on sait tous ce qui est injuste.  Le relativisme moral n’a pas de place.  On peut parler d’un comportement typiquement asiatique mais dire qu’il y a une compréhension typiquement asiatique du bien et du mal est tout simplement du non-sens.  « Le relativisme moral est la chose la plus diabolique », a répété le représentant.

Aucun fait ne confirme ne fut-ce que la plus petite restriction de la liberté de la presse aux Philippines et encore moins de prétendues menaces aux rapporteurs des droits de l’homme.  Les Philippines jugent tout simplement idiot de publier des listes de terroristes à mettre sous surveillance à moins qu’on ne veuille précisément empêcher qu’on les surveille. 

M. FRANCISCO DUARTE LOPES (Portugal) a dit soutenir la stratégie en trois temps du principe de responsabilité de protéger, à savoir: renforcer les capacités existantes; promouvoir la responsabilisation; et enfin, innover pour la prévention en s’appuyant sur la société civile.  Il a invité tous les États à faire en sorte que la responsabilité de protéger soit un thème majeur de l’Assemblée générale, tout en invitant le Conseil de sécurité à étendre ses mesures d’alerte précoce et à faire davantage pour le règlement pacifique des différends.  Le Portugal soutient aussi l’initiative du Mexique et de la France qui prône la suspension du droit de véto en cas d’atrocités de masse.  Le Portugal, a ajouté le représentant, salue le rôle du Conseil des droits de l’homme en matière d’alerte précoce et de prévention des conflits et des atrocités de masse.  Le Portugal soutient également les Principes de Kigali sur la protection des civils par les opérations de maintien de la paix des Nations Unies.

M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a souligné, à son tour, que la prévention constitue la meilleure protection possible.  Il a regretté que les intérêts politiques étroits, les doubles standards et la sélectivité prévalent, que le droit international soit devenu inefficace et que la crédibilité des institutions, comme les Nations Unies et les organisations régionales, se soit érodées.  Les violations des droits de l’homme, a-t-il poursuivi, ne reçoivent pas toutes la même attention.  Le silence complice dans certains cas, y compris dans les situations d’agression militaire et d’occupation étrangère, ainsi que le mépris total d’un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité, accentuent l’échec de la communauté internationale.  Comme les divergences de vues persistent sur la nature, la portée et l’application de la responsabilité de protéger, il faut, a estimé le représentant, poursuivre les discussions et identifier les points de convergence pour parvenir à un consensus.  Il est essentiel que toute action prise dans le cadre de la responsabilité de protéger soit conforme aux but et principes de la Charte.  Cette responsabilité ne saurait servir des objectifs politiques, s’immiscer dans les affaires intérieures et compromettre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance des États.  Le concept ne doit en aucun cas être appliqué de manière sélective, a conclu le représentant

Mme YOLANNIE CERRATO (Honduras) a appuyé la stratégie de prévention dans tous les « piliers » des Nations Unies.  À cet égard, elle a estimé que la coopération internationale doit être renforcée, en donnant la priorité aux droits de l’homme, en particulier ceux des migrants.  « La responsabilité de protéger ne doit pas être séparée des objectifs de paix réelle », a-t-elle aussi déclaré.  Pour le Honduras, cette responsabilité est fondamentale, « mais il reste beaucoup à faire ».  La représentante a évoqué les actions conjointes que viennent de prendre le Congrès régional, les universités ou encore la société civile au Honduras qui a beaucoup fait dans ce domaine, en approuvant un nouveau Code pénal qui prévoit des sanctions contre le génocide, le crime de guerre et le crime contre l’humanité.  Le Honduras a participé activement au réseau sud-américain contre les crimes et les crimes d’atrocités.  Des programmes ont été imposés aux écoles et les fonctionnaires sont formés par l’Institut Auschwitz.

M. MAX HUFANEN RAI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a indiqué que le rapport du Secrétaire général est clair sur le fait que la responsabilité de protéger incombe d’abord aux États et que la société civile et les confessions religieuses peuvent y contribuer.  M. Rai a expliqué que c’est très souvent l’incapacité des États à empêcher que des insurgés n’entrent sur leur territoire qui les rend impuissants s’agissant de leur responsabilité de protéger.  Dans ce contexte, les États doivent collaborer et déployer des ressources communes, y compris des forces de sécurité, afin de faire face à la situation, sans oublier d’adopter une réponse humanitaire rapide.  La Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui n’a pas fini de se relever d’un conflit, est pleinement consciente des atrocités.  À cet égard, les Nations Unies continuent à jouer un rôle essentiel dans les situations postconflit, y compris en Papouasie-Nouvelle-Guinée.  Mais l’Organisation ne peut être efficace que si ses États Membres veulent qu’elle le soit.  Ils doivent donc lui assurer toutes les ressources nécessaires, a prévenu le représentant, en adhérant à la déclaration du Forum des îles du Pacifique dont sa détermination à donner la priorité à l’alerte et à l’intervention rapides.

Pour M. YAO SHAOJUN (Chine), il est impératif de respecter le principe selon lequel les gouvernements ont la responsabilité première de la protection de leur peuple.  Par conséquent, le Chine est d’avis que la communauté internationale doit pleinement respecter les décisions des gouvernements ainsi que le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures.  Le cas échéant, la communauté internationale a une assistance constructive mais la notion de sécurité collective est un processus à long terme.  Appelant au strict respect du Document final du Sommet mondial de 2015 qui cite clairement les crimes prévus dans la responsabilité de protéger, il a demandé aux États d’éviter toute interprétation libre.  Le représentant a appelé à un meilleur appui diplomatique à la prévention, notamment dans le domaine de l’alerte rapide et le règlement pacifique des différends.  Les pays concernés par les crimes prévus devraient renforcer la prévention en s’attaquant aux causes profondes des conflits, a préconisé le délégué.  Quant à la communauté internationale, elle devait accorder la priorité aux mesures pacifiques comme le dialogue et la médiation.  « Toute action militaire doit être autorisée par le Conseil de sécurité avec des conditions très strictes », a-t-il exigé.

M. DAMIANO BELEFFI (Saint-Marin) a réaffirmé son engagement en faveur de la responsabilité de protéger.  La prévention et la redevabilité jouent un rôle essentiel pour empêcher les violations à grande échelle du droit humanitaire et des droits de l’homme.  La prévention et la diplomatie doivent être utilisées en priorité pour empêcher l’escalade.  Approuvant la déclaration franco-mexicaine sur la suspension du droit de veto en cas d’atrocités, il s’est aussi dit en faveur de l’intégration de la responsabilité de protéger dans tout le travail du système des Nations Unies.  L’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme doivent mieux utiliser les instruments existants, a-t-il voulu.  Reconnaissant le grand potentiel du secteur privé et de la société civile, il a rappelé que dans le contexte de la crise migratoire, le respect de l’état de droit est toujours plus nécessaire.

Mme INGRIT PRIZRENI (Albanie) a expliqué que la responsabilité de protéger a été une priorité de longue date de l’Albanie, et par conséquent, elle s’est dite favorable à l’inclusion permanente de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale pour réaffirmer les engagements pris lors du Sommet de 2005.  Il faut investir davantage dans la prévention et notamment dans les mécanismes du Conseil des droits de l’homme.  Garantir l’obligation de rendre des comptes est l’un des moyens les plus efficaces de la prévention, a poursuivi la déléguée.  L’Albanie reconnaît la responsabilité première des États de mener des enquêtes et de traduire en justice les responsables des crimes commis sur leur sol, a souligné la représentante qui a mis l’accent sur la violence sexiste.  Commise de manière systématique, elle devient un crime de guerre, a-t-elle prévenu, en encourageant les États à désigner un point focal national pour lutter contre les atrocités de masse.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a déploré le manque de définition claire du concept de responsabilité de protéger, qui a fait l’objet de vives critiques, compte tenu des collisions possibles avec des principes « supérieurs » comme « l’intégrité territoriale des États » et « l’autodétermination des peuples ».  Le représentant a préféré parler de règlement pacifique des différends et du non-recours à la force pour préserver la paix.  Dans le même esprit, il a dénoncé une « application sélective » du principe de responsabilité de protéger qui souffre de lacunes juridiques.

Il s’est appuyé sur le Chapitre VI de la Charte pour rappeler que le respect de l’autodétermination des peuples passe avant le concept de responsabilité de protéger.  Cette responsabilité est consubstantielle à l’autorité des États, a-t-il insisté.  Même s’il a concédé que ces prérogatives pouvaient parfois mener à des crimes de guerre, il a tout de même jugé qu’on ne peut comparer le concept de responsabilité de protéger avec la Charte des Nations-Unies.  Dénonçant les interventions militaires justifiées par la responsabilité de protéger, le représentant a estimé que le contenu et la portée du concept devraient être redéfinis dans le cadre de réunions informelles.  « Les discussions officieuses sont une bonne enceinte pour faire avancer le processus », a-t-il estimé.

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a mis l’accent sur le règlement pacifique des différends par le dialogue, la médiation et la diplomatie préventive.  La responsabilité de protéger est une obligation exclusive des États vis-à-vis de leur population, a-t-elle affirmé.  Il faut travailler ensemble, a-t-elle conseillé, pour définir la portée des différents concepts liés à la responsabilité de protéger, car « sans définition claire, elle représente un risque et peut même devenir un mécanisme d’ingérence dans les affaires intérieures des États », a-t-elle averti.  La Bolivie estime que toute action doit être prise dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, et qu’il faut miser sur le renforcement des capacités nationales.

Si on veut vraiment prévenir les catastrophes humanitaires, il faut s’attaquer à leurs causes profondes et aux problèmes structurels qui ne font qu’exacerber les conflits, a estimé la représentante.  Elle a regretté que les recommandations du Secrétaire général ne reflètent pas les préoccupations de certains États sur la nécessité de parvenir à un consensus sur le concept.  Par conséquent, en absence de consensus, la Bolivie n’est pas en faveur de l’inscription permanente de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.

M. AMIRBEK ZHEMENEY (Kazakhstan) a réaffirmé l’engagement en faveur de la responsabilité de protéger et du Code de conduite du Groupe ACT, dont son pays est membre.  Il a toutefois noté les perceptions contradictoires entre les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale d’un côté, et le recours à la force de l’autre.  Il est donc nécessaire de définir des critères précis, des mécanismes de prise de décision impartiaux, équilibrés, objectifs et dépolitisés.  Le recours à la force devrait se faire au cas par cas, être dûment autorisé par le Conseil de sécurité et se limiter strictement aux dispositions pertinentes de la Charte.

Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a estimé que le débat actuel permettait de mieux comprendre le concept de responsabilité de protéger et a soutenu l’inclusion permanente de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  Il ne faut pas oublier les évènements et l’absence d’action qui ont mené aux atrocités de masse, a-t-elle plaidé.  De nos jours, il faut reconnaître que certains États ne sont toujours pas en mesure de protéger leurs populations civiles.  Lorsque les acteurs non étatiques font partie de l’équation et que les conflits perdurent, qui porte cette responsabilité?  La représentante a dénoncé la paralysie du Conseil de sécurité et a soutenu l’initiative franco-mexicaine sur la suspension du droit de veto en cas d’atrocités de masse.

Toute intervention militaire ne peut se faire qu’avec l’accord de l’État souverain concerné ou par une autorisation expresse du Conseil de sécurité, a-t-elle prévenu.  Dans « notre région », il faut mettre en place un mécanisme de collecte de données et renforcer le cadre juridique pour pouvoir enquêter sur les potentielles atrocités commises contre les populations civiles.  Les Émirats réaffirment que le meilleur engagement en faveur de la prévention est de s’attaquer aux causes profondes des confits et de renforcer le rôle des femmes dans la prévention.  Pour être des agents de changement, les femmes doivent être autonomisées, a-t-elle insisté.  Il faut également parler de ce concept dans les régions et les capitales pour y trouver des solutions nationales et développer des mécanismes d’alerte rapide nationaux et régionaux, a précisé la représentante.

M. SATYENDRA PRASAD (Fidji) a rappelé la nécessité pour la communauté internationale d’agir de manière « rapide, active et décisive » dans le contexte de la prévention.  Rappelant l’importance particulière du Conseil des droits de l’homme dans la responsabilité de protéger, le représentant a reconnu que des progrès restaient encore à faire.  Malgré les vies de soldats perdues dans les missions de maintien de la paix, il a souligné que ces opérations sont un outil crucial pour les Nations Unies.  Il a aussi salué la nomination rapide d’un conseiller spécial pour intégrer le concept de responsabilité de protéger dans les autres branches de l’Organisation.  « Le maintien de la paix, les droits de l’homme et la responsabilité de protéger font partie d’un processus continu », complémentaire des efforts régionaux dans le Pacifique Sud, grâce au Programme sécuritaire régional issu de la Déclaration de Biketawa, a-t-il souligné.

M. ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) a indiqué que pour le Gabon, toute attaque contre les populations civiles constitue une violation flagrante du droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit des réfugiés.  Pour la déléguée, la responsabilité de protéger incombe à l’État au premier chef, en temps de paix comme en temps de guerre, et elle implique également la protection des camps de réfugiés.  Le Gabon est engagé en faveur de la justice pénale internationale et la lutte contre l’impunité, afin que les responsables de crimes graves répondent de leurs actes devant les juridictions nationales ou internationales compétentes. 

Le Gabon réaffirme en outre son engagement en faveur de la norme établie par la responsabilité de protéger, en particulier la mise en œuvre des trois piliers que sont: la prévention; l’encouragement de la communauté internationale; et l’action collective en cas de défaillance des États.  Le Gabon a également inscrit le dialogue et la recherche du consensus national comme instrument privilégié de prévention et de gestion des différends internes à la société.  C’est cet engagement pour la paix et la protection des populations civiles qui justifie l’engagement du pays aux missions de paix comme c’est le cas à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA).

Comme la prévention ne suffit pas toujours, a reconnu Mme NGEDIKES OLAI ULUDONG (Palaos), mon pays a, malgré ses ressources limitées, déployé en 2005 deux femmes à la Mission de l’ONU au Timor oriental et en 2008, une autre femme à la Mission de l’ONU au Soudan du Sud.  Oui, a insisté la représentante, des femmes car aux Palaos, le droit à la paix et à la prospérité s’applique à tous, quelle que soit la couleur, la foi, la race ou le sexe.  Pour les Palaos, contribuer aux forces internationales de maintien de la paix est une « obligation absolue ».  C’est pourquoi les Palaos sont les mieux représentés dans l’armée américaine qui déploie aussi des efforts de paix dans le monde.  C’est pourquoi les Palaos participent activement aux initiatives de l’ONU liées par exemple aux changements climatiques et à la biodiversité non pas seulement pour sauver la planète mais aussi pour protéger les fondations économiques sur lesquelles se basent la paix et la sécurité.  La lutte contre les atrocités ne peut être remportée que collectivement.  Le partage d’expérience, la collaboration et la coordination à tous les niveaux peuvent aider à se surveiller les uns les autres et à assurer la sécurité de tous les citoyens du monde, a conclu la représentante. 

Pour M. MAHAMMED NAGUIB SOOMAUROO (Maurice), un consensus est apparu au sein de la communauté internationale sur la nécessité d’empêcher les atrocités et il offre une excellente opportunité de réfléchir et de renforcer les mécanismes pour que la responsabilité de protéger protège en effet de façon plus efficace.  Reconnaissant la fonction fondamentale des États en la matière, le représentant a cependant estimé qu’il faut faire mieux « pour protéger des crimes qui hantent notre conscience ».  Sur le continent africain, l’Union africaine a joué un rôle actif et « devrait être soutenue » pour renforcer son système d’alerte rapide.  Maurice a, pour sa part, adopté une loi pénalisant les génocides et crimes de guerre.

Droits de réponse

Le représentant du Pakistan a voulu répondre à la déclaration qu’avait faite son homologue indien.  Il a dénoncé « un mélange de contre-vérités sur le Jammu-et-Cachemire », affirmant que le statut légal de ce territoire est clair, à savoir qu’il est occupé par l’Inde qui y multiplie les violations des droits de l’homme.

Le délégué de l’Inde a rejeté « cette nouvelle attaque » du Pakistan qui utilise ce forum pour promouvoir le terrorisme, en décrivant de façon erronée la situation au Jammu-et-Cachemire.

Les déclarations mensongères de l’Inde ne sauraient cacher « la triste réalité dans le Jammu-et-Cachemire occupé », a rétorqué le représentant du Pakistan.

 

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