SG/SM/18833-SC/13132

Le Secrétaire général affirme que la prévention et les réformes sont les bases de la réponse aux défis complexes contemporains

On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors du débat ouvert du Conseil de sécurité intitulé « Relever les défis contemporains complexes à la paix et à la sécurité internationales », à New York, aujourd’hui:

Je remercie le Japon d’avoir mis à profit sa présidence du Conseil de sécurité pour centrer l’attention sur la complexité croissante des facteurs de conflit armé et d’instabilité.  Je tiens également à remercier le Gouvernement et le peuple japonais de l’hospitalité que j’ai reçue lorsque je me suis rendu au Japon la semaine dernière. 

Je voudrais soulever trois points importants aujourd’hui.  Premièrement, nous constatons une évolution non seulement quantitative mais également qualitative des menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales.  Les périls que recèlent les armes nucléaires occupent de nouveau le devant de la scène, d’autant que les tensions sont plus fortes qu’elles ne l’ont jamais été depuis la fin de la guerre froide. 

Les changements climatiques se sont révélés être un multiplicateur de risque.  La pénurie d’eau est une préoccupation croissante, d’autant que la demande d’eau douce devrait augmenter de plus de 40% d’ici au milieu du siècle. 

Les inégalités et l’exclusion alimentent la frustration et la marginalisation.  Les dangers liés à la cybersécurité augmentent parce que, grâce à certaines des mêmes avancées technologiques qui ont permis d’engranger de nombreux acquis, il est désormais plus facile pour les extrémistes de communiquer, de diffuser leurs discours promouvant un sentiment perverti de mécontentement, de recruter des partisans et d’exploiter autrui.  Le nombre de conflits armés a baissé sur le long terme, mais au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Afrique, leur nombre a fortement augmenté. 

Les conflits sont de plus en plus difficiles à régler.  Ils sont plus longs –ils durent plus de 20 ans en moyenne–, ce qui signifie que les personnes qu’ils poussent au déplacement passent toujours plus de temps loin de leurs foyers et de leurs communautés.  Ils gagnent en complexité à mesure que les groupes armés rivalisent pour le contrôle des institutions d’État, des ressources naturelles et des territoires, et que les groupes extrémistes aux prétentions absolutistes ne laissent que peu de place à la diplomatie.  Nous observons une multiplication de factions politiques et de groupes armés non étatiques, qui se comptent par centaines ne serait-ce qu’en Syrie. 

On assiste également à une régionalisation et une internationalisation accrues des conflits.  L’appui militaire et financier externe dont bénéficient les parties à un conflit prolonge les guerres civiles et attise et propage les tensions, des rivalités plus vastes s’exprimant sous couvert de conflits locaux.  Les conflits sont davantage liés les uns aux autres, ainsi qu’à la menace mondiale du terrorisme.  En outre, les trafiquants de drogues et d’êtres humains entretiennent le chaos et s’en prennent aux réfugiés et aux migrants.

Deuxièmement, la nature changeante des conflits signifie qu’il nous faut repenser nos approches, aussi bien notre manière de travailler que la façon dont nous collaborons avec d’autres.  Nos efforts doivent être cohérents, coordonnés et contextualisés.  Nous devons nous pencher sur tous les piliers de l’action de l’ONU et sur toutes les étapes des efforts de paix, en vue de parvenir à une action intégrée. 

C’est ce dernier objectif qui m’a poussé à lancer trois initiatives interdépendantes de réforme visant à repositionner le système des Nations Unies pour le développement, à rationaliser notre gestion interne et à consolider le dispositif de paix et de sécurité du Secrétariat. 

Je me suis également employé à nouer des liens plus étroits avec les partenaires régionaux, notamment l’Union africaine, l’Union européenne et d’autres.  La Force conjointe mise en place par les États membres du Groupe de cinq pays du Sahel marque une étape importante à cet égard, de même que le Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, qui a été signé cette année.

Troisièmement, la prévention doit être au centre de tous nos efforts.  Il vaut mieux prévenir les conflits que les gérer – cela évite de tragiques souffrances humaines tout en permettant de faire des économies.  Bien qu’elle soit difficile à quantifier et qu’elle soit généralement menée loin des projecteurs des médias, la prévention est un investissement sûr qui produit des dividendes abondants et visibles. 

Le développement est l’un des meilleurs instruments en notre possession en matière de prévention, et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 nous permet de disposer d’un énorme potentiel.  Le développement est un objectif en soi, et ne doit pas être utilisé à mauvais escient pour atteindre d’autres objectifs.  Mais les mesures que nous prenons pour atteindre les 17 objectifs de développement durable nous aideront également à bâtir des sociétés pacifiques.

Le respect de tous les droits de l’homme –non seulement les droits civiques et politiques, mais également les droits économiques, sociaux et culturels– est une composante essentielle de la prévention.  Il est fréquent, avant l’éclatement de violences généralisées, de constater une intensification de la répression, un rétrécissement de l’espace réservé à la société civile et une montée en puissance du sectarisme.  Nous devons investir dans la cohésion sociale, de sorte que chacun ait le sentiment d’être partie prenante de la société. 

Nous savons également que l’égalité des sexes est étroitement liée à la résilience et que la participation des femmes est un facteur clef de réussite, de la prévention des conflits au rétablissement et à la pérennisation de la paix.  Lorsque le pouvoir d’action des femmes est renforcé, les sociétés prospèrent et les processus de paix ont de meilleures chances de prendre pied.  Nous devons également faire davantage pour remédier aux violences systématiques auxquelles les femmes sont confrontées avant, pendant et après un conflit, et pour faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes devant la justice, ce qui est indispensable à l’apaisement et au relèvement d’après-conflit.

La prévention inclut également la diplomatie préventive: les efforts déployés pour réagir rapidement aux signes de tension et élaborer des règlements politiques.  Le Comité consultatif de haut niveau sur la médiation, créé récemment, s’est réuni pour la première fois pour déterminer quelles sont ses possibilités de s’impliquer, et je pense que sa première initiative, discrète mais officielle, ne devrait plus tarder.  Mes bons offices sont naturellement à la disposition du Conseil de sécurité à tout moment.

La notion de sécurité humaine est un cadre de référence utile pour cette action, et je remercie le Japon des activités de sensibilisation qu’il mène de longue date.  La sécurité humaine est un concept global et axé sur l’être humain, qui souligne la nécessité d’agir rapidement et d’accorder la priorité aux plus vulnérables. 

Tous ces éléments doivent être les pierres angulaires de nos travaux.  Je me félicite des efforts déployés par le Conseil pour trouver de nouveaux moyens de surveiller et de gérer les risques de conflit.  Œuvrons de concert afin de renforcer l’attention que le Conseil accorde aux situations qui se présentent, d’élargir la panoplie de moyens d’action, d’accroître les ressources destinées à la prévention et d’agir de manière plus cohérente pour éviter les conflits et pérenniser la paix.

Enfin, je voudrais insister sur le fait que Conseil de sécurité doit faire preuve d’unité.  Sans cela, les parties à un conflit peuvent adopter des positions plus inflexibles et plus intransigeantes, et les facteurs de conflit risquent encore et encore de nous entraîner à un point de non-retour.  En faisant front commun, par contre, nous pouvons promouvoir la sécurité et le bien-être pour tous.

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