SG/SM/18456-CDH/25

António Guterres appelle le Conseil des droits de l’homme à défendre de façon impartiale les droits de toutes les personnes

On trouvera ci-dessous le texte du discours du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, devant le Conseil des droits de l’homme:

Pendant 10 ans, j’ai été pour certains d’entre vous « l’autre Haut-Commissaire », celui du bout de la rue.

Et c’est un grand privilège que de vous retrouver pour la première fois en tant que Secrétaire général.

Je suis ici pour exprimer ma reconnaissance.  Je suis aussi ici dans un contexte d’urgence.

Le mépris des droits de l’homme est une maladie, une maladie qui se propage partout, au nord, au sud, à l’est, à l’ouest.

Une maladie que le Conseil des droits de l’homme doit contribuer à éradiquer.

Vous pouvez jouer un rôle crucial de prévention en détectant les signes avant-coureurs de possibles crises.

Les commissions d’enquête et les missions d’établissement des faits travaillent partout dans le monde pour faire la lumière sur des allégations de violations graves des droits de l’homme.

Les enquêtes et les recommandations des experts indépendants du Conseil apportent un éclairage sur les faits, permettent de renforcer la protection et informent les politiques.

Le Conseil coopère de plus en plus avec la société civile.  Cette coopération est non seulement un appui formidable pour votre action, mais elle est aussi particulièrement cruciale à l’heure où le champ d’action de la société civile se restreint un peu partout.

Par ailleurs, l’examen périodique universel a permis de faire un bilan approfondi de la situation des droits de l’homme dans tous les pays du monde.

Si ses membres ont leurs divergences, ce Conseil est bâti sur une vision commune: défendre les droits de toutes les personnes et dans l’intérêt de tous les États.

Ce principe fait partie intégrante de tous les aspects des travaux de l’Organisation des Nations Unies.  Nos trois piliers, à savoir la paix, le développement et les droits de l’homme, sont indissociables et se renforcent mutuellement.

Les droits de l’homme –droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels– ne doivent jamais être considérés comme un privilège ou « remis à plus tard », une fois que les objectifs de paix et de développement auront été atteints.

Les droits de l’homme font partie intégrante de tout ce que nous faisons et de tout ce que nous sommes.

C’est pourquoi nous devons les défendre de manière impartiale, sans jamais faire deux poids, deux mesures.

Nous devons investir dans les droits de l’homme et les reconnaître en tant que valeurs et objectifs propres, sans laisser personne les instrumentaliser à des fins politiques.

Et l’intégrité et la crédibilité de ce Conseil ne peuvent être que renforcées par un traitement équitable de tous les États Membres.

Je m’exprime en tant que Secrétaire général des Nations Unies, mais mon engagement pour les droits de l’homme ne tient pas seulement à ma fonction.

C’est un engagement personnel.

Ayant grandi au Portugal sous la dictature de Salazar, je n’ai connu la démocratie qu’à l’âge de 24 ans.

Je me suis construit en voyant de mes propres yeux comment le déni des droits civils et politiques –mais aussi des droits économiques, sociaux et culturels– mine une société dans toutes ses dimensions.

La privation des droits a jeté nombre de mes compatriotes dans la pauvreté.

Elle a provoqué une émigration de masse.  Ne pouvant prendre le chemin des urnes, beaucoup de Portugais ont pris celui de l’exode.

J’ai vu la dictature opprimer non seulement ses propres citoyens, mais aussi les peuples de ses colonies africaines, en leur imposant notamment une guerre sanglante qui a duré 13 longues années.

Ma passion pour la cause des droits de l’homme est née de ce que j’ai vécu parmi les miens dans ma jeunesse, puis au plus haut niveau, comme Premier Ministre d’un pays qu’il fallait amener à garantir les droits de l’homme et à permettre à tous ses citoyens de vivre dans la dignité.

Ma passion n’a fait que croître lorsque, comme Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, j’ai été témoin des atrocités qui surviennent quand les droits fondamentaux et la dignité des peuples sont dédaignés, voire ostensiblement bafoués.

Aujourd’hui, en tant que Secrétaire général, il m’est donné de voir au quotidien à quel point l’avenir du monde et celui des droits de l’homme sont indissociables.

Notre monde est de plus en plus dangereux, de moins en moins prévisible et de plus en plus chaotique.

De nouveaux conflits se font jour sans que les anciens disparaissent.  Et tous sont de plus en plus étroitement liés à la menace que constituent le terrorisme mondial et l’extrémisme violent.

Nous ne cessons de constater de nouvelles violations des droits de l’homme, qui sont non seulement les signes avant-coureurs mais aussi l’un des principaux indicateurs des crises.

Nous ne cessons de constater que les atteintes aux droits fondamentaux font le jeu des extrémistes.

Dans le même temps, les violations des droits économiques –telles que les gigantesques inégalités observées dans les pays comme entre les États– créent de plus en plus de troubles sociaux.

Si nous voulons vraiment nous attaquer à ces problèmes, nous devons faire de la prévention notre priorité, éradiquer les causes profondes des conflits et de réagir plus rapidement et plus efficacement lorsque les droits de l’homme sont battus en brèche.

Tel est l’enseignement de nombreux conflits et l’idée qui sous-tend l’initiative Les droits avant tout.

Nous savons que si le déni des droits de l’homme fait partie du problème – la promotion active de ces droits fait partie de la solution.

Et il faut donc aider les États Membres à renforcer leurs capacités, c’est-à-dire à renforcer l’État, les institutions et la société civile.

Le meilleur outil de prévention dont nous disposons est peut-être la Déclaration universelle des droits de l’homme – et les traités qui en découlent.

La Déclaration couvre la plupart des causes profondes des conflits et la réalisation des droits qu’elle énonce apporterait une solution bien réelle grâce au changement concret opéré sur le terrain.

Je compte sur le Conseil des droits de l’homme pour s’engager sans réserve et contribuer à faire advenir le changement dans ses grands domaines d’action pour remédier aux maux qui troublent et agitent le monde.

Je pense notamment aux violations délibérées et systématiques du droit international humanitaire constatées dans un nombre croissant de conflits – violations sur lesquelles le Conseil a beaucoup contribué à jeter la lumière.

On voit prospérer le phénomène pervers du populisme et l’extrémisme, qui se nourrissent l’un l’autre sur fond de déferlante raciste, xénophobe, antisémite et islamophobe, entre autres formes d’intolérance.

Les minorités, les communautés autochtones et d’autres groupes sont en butte aux discriminations et aux exactions partout dans le monde.  Et il en va de même pour les membres de la communauté LGBTI.

Les droits des réfugiés et des migrants sont gravement mis en cause.  La traite des êtres humains gagne de l’importance.  Et face à la multitude de personnes qui fuient la guerre, la communauté internationale ne doit pas se soustraire à ses responsabilités.

Nous devons faire tout notre possible pour rétablir le régime international de protection des réfugiés dans son intégrité.

Il ne s’agit pas tant de partager le fardeau que partager la responsabilité qui nous incombe à tous.  Nous avons en effet une responsabilité collective, qui découle de nos valeurs communes et de la Charte qui définit ce que nous sommes.

De même, nous devons résister avec la plus grande fermeté à ceux qui souhaitent rétablir la torture.  La torture est un acte de lâcheté qui ne permet pas d’obtenir des informations utilisables et jette l’opprobre sur tout pays qui la pratique.

Et nous devons également faire front contre les velléités de rétablissement de la peine capitale.  Je dis cela en tant que citoyen d’un pays qui a aboli la peine de mort il y a 150 ans.

Nous ne pouvons tout simplement pas atteindre nos objectifs sans la pleine participation des femmes et des filles.  À l’ONU, je suis résolu à établir une feuille de route claire et progressive et à parvenir ainsi à la parité des sexes dans l’ensemble du système.  Je proposerai bientôt à l’Assemblée générale un train de mesures ambitieuses visant à mettre un terme à l’exploitation et aux abus sexuels commis par des individus servant sous le drapeau de l’Organisation.

Nous devons faire beaucoup plus, partout dans le monde.  Chaque fois que l’on remet en cause des droits acquis par les femmes dans le domaine de la procréation, que l’on ferme les yeux sur des violences domestiques ou que l’on fait respecter, sous la contrainte, les rôles traditionnels dévolus à chaque sexe, on perd un peu du terrain gagné de haute lutte en matière de droits des femmes.

Disons-le haut et fort: les droits de la femme sont des droits de l’homme. En outre, je tiens à lancer un appel spécial en faveur des droits de l’enfant. Dans le monde, les droits de millions d’enfants sont bafoués.

Et les enfants sont les principales victimes des guerres et des crises, dont ils subissent souvent les effets jusqu’à la fin de leur vie.  La moitié des réfugiés de la planète sont des enfants sans défense.

Mobilisons-nous pour protéger les enfants de tout âge et leur faire connaître leurs droits afin qu’ils se les approprient et en profitent à chaque instant.

Il nous faut également reconnaître que nous devons faire davantage pour que les droits économiques, sociaux et culturels soient défendus avec autant d’ardeur que les autres.  Les droits de l’homme sont indivisibles et interdépendants.

Nous ne pouvons pas faire de préférence, en défendre certains et en ignorer d’autres.

Le Programme 2030 constitue un cadre idéal pour montrer notre attachement à tous les droits de l’homme.

Comme l’a souvent souligné le Haut-Commissaire, le droit au développement est au cœur du Programme 2030.

Le droit à une éducation de qualité, au logement, à l’alimentation, à l’eau, à l’égalité d’accès à l’emploi.  Ces droits économiques et sociaux, et d’autres encore, peuvent et doivent être réalisés.

Dans le cadre de notre démarche commune de promotion de tous les droits de l’homme, je tiens, avant de conclure, à témoigner ma reconnaissance et mon admiration à celles et ceux qui sont en première ligne.

À tous les défenseurs des droits de l'homme, je dis: merci de votre courage. L'Organisation des Nations Unies est avec vous.  Et je suis avec vous.

Je rappelle aux États Membres qu’ils ont le devoir de faire en sorte que les défenseurs des droits de l’homme puissent mener leurs activités sans craindre l’intimidation.

Les défenseurs des droits de l’homme doivent également pouvoir participer librement aux travaux du Conseil et, plus généralement, collaborer avec l’ONU sans crainte de représailles.  Il en va de la qualité de nos travaux et de la crédibilité des États Membres.

Les journalistes sont des contrepouvoirs indispensables à toute société.  Ils doivent eux aussi être pleinement protégés en droit et en pratique de manière à pouvoir faire leur travail, un travail essentiel, en toute indépendance et sans ingérence.

Le combat en faveur des droits de l’homme n’est rien d’autre qu’un combat mené pour ouvrir le champ des possibles et faire ressortir le meilleur de nous-mêmes et de nos sociétés.

Les droits de l’homme sont une source d’inspiration.  Ils sont une source de transformation.  Ils sont le moteur du progrès et peuvent changer le cours de l’histoire.

Je suis déterminé à les faire mieux connaître et à les défendre aussi souvent et aussi longtemps que cela sera nécessaire.

Et je ferai tout ce que je peux pour défendre leurs défenseurs.

C’est en prenant acte des liens qui existent entre la paix, le développement et les droits de l’homme que nous pourrons construire un monde plus sûr et plus stable pour nos enfants.

Nous allons accroître la sécurité en œuvrant en faveur de la dignité, de la justice, de l’égalité et de l’état de droit.

Je remercie le Conseil des droits de l’homme de montrer la voie.  Merci beaucoup.

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