Session de 2017,
1re & 2e séances – matin & après-midi   
ECOSOC/6805-ONG/841

Le Comité des ONG ouvre sa session par le retrait du statut consultatif à trois ONG soupçonnées par la Turquie d’être liées à la tentative de coup de d’État de juillet 2016

Les 19 membres du Comité chargé des ONG ont entamé aujourd’hui leur session 2017*, qui devrait s’achever le 8 février, avec un débat tendu, ponctué de deux suspensions de séance et plusieurs votes, sur le retrait du statut consultatif spécial à trois ONG soupçonnées par la Turquie d’être liées à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016.  Le Comité a ensuite octroyé ce même statut à 21 ONG et reporté sa décision sur la demande de 13 autres organisations dans l’attente d’informations supplémentaires.

La sanction est tombée pour les ONG « Kisme Yok Mu Dayanisma ve Yardmalasma Dernegi », « Gazereciler ve Yazarlar Vakfi » et « Turkiye Isadamlari ve Sanayiyciler Konfederasyonu ».  Le Comité a recommandé au Conseil économique et social (ECOSOC) de leur retirer leur statut consultatif spécial, à la demande de la délégation turque qui a expliqué qu’en vertu d’une loi du 23 juillet 2016, des fondations, associations et entreprises commerciales ont été dissoutes en raison de leur appartenance à l’organisation terroriste « Fetullahist » qui avait essayé de renverser l’ordre constitutionnel, le 15 juillet 2016.

Le représentant des États-Unis a eu beau dénoncer « l’oppression de la société civile en Turquie », une des ONG étant la « Fédération des journalistes et des écrivains », et invoqué le droit de toute organisation de se défendre face aux accusations portées contre elle, le Comité en a décidé autrement, après plus de deux heures de débats et cinq votes.      

Au cours de cette première journée, le Comité a recommandé l’octroi du statut consultatif spécial à 21 ONG, principalement africaines.  Il a aussi décidé de reporter l’examen de 13 demandes d’ONG dont la syrienne « AMPHTS » priée d’en dire plus sur son financement.   

Une nouvelle fois, le Comité a, après un long débat de procédure, refusé qu’une ONG prenne la parole à l’ouverture de sa session.  « Notre rôle est d’examiner les demandes des ONG pas de les entendre parler », a par exemple tranché le représentant de la Chine, s’opposant aux arguments des États-Unis et de la Grèce.

Organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), le Comité chargé des ONG tient ses travaux dans un contexte marqué par une augmentation croissante des demandes de statut consultatif, stimulée par les enjeux de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté en septembre 2015.

Réélu par acclamation à la tête du Comité pour un troisième mandat consécutif, M. Jorge Dota, de l’Uruguay, a rappelé que le rôle du Comité est de faciliter la contribution des ONG au travail de l’ECOSOC.  Octroyer un statut consultatif à une ONG, c’est lui ouvrir la porte des Nations Unies, a dit le Président, avant de mettre l’accent sur les 289 nouvelles demandes et 360 rapports quadriennaux à l’examen sans oublier la question de l’ONG déjà dotée d’un statut consultatif qui a fusionné avec une ONG non dotée d’un statut.     

À ce jour, l’ECOSOC compte 4 500 ONG associées à ses travaux grâce au Comité qui peut lui recommander d’octroyer le statut consultatif général, le statut consultatif spécial ou l’inscription sur la Liste.  Le statut consultatif général est réservé aux grandes ONG internationales, dont les domaines d’action et de travail couvrent la majorité des points contenus dans l’agenda de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires.  Le statut consultatif spécial est octroyé aux ONG travaillant dans un domaine spécifique et qui ne sont concernées que par certaines activités de l’ECOSOC.  Le statut de Liste va aux ONG qui ne rentrent dans aucune de ces deux catégories et qui ont plutôt tendance à travailler d’une manière plus technique et/ou restreinte. 

Notant que le nombre des demandes annuelles des ONG a augmenté de 422% entre 2009 et 2016, le Directeur du Bureau d’appui à l’ECOSOC, M. Navid Hanif, a expliqué que son Bureau a atteint les limites de ses capacités.  Il a exhorté les États Membres à lui donner plus de moyens car avec la suppression en 2016 des ressources temporaires approuvées en 2015, le travail s’est considérablement ralenti.  « Victime de son succès », le Comité a entendu le nouveau Chef de la branche ONG, M. Marc-André Dorel, l’assurer de sa disposition à tout mettre en œuvre pour l’aider.  L’observatrice du Royaume-Uni a d’ailleurs prévenu qu’elle accorderait une attention particulière au dossier d’une ONG britannique qui attend une réponse depuis 14 ans.

Le Comité a élu Mme Ceren Hande Özgür, de la Turquie, à une des vice-présidences, les deux autres et le rapporteur devant encore être élus. 

Le Comité des ONG poursuivra ses travaux demain, mardi 31 janvier, à partir de 10 heures. 

*E/C.2/2017/1

Retrait du statut consultatif spécial à trois ONG

Dans une lettre datée du 23 janvier 2017, la représentante de la Turquie a demandé au Président du Comité des ONG le retrait du statut consultatif à trois ONG turques: « Kisme Yok Mu Dayanisma ve Yardmalasma Dernegi », « Gazereciler ve Yazarlar Vakfi », et « Turkiye Isadamlari ve Sanayiyciler Konfederasyonu » accusées par son pays d’être liées à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016.

La représentante turque a rappelé qu’en vertu du paragraphe 2, de l’article 2 de la loi 667 du Conseil des ministres du 23 juillet 2016, approuvé par l’Assemblée nationale, des fondations, associations et entreprises commerciales ont été fermées en raison de leur appartenance à l’organisation terroriste « Fetullahist » qui avait essayé de renverser l’ordre constitutionnel en Turquie, l’année dernière.

Les trois organisations ont été dissoutes, leur personnalité juridique et leurs activités, en conséquence, leur statut consultatif ayant cessé d’exister, a encore précisé la représentante.  Ses homologues de l’Azerbaïdjan, de l’Inde, du Pakistan, du Burundi, de la Chine, et du Soudan l’ont appuyée, le représentant soudanais exigeant du Comité le « retrait immédiat » du statut consultatif.

La délégué des États-Unis a invoqué la procédure du Comité qui stipule qu’une ONG ait l’occasion de s’expliquer, et en l’occurrence devant cette « grave accusation ».  Le Comité peut bien entendu suivre cette procédure « si telle est sa volonté », a commenté le secrétariat.  Pour qui travaillent ces ONG?  Dans l’intérêt de qui? a voulu savoir le représentant du Burundi.  Elles semblent, en tous les cas, avoir violé les principes du Conseil économique et social (ECOSOC), a tranché son homologue de la Chine, avant que les représentants des États-Unis et de l’Inde ne rappellent que l’ONG « Gazereciler ve Yazarlar Vakfi » est enregistrée aux États-Unis.  Comment la Turquie pourrait-elle dissoudre une ONG qui n’est pas enregistrée chez elle?   

Quelle est la voie à suivre? a demandé le représentant de Cuba au secrétariat « pour ne pas perdre de temps »  Une ONG doit-elle informer le Comité avant de changer de siège? s’est interrogée la représentante du Venezuela.  

La motion des États-Unis de ne pas se prononcer a été rejetée par 14 voix contre, 2 voix pour (États-Unis et Israël) et l’abstention de la Fédération de Russie.  Le représentant de Cuba a estimé que ce vote va à l’encontre des objectifs du Comité, avant que celle du Nicaragua ne se montre « préoccupée par le résultat », ce qui n’a empêché son homologue des États-Unis de demander un vote sur chacune des ONG même si son homologue du Soudan a vu là « une perte de temps ».

Par 16 voix pour, l’abstention des États-Unis et d’Israël et zéro voix contre, le Comité a recommandé à l’ECOSOC de retirer son statut consultatif spécial à « Kisme Yok Mu Dayanisma ve Yardmalasma Dernegi ».  La représentante des États-Unis s’est dite inquiète de la répression dont sont victimes les ONG et la société civile en Turquie mais aussi aux Nations Unies.   

S’agissant de « Gazereciler ve Yazarlar Vakfi », elle a estimé que la demande de la Turquie s’appuie une base technique.  Cette ONG, s’est-elle expliquée, existe aux États-Unis depuis 2014 et toutes ses activités sont menées sur le sol américain.  C’est une ONG américaine, a-t-elle insisté, remarquant au passage que le nom qui figure dans la lettre de la Turquie est différent de celui des documents du Comité.  Le rapport de cette ONG peut être consulté dans le document E/2012/32/1, a rétorqué la représentante de la Turquie.  L’ONG s’appelle « Gazereciler ve Yazarlar Vakfi », ce qui veut dire « Fédération des journalistes et des écrivains ».

Le Comité a décidé par 16 voix pour, les abstentions des États-Unis, d’Israël et de l’Uruguay, de recommander à l’ECOSOC le retrait du statut consultatif.

Quant à « Turkiye Isadamlari ve Sanayiyciler Konfederasyonu », comme elle n’est plus enregistrée dans aucun pays, la représentante des États-Unis a choisi de s’abstenir.  C’est donc par 16 voix pour, l’abstention des États-Unis et d’Israël et zéro voix contre, que la recommandation sur le retrait du statut consultatif a été faite à l’ECOSOC.      

La représentante des États-Unis a demandé au secrétariat d’informer les trois ONG de la décision du Comité, conformément à l’article 56 la résolution 1996/31 de l’ECOSOC sur les relations entre l’ONU et les ONG indiquant que « si le Comité chargé des organisations non gouvernementales recommande la suspension ou le retrait du statut consultatif général, du statut consultatif spécial ou l’inscription sur la Liste d’une organisation non gouvernementale, cette dernière doit être informée par écrit des raisons de cette recommandation et doit avoir la possibilité d’y répondre pour que le Comité étudie comme il convient cette réponse dans les meilleurs délais ».

Cette disposition ne saurait s’appliquer à des ONG dissoutes, ont argué les représentants de la Turquie, du Soudan, de l’Inde, du Pakistan, de l’Azerbaïdjan, de la Chine.  Mais, a tempéré le secrétariat, aux yeux de l’ONU, ces ONG existent jusqu’à ce que l’ECOSOC prenne sa décision.  Le représentant de Cuba a regretté le « vide juridique » de la résolution 1996/31 sur les ONG dissoutes ou qui n’existent plus.  Nous ne voyons « un vide juridique » nulle part, a répondu la représentante des États-Unis.  Il faut tout simplement suivre la procédure et informer les ONG et savoir que « le dernier mot revient à l’ECOSOC ».

La représentante de la Turquie a demandé un vote sur une motion stipulant que l’article 56 ne s’applique pas aux ONG dissoutes et que le Comité n’a pas à solliciter les trois ONG.  La motion a été adoptée par 13 voix pour, l’opposition des États-Unis et d’Israël, et les abstentions de l’Uruguay et de la Fédération de Russie, après le rejet par 14 voix contre, le vote positif des États-Unis et d’Israël et l’abstention de l’Uruguay de la motion américaine visant à nier au Comité le droit de se prononcer sur la motion turque.  Le représentant du Venezuela a estimé que cette dernière motion ne viole en rien la résolution 1996/31.

Octroi du statut consultatif spécial

Association des femmes pour la paix et encadrement des familles (AFPEFAM) (Cameroun)

African Development Assistance Consult (République démocratique du Congo (RDC))

African Green Foundation International (Nigéria)

African Woman and Child Feature Service (Kenya;

Agence de développement économique et social (Tchad) 

Agro Professional Care Foundation-Yola (Nigéria)  

Al Baraem Association for Charitable Work (Liban) 

Ashiana Collective Development Council (Pakistan)

Association gabonaise pour les Nations Unies (AGNU) (Gabon)

Association Respect Cameroun (Cameroun) 

Association solidarité pour les personnes vivant le veuvage (RDC) 

Association Un Monde Avenir (Cameroun)

Association de l’éducation environnementale pour les futures générations (Tunisie)

Association for Promotion Sustainable Development (Inde)

Association for Rural Area Social Modification, Improvement and Nestling (Inde)

Association nationale du civisme (RDC)

Association of Christian Counsellors of Nigeria (Nigéria)

Association pour le développement culturel (ADEC) (Tchad)

Avabe Initiative for Community Development (Nigéria)

Report de la décision dans l’attente des questions posées par le Comité

Le Comité a reporté sa décision sur la demande d’« AMPHTS » (Syrie) dans l’attente des informations financières sollicitées par les États-Unis et de l’ONG « Action pour la promotion du développement » (RDC) qui doit encore répondre aux questions par l’Afrique du Sud sur les sources de financement. 

Le Comité a reporté l’examen des demandes de « African Women Chartered Accountants Forum NPC » (Afrique du Sud), de l’« Association d’assistance aux grands handicapés à domicile » (Tunisie) et de l’« Association de la continuité des générations » (Tunisie), dans l’attente de précisions sollicitées par l’Afrique du Sud sur le financement.

L’« Association Marocaine de Planification Familiale » (Maroc) a été priée par le Nicaragua d’en dire davantage sur le financement qu’elle reçoit des organisations internationales, alors que sa compatriote l’« Association M’zab prévention routière et développement » doit donner à l’Iran des détails sur ses activités.  Le Nicaragua a aussi demandé une liste détaillée des organisations qui fournissent des fonds à l’« Association nationale des échanges entre jeunes » (Algérie).

La Mauritanie a dit attendre des précisions sur l’identité et la nationalité des membres du Conseil d’administration de l’« Association de lutte contre la pauvreté (Mauritanie).  L’ONG doit aussi en dire plus sur ses activités et son financement, de même que ses compatriotes l’« Association organisation populaire pour l’enseignement des droits humains » et l’« Association pour l’éducation et la santé de la femme et de l’enfant (AESFE) ».  

Dialogue avec les ONG

Le représentant de l’Inde a demandé à United Zo Organization (États-Unis) ce qu’elle fait dans son pays.  L’ONG a répondu qu’elle n’est pas présente en Inde mais bien au Myanmar, « sa terre natale », où elle apporte une aide financière aux membres de la communauté zo et distribue des manuels scolaires dans la langue maternelle.  L’ONG a obtenu son statut consultatif spécial.

La Mandala Transformation Foundation (États-Unis) mène des projets multiculturels et sociaux en Ouganda, notamment l’alimentation en eau pour les orphelins ougandais.  Elle prépare actuellement un projet sur la protection de la culture au Népal.  Que financez-vous en Ouganda? a demandé le représentant de l’Afrique du Sud.  Quelques dizaines de bénéficiaires, a répondu l’ONG qui n’« a pas beaucoup de moyens ».  Elle a, elle aussi, obtenu son statut consultatif spécial.  

La Congregation of the Mission (France), qui vise l’éradication de la pauvreté et l’élimination des inégalités, a dû expliquer au représentant du Pakistan l’écart de 321 000 dollars entre les revenus et les dépenses.  Notre budget est décentralisé, les antennes ayant leurs propres revenus.  Mettez à jour votre volet financier, a conseillé le représentant de Cuba.

EUROGEO (Belgique) dont l’objectif est de promouvoir le recours à la géographie pour la protection de la nature travaille pour la réalisation des objectifs de développement durable.  Supprimer le nom de Taiwan de votre site, a exigé le représentant de la Chine qui a reçu les assurances de l’ONU sur le fait que cela fait 30 ans qu’aucun Taiwanais ne travaille plus pour elle.  Vous financez sept projets, a relevé le représentant de Cuba, mais votre rubrique « dépenses » n’en fait pas mention.  

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