Seizième session,
9e & 10e séances – matin & après-midi
DH/5356

L’Instance permanente préoccupée par le sort des défenseurs des droits des peuples autochtones

L’Instance permanente sur les questions autochtones a entamé, aujourd’hui, la deuxième semaine des travaux de sa seizième session en examinant la situation des défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones, l’occasion, tant pour les experts que pour les délégations, d’appeler au renforcement de leur protection en raison de la pénalisation et du harcèlement dont ils sont victimes dans de nombreux pays.

Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, M. Albert Barome, a indiqué, étude à l’appui, que sur les 282 membres des communautés autochtones assassinés cette année, la moitié avait été tuée pour avoir défendu le respect des droits fonciers, aux ressources et à l’autodétermination.  De son côté, la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, a signalé qu’en 2015, sur les 185 meurtres des défenseurs de la terre et de l’environnement enregistrés, 40% étaient des membres des communautés autochtones.

La Rapporteuse spéciale s’est aussi alarmée du fait que, dans de nombreux pays, la pénalisation et le harcèlement des défenseurs et des organisations des peuples autochtones soit d’une telle ampleur qu’ils sont obligés de passer le plus clair de leur temps à se défendre devant les tribunaux au lieu de renforcer leurs mouvements. 

Mme Tauli-Corpuz s’est notamment attardée sur la situation à Standing Rock, dans le Dakota du Nord, où elle s’est rendue en début d’année, s’inquiétant notamment de la pénalisation des autochtones qui exerçaient leur droit de manifester leur opposition à la construction d’un pipeline.

Soulignant la nature pacifique des manifestations, elle a dénoncé la réponse militarisée et parfois violente de la part de la police locale et des forces de sécurité privées.  Elle a appelé les États-Unis à veiller à la bonne prise en compte, par toutes les parties concernées, des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, dans le contexte de tout projet susceptible d’avoir un impact sur les peuples autochtones.

À une époque de « capitalisme féroce, qui empiète sur les droits des peuples autochtones dans le monde », une des membres de l’Instance, Mme Terri Henry, a suggéré de son côté aux entreprises de se doter de politiques de responsabilité sociale.  D’autres délégations ont aussi appelé le secteur privé, et notamment les industries extractives, à respecter le principe de consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones.

Les représentants de plusieurs organisations autochtones ont par ailleurs engagés les États, en Asie notamment, à mettre un terme à la militarisation des territoires autochtones. 

À l’instar de plusieurs délégations, le Président du Mécanisme d’experts s’est par ailleurs préoccupé de la situation des défenseuses des peuples autochtones qui travaillent souvent dans des contextes difficiles.

Face à cette situation, la représentante de l’Asia Indigenous Peoples Pact a recommandé une étude sur les risques de représailles élevés qu’encourent les défenseurs des droits des autochtones, engageant par ailleurs le système des Nations Unies à octroyer des ressources supplémentaires pour financer l’aide juridique.     

En la matière, la Présidente du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Mme Mirna Cunningham, a signalé que depuis son lancement, le Fonds a aidé plus de 2 000 défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones à participer à des processus onusiens, tels que l’Instance permanente. 

La déléguée de l’Union européenne a de son côté signalé qu’à l’heure actuelle, 150 défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones bénéficient des subventions de l’Union qui, a-t-elle précisé, leur servent souvent à obtenir une aide juridique ou à contrôler le déroulement des procès et les conditions d’incarcération. 

À noter par ailleurs que, dans son intervention, la Rapporteuse spéciale s’est aussi inquiétée de la situation en Australie où le taux d’incarcération des autochtones, ainsi que le nombre d’enfants autochtones retirés à leurs familles, est en nette augmentation.  Elle a notamment indiqué que les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres, qui constituent seulement 3% de la population nationale, représentent 27% de la population carcérale nationale.  Elle a également rapporté avoir visité, durant une récente mission, un centre de détention juvénile où les autochtones représentent 95% des jeunes détenus, certains âgés de seulement 12 ans.

La prochaine réunion de l’Instance permanente sur les droits des peuples autochtones sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.

DIALOGUE AVEC LA RAPPORTEUSE SPÉCIALE SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES ET LE PRÉSIDENT DU MÉCANISME D’EXPERTS SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES AU SUJET DES DÉFENSEURS DES DROITS FONDAMENTAUX DES PEUPLES AUTOCHTONES

Dialogue interactif

Mme VICTORIA TAULI-CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, a affirmé que la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones est inadéquate, pointant notamment du doigt le manque de compréhension qu’ont les États de cet instrument, ainsi que les difficultés rencontrées pour traduire ses différents articles en mesures concrètes.

La Rapporteuse a notamment indiqué que si le statut juridique et les objectifs de la Déclaration sont actuellement mieux compris et acceptés par les États, des problèmes persistent toutefois en raison des différentes interprétations du respect du droit foncier, de l’application du devoir de l’État d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones au sujet de questions les concernant directement, ainsi qu’en matière d’harmonisation de la gouvernance de l’État, des droits coutumiers et des systèmes de justice. 

Au titre des progrès réalisés, Mme Tauli-Corpuz a notamment évoqué l’adoption, dans de nombreux pays,  de lois nationales, de politiques et de décisions visant à protégeant les droits des peuples autochtones qui ont été nombreux à continuer d’utiliser la Déclaration comme un outil pour affirmer leurs droits et s’autonomiser. Des progrès ont également été constatés au sein du système des Nations Unies où plusieurs programmes et projets dédiés aux peuples autochtones ont été lancés.

Ces progrès, a-t-elle poursuivi, rencontrent toutefois de nombreux défis en raison, notamment, du rétrécissement de l’espace politique, et des régressions constatées, dans de nombreux pays, en ce qui concerne le droit des peuples autochtones de s’organiser librement et de renforcer leurs capacités à affirmer leurs droits. 

La pénalisation et le harcèlement des défenseurs, des organisations et des mouvements des peuples autochtones se produisent dans de nombreux pays à tel point que les dirigeants et les défenseurs des droit des peuples autochtones passent le plus clair de leur temps à se défendre devant les tribunaux au lieu de renforcer leurs mouvements, a-t-elle affirmé.  En outre, selon « Global Witness » sur les 185 meurtres enregistrés, en 2015, de défenseurs de la terre et de l’environnement, 40% étaient des membres des communautés autochtones.  Elle a aussi dénoncé le manque de volonté politique d’appliquer les décisions des tribunaux régionaux et des cours suprêmes favorables aux peuples autochtones et à leurs partisans. 

La Rapporteuse a ensuite donné un bref aperçu des activités qu’elle a menées en 2016, s’attardant notamment sur la présentation de ses rapports devant l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme. Elle a aussi annoncé que son rapport final sur les investissements internationaux sera présenté à ce Conseil en fin d’année et examinera comment les fonds d’investissement climatiques appuient les efforts d’adaptation des peuples autochtones. Elle a d’ailleurs indiqué avoir reçu de nombreuses informations alléguant que certains projets lancés au nom de l’adaptation aux changements climatiques ont été mis en œuvre en territoire autochtone sans obtenir l’assentiment des communautés concernées, notamment des projets de constructions d’éoliennes et de barrages hydroélectriques.

Poursuivant, Mme Tauli-Corpuz a parlé de sa dernière mission en Australie où elle s’est rendue du 20 mars au 3 avril, et où elle a indiqué avoir constaté de nombreuses tendances négatives en dépit de l’engagement du Gouvernement. La Rapporteuse a affirmé que les politiques ont non seulement échoué à atteindre leurs cibles dans les domaines clefs de la santé, de l’éducation et de l’emploi, mais ont provoqué de surcroit une augmentation du taux d’incarcération d’aborigènes et d’insulaires du détroit de Torres, ainsi que du nombre d’enfants autochtones retirés à leurs familles.

« Le taux élevé d’incarcération a été décrit comme un « tsunami » touchant les peuples autochtones », a indiqué la Rapporteuse, précisant que les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres, qui constituent seulement 3% de la population nationale, représentent 27% de la population carcérale.  Si aucune mesure n’est prise, ils pourraient constituer 50% de la population carcérale en 2020, a-t-elle averti.

Elle s’est aussi alarmée du taux d’incarcération des jeunes autochtones et de leurs conditions de détention. Dans le centre de détention juvénile de Townsville, dans le Queensland, ils représentent 95% des jeunes en détention, s’est écriée la Rapporteuse, qui a aussi dit avoir été profondément troublée de rencontrer des jeunes de 12 ans qui étaient derrière les barreaux. Elle a ensuite exhorté l’Australie à augmenter la majorité pénale qui est actuellement de « seulement » 10 ans.

Pour la Rapporteuse, tant qu’aucune mesure ne sera prise pour répondre, dans la pratique, aux problèmes de la surreprésentation des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres dans l’environnement carcéral et de l’accès aux soins, les progrès seront limités pour réduire le fossé dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi. Elle a d’ailleurs signalé que les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres continuent de mourir, en moyenne, 10 ans avant les autres Australiens.

Mme Tauli-Corpuz a ensuite tourné son attention sur la situation au États-Unis où elle s’est rendue du 22 février au 3 mars. Elle a salué l’engagement de ce pays envers le processus de consultation avec les peuples autochtones, constatant toutefois que le décret exécutif 13175, qui fournit les directives les plus directes pour un tel processus, est devenu un cadre de travail « confus et incohérent » qui souffre « d’ambiguïtés, de trou noir et d’un manque général de redevabilité ».

Elle a indiqué que de nombreuses communautés autochtones dénoncent le manque de considération concernant l’impact, sur leurs territoires, des projets de l’industrie extractive, précisant que dans le contexte du Dakota Access Pipeline, les tribus concernées se sont vu niées l’accès à l’information et ont été exclues des consultations lors de l’étape de planification du projet, tandis qu’un projet d’étude de l’impact environnemental a été approuvé sans tenir compte des intérêts des tribus.

La Rapporteuse a souligné que le but des consultations tribales n’est pas simplement de cocher une case ou de donner aux tribus une chance de se faire entendre, mais de fournir aux décideurs des perspectives, un contexte et les informations nécessaires pour pouvoir prendre des décisions qui protègent les intérêts tribaux.

Mme Tauli-Corpuz a aussi indiqué avoir reçu, pendant sa mission, de nombreux rapports concernant la pénalisation des autochtones qui exerçaient leur droit de manifester leur opposition au pipeline. Elle a souligné la nature pacifique des manifestations, dénonçant la réponse militarisée et parfois violente de la part de la police locale et des forces de sécurité privées.

La Rapporteuse a ensuite appelé les États-Unis à veiller à la bonne prise en compte, par toutes les parties concernées, des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, dans le contexte de tout projet susceptible d’avoir un impact sur les peuples autochtones.

Elle a en outre recommandé que pour tout projet de l’industrie extractive, les États-Unis exigent une étude d’impact environnemental qui tienne compte de ses conséquences sur les droits des peuples autochtones, et ce, indépendamment du statut foncier.

Le dialogue engagé entre les membres de l’Instance permanente, les délégations, les représentants de communautés autochtones et la Rapporteuse spéciale, a abordé, entre autres, des questions liées au consentement préalable, libre et éclairé, ainsi qu’à la responsabilité sociale des entreprises, aux assassinats des défenseurs des droits de l’homme, à la situation des autochtones dans les pays en situation de conflit, et, enfin, à l’application des recommandations par les États.

La première à s’exprimer, Mme TERRI HENRY, des États-Unis, membre de l’Instance, a constaté les graves violations des droits de la tribu sioux Standing Rock.  « À l’ère du capitalisme féroce, qui empiète sur les droits des peuples autochtones dans le monde », elle a suggéré aux entreprises de se doter de politiques de responsabilité sociale. 

Pour lancer la discussion, la représentante des États-Unis a ensuite posé deux questions, l’une relative aux mécanismes nationaux sur les défenseurs des droits de l’homme, l’autre sur la façon dont les défenseurs de droits autochtone veillent à ce qu’on apporte une réponse à la violence disproportionnée dont sont victimes les femmes autochtones.

Au sujet de la tribu de Standing Rock, la Rapporteuse spéciale a noté avec regret l’absence de représentation des États-Unis aux audiences de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.  Elle a exprimé ses préoccupations au sujet des lois nationales qui accordent souvent plus de droits aux investisseurs qu’aux peuples autochtones.  Le Conseil des droits de l’homme doit s’assurer que les principes directeurs sur ce sujet soient appliqués, a-t-elle lancé.  S’adressant aux États, elle leur a suggéré de demander aux entreprises de mener des recherches préalables à leurs investissements dans les territoires des peuples autochtones.

Remerciant la Rapporteuse spéciale de sa visite en Australie, et dans d’autres pays qui incarcèrent beaucoup de jeunes et d’adultes autochtones, la représentante d’International Indian Treaty Council a souligné la nécessité d’organiser un séminaire de suivi sur ce problème.  Elle a par ailleurs regretté que le droit au « consentement préalable, libre et éclairé », prévu à l’article 32 de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, soit souvent mis en veilleuse.  La majorité des communications à l’Instance portent sur cette question, a d’ailleurs relevé le représentant du Mexique qui a voulu connaître les meilleures pratiques recensées.

« Il faut prévenir les conflits en créant des espaces de dialogue », a préconisé un membre de l’instance, Mme TARCILA RIVERA ZEA, du Pérou, qui a conseillé d’investir dans le dialogue politique.

La Rapporteuse spéciale a reconnu que les dialogues avec les peuples autochtones n’ont souvent pas lieu et que les États peuvent continuer d’imposer leurs décisions sur les territoires autochtones.  Évoquant le cas du Honduras, elle a noté que le Gouvernement était déterminé à mener des consultations avec les peuples autochtones mais constaté que celles-ci n’étaient pas bien organisées car les peuples n’avaient pas reçu le texte de loi.

Après qu’un autre représentant d’organisation des peuples autochtones a recommandé de se baser sur la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), celui de COICA, une organisation qui s’intéresse à la façon dont cette Convention est appliquée dans neuf pays, a recommandé d’élaborer un programme sur les droits des peuples autochtones pour les projets de l’industrie extractive.  Tous les éléments de la Déclaration doivent être pris en compte quand on parle de la Convention 169 de l’OIT, a répondu la Rapporteuse spéciale.

Passant à la question de la vulnérabilité des défenseurs des droits de l’homme, le représentant de la Norvège, au nom des pays nordiques, a voulu connaître les éléments clefs des mécanismes de protection de ces défenseurs.  Dans le même esprit, le représentant d’Indigenous Peoples’ Pact a demandé quelles actions pouvaient être menées avec les États Membres pour faire appliquer les accords conclus avec les peuples autochtones. 

Si la Rapporteuse spéciale a affirmé que les mesures de protection de ces défenseurs existent, elle a reconnu que beaucoup d’États ne les respectent pas.  Elle a donc recommandé aux États et à la communauté internationale, de travailler, avec les autochtones et les organisations de la société civile, ainsi que les programmes et agences de l’ONU, à résoudre ce problème et à s’exprimer lorsque des assassinats sont signalés.

La Rapporteuse spéciale a, par ailleurs, indiqué qu’elle irait au Mexique en novembre 2017, comme l’y invite ce pays, puis au Guatemala en 2018, sur l’invitation de la représentante du Guatemala qui voulait voir la Rapporteuse spéciale s’y rendre pour constater ce que fait son pays pour appuyer les droits des peuples autochtones.  La Rapporteuse spéciale a aussi parlé de sa visite au Honduras où elle s’est entretenue avec des représentants de communautés autochtones qui dénonçaient les atteintes à leurs territoires.  Pour sa part, Mme LOURDES TIBÁN GUALA (Équateur), membre de l’Instance, a souhaité que le Gouvernement de son pays invite la Rapporteuse spéciale, afin que celle-ci se rende compte par elle-même des violations des droits des autochtones. 

La représentante de l’Australie a partagé les inquiétudes de la Rapporteuse spéciale quant au taux élevé d’incarcération des peuples autochtones dans son pays et au nombre élevé de jeunes autochtones retirés de leurs foyers.  Elle a parlé de ce qui est fait pour garantir la protection de l’enfance dans les territoires du Nord, notamment par le biais d’une commission royale créée pour mener une enquête.  De même, une enquête est en cours sur les incarcérations, a-t-elle assuré. 

La situation des peuples autochtones est critique en Éthiopie malgré les articles de la Constitution qui sont censés les protéger, s’est inquiété de son côté le représentant de Ogaden People’s Rights.  Ces peuples meurent du choléra et de la sécheresse, tandis que des milliers de femmes autochtones sont emprisonnées, dont beaucoup accouchent en prison.  Il a aussi mentionné le sort de la communauté homosexuelle et le préjudice subi par les autochtones dans les projets de grands barrages qui entravent leur développement.  « Malgré le fait que l’Éthiopie soit le siège de l’Union africaine, on ignore ces faits », a-t-il regretté.

La Rapporteuse spéciale, qui s’est déjà rendue dans ce pays pour une conférence, a exprimé son intention d’en savoir plus et de dialoguer avec le Gouvernement.  De même pour le Bangladesh, dont la délégation a donné quelques explications sur un cas de décès, en assurant qu’une enquête était en cours.  La Rapporteuse spéciale a demandé à ce gouvernement de discuter davantage des droits fonciers des autochtones.

Pour ce qui est du Sahel, la représentante de l’Association pour l’épanouissement de la femme autochtone a voulu connaître les mesures prises par la Rapporteuse spéciale et le Haut-Commissariat des droits de l’homme pour faciliter des visites dans des pays où le droit à la vie des autochtones est menacé, « comme c’est le cas dans le Sahara et le Sahel ».  La Rapporteuse spéciale a cité des rapports qui concernent cette région, notamment les Touaregs.

Toujours au sujet de l’Afrique, un membre de l’Instance, M. GERVAIS NZOA, du Cameroun, a rappelé que plusieurs pays de ce continent devaient présenter des rapports sur la situation des peuples autochtones dans des pays touchés par des conflits.

Bien souvent, lors des négociations visant à mettre fin à un conflit, on n’aborde pas les questions relatives aux autochtones, a relevé la Rapporteuse spéciale.  Dans son propre pays, aux Philippines, où « les pires violations des droits des peuples autochtones ont été commises par des militaires », ces droits ne figurent pas au cœur des négociations avec le Gouvernement.  Il faut accroître la visibilité des peuples autochtones dans les zones de conflit, a-t-elle suggéré, « peut-être grâce au Conseil de sécurité ».

Pour sa part, la représentante d’une organisation autochtone d’Hawaï, IITC, a noté que les autochtones hawaïens n’ont pas le droit de consultation, demandant des conseils pour remédier à cette situation.  La Rapporteuse spéciale a recommandé de recourir à des moyens de consultation modernes, en se basant sur les technologies de la communication.

La Rapporteuse a été vue comme une source d’inspiration pour les femmes autochtones, comme l’a souligné une représentante d’une communauté autochtone qui a ensuite abordé la question des droits des peuples autochtones sur les terres sacrées.  Ces peuples peuvent contribuer à des solutions durables face aux changements climatiques, a déclaré la Rapporteuse spéciale à cette occasion.  Elle a proposé que le Fond vert pour le climat soit doté d’un mécanisme spécial pour les peuples autochtones.

Un membre de l’Instance, M. JENS DAHL (Danemark), a constaté avec regret que beaucoup de pays ne respectent pas leurs engagements envers les droits des peuples autochtones.  Il a suggéré aux membres de l’Instance d’insister pour que les politiques adoptées soient respectées, sans dérogation.  Son collègue M. LES MALEZER (Australie), a remarqué que les États adaptent souvent leurs commentaires par rapport à ce qui est exigé à l’ONU, sans pour autant changer leurs pratiques.  Un autre membre de l’Instance, Mme ANNE NUORGAM (Finlande), a donc demandé de réfléchir à un mécanisme de suivi des recommandations de la Rapporteuse spéciale.  Celle-ci a prévenu que l’efficacité d’un tel mécanisme de suivi dépendrait de la pression exercée par les peuples autochtones.

Déclarations liminaires

M. ALBERT K. BAROME, Président du Mécanisme d’experts sur les droits des peoples autochtones, a indiqué que l’organisme a mené des études sur la santé des peuples autochtones, ainsi que d’autres domaines, dans le but d’examiner la signification et la portée de la mise en œuvre des droits des peuples autochtones.  Il a souligné que le droit à la santé des peuples autochtones est un droit inaliénable, qui fait partie du droit à l’autodétermination.  M. Barome s’est alarmé du fait que les peuples autonomes sont menacés d’extinction, précisant que les maladies qui les frappent sont généralement le diabète, la toxicomanie et les maladies tropicales négligées.  Il a indiqué que les études du Mécanisme ont permis d’identifier les meilleures pratiques dans ce domaine.

S’agissant des travaux à venir, le Président du Mécanisme a annoncé que le Mécanisme se réunira, du 10 au 14 juillet 2017, à Genève, pour élaborer de nouvelles méthodologies de travail en raison de l’évolution de son mandat.  Il a précisé que le nombre de membres autochtones du Mécanisme est passé de de 5 à 7.  Le Mécanisme mènera par ailleurs une étude sur les entreprises dirigées par les peuples dans le cadre de la promotion du droit à l’autodétermination, du droit aux ressources et du droit foncier.  

M. Barome a ensuite salué le courage et le dévouement des défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones. Il a cité une étude de 2016 qui démontre que sur les 282 autochtones assassinés cette année, la moitié ont été tués pour avoir défendu leurs droits fonciers, aux ressources et à l’autodétermination.  La situation des femmes autochtones est préoccupante, a ajouté le Président qui a pris l’exemple du meurtre, en 2016, de la militante des droits des peuples autochtones du Honduras, Berta Caceres.  Il a reconnu que le travail des défenseurs des peuples autochtones se fait dans des contextes difficiles, jugeant essentiel de promouvoir et protéger leurs droits à la terre et aux ressources, et d’appuyer les défenseurs des droits des peuples autochtones.  Il a évoqué le rôle important que jouent en la matière les commissions nationales des droits de l’homme. 

Mme MIRNA CUNNINGHAM, Présidente du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a signalé que le dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones coïncidait avec le trente-deuxième anniversaire du Fonds.  Celui-ci a été créé par l’Assemblée générale en 1985 afin d’aider financièrement les représentants des communautés autochtones et les organisations à participer aux délibérations du Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones de l’ancienne sous-commission sur la promotion et la protection des droits de l’homme.  Ce mandat, a par la suite été étendu pour élargir la participation des représentants d’autochtones à d’autres Mécanismes de droits de l’homme, a-t-elle rappelé.

Depuis son lancement, le Fonds a ainsi aidé plus de 2 000 défenseurs des droits de l’homme des autochtones à participer à des processus onusiens, tels que l’Instance permanente.  Cette aide a également permis à ces représentants d’utiliser davantage les droits de l’homme et les mécanismes des peuples autochtones pour faire avancer leurs objectifs et leurs droits, à accentuer leur impact sur les recommandations adoptées par ces mécanismes et à élever le niveau de mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Mme Cunningham a ainsi constaté, au fil des ans, les résultats d’un engagement accru des représentants des peuples autochtones.

Les bénéficiaires du Fonds sont des représentants d’autochtones qui sont victimes d’abus des droits de l’homme, des défenseurs des droits de l’homme des autochtones et tous ceux qui œuvrent activement en faveur du changement dans les politiques des gouvernements et des acteurs non étatiques dans le domaine des droits de l’homme.  Elle a mentionné la brochure publiée par le Secrétariat du Fonds à l’occasion du dixième anniversaire de la Déclaration pour faire le bilan des avancées du Fonds.  Le Fonds a aussi organisé un évènement parallèle, la semaine dernière, en collaboration avec la Finlande et le Mexique, au cours duquel des bénéficiaires du Fonds ont apporté leur témoignage.

Outre son soutien financier, le Fonds alloue des ressources au renforcement des capacités des peuples autochtones pour qu’ils soient des participants actifs à ces réunions.  Des ateliers de formation sont ainsi organisés à Genève et à New York, a signalé Mme Cunningham.  Le Fonds aide aussi les représentants autochtones à faire des interventions pertinentes à chaque évènement des Nations Unies, ainsi que des recommandations aux mécanismes des droits de l’homme et à ceux de la Déclaration.

Dressant ensuite le bilan des activités du Conseil d’administration du Fonds, sa présidente a indiqué que celui-ci avait appuyé la participation de 98 représentants d’autochtones en 2016, ainsi que la tenue de réunions extraordinaires pour le suivi du Document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones.  Pour 2017, a-t-elle ajouté, le Conseil a décidé de soutenir le même nombre de bénéficiaires qu’en 2016.  Vu le succès du Fonds, le nombre de demandes d’aide a augmenté, a-t-elle signalé en dénombrant 500 contre 301 l’an dernier, ce qui ne permet de faire droit qu’à un quart des demandes.  Mme Cunningham a salué au passage les 11 États Membres qui contribuent volontairement à ce fonds en 2016-2017.

Débat général

Un membre de l’Instance, M. JESUS GUADALUPE FUENTES BLANCO (Mexique), s’est félicité que le Mécanisme compte désormais sept membres, soit un pour chaque région, ce qui est nécessaire pour améliorer les conditions de travail.  La défense des droits de l’homme des autochtones touche des questions de droit à la vie, a-t-il souligné.  Il a salué la détermination du Mécanisme à trouver des solutions, ainsi que l’aide du Fonds pour favoriser la participation des représentants de peuples autochtones aux réunions qui les concernent.

M. OBED BAPELA (Afrique du Sud) a indiqué que son gouvernement appuie les institutions relatives aux droits de l’homme, dont la Commission des communautés religieuses, linguistiques et ethniques.  Il s’est inquiété des violences subies par les défenseurs de ces droits.  Les industries d’extractions ne respectent pas toujours les normes du droit international, a-t-il relevé, notamment en ce qui concerne les salaires et l’âge minimum de travail des enfants.  Il a plaidé pour l’adoption  d’un instrument juridiquement contraignant sur la responsabilité des sociétés transnationales en matière de droits de l’homme, dont les négociations vont commencer en novembre à Genève.

Le représentant de la Commission des droits de l’homme des Philippines a indiqué œuvrer à la défense de l’ensemble des droits de l’homme, dont ceux des peuples autochtones.  Il a relevé que les défenseurs de ces droits risquent la torture ou la mort en raison de leur travail.  Il a apprécié que le Mécanisme aide la Commission des droits de l’homme de son pays à évaluer la situation des droits de l’homme.  Il a aussi observé que certains droits des peuples autochtones peuvent être violés par ceux qui prétendent les aider.

M. ALBERTO PIZARRO (Chili) a souligné l’importance du rôle des défenseurs des droits des peuples autochtones.  Il a fait observer que connaître ces droits aide à ne pas faire courir des risques inutiles aux peuples autochtones, tandis que la défense de ces droits permet de protéger l’ensemble de la population.  Les peuples autochtones ont été sensibilisés sur ces droits, a ajouté le représentant en énumérant les projets de son gouvernement en direction des peuples autochtones.

M. LES MALEZER, expert de l’Instance (Australie), a appelé les États Membres à envisager de contribuer aux fonds des différents organes de défense des droits de l’homme des Nations Unies, une mesure qu’il a jugé importante dans le cadre des efforts de protection des défenseurs des droits des peuples autochtones.

M. PETUUCHE GILBERT, de l’Indigenous World Assoaciation, a regretté que la demande d’amnistie présidentielle pour Léonard Peltier, aux États-Unis, reste lettre morte.  Il a rappelé que ce dernier est emprisonné en lien avec une affaire concernant la mort de deux agents fédéraux des Etats-Unis et a affirmé que le cas de M. Peltier démontre que la loi a été utilisée à des fins politiques.  Il a appelé les États-Unis à libérer M. Peltier qui a maintenant 72 ans et qui souffre de problèmes de santé.

Mme IGOR BARINOV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays compte des ombudsmans au niveau régional pour s’occuper des peuples autochtones.  Il dispose aussi d’instituts consultatifs, et d’ONG pour traiter de la question des minorités religieuses.  Elle a noté les difficultés qui se posent du fait que la question des défenseurs des droits de l’homme ne soit pas encore l’objet d’un accord à l’ONU.  Elle a souhaité que ces défenseurs accroissent leurs compétences.

Le représentant de West Papua Interest Association a indiqué que cela faisait 54 ans maintenant que la Papouasie occidentale a été rattachée à l’Indonésie, un processus politique que continuent de remettre en question les communautés autochtones de cette région.  Il a plaidé en faveur de l’autodétermination, précisant qu’en mars 2016, ce peuple a demandé la nomination d’un gouverneur.  Il s’est ensuite inquiété du nombre important de décès provoqués par l’alcoolisme chez les autochtones, ainsi que du nombre de violations des droits de l’homme des défenseurs de ces droits. 

Mme MAY-ELIN STENER (Norvège) a dénoncé les assassinats de défenseurs des droits de l’homme qui œuvrent souvent pour faire respecter les droits fonciers des communautés autochtones.  Beaucoup de pays ne prennent pas au sérieux leur obligation de défense des femmes défenseurs de ces droits, a-t-elle aussi regretté.  Elle a rappelé qu’en 1998, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une recommandation sur la protection des défenseurs des droits de l’homme. 

La représentante de l’Asia Indigenous Peoples Pact, a affirmé que la répression contre les défenseurs des peuples autochtones est due à la méconnaissance des droits fonciers et des ressources de ces peuples.  Pour y remédier, elle a recommandé une étude sur les risques de représailles élevés qu’encourent ces défenseurs.  Elle a demandé au système des Nations Unies d’octroyer des ressources supplémentaires pour financer l’aide juridique et matérielle et de prendre des mesures spécifiques en faveur des défenseurs des peuples autochtones.  Elle a demandé aux États asiatiques de mettre un terme à la militarisation des territoires autochtones. 

La déléguée de l’Union européenne, a dit que les lignes directrices européennes de protection des défenseurs des droits de l’homme se réfèrent spécifiquement aux défenseurs des droits des peuples autochtones, notamment des droits socioéconomiques et du droit au travail, ainsi qu’en matière d’accès à la terre et aux ressources.  L’Union européenne fournit une subvention à ces défenseurs qui leur sert souvent à obtenir une aide juridique et à contrôler le déroulement des procès et les conditions d’incarcérations.  Elle a précisé que 150 défenseurs bénéficient actuellement de l’aide de l’Union européenne.

Mme ANTONINA GAVRILEVA, de Telke, s’est inquiété du retrait, par les autorités municipales russes, du statut de  zone naturelle protégée qui avait été accordé à une partie du territoire de sa communauté et du lancement d’un projet d’extraction de diamants.  Elle a demandé aux industries extractives de respecter les droits des peuples autochtones ainsi que les normes de protection de l’environnement.  

La représentante d’United Confederation of Taino People a dénoncé les assassinats des défenseurs des droits de l’homme des autochtones, ainsi que les attaques physiques, les campagnes de dénigrement et les arrestations dont ils sont victimes.  Il y a aussi des cas de harcèlement, comme au Cameroun, a-t-elle signalé avant de parler des meurtres de défenseurs des droits aux Philippines et des disparitions de ces représentants, notamment en Chine et en Thaïlande.  Elle a demandé de cesser la militarisation des terres autochtones et a recommandé de créer une base de données sur les représentants qui ont perdu la vie dans la défense des droits des autochtones.

Le représentant de Massey University Palmerston North New Zealand a rappelé une bataille historique dans laquelle s’affrontaient des autochtones et les forces militaires britanniques, faisant de nombreux morts parmi les autochtones.  Malgré ces violences et, encore aujourd’hui, la mort de nombreux représentants autochtones dans plusieurs pays du monde, nous n’avons pas baissé les bras, a-t-il assuré.  Il a regretté, cependant, que la justice tarde à être rendue et que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne soit pas suffisamment respectée.  Il a estimé que les définitions de crime de génocide et de crime de guerre devraient inclure les meurtres de personnes autochtones. 

Le représentant de Coordinadora de Organizaciones Indígenas de la Cuenca Amazónica a appelé à renforcer les actions en faveur de la transparence et de la collecte d’informations sur les activités extractives, ainsi que sur la mise en œuvre des droits des peuples autochtones.  Il a préconisé de mettre en place un programme pour traiter de la situation particulière des femmes défenseurs des droits autochtones.

M. ABDIRAHMAN MAHDI, de l’Ogaden Peoples Rights Organization, a dit qu’en Éthiopie, tous ceux qui appellent à faire respecter les droits des peuples autochtones sont pénalisés et pourchassés par le gouvernement.  Les enquêtes sur les meurtres des membres des communautés autochtones ne sont jamais poursuivies. Il a indiqué que ceux-ci sont chassés de leurs terres pour y installer des barrages hydroélectriques ou y mener des activités de recherche pétrolière.  Ils sont aussi contraints de fuir la famine et l’épidémie du choléra.  Le représentant s’est notamment inquiété de la construction d’oléoducs en direction de Djibouti sans études d’impact environnemental, ni demande de consentement préalable, libre et éclairé des peuples concernés.

M. CARLOS ANDRADE (Équateur) a dénoncé l’octroi, à une société chinoise, de gisements pétroliers se trouvant sur le territoire de sa communauté et a demandé l’annulation de ces permis pour éviter un crime contre l’humanité.  Nous ne voulons pas disparaître comme ont disparu nos ancêtres, a lancé le représentant, avertissant que « notre disparition risque d’arrêter la transmission de la connaissance traditionnelle et médicinale des peuples autochtones aux générations futures ».

Mme JOCELYN CARINO NETTLETON, de Forest Peoples Programme, a dit qu’il était urgent que les trois mécanismes de l’Instance collaborent pour pouvoir peser dans les domaines de la protection de la nature et des droits des peuples autochtones.  Il a demandé l’organisation d’une réunion sur les droits des peuples autochtones en 2018, jugeant nécessaire d’envisager de nouvelles actions des Nations Unies dans ce domaine.

Le représentant de West Papua National Authority a indiqué se trouver au Siège pour que le Comité des 24 de l’ONU examine un projet de résolution concernant son peuple.  Les États-Unis s’intéressaient à nos ressources, a-t-il rappelé en parlant de l’Accord de New York qui avait transféré leurs droits à l’Indonésie.  Nous voulons notre indépendance depuis 1961, a-t-il lancé en regrettant que les Nations Unies l’aient oublié.  Il a espéré que l’Instance recommanderait à la Quatrième Commission et au Comité des 24 de faire le nécessaire en ce sens.

La représentante d’International Indian Treaty Council a dénoncé la militarisation de la police dans le but de violer les droits des défenseurs des droits des autochtones.  Elle a cité le cas d’un prisonnier incarcéré depuis 40 ans, aux États-Unis, qui n’a toujours pas obtenu la clémence alors que des problèmes avaient été relevés dans la procédure.  Elle a aussi dénoncé l’utilisation des ressources naturelles sans considération pour le respect des droits des peuples autochtones.  En outre, les armes chimiques ne devraient pas être utilisées contre ces peuples, a-t-elle dit en évoquant la situation de la tribu Standing Rock dont les droits ont été violés.

La représentante de Chin Human Rights Organization s’est inquiétée des menaces qui pèsent contre les jeunes autochtones « qui sont les nouveaux dirigeants des peuples autochtones », signalant le cas d’un jeune militant de 17 ans assassiné par des soldats d’une équipe spéciale d’une province thaïlandaise.  Elle a aussi dénoncé le meurtre d’un jeune qui levait des fonds dans le sud du Myanmar pour lutter contre les activités d’extraction, ainsi que des cas de tortures au Bangladesh et au Myanmar.  Elle a demandé à l’Instance d’exhorter les gouvernements d’Asie à prendre des mesures pour lutter contre ce phénomène.

M. TARCILA RIVERA ZEA, experte de l’Instance, (Pérou) a dénoncé le manque de données concernant les peuples autochtones, d’autant plus que des recommandations sont faites depuis 2012 sur cette question.  Elle s’est inquiétée de la détérioration de la situation des défenseurs des peuples autochtones et notamment des femmes défenseuses des droits des peuples autochtones, et a jugé nécessaire de mieux faire comprendre la situation de ses dernières. Elle a ensuite appelé à financer les organes de défense des droits de l’homme pour accroitre la participation des défenseurs des droits des peuples autochtones.

M. ABDELLAH YAZZIE, de l’Association Tamyanut, a indiqué que les Amazighs continuent de souffrir des conséquences de l’application d’une loi datant du protectorat français, et de voir leurs terres confisquées.  Plusieurs milliers d’Amazighs sont menacés d’expulsion de leur territoire, la législation sur la langue amazighe n’est pas appliquée, et ils ne bénéficient pas non plus de services de santé accessibles.  M. Yazzie a ensuite demandé au Gouvernement marocain de respecter les droits des autochtones, d’initier un dialogue et de réviser la législation sur la langue amazighe au Maroc.

M. ROCIO VELANDIA, de l’International Native Tradition Interchange, a dénoncé les violations des droits de l’homme commises dans le contexte du projet de pipeline dans le Dakota du Nord.  Il a affirmé que toutes les ressources naturelles se trouvant sur ce territoire étaient la propriété collective des communautés autochtones, exhortant, par ailleurs, les États-Unis à respecter leurs droits.  Il a par ailleurs estimé que le rapport dressé par l’ONU au sujet du pipeline ne fait que répondre aux préoccupations des « puissances coloniales ».

La représentante de The Crimean Tatar Mejlis, représentant les Tatars de Crimée, a rappelé que cette région est toujours occupée par la Fédération de Russie.  Elle a souhaité que l’Instance demande à ce pays de respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.  « En  Crimée, cette Déclaration est violée et nous vivons dans l’isolement le plus complet », a-t-elle dit, en dénonçant en particulier la violation de la liberté d’expression.  Le chef des tatars de Crimée est emprisonné depuis plus de deux ans, a-t-elle aussi fait savoir précisant qu’il avait engagé une grève de la faim pour se faire entendre.

La représentante de Save Our Unique Landscape a dénoncé les injustices qui se produisent contre les Maoris en raison des actions du Gouvernement néozélandais.  Elle a plaidé pour que cessent les abus dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, demandant à la Rapporteuse spéciale de se rendre sur place et d’enquêter sur les violations des droits de l’homme.  Elle a fini son intervention par un chant, en martelant ne vouloir jamais abandonner son droit sur ce qui appartient à son peuple.

Le représentant de Pacos Trust a demandé une reddition de comptes des entreprises et des donateurs sur les questions autochtones.  Il a dit être prêt à collaborer avec le Mécanisme sur les questions des défenseurs des droits de l’homme des peuples autochtones, et à faire rapport sur les droits de l’homme et l’environnement à l’Instance.  Il a incité les États Membres à participer aux discussions sur l’élaboration d’un instrument contraignant sur les entreprises internationales qui porterait notamment sur la reconnaissance des activités des peuples autochtones. 

Mme CATHRYN EATOCK, de l’Indigenous Peoples Organization d’Australie, a dit que la visite de la Rapporteuse spéciale en Australie a permis de lever le voile sur la situation des peuples autochtones dans ce pays.  Elle a affirmé que cette visite avait démontré l’échec des politiques du gouvernement qui a réduit de 50% le financement des organisations d’aide aux peuples autochtones.  Pire encore, le principal organe de représentation des peuples autochtones a perdu son financement en 2014, a dénoncé la représentante.

Mme ANNE NUORGAM, Experte de l’Instance, a appelé à garantir le droits de tous les peuples autochtones à défendre l’environnement et leurs terres, appelant notamment les entreprises à respecter le principe du consentement préalable, libre et éclairé.  Elle a aussi engagé les gouvernements à protéger les défenseurs des droits de l’homme qui, en cas de harcèlement, doivent pouvoir se rendre dans des villes sanctuaires pour pouvoir poursuivre leur travail, même temporairement.  Les peuples autochtones doivent aussi prendre des mesures pour protéger les défenseurs des peuples autochtones, a-t-elle estimé, évoquant notamment le meurtre de Berta Caceres. 

Mme ASHUR SARGIN ESKRYA, de l’Assyrian Aid Society de l’Iraq, a dit que la volonté des Assyriens d’Iraq de préserver leurs traditions et cultures est compromise en raison des conflits et de la destruction à Ninive, ce qui, a-t-elle signalé, provoque de l’incertitude pour l’avenir des chrétiens d’Iraq.  Elle a demandé la protection de la plaine de Ninive.  Elle a aussi réclamé des mesures en faveur de l’enseignement de la langue assyrienne.  

Le représentant de Land is Life a rappelé les nombreux rapports qui prouvent que le modèle de développement actuel va à l’encontre du mode de vie des peuples autochtones.  Il a plaidé en faveur de la prise en compte des connaissances ancestrales de ces peuples, pour mettre fin à la marginalisation et à la pauvreté des autochtones.  Il a aussi prôné le respect des sites sacrés.  En ce qui concerne la situation en Colombie, la paix se fait entre les êtres humains mais pas avec la nature, a-t-il relevé, s’interrogeant sur le sort à venir des peuples autochtones.

Un membre de l’Instance, M. LES MALEZER (Australie), a relevé les allégations selon lesquelles un traité a été violé en ce qui concerne la tribu Standing Rock.  Il a souhaité que les États-Unis prennent part à cette discussion pour voir si on pourrait examiner la question sous l’article 37 de la Déclaration.  Il a noté une plus grande autonomie des peuples autochtones de la Malaisie, de l’Indonésie et du Timor oriental, mais a rappelé que la Papouasie occidentale a sa propre histoire.  Il a donc noté les préoccupations du représentant selon lequel ce peuple ne peut pas s’exprimer librement.  Il a par ailleurs appelé les représentants de l’Australie et de l’Indonésie à s’exprimer, durant la session, sur les points qui les concernent, pour que l’Instance puisse en discuter officiellement.

M. ELIFURAHA LALTAIKA (République unie de Tanzanie), membre de l’Instance, a noté les allégations selon lesquelles des peuples autochtones d’Afrique n’auraient pas été consultés lors de la construction d’éoliennes.  Il a pris note des commentaires à ce sujet et souhaité qu’il soit abordé l’an prochain lorsque l’Instance traitera la question de la sauvegarde des territoires autochtones.  Un appel de l’Instance à mettre sur pied un groupe de travail a été salué par plusieurs membres, a-t-il aussi noté.  Il a également remercié la Rapporteuse spéciale pour ses visites dans des pays africains et demandé aux gouvernements d’autres pays de ce continent de l’inviter officiellement. 

Mme VARVARA KORKINA, de Tribal Link, a dit qu’elle était préoccupée par les propos des membres de certaines organisations autochtones de Russie, faisant observer que les intérêts des peuples autochtones ne sont pas représentés par un seul groupe.  Elle a recommandé à l’Instance d’être à l’écoute des peuples autochtones de la région.

Mme RADINE AMERICA HARRISON, de la Foundation for Indigenous Americans of Anasazi Heritage, a dit que son territoire est occupé par un État-nation, à savoir les États-Unis qui, a-t-elle affirmé, ne représentent pas l’Amérique.  Nous n’avons pas oublié les raisons pour lesquelles nous sommes ici.  Nous avons pardonné les crimes dont nous sommes victimes.  Nous survivons au génocide commis par les États-Unis, a indiqué Mme Harrison. 

La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones a répondu à la délégation de l’Union européenne en soulignant le rôle important que doit jouer la communauté diplomatique pour faire pression sur les gouvernements en vue de faire respecter les droits de l’homme des peuples autochtones, surtout lorsque les défenseurs des droits de l’homme sont emprisonnés.  Elle a apprécié les outils et initiatives qui permettent de mesurer la façon dont les droits des autochtones sont respectés ou qui incitent à mieux les respecter. 

Le Président du Mécanisme d’expert des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a remarqué que s’il peut y avoir des relations tendues entre les peuples autochtones et les gouvernements, tous les participants à la discussion d’aujourd’hui ont convenu de la nécessiter de tenir un dialogue.  Celui-ci est aussi important que le suivi et la surveillance du respect des droits, a-t-il dit.  Il a indiqué qu’on pourrait, à l’avenir, demander l’intervention du Mécanisme pour contribuer à ce dialogue. 

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