8105e séance – après-midi
CS/13072

Le Conseil de sécurité ne parvient pas à renouveler le mandat du Mécanisme d’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie

Saisi de deux projets de résolution concurrents, le Conseil de sécurité n’est pas parvenu, aujourd’hui, à renouveler le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’Organisation des Nations Unies (ONU), au terme d’une séance jugée, tour à tour, « fâcheuse », « peu digne », « embarrassante » et « inhabituelle ». 

Un premier texte, parrainé notamment par les États-Unis, a été rejeté en raison du vote négatif de la Fédération de Russie, tandis que le second projet de résolution, présenté par la Bolivie, n’a pas reçu les neuf voix nécessaires à son adoption. 

Fait inédit, le délégué russe a annoncé, en début de séance, le retrait d’un autre projet parrainé par son pays, la Bolivie et la Chine, après que la majorité des membres du Conseil ont rejeté, au terme d’un vote de procédure, sa demande que le projet américain soit examiné en premier par le Conseil. 

Après les explications de vote consécutives au rejet du premier texte et une brève suspension de séance, la Bolivie a présenté un projet de résolution, qu’elle a été la seule à parrainer, au contenu identique au projet de résolution retiré en début de séance. 

Le texte des États-Unis prorogeait notamment le mandat du Mécanisme de 12 mois, reconnaissait les dangers associés aux enquêtes sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie et appelait le Mécanisme à mener ses enquêtes selon des normes méthodologiques rigoureuses.  Les États-Unis, l’Éthiopie, la France, l’Italie, le Japon, le Kazakhstan, le Royaume-Uni, le Sénégal, la Suède, l’Ukraine et l’Uruguay ont voté en faveur, tandis que la Bolivie et la Fédération de Russie ont voté contre.  Les délégations chinoise et égyptienne se sont abstenues. 

Les représentants de la Bolivie, de la Chine, de la Fédération de Russie et du Kazakhstan ont voté en faveur du texte bolivien, alors que leurs homologues américain, français, italien, britannique, suédois, ukrainien et uruguayen ont voté contre.  L’Égypte, l’Éthiopie, le Japon et le Sénégal se sont abstenus. 

Ce projet reconduisait notamment le mandat du Mécanisme pour un an, demandait des enquêtes professionnelles et de qualité de la part du Mécanisme, ainsi que l’envoi d’une équipe d’enquêteurs à Khan Cheïkhoun, site de l’attaque du 4 avril 2017, imputée par le Mécanisme à la Syrie. 

Créé par le Conseil le 7 août 2015, le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU est « chargé d’identifier les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne, de produits chimiques, y compris le chlore ou d’autres produits toxiques ».  Le 7 novembre, le Chef du Mécanisme, M. Edmond Mulet, accusé par le délégué russe de s’être « épanché » depuis dans la presse, avait présenté devant le Conseil le septième rapport du Mécanisme.

Les explications de vote ont été l’occasion d’échanges très vifs entre, d’un côté, les délégués des États-Unis et du Royaume-Uni et, de l’autre, les représentants de la Fédération de Russie et de la Bolivie.  « Le message est clair, la Russie accepte l’utilisation de ces armes en Syrie », a déclaré la déléguée des États-Unis à propos du veto russe. 

Les États-Unis ont reproché à la Russie de jouer « un jeu politique puisqu’elle est favorable au Mécanisme lorsque c’est Daech qui est accusé et s’en distance lorsque c’est l’un de ses amis qu’il accuse ».  De son côté, le Royaume-Uni a estimé, qu’au regard du vote d’aujourd’hui, la Russie n’avait pas sa place dans le processus de règlement de la situation en Syrie. 

« Nous ne jouons aucun jeu et, au contraire, on se joue de nous », a rétorqué le délégué russe, ajoutant que la position de son pays sur le projet américain, avant la mise aux voix, ne faisait aucun doute tant celui-ci était « déséquilibré ».  Il a de nouveau dénoncé les nombreuses incohérences du rapport du Mécanisme, une « commande politique » selon lui, ainsi que le « manque de professionnalisme criant » du Mécanisme, auquel le projet bolivien entendait précisément remédier. 

Le représentant russe a dénoncé également les « expérimentations effroyables » en Libye et en Iraq, en rappelant les mensonges américano-britanniques sur la présence d’armes de destruction massive en Iraq il y a 15 ans.  « Mais quand ce laboratoire de géopolitique va-t-il fermer ses portes? » a-t-il lancé, appuyé par son homologue de la Syrie. 

Avant la mise aux voix du projet de résolution bolivien, la représentante des États-Unis a accusé la Bolivie d’avoir manqué de respect au Conseil de sécurité.  « C’est un comble quand on sait l’attachement revendiqué de cette délégation à la notion de transparence », a-t-elle souligné.  Son homologue bolivien a répondu que son pays n’avait que cherché à appliquer le Règlement intérieur du Conseil de sécurité.

La Bolivie va continuer d’œuvrer en veillant à mettre un terme à ces accusations mutuelles et ces « shows médiatiques », a-t-il assuré, en gardant l’espoir que les négociations pour un renouvellement du mandat du Mécanisme soient couronnées de succès.  Les délégations, dont celles de l’Éthiopie, du Sénégal et de la France, ont nourri un espoir similaire, alors que le mandat du Mécanisme expire demain.  « Le vote d’aujourd’hui ne peut être le mot de la fin », a tranché le représentant français. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Débat de procédure sur les deux projets de résolution présentés

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a demandé que le projet russe soit mis aux voix en second, après le projet américain, conformément, selon lui, à l’article 32 du Règlement intérieur du Conseil de sécurité. 

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a pris la parole et lu l’article 32, aux termes duquel, selon elle, le projet russe devrait être mis aux voix en premier.  Selon cet article: « Les propositions principales et les projets de résolution ont priorité dans l’ordre où ils sont présentés.  La division est de droit si elle est demandée, à moins que l’auteur de la proposition ou du projet de résolution ne s’y oppose. »  Nos amis russes demandent à respecter la procédure sauf lorsque cela n’est pas dans leur intérêt, a-t-elle dit.  La déléguée a invité le Conseil à se montrer discipliné, à respecter ledit article 32 et à éviter la politique. 

« Nous ne jouons pas de jeu politique ici », a répondu le représentant de la Fédération de Russie, en réitérant sa demande de voir le projet russe examiné en second, conformément à la pratique du Conseil. 

La déléguée des États-Unis a repris la parole pour de nouveau lire l’article 32.  

Le Président du Conseil a noté la demande russe et, annonçant une motion d’ordre, il a mis aux voix la demande de la Fédération de Russie.  La proposition russe a été rejetée, 7 délégations ayant voté contre, 5 pour, et 3 s’étant abstenues. 

En conséquence de quoi, le délégué de la Fédération de Russie a demandé le retrait du projet de résolution présenté par son pays et la Chine, en application de l’article 32 du Règlement intérieur du Conseil. 

Le Président du Conseil en a pris note, puis il a annoncé la mise aux voix du projet de résolution présenté par les États-Unis. 

Explications de vote sur le projet de résolution présenté par les États-Unis

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a rappelé que le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies demande au Conseil de sécurité d’agir en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.  L’une des principales menaces est les armes chimiques, a-t-elle dit, et, depuis plus de cinq ans, le Conseil a œuvré sans relâche pour mettre un terme à leur utilisation en Syrie. 

Mme Haley a regretté que pour la quatrième fois, la Fédération de Russie ait activement empêché la communauté internationale d’identifier les responsables de l’emploi de ces armes.  « Elle n’appuie pas le mécanisme qu’elle a créé avec les autres membres du Conseil parce que ses conclusions scientifiques ne lui conviennent pas », a-t-elle affirmé, accusant la Russie d’avoir nui par son vote à « notre possibilité d’empêcher de nouvelles attaques à l’arme chimique en Syrie ».  Le message est clair pour Mme Haley: la Russie accepte l’utilisation de ces armes en Syrie.  Elle lui a encore reproché de jouer « un jeu politique » puisqu’elle est favorable au Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU lorsque c’est l’État islamique qui est accusé et s’en distance lorsque c’est l’un de ses amis qu’il accuse. 

Ces dernières semaines, les États-Unis ont œuvré sans relâche pour rédiger cette résolution, qui a été révisée à trois reprises pour tenir compte des préoccupations et des réserves de la Russie et des autres membres du Conseil, a rappelé la représentante.  À ce stade, il est clair pour sa délégation que la Russie avait dès le départ l’intention d’y opposer son veto.  Elle a toutefois averti qu’il ne s’agissait pas du seul instrument dont dispose la communauté internationale pour mettre un terme à ce type d’attaques en Syrie; le cas échéant, « il y aura les États-Unis », a-t-elle mis en garde.  Le régime d’Assad doit entendre cet avertissement, a-t-elle poursuivi avant de conclure en ces termes: « Quel dommage que la Russie soit un gouvernement qui prête allégeance au régime syrien. »

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) s’est dit consterné par le vote de la résolution d’aujourd’hui, un vote qui est « potentiellement lourd de conséquences pour l’avenir ».  L’utilisation d’armes chimiques en Syrie est « un cas d’école » qui devrait, selon lui, provoquer une mobilisation immédiate et unanime du Conseil de sécurité qui a créé le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU.  Ce mécanisme a travaillé d’arrache-pied et de manière professionnelle et a abouti à des conclusions claires prouvant sans ambiguïté la responsabilité du régime syrien dans plusieurs cas, et celle de Daech dans d’autres, a poursuivi le représentant. 

La situation est d’une clarté de cristal pour la délégation française, à savoir qu’il est inacceptable que ce type d’armes soit utilisé contre des femmes et des enfants, a déclaré M. Delattre.  « Pourtant, face à cette situation, l’un des grands acteurs de la communauté internationale décide pour la quatrième fois de mettre son veto au renouvellement du mandat de ce mécanisme pour protéger le régime de Damas », s’est-il indigné.  Or, a-t-il espéré, cela ne peut pas être le dernier mot de ce « grand pays » dont le rôle sur la scène internationale est déterminant. 

Voilà pourquoi la France a soutenu le projet de résolution américain qui est « équilibré et contient des concessions substantielles visant à rassembler ce Conseil », a expliqué son représentant.  Au-delà de la Syrie, c’est la lutte contre l’impunité et le régime de non-prolifération chimique qui sont en jeu.  Ces atrocités constituent des crimes de guerre et ont fait du terrorisme chimique une dangereuse réalité.  Ce serait un précèdent mortel pour les autres régimes de non-prolifération et le monde en payerait le prix fort, a-t-il averti.  Accepter sans réagir l’emploi d’armes chimiques en Syrie reviendrait de fait à un blanc-seing pour le faire ailleurs. 

Le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU a été créé pour transcender les désaccords politiques et établir la vérité.  Ce mécanisme n’a jamais été l’outil de l’Occident mais celui de la communauté des nations, a martelé M. Delattre.  « Il ne doit pas devenir l’otage des querelles politiques. »  Pour la France, il est impératif que ce mécanisme puisse poursuivre ses activités sans précondition ni ingérence.  Seule une solution politique permettra de venir à bout du conflit syrien, « mais il n’y aura pas de paix durable dans l’impunité ».  Le vote d’aujourd’hui ne peut pas être le mot de la fin et la France ne se résignera pas à ce constat d’échec face à la gravité des enjeux, a-t-il conclu.

« Quelle séance fâcheuse que celle d’aujourd’hui », a regretté M. OLOF SKOOG (Suède), en espérant que les victimes d’armes chimiques n’aient pas leurs yeux braqués sur le Conseil aujourd’hui.  Il a condamné l’emploi répété d’armes chimiques en Syrie et apporté son appui au Mécanisme d’enquête conjoint, dont il a loué l’intégrité et le professionnalisme. 

Le représentant a demandé la prorogation du mandat du Mécanisme, en raison notamment des 60 allégations d’emploi d’armes chimiques dont est saisie l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et qui pourraient être transférées au Mécanisme.  Les coupables doivent rendre des comptes, a-t-il affirmé.  À nos yeux, ce mécanisme a un effet dissuasif certain, a-t-il ajouté.  Enfin, le délégué suédois, jugeant toujours possible un renouvellement du mandat du Mécanisme, pour autant que le Conseil s’unisse, a appuyé les tentatives cherchant « véritablement » à proroger son mandat. 

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a salué les efforts déployés par le Mécanisme d’enquête conjoint, qui était le seul outil à la disposition du Conseil pour identifier les auteurs des attaques à l’arme chimique perpétrées en Syrie.  Aucune divergence d’opinions sur le « dossier chimique syrien » ne devrait être invoquée pour justifier les actions visant à « détruire » le Mécanisme d’enquête conjoint. 

Aujourd’hui, a regretté le délégué, le Conseil a échoué une fois de plus à exercer ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies, perpétuant un cycle d’impunité et adressant aux auteurs le signal qu’ils peuvent échapper à des poursuites.  « C’est devenu une routine qu’en dépit d’un soutien écrasant, un membre du Conseil continue de bloquer chaque décision qui pourrait nous rapprocher du moment où faire traduire les auteurs d’atrocités en justice », a déploré M. Yelchenko, qui a dénoncé une « poursuite obsessionnelle » de la destruction d’un système bâti sur le respect des normes et principes du droit international.

« Aujourd’hui nous sommes arrivés au bout du chemin en ce qui concerne le Mécanisme », a déclaré M. MATTHEW JOHN RYCROFT (Royaume-Uni).  Il a loué la façon diligente dont le Mécanisme a conduit ses enquêtes pour aboutir à la vérité.  « Le Mécanisme a réussi et la Russie a échoué », a-t-il tranché.  Il a rappelé le vote négatif de la Russie il y a un mois contre un renouvellement technique du mandat du Mécanisme.  Le projet de résolution américain était équilibré et raisonnable, mais la Russie a renoncé à jouer un rôle constructif, a-t-il insisté. 

Lors des négociations, a relevé M. Rycroft, les experts russes avaient confié ne pas vouloir d’enquêtes qui pourraient incriminer Damas malgré les preuves tangibles.  Le projet alternatif russe ne voulait que discréditer les conclusions du Mécanisme et saper son mandat, a-t-il poursuivi, en dénonçant les exigences démesurées de la Russie.  « Pourquoi ne considérer que les preuves apportées par la Syrie et non pas celles apportées par les victimes des attaques », a-t-il lancé.  Enfin, le délégué a pensé que « Daech pourrait fêter ce soir le vote du Conseil aux côtés de Damas », avant d’affirmer que la Russie ne pouvait pas jouer un rôle de premier plan dans le règlement de la crise en Syrie. 

M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas été en mesure de renouveler le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, un instrument précieux pour faire la lumière sur les responsables de l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  Il a fait preuve d’un travail sérieux, impartial et objectif, selon le représentant.  Il s’agit de crimes très graves qui ne peuvent rester impunis et pourtant, de nouveau aujourd’hui, le Conseil de sécurité n’a pas pu adopter une résolution sanctionnant les responsables de ces actes, s’est-il indigné.  « Ceux qui possèdent le droit de veto doivent s’abstenir en cas de crimes contre l’humanité », a-t-il exigé.

Pour sa délégation, il est paradoxal, frustrant et triste que l’on place tant d’obstacles sur la voie du Mécanisme qui a pourtant été créé par le Conseil.  Le représentant a appelé les membres du Conseil à poursuivre les négociations pour sortir de cette impasse.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a exprimé sa frustration.  C’est un échec collectif mais prévisible, a-t-il déclaré.  « Nous sommes venus avec nos discours écrits alors que nous savions qu’il n’y avait pas de consensus ».  Il a invité le Mécanisme à s’acquitter de sa tâche de manière transparente, en évitant toute instrumentalisation de ses activités.  Son mandat doit être indépendant, a-t-il dit, en demandant des enquêtes « dignes de foi ».  Nous avons voté contre le projet de résolution car des visites sur le terrain auraient dû être incluses, a-t-il expliqué. 

Le délégué a lancé un appel au Conseil de sécurité à rester uni et rappelé son appui au projet de résolution russo-chinois.  En conclusion, il a demandé au Président de mettre aux voix ce projet en application de l’article 35 du Règlement intérieur du Conseil, une demande notée par le Président. 

« Ce qui s’est passé aujourd’hui n’était pas digne du Conseil de sécurité », a lancé M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie).  C’est peut-être le signe de notre époque malade, a regretté le représentant, estimant que la communauté internationale pourrait éliminer l’emploi d’armes chimiques si les États-Unis et la Russie œuvraient de concert.  Il n’y a pas d’autre possibilité selon lui, mais la situation est devenue si politisée qu’il est impossible de se concentrer sur le véritable problème. 

À ses yeux, il n’est pas judicieux d’accuser tel ou tel État pour l’impasse dans laquelle le Conseil se trouve.  Le représentant éthiopien a expliqué le vote de sa délégation par la volonté de renouveler le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU qui continuera d’être utile.  Saluant la flexibilité dont ont fait preuve les États-Unis par rapport aux réserves qu’ils avaient émises initialement, il a appuyé ce texte.  Il ne reste qu’une journée pour sauver le Mécanisme, a-t-il averti, en espérant qu’un renouvellement technique devienne une option envisageable. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a indiqué que des allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie n’avaient pas encore été examinées.  Nous avions soutenu les deux projets de résolution, a-t-il dit.  Selon lui, le vote d’aujourd’hui montre la nécessité pour le Conseil de travailler davantage pour inclure toutes les opinions des délégations. 

Le représentant a loué la volonté des États-Unis de prendre en compte les points de vue des membres lors des négociations tout en exprimant sa sympathie pour les préoccupations de la Russie.  Des changements doivent être apportés au mandat du Mécanisme pour répondre aux préoccupations de tous, a-t-il conclu.

M. FODÉ SECK (Sénégal) s’est dit déçu que, pour la deuxième fois consécutive, le Conseil de sécurité ne soit pas parvenu à renouveler le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU, qu’il a qualifié d’« instrument de dissuasion ».  Expliquant le vote de son pays en faveur du projet de résolution des États-Unis, il a rappelé que le Sénégal restait convaincu de la pertinence du Mécanisme d’enquête conjoint. 

Les États-Unis, a souligné le représentant, ont tenu compte des préoccupations légitimes de certains États Membres portant sur l’amélioration de la méthodologie de travail de cet instrument, et, par conséquent, de la qualité de ses rapports.  Il a invité tous les membres du Conseil à faire preuve d’esprit de compromis pour préserver le Mécanisme, lequel, a-t-il affirmé, « est une contribution importante à l’architecture globale de la non-prolifération ». 

M. WU HAITAO (Chine) a dénoncé le fléau des armes chimiques, avant de noter que le Mécanisme ne s’était pas rendu à Khan Cheïkhoun pour des raisons de sécurité.  Il a aussi souligné les divergences entre les membres du Conseil sur les méthodes suivies par le Mécanisme.  S’il a appuyé le Mécanisme, le délégué chinois a souhaité une amélioration de ses méthodes, en vue de les rendre plus « professionnelles et objectives ».  Le projet de résolution n’a pas suffisamment pris en compte les préoccupations légitimes de certains membres du Conseil, a-t-il conclu, en appelant le Conseil à œuvrer au règlement de la crise en Syrie. 

Appuyant le projet de résolution soumis par les États-Unis, M. KORO BESSHO (Japon) a reconnu que c’était le meilleur moyen pour que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU puisse poursuivre ses travaux.  Le Japon, a-t-il rappelé, a toujours indiqué qu’il faisait confiance au Mécanisme.  Il reste convaincu que son travail doit se poursuivre jusqu’à ce que tous les auteurs de ces crimes soient traduits en justice.  Il est regrettable, à ses yeux, que le Conseil n’ait pas réussi à renouveler le mandat du Mécanisme aujourd’hui, et à se prononcer unanimement contre l’impunité. 

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a condamné l’emploi d’armes chimiques en Syrie.  Soucieux du bien-être du peuple syrien, il a exigé que les parties responsables de l’utilisation de ces armes soient identifiées et traduites en justice.  Toutefois, l’expérience a montré tout au long de la durée de vie du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU qu’il est urgent d’améliorer sa méthodologie, notamment par des visites sur le terrain et la collecte d’échantillons, a-t-il relevé.  Le Mécanisme doit en outre étudier tous les scénarios possibles concernant ces incidents graves. 

D’après le représentant, il faut examiner les rapports du Mécanisme et la question du renouvellement de son mandat de manière séparée.  L’Égypte s’est efforcée de parvenir à une solution équilibrée de compromis pour permettre au Conseil de renouveler le mandat du Mécanisme tout en améliorant ses méthodes de travail, a-t-il assuré.  Toutefois, les deux projets de résolution n’ont pas pris en compte ses préoccupations.  C’est la raison pour laquelle sa délégation s’est abstenue.

 « Tout le monde savait que mon pays ne pouvait pas voter pour le projet américain », a lancé M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie).  Il a déclaré que ce projet de résolution ne remédiait pas aux lacunes systématiques du mandat du Mécanisme, avant de dénoncer les propos de la déléguée américaine.  Celle-ci n’a pas parlé du mandat du Mécanisme dans son intervention et a préféré formuler des accusations contre la Russie, a-t-il déploré.  Il a raillé « l’ouverture d’esprit » du délégué britannique, qui a affirmé que la Russie n’avait pas sa place dans le processus de paix en Syrie.  « Comment peut-on être aussi malhonnête? » 

Le projet de résolution n’était pas équilibré, seuls des ajustements cosmétiques lui ayant été apportés lors des négociations.  Ce projet était « déconnecté de la réalité », a poursuivi le représentant, avant d’indiquer que ce n’était pas à son pays d’endosser la responsabilité de l’interruption du mandat du Mécanisme. 

M. Nebenzia a ensuite déclaré que la situation d’aujourd’hui lui rappelait celle de l’Iraq il y a 15 ans, avec « les mensonges américano-britanniques » sur la présence d’armes chimiques dans ce pays.  Il a également dénoncé « l’expérimentation effroyable en Libye ».  « Mais quand ce laboratoire de géopolitique va-t-il fermer ses portes? »  Appuyant la proposition de son homologue bolivien, il a demandé que le projet parrainé par son pays, la Chine et la Bolivie soit mis aux voix. 

Le projet de résolution contenait des dispositions pour rendre plus efficace le Mécanisme, a estimé M. SEBASTIANO CARDI (Italie), qui a loué la volonté des États-Unis de parvenir à un compromis.  Il s’est dit profondément déçu, car le vote de ce jour « prive la communauté internationale d’un instrument important pour lutter contre l’impunité ».  Il a espéré que le Conseil reviendrait à la tendance positive observée il y a peu sur le dossier des armes chimiques en Syrie. 

M. BASHAR JA’AFARI (Syrie) a invité les membres du Conseil de sécurité à « comprendre les discussions importantes qui se sont tenues aujourd’hui », en revenant sur un rapport paru en janvier, qui a été retiré depuis, et qui comprenait des courriels faisant état du financement par le Qatar et la Turquie de rebelles qui devaient utiliser des armes chimiques en Syrie et ensuite blâmer le régime syrien pour ces actes.  « Heureusement, certains membres du Conseil n’oublient pas cela », s’est-il félicité.  Pour sa délégation, la Russie n’a pas fait obstruction aux travaux du Conseil, mais plutôt œuvré à éviter une nouvelle tragédie, comme ce qui s’est produit en Iraq et en Libye.  Elle a empêché « la manipulation des mécanismes des Nations Unies », a affirmé M. Ja’afari.

Assurant que la Syrie continue de penser que l’ONU joue un rôle crucial dans le règlement de crises, le représentant a accusé « trois membres du Conseil de sécurité » d’adopter « une politique hégémonique et d’agression ».  Pour eux, a-t-il constaté, l’ONU est un moyen de parvenir à leurs fins, mais ils se heurtent à deux autres membres qui veillent à sauvegarder les principes fondateurs des Nations Unies.  Or, pour la Syrie, ce sont bien les principes du droit international et de la Charte qui doivent prévaloir dans cette enceinte et, dès lors, son gouvernement a coopéré, dès le début de la crise, avec l’ONU.

Lors de la première utilisation d’armes chimiques en mars 2013, a rappelé M. Ja’afari, le Gouvernement syrien s’est tourné vers les Nations Unies pour demander de l’aide afin de mener une mission d’enquête en vue d’identifier les coupables.  Quatre jours après avoir fait cette demande, le Secrétaire général lui a indiqué que l’ONU était en mesure de lui fournir une assistance pour l’établissement des faits, mais pas pour l’identification des coupables.  Il a fallu quatre mois pour mettre sur pied une mission d’enquête qui, à ce jour, ne s’est pas rendue sur les lieux, s’est-il plaint.

Pour la délégation syrienne, le projet de résolution sino-russe avait pour objectif d’être cohérent avec les normes internationales et de rectifier la trajectoire du Mécanisme.  Tout projet qui ne respecte pas ces normes ne serait qu’une tentative désespérée pour poursuivre la tendance dangereuse de mener des enquêtes à distance, sur la base de preuves fournies par des terroristes et des Casques blancs, a critiqué M. Ja’afari.  Sa délégation a d’ailleurs l’impression que le dernier rapport du Mécanisme d’enquête conjoint « a été écrit dans les coulisses de Washington, Londres et Paris », d’autant plus qu’un expert de la Mission britannique auprès des Nations Unies aurait prédit exactement les conclusions de ce rapport avant même qu’il ne paraisse.  En conclusion, « l’heure est venue pour que certains membres du Conseil veillent à ce que leurs actions soient conformes à leurs paroles ».

Explications de vote sur le projet de résolution présenté par la Bolivie

M. LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a jugé cette séance inhabituelle et souhaité que le Mécanisme poursuive ses activités.  Il a demandé l’appui des délégations à ce projet de résolution. 

M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dit son attachement à un monde débarrassé des armes chimiques.  Le Mécanisme, s’il travaille de manière impartiale, pourrait accueillir des informations précieuses, a–t-il déclaré, avant de déplorer les lacunes systématiques du mandat du Mécanisme, lequel travaille, de plus, à distance.  Il a rappelé les incohérences techniques du septième rapport et déploré que son pays n’ait pas reçu des explications convaincantes et les éclaircissements nécessaires.  Il a accusé le Chef du Mécanisme de s’être épanché dans la presse en accusant de manière infondée la Russie.  Le Mécanisme a même osé accuser la Syrie, alors que son enquête est un « château de cartes », a-t-il affirmé. 

« Ce rapport est le produit d’une commande politique », a-t-il poursuivi.  Soulignant sa volonté de préserver le Mécanisme, il a indiqué que ce projet veille à améliorer les méthodes du Mécanisme.  Mon pays ne souhaite pas saper l’indépendance du Conseil et cherche simplement à éviter toute manipulation, a-t-il expliqué.  Si le Mécanisme ne peut se rendre sur place, il doit « conserver » ses résultats jusqu’à la réalisation d’une enquête complète, a affirmé le délégué, en exhortant le Mécanisme à se rendre à Khan Cheïkhoun.  Enfin, le délégué russe a invité le Mécanisme à se montrer plus responsable dans l’exécution de son mandat. 

Mme HALEY (États-Unis) a rappelé que nous avons recouru à un vote pour déterminer dans quel ordre devaient être présentés les projets de résolution russe et américain.  Aujourd’hui, a-t-elle affirmé, « la Bolivie a manqué de respect au Conseil de sécurité », un comble quand on sait l’attachement revendiqué de cette délégation à la notion de transparence.  « Nous nous sommes engagés de bonne foi avec la Russie pour concevoir ce mécanisme et savions son importance, et je suis ravie d’entendre l’attachement de la Russie pour cet organe.  Il est donc tout à fait fascinant d’entendre les reproches adressés au Mécanisme d’enquête conjoint par la Russie, à savoir qu’il ne serait pas indépendant. » 

Pourtant, a assuré Mme Haley, notre délégation a tenu compte des préoccupations de la Russie dans le cadre de négociations de ce texte, laquelle a omis de nous dire que son intention était de voter contre dès le départ.  Quant au texte russe, aucun membre du Conseil n’a été contacté pour en discuter.  Ce que voudrait Moscou, c’est un mécanisme non indépendant et « microgérable », a martelé la représentante, en jugeant que ce qui est embarrassant, ce soir, « c’est que nous pourrions nous retrouver confrontés au fait que le Mécanisme pourrait ne pas être renouvelé ». 

« Je peux vous assurer aujourd’hui que la Russie ne peut pas faire l’objet de confiance dans le cadre du processus politique en Syrie, car elle souhaite travailler avec ce régime et celui de Téhéran pour prendre le contrôle de cette zone », a poursuivi la représentante.  « Nous avons été généreux en acceptant de travailler avec vous tous, mais les États-Unis ne seront pas méprisés », a-t-elle prévenu, en s’adressant à ses amis russes: « la prochaine attaque à l’arme chimique, vous l’avez autorisée en interdisant le Mécanisme d’enquête conjoint », a tranché Mme Haley.

M. ABOULATTA (Égypte) a exprimé son regret le plus sincère face à la situation au Conseil, passé d’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales à « spectacle médiatique ».  Selon sa délégation, le consensus est possible s’il y a suffisamment de volonté politique et il s’est dit prêt à poursuivre ses efforts pour y parvenir.

M. YELCHENKO (Ukraine) a déclaré que ce projet de résolution est une tentative flagrante de « microgestion » du Mécanisme, visant à saboter les efforts déployés par cet organe, ce qui a justifié le vote négatif de sa délégation.

M. BESSHO (Japon) a estimé que le meilleur moyen de préserver l’intégrité du Mécanisme reste le texte présenté par les États-Unis, avant d’exhorter les États Membres à ne pas renoncer à leurs efforts pour prévenir les attaques à l’arme chimique. 

M. WU (Chine) a indiqué que le projet de résolution comprenait une reconduction d’un an et une amélioration des méthodes de travail, pour des enquêtes plus approfondies.  Il a regretté l’issue de ce vote.

Le délégué de la Fédération de Russie s’est dit déçu par le vote du Conseil.  Il a déploré que la Russie soit toujours accusée.  « J’ai l’impression que l’on ne m’écoute pas lorsque je parle », a-t-il dit.  Il a rappelé son opposition au projet américain.  « Nous ne jouons aucun jeu, au contraire l’on se joue de nous. »  Il a dénoncé le « manque de professionnalisme criant » du Mécanisme, avant de mentionner les efforts de son pays pour la démilitarisation de la Syrie.  « Vous essayez de manipuler l’opinion publique en accusant la Syrie », a-t-il tranché. 

Le délégué de la Bolivie s’est dit frustré devant ce nouvel échec collectif.  « Je viens d’un pays qui n’a jamais utilisé des armes chimiques et d’une région exempte d’armes nucléaires », a-t-il fait valoir.  S’agissant de l’irrespect professé, selon la déléguée américaine, de son pays pour le Conseil, il a indiqué que la Bolivie n’avait que cherché à appliquer le règlement.  Le délégué a rappelé le manque de transparence d’une séance de consultation du 7 avril du Conseil sur la Syrie alors que les États-Unis s’apprêtaient à bombarder la Syrie.  Mon pays va continuer d’œuvrer en veillant à mettre un terme à ces accusations mutuelles et ces shows médiatiques, a-t-il assuré, en gardant l’espoir que les négociations soient couronnées de succès. 

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a remercié la présidence italienne du brio qu’elle a démontrée au cours de cette séance.  Il a souhaité préciser que le projet de résolution de sa délégation n’avait pas été présenté hier, comme cela a été dit, mais le 7 novembre dernier.  Quant à la Bolivie, elle n’a pas besoin d’être protégée de la Russie, mais bien plutôt des accusations inacceptables des États-Unis.  Ce processus de vote aujourd’hui a été bien plus transparent que les négociations à huis clos, a-t-il estimé. 

 

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