8084e séance – matin
CS/13054

République centrafricaine: face à la « brutalité inouïe », le Représentant spécial plaide pour un dialogue politique inclusif et le renforcement de la MINUSCA

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la République centrafricaine, M. Parfait Onanga-Anyanga, a appelé, ce matin, les dirigeants et tous les acteurs de ce pays à s’engager autour d’un processus politique inclusif, sous le patronage du Président centrafricain, dans le but de mettre fin à « la brutalité inouïe » constatée actuellement.  Appuyé par le délégué de l’Union africaine et plusieurs membres du Conseil de sécurité, le Représentant spécial a également plaidé pour une augmentation des effectifs militaires de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), dont il est le chef.

« Cette année a été marquée par des faits graves », a déclaré le Représentant spécial, venu présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport* du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine.  Faisant le constat qu’il n’y a « souvent aucune paix à préserver » dans le pays, M. Onanga-Anyanga a déploré la mort de 12 Casques bleus au cours d’attaques qui les ciblaient et de 13 travailleurs humanitaires décédés de façon violente, ce qui fait de la République centrafricaine le pays le plus dangereux pour l’action humanitaire.

M. Onanga-Anyanga a par ailleurs dit craindre un regain d’affrontements dans l’ouest du pays, notamment, entre des combattants anti-balaka locaux et des membres armés de la communauté peule ou des éléments armés affiliés aux ex-Séléka.  À l’instar du Secrétaire général, qui a effectué une visite dans le pays du 24 au 27 octobre, le Représentant spécial a, néanmoins, noté qu’il existait des « opportunités réelles » de parvenir à une résolution politique de la crise. 

Tout en en appelant au « courage politique et moral » des acteurs centrafricains, le Représentant spécial a souligné l’espoir que représente l’adoption de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation, initiée par l’Union africaine, pour une sortie de crise par le dialogue.  Le 11 septembre dernier, le panel de facilitation de cette feuille de route dite « de Libreville » s’est réuni pour la première fois, a précisé le délégué de l’Union africaine, M. Bedializoun Moussa Nébié.

« Depuis, un programme d’activités et un budget de 4 140 000 dollars ont été adoptés, la contribution de l’Union africaine étant attendue dans les semaines à venir », a assuré ce dernier.  Le représentant de la Communauté de Sant’Egidio, M. Mauro Garofalo, a, lui, insisté sur un autre point positif, à savoir le bon avancement du processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) qui est en cours.  Près de 1 000 hommes pourraient être démobilisés, a-t-il annoncé en espérant ainsi dépasser l’objectif initial de 600 hommes.

Le délégué du Kazakhstan et celui de la Bolivie ont, eux, salué la récente visite du Secrétaire général dans le pays, signe de la « solidarité active » de l’ONU, selon l’expression du représentant kazakh.  Ce déplacement a été un « voyage historique et symbolique », lourd de signification pour mon peuple, a, de son côté, affirmé la représentante de la République centrafricaine.  Alors que le mandat de la MINUSCA expire prochainement, la déléguée a exhorté le Conseil à prendre des « décisions conséquentes ».

Un avis partagé par le Représentant spécial, qui a plaidé, dans le droit fil du rapport précité, pour une augmentation de 900 personnes en ce qui concerne le personnel militaire de la Mission qui, au 5 octobre, comptait 10 658 hommes.  La force serait ainsi plus flexible en vue d’un déploiement rapide dans les zones à risque pour les civils, a expliqué M. Onanga-Anyanga.

Au début de son exposé, le Représentant spécial avait pointé les limites de la force de la MINUSCA, ce que le « retrait des forces ougandaises sous mandat de l’Union africaine a accentué », ainsi que les « attentes démesurées », « forcément déçues », autour de son mandat actuel.  L’augmentation demandée fait partie d’une stratégie complète visant à remédier à la détérioration de la situation sécuritaire et à créer un espace en vue de l’avancement du processus politique, a-t-il affirmé.

Les délégués de la Bolivie, du Kazakhstan et de l’Uruguay ont appuyé le renforcement de la MINUSCA, le représentant uruguayen s’empressant néanmoins d’ajouter « qu’une telle mission ne saurait se substituer à un État ni stabiliser tout un pays ».  Son homologue de la Fédération de Russie a, de son côté, jugé inacceptable que des contingents « parfois » entiers de Casques bleus soient renvoyés, à cause d’exploitation et d’atteintes sexuelles, sans être remplacés.

Le Représentant spécial avait conclu son exposé en soulignant la nécessité que le personnel de la Mission respecte « plus que jamais » la politique de tolérance zéro du Secrétaire général pour l’exploitation et les atteintes sexuelles, même si le nombre de cas avait connu une baisse significative.  Pour lui, « nous pouvons et devons faire mieux ».

* S/2017/865

LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine (S/2017/865)

Déclarations

« L’année en cours a été marquée par des faits graves », a déclaré M. PARFAIT ONANGA-ANYANGA, Représentant spécial du Secrétaire général pour la République centrafricaine.  « De nombreux Centrafricains ont perdu la vie », a-t-il indiqué en soulignant que la dégradation de la situation sécuritaire n’avait pas permis le retour durable des personnes affectées depuis le début de la crise.  Le pays compte désormais près de 600 000 personnes déplacées et un demi-million de réfugiés dans les pays voisins.  « De nombreux autres encore ont disparu, dans l’oubli et le silence, sans sépulture. »

Le Représentant spécial a indiqué que cette situation sécuritaire avait assombri davantage un environnement humanitaire déjà désastreux, avant de mentionner la mort violente de 13 travailleurs humanitaires, « faisant de la République centrafricaine le pays le plus dangereux pour l’action humanitaire ».  « C’est dans ce contexte d’une brutalité inouïe, où il n’y a souvent aucune paix à préserver, que les Casques bleus sont engagés et risquent quotidiennement leurs vies », a-t-il poursuivi.  « Douze d’entre eux ont succombé depuis le début de cette année, victimes de violentes attaques ciblées. »

M. Onanga-Anyanga a déclaré que, partout où la présence de l’État faisait défaut, les attaques brutales à l’encontre des civils avaient persisté, en particulier dans le sud-est et le nord-ouest du pays.  Avec le début de la saison sèche et de la transhumance, il a dit craindre un regain d’affrontements à l’ouest du pays, notamment, entre des combattants anti-Balakas locaux et des membres armés de la communauté Peulh (Fulani) ou des éléments armés affiliés aux ex-Séléka.  « Malgré les rigueurs du terrain et l’impact négatif de l’incompréhension entretenue découlant d’attentes démesurées du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et forcément déçues, même si je les comprends, la Mission continue de mener son mandat avec courage et détermination. »  Le Représentant spécial a noté que la multiplication des foyers de tension et l’exacerbation de la violence mettaient en évidence les limites de la force de la MINUSCA, « que le retrait des forces ougandaises sous mandat de l’Union africaine a accentuées ».

Le Représentant spécial a mentionné la visite du Secrétaire général dans le pays, qui s’est déroulée du 24 au 27 octobre, à la veille du renouvellement du mandat de la Mission.  Il a souligné l’aspect essentiel des décisions du Conseil pour permettre de nouvelles avancées dans le pays.  Comme l’a indiqué le Secrétaire général, la République centrafricaine est un pays qui fait face à d’immenses défis mais où existent aussi des opportunités réelles de parvenir à une résolution politique de la crise, a-t-il poursuivi.  M. Guterres a également plaidé pour un renforcement des institutions légitimes du pays, une augmentation substantielle des moyens de la force de la MINUSCA et une plus grande prise de responsabilités nationales pour la sécurisation du pays, notamment à travers un déploiement progressif des bataillons centrafricains ayant été réformés par la mission militaire de formation de l’Union européenne (EUTM). 

« Pour réussir sur tous ces fronts, il faudrait un engagement de tous les acteurs autour d’un processus politique inclusif sous le patronage du Président centrafricain », a affirmé M. Onanga-Anyanga.  Il a souligné, à cet égard, l’espoir que représente l’adoption de la Feuille de route pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, initiée par l’Union africaine, pour une sortie de crise par le dialogue.  Les États régionaux devront renforcer leur engagement afin d’inverser la courbe de la violence, a-t-il continué.

M. Onanga-Anyanga a ensuite fait état de certains progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix et du Cadre d’engagement mutuel, qui fournissent des instruments stratégiques indispensables au renforcement institutionnel et au relèvement du pays.  Mais deux millions de personnes ont un besoin urgent d’assistance alimentaire, a-t-il dit en ajoutant que « les perspectives de retour des déplacés et des réfugiés restent fortement compromises par la persistance des tensions ».

La demande du Secrétaire général d’augmenter les effectifs de la force de 900 soldats fait partie d’une stratégie complète visant à remédier à la détérioration de la situation sécuritaire et à créer un espace en vue de l’avancement du processus politique, a-t-il poursuivi.  Le Représentant spécial a précisé que la force serait ainsi plus flexible en vue d’un déploiement rapide dans les zones à risque pour les civils.  « Nous allons renforcer notre soutien au processus politique et améliorer la protection des civils en mettant l’accent sur la prévention, tout en veillant à garantir un accès humanitaire », a indiqué M. Onanga-Anyanga, tout en précisant vouloir assurer que le personnel de la Mission respecte plus que jamais la politique de tolérance zéro pour l’exploitation et les atteintes sexuelles prônée par le Secrétaire général.  « Nous pouvons et devons faire mieux. »

En conclusion, le Représentant spécial a réitéré l’appel du Secrétaire général afin que les dirigeants centrafricains mettent fin à la manipulation politique et à l’instrumentalisation de l’ethnie ou de la religion.  « Tolérance, dialogue et compromis nécessiteront du courage politique et moral de la part de tous les acteurs. »  Enfin, il a jugé crucial l’engagement continu du Conseil dans les efforts de stabilisation du pays. 

M. BEDIALIZOUN MOUSSA NÉBIÉ, Représentant spécial de l’Union africaine (UA) pour la République centrafricaine, a rappelé que, le 11 septembre dernier, le panel de facilitation de la mise en œuvre de la feuille de route de Libreville s’était réuni pour la première fois.  Depuis, un programme d’activités et un budget de 4 140 000 dollars ont été adoptés, la contribution de l’UA étant attendue dans les semaines à venir, a-t-il assuré.  Lors de sa première mission sur le terrain, le panel a rencontré le Président de la République, le Premier Ministre, les membres de la MINUSCA, le Groupe de soutien et de coordination et la presse internationale, rencontres qui ont permis de porter à la connaissance des autorités les conclusions du panel.  Celui-ci a identifié les éléments de blocage du processus de paix en République centrafricaine, à commencer par le manque de confiance entre gouvernants et gouvernés, l’absence d’autorité de l’État dans certaines régions du pays, la persistance des violences commises par les groupes armés, la manipulation politique et religieuse, et le niveau « peu élevé » d’éducation et d’instruction à l’échelle nationale. 

Conscient des conséquences sur la sous-région qu’entraîne cette crise, qui a conduit 600 000 personnes au déplacement et fait 500 000 réfugiés, le Représentant spécial a estimé qu’au moment de proroger le mandat de la MINUSCA ce mois-ci, il serait judicieux que le Conseil de sécurité apporte son appui à la mise en œuvre de la feuille de route, laquelle nécessite d’importants moyens financiers.  En outre, au vu des activités de certains groupes armés, il est indispensable non seulement de renouveler le mandat, mais aussi de le renforcer, a-t-il dit.  De même, une hausse du nombre de Casques bleus serait bienvenue, a préconisé M. Nébié.  Il a également prôné un « assouplissement » de l’embargo sur les armes afin de permettre à l’État centrafricain d’équiper les forces de sécurité de manière adéquate.  Le haut fonctionnaire s’est aussi déclaré favorable à la promotion de projets à impact rapide, en particulier en direction des jeunes et des femmes.  Il a enfin lancé un appel aux partenaires de la République centrafricaine afin de voir se concrétiser les promesses de la conférence des bailleurs de fonds de Bruxelles.

M. MAURO GAROFALO, Communauté de Sant’Egidio, a souligné les effets positifs de la visite du Secrétaire général pour le processus en République centrafricaine.  « L’instabilité chronique n’a pas commencé en 2013 mais remonte à 20 ans », a-t-il dit.  Le représentant a indiqué que la Communauté de Sant’Egidio avait rejoint le processus en cours de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) dont le but est la démobilisation de 600 hommes.  Les groupes armés ont réagi de manière inégale à ce processus, a-t-il remarqué, tout en notant son bon avancement.  Il a ainsi jugé possible la démobilisation de 1 000 hommes.  « Il s’agit d’un pas positif dans un climat pollué par la haine », selon lui.  Enfin, M. Garofalo a souligné la nécessité de montrer que le processus de DDR n’est pas une chimère et peut devenir réalité.

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a remarqué que la République centrafricaine avait, au cours de la période considérée, oscillé entre, d’une part, la consolidation des acquis obtenus depuis la fin de la période de transition politique et l’élection du Président Touadéra, en particulier à Bangui et à Bambari, et, d’autre part, la grave détérioration des conditions de sécurité dans d’autres secteurs de la République centrafricaine, avec des incidences regrettables sur la situation humanitaire dans le pays.  Il a exprimé sa préoccupation devant les affrontements entre groupes armés et les attaques prenant pour cible la population civile, le personnel du maintien de la paix et les travailleurs humanitaires.  Si sa délégation a appuyé l’évaluation faite par le Département des opérations de maintien de la paix s’agissant du mandat de la MINUSCA, y compris en ce qui concerne la hausse de la « dotation maximale autorisée », il a en revanche rappelé qu’une telle mission ne saurait se substituer à un État ni stabiliser tout un pays. 

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a demandé un engagement sérieux de la part de tous les acteurs centrafricains, avant de saluer la récente visite du Secrétaire général dans le pays.  La moitié de la population a besoin d’une aide urgente, a-t-il poursuivi.  Il a également demandé la mise en route de la Cour pénale spéciale pour lutter contre l’impunité, avant d’exhorter les groupes armés à déposer les armes et à se soumettre au processus de DDR.  Enfin, le délégué a appuyé le renforcement des capacités de la MINUSCA pour qu’elle puisse se déployer plus rapidement dans les zones à risque pour les civils. 

M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a déclaré qu’il fallait créer un environnement propice au retour, dans des conditions sûres, des personnes déplacées et des réfugiés centrafricains.  Il a regretté de devoir constater que l’État centrafricain n’exerçait d’autorité que sur une partie de son territoire, tout en apportant son soutien aux mesures prises par Bangui pour rétablir la paix.  Le représentant en a voulu pour preuve le déploiement rapide de deux bataillons qui devront faire partie des futures forces armées du pays.  Pour sa délégation, il est important de mettre l’accent sur le renforcement des capacités nationales.  La Fédération de Russie a ensuite exprimé sa perplexité devant l’établissement d’une nouvelle juridiction internationale dans le pays, la Cour pénale spéciale centrafricaine, dans la mesure où les précédents n’ont pas toujours été concluants.  Elle juge par ailleurs inacceptable que des contingents « parfois » entiers de Casques bleus soient renvoyés à cause d’abus et d’exploitation sexuels, mais pas remplacés.  Le délégué russe a enfin donné l’assurance que son pays, en tant que membre du Groupe international de contact pour la République centrafricaine, continuerait de soutenir Bangui, comme il l’a fait récemment en mettant à disposition des autorités deux hélicoptères. 

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a salué la récente visite du Secrétaire général dans le pays, signe de la « solidarité active » de l’ONU.  Conscient des limites de la réponse opérationnelle globale offerte par la Mission, le délégué a appelé la MINUSCA à se concentrer sur ses tâches essentielles de maintien de la paix et à appuyer les processus politiques aux niveaux local et national.  Les capacités de la Mission doivent être ajustées afin de protéger au mieux les civils et de faciliter l’instauration d’un environnement sûr pour l’acheminement de l’aide humanitaire, a-t-il poursuivi.  Le délégué a également exhorté l’ONU à appuyer le dialogue national, à renforcer la légitimité du Gouvernement et à revitaliser les efforts de médiation.  Pour lui, la solution ne peut être que politique en République centrafricaine, pas militaire.  En conclusion, le délégué a pleinement appuyé l’extension du mandat de la Mission.

Mme AMBROISINE KPONGO (République centrafricaine) a qualifié la visite que le Secrétaire général vient d’effectuer dans son pays de « voyage historique et symbolique », lourd de signification pour son peuple.  Au cours des quatre jours qu’il a passés sur place, M. António Guterres a pu mesurer l’ampleur des défis qui restent encore à relever, en particulier sur les plans sécuritaire et humanitaire.  « L’appel lancé à la communauté internationale pour plus d’attention à la situation de ce pays nous conforte dans notre conviction que l’ONU, et surtout le Conseil de sécurité, prendront des décisions et des mesures conséquentes lors de la préparation et l’adoption du projet de résolution renouvelant le mandat de la MINUSCA », a déclaré la représentante en exprimant le souhait que ce mandat soit à la hauteur des défis qui se posent à la République centrafricaine. 

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