8047e séance – après-midi
CS/12990

Conseil de sécurité: Le bassin du lac Tchad toujours confronté à des défis malgré les revers de Boko Haram

Si d’encourageants progrès ont été accomplis dans la lutte contre Boko Haram grâce aux efforts conjoints des pays du bassin du lac Tchad dans le cadre de la Force multinationale mixte, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques a toutefois invité les membres du Conseil de sécurité à la prudence.

Venu présenter le dernier rapport* du Secrétaire général sur la situation dans cette sous-région de l’Afrique de l’Ouest, M. Jeffrey Feltman a déclaré que l’organisation terroriste qui y sévit depuis 2009, -dans un premier temps dans le nord-est du Nigéria, et désormais au Cameroun, au Niger et au Tchad–, est certes affaiblie, mais son recours de plus en plus systématique aux attentats-suicides s’est soldé par la mort de 284 civils en juin et en juillet derniers. 

Ce chiffre représente une hausse alarmante par rapport aux mois de mai et d’avril, a reconnu le haut fonctionnaire, en soulignant que femmes et filles sont les premières victimes de ces violences asymétriques, y compris lorsqu’elles perpètrent elles-mêmes des attentats, après avoir été recrutées de force par Boko Haram. 

« L’insécurité nourrit un chômage de masse et prive d’éducation un million d’enfants en âge d’être scolarisés », a analysé le Secrétaire général adjoint, qui a évalué à 9 milliards de dollars le coût de la crise rien que pour le Nigéria.  Pauvreté, faible autorité et présence de l’État dans des régions isolées, infrastructures délabrées, assèchement du lac Tchad sont autant de facteurs aggravants, perpétuant un cercle vicieux qui déracine les populations locales et met à rude épreuve les liens intercommunautaires. 

Jointe par téléphone, la représentante du Réseau des organisations de la société civile de l’État nigérian de Borno, Mme Fatima Shehu Imam, a déploré l’absence d’amélioration dans l’acheminement de l’aide humanitaire, allant jusqu’à évoquer un « quasi-effondrement » de l’appareil d’État, alors que près de 2,4 millions de personnes sont déplacées dans la région, dont 1,5 million d’enfants.

Le délégué du Nigeria a défendu l’action de son gouvernement dans le nord-est du pays.  Ce dernier, a-t-il affirmé, a pris des mesures, par exemple, pour faciliter la réinsertion des victimes au sein de leurs communautés, par le biais d’un Comité présidentiel pour les interventions dans le nord-est.  Selon lui, les autorités ont également fait beaucoup pour venir en aide aux populations vulnérables et convaincre les dirigeants religieux et communautaires de se mobiliser contre la radicalisation des jeunes. 

Il n’en reste pas moins que les besoins humanitaires continuent d’être « immenses », a relevé M. Feltman, en citant le chiffre de 10,7 millions de personnes concernées, la plupart au Nigéria, alors que l’appel lancé en faveur du bassin du lac Tchad, d’un montant de 1,5 milliard de dollars en 2017, n’est malheureusement financé qu’à hauteur de 40%. 

Si, aux yeux de M. Feltman, les efforts de la Force multinationale mixte demeurent indispensables, l’investissement financier qu’elle représente pèse lourdement sur la part des budgets nationaux affectée au développement.  C’est la raison pour laquelle le soutien de l’ONU et de la communauté internationale au Nigéria, au Niger, au Cameroun et au Tchad est plus que jamais nécessaire.  Aussi le Secrétaire général adjoint s’est-il félicité de la tenue, le 21 septembre prochain, en marge de la nouvelle session de l’Assemblée générale, d’une réunion destinée à réaffirmer le soutien à ces quatre pays.

La Suède a salué pour sa part l’organisation, probablement au mois d’octobre, d’une conférence sur la stabilisation de la sous-région, à l’initiative de l’Union africaine et de la Commission du bassin du lac Tchad.  Les États-Unis ont plaidé pour un engagement plus vigoureux du Conseil de sécurité, cinq mois après l’adoption de la résolution 2349 (2017).

« Mais le soutien international va de pair avec certaines responsabilités », a rappelé la France, pour qui la lutte contre le terrorisme ne saurait s’accompagner de violations des droits de l’homme.  La représentante française faisait allusion aux allégations d’abus perpétrés par la Force multinationale mixte dans le cadre de ses opérations antiterroristes.  Un appel repris à leur compte par les États-Unis, l’Ukraine et l’Uruguay.

Dans les camps de personnes déplacées, certaines femmes sont contraintes de monnayer des relations sexuelles contre des vivres et « des mères obligées de donner leur corps, en courant le risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles », a dénoncé la représentante de la société civile nigériane. 

Dans un contexte où réfugiés et déplacés sont les populations les plus vulnérables, le Secrétaire général, dans son rapport, « exhorte les gouvernements de la région à faire en sorte que les retours se fassent sur une base volontaire, en toute sécurité, en connaissance de cause et dans la dignité » et « demande l’application totale » de l’Accord tripartite pour le rapatriement volontaire des réfugiés nigérians vivant au Cameroun, signé par les deux gouvernements et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

* S/2017/764

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Rapport du Secrétaire général sur la situation dans la région du bassin du lac Tchad (S/2017/764)

Déclarations

M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a fait état de progrès encourageants dans la lutte contre Boko Haram, grâce aux efforts déployés par les gouvernements de la région dans le cadre de la Force multinationale mixte, qui a affaibli les capacités de l’organisation terroriste. 

« Mais en réponse, Boko Haram a changé de tactique, multipliant les attentats-suicides », a prévenu le haut fonctionnaire, qui a indiqué que les 130 attaques attribuées à Boko Haram dans les quatre pays du bassin du lac Tchad en juin et juillet derniers avaient provoqué la mort de 284 civils, une hausse considérable par rapport aux 146 attaques responsables de 107 pertes civiles en avril et en mai derniers. 

Sur le plan politique, les Représentants spéciaux pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest et le Sahel ont proposé une stratégie régionale en vue de s’attaquer aux causes profondes de la crise du bassin du lac Tchad, qui reposerait sur l’appropriation par les pays et les organisations sous-régionales concernées. 

La crise actuelle a en effet laminé les infrastructures de base, de même que les ressources et les services gouvernementaux: « l’insécurité nourrit un chômage de masse et prive d’éducation un million d’enfants en âge d’être scolarisés », a fait observer le Secrétaire général, qui a évalué à 9 milliards de dollars le coût de la crise rien que pour le Nigéria.  La pauvreté, la faible autorité de l’État, l’insécurité et les changements climatiques expliquent cette situation, dont les femmes et les filles sont les premières victimes. 

Les conflits et les déplacements ont érodé, parfois brisé, les liens intercommunautaires et intracommunautaires.  Et à moins d’efforts robustes dans la consolidation de la paix, la réintégration des ex-combattants, y compris de Boko Haram et de milices de surveillance, risque de créer des tensions additionnelles, a souligné M. Feltman.

Les besoins humanitaires continuent d’être immenses, avec 10,7 millions de personnes dans le besoin, a-t-il poursuivi, en notant que le Nigéria porte la plus grande partie de ce fardeau, dans le nord-est du pays.  Or, le financement continue d’être insuffisant, alors que l’appel lancé pour la région, d’un montant de 1,5 milliard de dollars en 2017, n’est financé qu’à hauteur de 40%, s’est alarmé le Secrétaire général adjoint. 

La région fait désormais face à la saison des pluies, pendant laquelle l’insécurité alimentaire est la plus élevée, a-t-il ajouté, en relevant que la crise a déplacé jusqu’à présent près de 2,4 millions de personnes, dont 1,5 million d’enfants. 

Parallèlement, si Boko Haram s’est rendu coupable de violations répétées des droits de l’homme, l’ONU a été informée d’allégations nombreuses de violences, y compris sexuelles, perpétrées par la Force multinationale mixte dans le contexte des opérations antiterroristes. 

Le Secrétaire général, dans son rapport, conclut à la nécessité de sensibiliser au fait que ces abus sont parmi les causes profondes de l’instabilité régionale, rendant indispensable d’investir dans les mécanismes de justice transitionnelle au niveau communautaire. 

De plus, le Secrétaire général adjoint a souligné que l’absence d’approche cohérente de la question des déserteurs de Boko Haram, notamment de critères clairs et transparents respectueux des droits de l’homme, pose de multiples défis, des milliers d’ex-combattants étant détenus illégalement ou mal réintégrés.

Si, aux yeux de M. Feltman, les efforts de la Force multinationale mixte demeurent indispensables pour résoudre la crise, l’investissement financier qu’elle représente pèse lourdement sur les budgets nationaux affectés au développement.  C’est la raison pour laquelle le soutien de l’ONU et des États Membres est plus que jamais nécessaire. 

La manifestation prévue le 21 septembre, en marge de la nouvelle session de l’Assemblée générale, sera l’occasion pour la communauté internationale de réaffirmer son soutien à la région. 

Mme FATIMA SHEHU IMAM, du Réseau des organisations de la société civile de l’État de Borno, s’exprimant par téléphone, a dit que son réseau regroupait quelque 150 organisations visant à aider la population de l’État de Borno, qui est ravagé par les activités de Boko Haram. 

Depuis la dernière visite du Conseil de sécurité dans la région, il n’y a pas eu d’amélioration dans la délivrance de l’aide humanitaire, a-t-elle dit, en insistant sur l’acuité des besoins.  Elle a mentionné un quasi-effondrement de l’appareil de l’État nigérian, qui se montre incapable de répondre à ces besoins. 

Elle a lancé un appel à la « bonne conscience » du Conseil pour remédier à une situation qui demeure très fragile.  Il y a eu une recrudescence des attaques contre les civils, contrairement à ce qui a pu être avancé, a-t-elle déploré.

Elle a ensuite dénoncé les violations des droits des personnes déplacées vivant dans les camps, conduisant certaines femmes à monnayer des relations sexuelles contre de la nourriture.  « Des mères sont obligées de donner leur corps, courant le risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles », a-t-elle déclaré.  Mme Shehu Imam a déclaré que la vie dans sa normalité avait été anéantie en raison des agissements de Boko Haram. 

« Notre réseau fait face à des défis qui excèdent nos capacités », a-t-elle indiqué, en insistant sur le manque de financements.  Certaines agences onusiennes ont accès au financement sur la base des mêmes critères que nos organisations qui n’y ont pourtant pas accès, en dépit de leur rôle précieux sur le terrain, a-t-elle regretté. 

Elle a en outre demandé que ces dernières organisations bénéficient de la même protection que les agences de l’ONU.  Le Nigéria n’a pas de législation sur l’aide humanitaire, si bien que tout se fait de manière improvisée, sans reddition de comptes, a-t-elle dénoncé. 

En conclusion, Mme Shehu Imam s’est étonnée que la crise ait toujours le même degré d’urgence malgré les sommes qui ont été investies pour y remédier. 

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a lui aussi constaté qu’en dépit du recul de Boko Haram, l’organisation terroriste continuait de faire de nombreuses victimes, grâce à un changement de tactique.  Le Gouvernement britannique, a-t-il assuré, jouera son rôle pour aider les pays de la région à triompher de cet ennemi.  C’est la raison pour laquelle Londres a renforcé son aide dans le cadre d’un programme de transition vers le développement. 

Mais il est clair aujourd’hui que la solution ne sera trouvée qu’en traitant les causes profondes ayant permis l’émergence de Boko Haram, a affirmé le représentant, plaidant en faveur d’un plan régional dont la mise en œuvre doit se faire dans le respect des droits de l’homme et en faisant appel aux femmes, qui jouent un rôle essentiel. 

M. OLOF SKOOG (Suède) s’est dit « vivement préoccupé » par l’ampleur « alarmante » de la crise humanitaire dans le bassin du lac Tchad.  Selon lui, une approche intégrée est nécessaire pour répondre aux défis multidimensionnels auxquels fait face la région.  Il a cité, parmi les causes fondamentales de l’insécurité et de l’instabilité, une économie fragile, la marginalisation, les violations de droits de l’homme ainsi que la pression démographique, ajoutant que toute réponse à la crise actuelle doit s’accompagner de mesures favorisant le développement. 

Il a salué à cet égard la tenue possible d’une conférence sur la stabilisation, en octobre, organisée par l’Union africaine et la Commission du bassin du lac Tchad.  En outre, il a appelé le Conseil de sécurité à « demeurer alerte » face aux menaces à la stabilité résultant des changements climatiques. 

Après avoir rappelé que le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine partagent une même analyse de la situation et des réponses à apporter à la crise dans le bassin du lac Tchad, il a appelé à élargir le partenariat entre les deux conseils afin « d’opérationnaliser » ces réponses. 

Le rôle des femmes en tant que moteur de changement ne doit pas être négligé, a poursuivi le représentant, notamment dans les efforts de reconstruction et de stabilisation à long terme.  Alors que Boko Haram multiplie les attentats-suicides commis par des filles recrutées de force, les gouvernements doivent faire de la réhabilitation des enfants et de leurs mères une priorité, a-t-il ajouté, y compris la sensibilisation des communautés, afin d’éviter la stigmatisation au lendemain des conflits. 

M. INIGO LAMBERTINI (Italie) a estimé que la crise dans le bassin du lac Tchad était multidimensionnelle, l’insurrection de Boko Haram n’en étant qu’un des aspects.  La pauvreté et les changements climatiques sont d’autres aspects, a-t-il dit.  Il a insisté sur les efforts de son pays pour remédier à cette crise et réduire les mouvements migratoires. 

L’Italie s’est engagée à soutenir le plan de développement présenté par le Président du Tchad avec une contribution de 20 millions de dollars, a-t-il affirmé.  Le délégué a fait état des enjeux démographiques de la crise, avant de souligner la nécessité de défendre les droits de l’homme.  Les femmes ont un rôle fondamental à jouer dans la prévention des conflits, a-t-il poursuivi. 

En conclusion, le représentant de l’Italie s’est félicité de la tenue en octobre de la conférence de N’Djamena et a mis en garde contre une possible propagation de la crise. 

M. GORGUI CISS (Sénégal) s’est félicité du fait que la double crise, humanitaire et sécuritaire, qui sévit dans le bassin du lac Tchad soit replacée au cœur des priorités de la communauté internationale.  S’il s’est lui aussi félicité de la reconquête de territoires anciennement contrôlés par Boko Haram, ces progrès ne doivent pas masquer les difficultés auxquelles se heurtent au quotidien les populations civiles, a observé le représentant, en citant le bilan des attentats-suicides en juin et juillet. 

Le fait que le groupe ait recours à des modus operandi asymétriques témoigne des problèmes rencontrés par Boko Haram.  Mais pour y faire face, la coopération régionale et transnationale reste indispensable à tout point de vue, y compris dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée, a préconisé la délégation. 

« Ne nous y trompons pas »: la solution passera par le développement, d’autant plus que les zones où Boko Haram sévit le plus sont précisément celles où la pauvreté est la plus aiguë.  M. Ciss a donc plaidé pour la promotion des investissements privés, en mettant l’accent sur l’emploi des jeunes, cible privilégiée des recruteurs de Boko Haram, mais aussi sur la lutte contre les défis écologiques, en particulier l’assèchement du lac Tchad, qui a des conséquences négatives sur le secteur agricole et l’autonomisation des femmes.

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a dit que le caractère multidimensionnel de la crise dans le bassin du lac Tchad nous oblige à aborder ses causes de manière « conjointe et interconnectée ».  Selon lui, il faut analyser la situation sécuritaire et humanitaire, les droits de l’homme, les changements climatiques et la situation socioéconomique de façon intégrée. 

Il a salué les efforts « louables » de la Force multinationale mixte dans la lutte contre Boko Haram, qui ont permis la réalisation d’avancées importantes, ainsi que la création du G5 Sahel, appelé à devenir un complément notable aux efforts régionaux de lutte contre le terrorisme. 

Cependant, le représentant s’est dit préoccupé par les allégations répétées de violation des droits de l’homme par les troupes de la Force multinationale mixte et des armées nationales, appelant les parties concernées à s’assurer que les activités en matière de sécurité se fassent dans le strict respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire. 

Par ailleurs, le représentant s’est dit « vivement préoccupé » par l’usage systématique de la violence sexuelle comme tactique terroriste par Boko Haram, notamment les enlèvements et les abus sexuels dont sont victimes des milliers de femmes et de filles.  Il a également déploré le manque d’information sur l’impact de ces crimes dans une crise humanitaire complexe, et demandé que les victimes aient accès à une aide adéquate. 

Le représentant a plaidé pour que les gouvernements des quatre pays du bassin du lac Tchad allouent les ressources nécessaires à la mise en place de services de santé et d’éducation de qualité, afin de s’attaquer aux causes fondamentales de la crise. 

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a insisté sur les progrès indéniables accomplis dans la lutte contre Boko Haram et loué les efforts des États de la région, malgré le manque de ressources.  Des mesures ont été prises pour faire respecter les droits de l’homme et favoriser le retour des personnes déplacées, a-t-il dit. 

Il a également estimé que la crise humanitaire était gérée avec sérieux, même si celle-ci reste aiguë dans le nord du Nigéria.  Les donateurs doivent honorer les engagements pris à Oslo en début d’année pour éviter une catastrophe humanitaire, a affirmé le délégué. 

M. Aboulatta a ensuite condamné toutes les exactions de Boko Haram contre les populations civiles et demandé le rétablissement de la justice.  « L’impunité ne peut prévaloir. »  Il a appelé les partenaires à apporter leur aide à la Force multinationale mixte, notamment en ce qui concerne la formation des soldats. 

En conclusion, M. Aboulatta a avancé l’idée de la création d’un fonds destiné à financer cette Force. 

Mme ANNE GUEGUEN (France) s’est dite encouragée par les récents progrès enregistrés dans la lutte contre Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad et a salué les efforts conjoints consentis à cette fin par les pays de la région, ainsi que le « rôle central » joué par la Force multinationale mixte. 

Elle a toutefois rappelé que la menace terroriste continuait de peser sur les pays de la région et leurs populations et a déploré les nombreuses violations des droits de l’homme, en particulier celles commises à l’encontre des enfants, dont elle a notamment dénoncé l’emploi accru dans les attentats-suicides.  La mobilisation des pays de la région doit donc se poursuivre, avec le soutien de la communauté internationale, a ajouté la représentante.

La responsabilité du Conseil de sécurité est d’apporter un soutien aux États africains qui s’unissent au niveau régional dans la lutte contre le terrorisme, a poursuivi Mme Gueguen.  À cet égard, a-t-elle ajouté, « la France joue pleinement son rôle », par le biais du soutien apporté par l’opération Barkhane dans les domaines logistique et du renseignement.  La France apporte en outre un soutien bilatéral aux armées de la région engagées dans lutte contre Boko Haram. 

Le soutien international va de pair avec certaines responsabilités, a souligné la représentante, qui a rappelé que la lutte contre le terrorisme ne saurait s’accompagner de violations des droits de l’homme, quelle qu’en soit la forme.  La France attend donc des pays membres de la Force multinationale mixte qu’ils agissent dans le plein respect du droit international. 

Mme Gueguen a également rappelé que la réponse à la crise dans la région du bassin du lac Tchad « ne peut être uniquement sécuritaire » mais avait aussi un aspect humanitaire, de protection des civils et de développement.  Rappelant l’ampleur des besoins humanitaires, elle a estimé que, pour être réellement efficace, l’action des Nations Unies ne pouvait venir qu’en soutien aux efforts des pays de la région, et a considéré comme « un pas important » le mécanisme tripartite mis en place par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Nigéria et le Cameroun. 

Elle s’est en outre dite très inquiète du risque de famine dans le nord-est du Nigéria du fait de l’instabilité générée par Boko Haram.  À cet égard, elle a rappelé qu’à la demande de la France, le Secrétaire général fera une présentation spécifique sur la question en octobre, lors de la présidence française du Conseil de sécurité. 

En conclusion, Mme Gueguen a estimé que la région du bassin du lac Tchad n’avait pas toujours reçu l’attention requise de la part de la communauté internationale.  Pour elle, la visite que le Conseil de sécurité a effectuée dans la région en mars dernier « a permis de commencer à réparer cette erreur » mais il importe que ce dossier « demeure une vraie priorité, dans la durée, du Conseil et de la communauté internationale ». 

M. WU HAITAO (Chine) a estimé que des mesures doivent être prises sur le plan humanitaire dans le bassin du lac Tchad, comme l’a fait son gouvernement par le biais de canaux bilatéraux et multilatéraux. 

Il s’est ensuite félicité des efforts déployés par les gouvernements de la région dans la lutte antiterroriste, notamment dans le cadre de la Force multinationale mixte, qui témoignent d’une appropriation des questions sécuritaires. 

Le représentant a ajouté qu’en conclusion, la communauté internationale devrait mieux aligner les priorités du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sur celles de l’« Agenda 2063: L’Afrique que nous voulons ».

M. OLEKSIY ILNYTSKYI (Ukraine) a estimé que les Nations Unies doivent continuer à soutenir la Force multinationale mixte pour prévenir les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui pourraient être commises dans le contexte de ses opérations militaires.  Il s’est félicité des efforts déployés par les entités des Nations Unies pour élaborer un cadre politique de diligence voulue en matière des droits de l’homme.  Sans un tel instrument, a-t-il estimé, les pays du bassin du lac Tchad pourraient se heurter à d’autres obstacles dans leurs efforts de déradicalisation, de réintégration des anciens combattants de Boko Haram et de réconciliation.  Pour assurer une paix durable dans les zones débarrassées de Boko Haram, les gouvernements de la région, a poursuivi le représentant, doivent reconstruire les infrastructures vitales, rétablir l’autorité de l’État et garantir un accès illimité aux organisations humanitaires. 

Il a aussi souligné la nécessité pour les pays de la région d’honorer les engagements pris en faveur des personnes déplacées.  Il s’est en effet dit préoccupé par les informations selon lesquelles certains États continueraient à forcer ces personnes déplacées à revenir chez elles.  Le représentant a insisté sur le principe du retour volontaire, lequel se base sur les garanties de sécurité.  Le non-respect de ce principe contraindrait les déplacés et les réfugiés à des aller-retours déstabilisateurs pour toute la région.  Il est urgent, a poursuivi le représentant, que les pays de la région et la communauté internationale aident de toute urgence les 10,7 millions d’habitants du bassin du lac Tchad.  Il a conclu, en disant attendre avec intérêt la réflexion du Secrétaire général sur l’impact des changements climatiques et des problèmes écologiques sur la stabilité de la région. 

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a mentionné les efforts de son pays pour éliminer Boko Haram, un objectif qui est loin d’être atteint.  La réponse militaire ne suffira pas, a-t-elle dit.  Elle s’est engagée à ce que la situation dans le bassin du lac Tchad reste en bonne place dans l’ordre du jour du Conseil.  Ce dernier doit renforcer son action face à Boko Haram, a insisté la déléguée, en mentionnant les « centaines de civils » ayant trouvé la mort en raison de la « violence insensée » de Boko Haram. 

Elle a déclaré que les femmes et les filles étaient les premières victimes de la situation, avant de souligner la nécessité de protéger les droits de l’homme dans la région.  Elle a dénoncé « les tactiques inhumaines » consistant à ne faire aucune distinction entre les civils et les terroristes.  Elle a demandé au Secrétariat des « rapports de première main » sur les violations des droits de l’homme par toutes les parties dans la région, avant de plaider pour le retour des personnes déplacées dans la dignité et la sécurité.  Les retours non volontaires doivent être évités, a-t-elle dit. 

Enfin, la déléguée a affirmé que les États-Unis continueraient de soutenir les États de la région du lac Tchad et invité les États Membres à en faire de même. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a estimé que l’Accord tripartite pour le rapatriement volontaire des réfugiés nigérians vivant au Cameroun, signé par les gouvernements des deux pays et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) doit être mis en œuvre pour permettre le retour de ces populations dans leurs pays d’origine dans des conditions de sécurité acceptables. 

Par ailleurs, des investissements sont essentiels dans la fourniture des services sociaux et le développement des infrastructures, a plaidé le représentant.  Pour lui, la visite récente des membres du Conseil a montré la pertinence d’une approche régionale cohérente et intégrée pour répondre aux causes profondes de la crise.

M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a appelé la communauté internationale à intensifier ses efforts pour remédier à la violence insensée de Boko Haram.  Les retours des personnes déplacées doivent être volontaires et se faire dans la dignité, a-t-il affirmé. 

Il a dénoncé les violences sexuelles commises contre les filles et les femmes par Boko Haram, avant de demander une participation accrue des femmes dans la lutte contre ce groupe terroriste.  Il s’est dit inquiet des conséquences des changements climatiques sur le bassin du lac Tchad, telles que la pénurie d’eau et la sécheresse. 

Il a espéré que la conférence d’octobre, qui doit se tenir au Tchad, soit l’occasion de répondre aux causes profondes de la crise. 

Enfin, le délégué bolivien a jugé indispensable que les organisations régionales soient étroitement associées aux efforts visant à remédier à la crise, avant d’exhorter les partenaires internationaux à honorer leurs promesses vis-à-vis des pays de la région. 

M. YASUHISA KAWAMURA (Japon) a dit que Boko Haram représentait une menace pour le bassin du lac Tchad avec des répercussions humanitaires dévastatrices à court terme et des effets socioéconomiques à long terme.  Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre la résolution 2349 (2017) et stabiliser la région. 

Le représentant a appelé à la pleine mise en œuvre de l’Accord tripartite entre le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Cameroun et le Nigeria « qui est essentiel pour le retour sûr et digne des réfugiés ».  Le Japon étudie activement une aide humanitaire supplémentaire pour contrer l’insécurité alimentaire et l’urgence nutritionnelle, a assuré le délégué. 

L’investissement à long terme dans le développement socioéconomique est nécessaire pour un recouvrement précoce, a-t-il poursuivi.  « Nos efforts doivent assurer que l’expertise technique de l’ONU dans le développement et la consolidation de la paix est déployée de manière cohérente et efficace dans le bassin du lac Tchad », a indiqué M. Kawamura. 

Toutefois, il est clair que la détérioration de la situation économique augmente le risque d’enrôlement par les terroristes.  En outre, les effets à long terme des changements climatiques sur la stabilité socioéconomique de la région et des communautés doivent aussi être étudiés.  De même, il a souligné l’importance de renforcer la résilience de la communauté face à l’extrémisme violent de Boko Haram en luttant contre les causes de cette insurrection. 

Le représentant a mis l’accent sur la nécessité pour les acteurs d’intégrer l’analyse de genre dans leurs actions y compris en adoptant des approches sexospécifiques pour la protection et l’autonomisation des femmes et des filles victimes de Boko Haram ou celles qui étaient anciennement enrôlées par lui.  L’autonomisation des femmes et la promotion de leur rôle sont essentielles pour rebâtir la société ainsi que pour renforcer la résilience communautaire contre le terrorisme et l’extrémisme violent. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est alarmé du nombre de victimes faites par les attaques de Boko Haram, une organisation terroriste qu’il ne faut pas confondre avec une partie à un conflit.  Le représentant a également dénoncé l’emprise de la criminalité transnationale organisée dans la sous-région. 

Sur le plan humanitaire, la situation se détériore aussi, a-t-il observé, en raison de la réaffectation des ressources budgétaires par les gouvernements concernés aux opérations antiterroristes.  Il s’est félicité de l’intention du Secrétaire général d’élaborer une stratégie intégrée, qui devra aussi « cimenter » l’aide extérieure consentie en faveur du bassin du lac Tchad.  La Russie, a ajouté le délégué, poursuivra son action au niveau bilatéral et multilatéral. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a pris note des progrès accomplis dans la lutte contre Boko Haram, grâce à l’action résolue de la Force multinationale mixte.  Néanmoins, seule une approche intégrée visant à répondre aux causes profondes de la crise permettra son règlement durable, a-t-il dit.  Le délégué a précisé que les membres du Conseil de sécurité et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) avaient abouti à la même conclusion lors de leur rencontre à Addis-Abeba, la semaine dernière. 

M. Alemu a estimé, à cet égard, que la récente initiative conjointe de l’Union africaine et la Commission du bassin du lac Tchad était un pas dans la bonne direction.  Le représentant éthiopien a exhorté l’ONU à redoubler d’efforts pour répondre à la crise humanitaire et à la question des personnes déplacées. 

Enfin, M. Alemu a demandé une plus grande coordination des efforts de l’UA et de l’ONU pour mieux répondre aux besoins des pays de la région et a exhorté les donateurs à honorer les engagements pris. 

M. MOHAMMED I. HAIDARA (Nigéria) a déclaré que l’insurrection de Boko Haram avait affecté pratiquement toutes les formes d’activités humaines, y compris l’économie et les conditions de vie de la population, non seulement dans le nord-est du Nigéria mais dans l’ensemble du pays.  Il a cependant ajouté que tant le Gouvernement que la population avaient fait preuve de résilience et de résolution. 

Le Gouvernement a ainsi fait d’importants progrès dans la lutte contre Boko Haram, a affirmé le représentant, qui a salué les succès de l’armée nigériane et ceux de la Force multinationale mixte, ainsi que la coopération des pays voisins. 

Le représentant a par ailleurs rappelé qu’il existait dans la région du bassin du lac Tchad d’autres défis, dont celui du rétrécissement du lac Tchad, qui devrait susciter une action de la communauté internationale. 

De même, le Gouvernement n’ignore pas les défis humanitaires posés par les déplacements massifs de populations du fait des activités de Boko Haram, les terres abandonnées ou encore la perturbation du système d’éducation.  Le Gouvernement a pris des mesures pour assurer la réintégration des victimes au sein de leurs communautés, a-t-il affirmé, en citant la mise en place d’un Comité présidentiel pour les interventions dans le nord-est. 

Le délégué a également rendu hommage au soutien apporté par les agences des Nations Unies aux jeunes filles enlevées par Boko Haram puis libérées.  Il a insisté sur les différents efforts des autorités nigérianes en faveur des personnes dans le besoin, ainsi que leurs engagements auprès des dirigeants religieux et communautaires pour qu’ils contribuent à décourager la radicalisation des jeunes les plus vulnérables. 

Il a également rappelé que la protection des civils dans les conflits armés relevait en premier lieu de la compétence des États dont ils dépendent. 

Enfin, le représentant a rappelé que son pays attendait de la communauté internationale et du Conseil de sécurité la poursuite d’un engagement en faveur d’une paix durable, de la protection des civils et de la résolution de la situation humanitaire dans la région. 

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