7999e séance – matin 
CS/12908

Yémen: l’Envoyé spécial du Secrétaire général et le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires décrivent une « situation consternante »

C’est une situation humanitaire « consternante » qui a été, ce matin, décrite au Conseil de sécurité par l’Envoyé spécial du Secrétaire général et le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, ainsi que les Directeurs généraux de l’OMS et de la FAO.  Mais, ont-ils rappelé, c’est aussi une situation imputable au conflit, donc aux hommes.  Le Conseil de sécurité doit donc « peser de tout son poids sur les parties », comme l’a dit le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, alors que les trois membres du Conseil qui se sont exprimés, l’Uruguay, la Bolivie et la Suède, rappelaient qu’il n’y a pas de solution militaire à cette « guerre inconnue » dont on parle peu.

L’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, qui s’exprimait par visioconférence depuis Amman, a décrit un Yémen affecté par « une série d’urgences complexes » qui touchent plus de 20 millions de personnes et dont les effets se feront sentir longtemps après la fin de la guerre.  Il s’est dit très préoccupé par le fait « inacceptable » que l’on continue de cibler les civils et les infrastructures civiles et a averti que plus le conflit s’éternisera, plus les groupes terroristes implantés dans le pays s’épanouiront et en menaceront l’avenir.

S’il a vu quelques motifs d’optimisme dans le fait que le groupe rebelle Ansar Allah a repris contact avec lui, l’Envoyé spécial a insisté sur la nécessité pour les rebelles de travailler de manière constructive avec lui, en particulier sur deux propositions: l’opérationnalisation du port d’Hodeïda et la mise en place d’un programme visant à payer les salaires des fonctionnaires dans les zones contrôlées par les rebelles.  Comme l’ont souligné plusieurs intervenants, le non-paiement des salaires depuis près d’un an contribue à la pauvreté générale et à la raréfaction du personnel médical et de santé.

Mais c’est sur la situation humanitaire qu’ont surtout insisté les orateurs.  « Le Yémen est confronté à la plus grande crise alimentaire au monde », a déclaré le Directeur général de la FAO, M. José Graziano da Silva, qui a fait état de 17 millions de personnes touchées par l’insécurité alimentaire, soit les deux tiers de la population nationale, dont 7 millions sont menacées de famine.  Il s’est montré d’autant plus pessimiste que les récoltes s’annoncent faibles, du fait à la fois du manque de pluie et de la dégradation des équipements causée par les combats ou encore la pénurie générale des produits nécessaires aux cultures.

Même constat catastrophique en matière de santé.  Le Directeur général de l’OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rappelé que l’épidémie de choléra, qu’il a imputée « au conflit, à la destruction des services de santé et à la faim », touchait les 21 provinces du pays et qu’on comptait plus de 300 000 cas suspects et déjà 1 700 morts.

Tous les intervenants ont été d’accord: cette tragédie humanitaire est le fruit du conflit.  Mais elle est aussi celui d’un manque d’intérêt.  Le représentant de la Bolivie a ainsi dénoncé « une autre victime du conflit: notre sensibilité », tandis que le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien, lançait: « l’humanité ne peut pas continuer à perdre face à la politique ».

Le Directeur général de l’OMS a demandé au Conseil d’agir dans quatre domaines: une accélération du processus politique pour mettre un terme au conflit immédiatement; la protection des infrastructures sanitaires et médicales, conformément au droit international humanitaire; le respect par les États de leurs engagements en manière d’aide; et enfin, un appui financier au Yémen pour le relèvement à long terme du pays. 

Plusieurs autres orateurs ont insisté sur l’aspect financier, alors que l’Appel humanitaire de 2017 n’est financé qu’à hauteur de 33%.  Le représentant de la Suède, pays coorganisateur de la Conférence des donateurs tenue à Genève le 15 avril, a demandé aux bailleurs de fonds d’honorer rapidement leurs promesses et estimé qu’il faudrait aller encore au-delà, tout en garantissant un accès humanitaire sans entrave dans l’ensemble du pays.

En fin de séance, le représentant du Yémen a lui aussi demandé le soutien de la communauté internationale, mais il a aussi imputé le « pilonnage aveugle » des hôpitaux et d’autres infrastructures civiles aux milices houthistes rebelles, qu’il a accusées de rejeter toute coopération et de soumettre la population à « un odieux chantage ».

Les représentants de la Bolivie et de l’Uruguay ont toutefois fait observer que les attaques aériennes contre des civils ou des convois humanitaires ne sauraient être imputées aux milices houthistes, qui n’ont pas d’avions.  « Il est important que les faits soient établis, que l’on sache qui se livre à ces attaques aériennes et qui fournit des armes aux parties au conflit », a déclaré le représentant bolivien, alors que son homologue de l’Uruguay appelait le Conseil à demander des comptes à ceux qui perpétuent ces attaques barbares, et à ceux qui leur vendent des armes, et à mettre en place des mécanismes internationaux d’enquêtes impartiaux et transparents.

Le représentant de la Bolivie a par ailleurs regretté qu’on parle aussi peu de la situation au Yémen, estimant que le manque de visibilité du conflit auprès de l’opinion publique nuisait fortement à son règlement: « C’est une guerre silencieuse.  Au-delà de ces murs et du bâtiment de l’ONU; c’est une guerre inconnue », a-t-il déploré.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. ISMAIL OULD CHEIKH AHMED, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, qui s’exprimait par visioconférence depuis Amman, en Jordanie, a estimé d’entrée que la situation au Yémen restait « extrêmement grave », ajoutant que l’intensité du conflit augmente chaque jour, alors que la situation humanitaire déjà tragique continue d’empirer.  L’Envoyé spécial a décrit en détail les violences qui ont frappé le pays « pour la troisième année consécutive » durant le mois sacré de ramadan.  Il s’est notamment dit très préoccupé par le fait « inacceptable » que l’on continue de cibler les civils et les infrastructures civiles et a rappelé les belligérants à leur obligation de respecter le droit international humanitaire.

L’Envoyé spécial a également rappelé que l’insécurité était aggravée par les activités des groupes extrémistes, y compris Al-Qaida dans la péninsule arabique.  Plus le conflit s’éternise, plus les groupes terroristes s’épanouiront et menaceront l’avenir du Yémen, a une nouvelle fois insisté M. Ould Cheik Ahmed.

L’Envoyé spécial a parlé d’une situation humanitaire « consternante », rappelant que la population souffre à la fois de la guerre, de la faim et de l’épidémie de choléra, qui a continué de s’étendre.  Le pays est désormais affecté par une série d’urgences complexes qui affectent plus de 20 millions de personnes et dont les effets se feront sentir longtemps après la fin de la guerre, a-t-il ajouté.  Il a souligné que 14 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, dont près de 7 millions sont menacées de famine.  Le nombre de cas suspects de choléra a dépassé les 300 000 et plus de 1 700 personnes en sont mortes, alors que des dizaines de milliers des professionnels de la santé ne sont pas payés depuis des mois, que plus de la moitié des infrastructures de santé sont fermées et que l’approvisionnement en médicaments et autres matériels médicaux reste très limité.

L’effondrement du système de santé yéménite explique la rapidité de l’expansion de l’épidémie de choléra, a poursuivi l’Envoyé spécial, qui a apporté son plein appui à la proposition conjointe du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) d’aider à la rémunération des employés des services de santé.  Il a encouragé les États Membres à apporter leur contribution.  M. Ould Cheik Ahmed a par ailleurs expliqué qu’il appuyait le programme de transfert d’argent organisé par la Banque mondiale au profit des ménages les plus vulnérables.  Là encore, il a dit espérer que la communauté internationale apporterait son soutien à cette initiative.  L’Envoyé spécial a également rappelé qu’il avait appelé, conjointement avec le Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire, à la reprise des vols commerciaux vers Sanaa. 

L’Envoyé spécial a dit avoir invité les représentants d’Ansar Allah et du Congrès populaire général (GPC) à reprendre au plus tôt les discussions sur ses propositions.  Il a dit avoir été en contact direct avec des représentants d’Ansar Allah ces derniers jours, y voyant un signe d’optimisme, et a remercié la Chine pour avoir joué un rôle à cette fin.  L’idée essentielle est d’obtenir d’Ansar Allah et du GPC qu’ils travaillent de manière constructive avec moi, a expliqué l’Envoyé spécial dont les propositions portent sur le port d’Hodeïda et les zones adjacentes et visent à assurer l’entrée de l’aide humanitaire et des biens et à mettre en place un programme de perception des taxes qui, venant d’Hodeïda ou d’ailleurs, pourraient servir à financer les salaires des fonctionnaires et non la guerre.  Le Gouvernement du Yémen a réagi positivement, a ajouté l’Envoyé spécial.

M. Ould Cheik Ahmed a également expliqué qu’il arrivait d’Arabie saoudite où il a rencontré de hauts responsables, dont le Prince héritier.  Il a salué leur volonté de soutenir ces propositions, avant de préciser qu’il se rendrait demain au Caire pour poursuivre ses entretiens avec les acteurs régionaux.  L’unité et le soutien de ces acteurs et de la communauté internationale sont essentiels pour assurer le retour de la paix et de la sécurité au Yémen, a insisté l’Envoyé spécial.

M. Ould Cheik Ahmed a par ailleurs rendu hommage aux efforts de la société civile yéménite en faveur de la paix et a dit espérer que les différents dirigeants politiques se feront l’écho de cette « voix authentique du Yémen ».  Il a souhaité un leadership politique qui reconnaisse que la guerre ne peut pas apporter de réponses aux problèmes du pays et notamment aux griefs du sud.  L’Histoire ne sera pas tendre pour ceux des dirigeants qui se seront servis de la guerre pour préserver leurs propres intérêts et non ceux du pays, a conclu l’Envoyé spécial.

« Des millions de civils yéménites continuent de subir des souffrances indescriptibles », a déploré M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.  Le choléra et le risque de famine touchent toutes les provinces du pays à l’exception d’un seul, a-t-il poursuivi, ajoutant que des millions de Yéménites s’efforçaient chaque jour d’échapper au conflit, à la pauvreté et aux difficultés économiques.  Au total, a-t-il rappelé, 7 millions de personnes, dont 2,3 millions d’enfants malnutris, dans la catégorie des moins de 5 ans, sont au bord de la famine, exposés aux risques de maladies et en danger de mort.  Parallèlement, 16 millions de personnes sont privées d’accès à l’eau, aux services d’assainissement et aux produits d’hygiène élémentaire.  D’après les derniers chiffres disponibles, près de 320 000 personnes sont atteintes du choléra, qui a déjà coûté la vie à au moins 1 740 personnes.

M. O’Brien a insisté, à son tour, sur le fait que le Yémen souffre d’un déficit d’hôpitaux et de personnel médical, alors que près de 55% des établissements de santé ont fermé leurs portes à cause du conflit et du manque de fonds.  Le Secrétaire général adjoint a confirmé que les salaires d’environ 33 000 professionnels de la santé n’ont pas été payés au cours de l’année écoulée.  « Quand les parties seront-elles prêtes à assumer leur responsabilité de protéger les civils et les infrastructures civiles? » s’est-il impatienté, ajoutant que l’épidémie de choléra est « entièrement imputable » aux parties et à ceux qui les soutiennent au-delà du Yémen.

M. O’Brien a déploré le fait que le Plan d’intervention humanitaire au Yémen ne soit financé qu’à hauteur de 33%, soit 688 millions de dollars sur 2,1 milliards.  Il a appelé les partenaires de l’ONU à concrétiser les engagements pris lors de la Conférence pour le Yémen organisée à Genève, en avril dernier.  Pour mettre fin spécifiquement à l’épidémie de choléra, a-t-il ajouté, nous avons besoin de 250 millions de dollars supplémentaires, dont 47 millions seulement ont été reçus à ce jour.

En dépit de la décision de la Banque mondiale d’allouer 866 millions de dollars pour aider les Yéménites, les fonctionnaires doivent être payés immédiatement, a-t-il déclaré, ajoutant que l’ONU ne peut pas se substituer à l’État yéménite et à ses fonctions.  Il faut aussi garantir la protection des infrastructures essentielles pour le peuple yéménite, a déclaré O’Brien, et veiller à ce que tous les ports et les routes restent ouverts aux activités humanitaires et commerciales.  De ce point de vue, a-t-il dit, rouvrir l’aéroport de Sanaa et faire en sorte que l’Arabie saoudite libère l’espace aérien constituent des priorités.

« L’humanité ne peut pas continuer à perdre face à la politique », a enfin déclaré M. O’Brien.  Il serait inhumain que les parties continuent à faire obstacle aux livraisons humanitaires et de carburant.  Le Conseil de sécurité, a-t-il dit, doit aussi jouer son rôle en matière de sécurité.  « Il faut que vous pesiez de tout votre poids sur les parties », a insisté M. O’Brien, rappelant que le sort d’environ 20 millions de personnes dépend des décisions de ce Conseil. 

« Le Yémen est confronté à la plus grande crise alimentaire au monde », a déclaré d’emblée M. JOSÉ GRAZIANO DA SILVA, Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), précisant que les derniers rapports font état de 17 millions de personnes touchées par l’insécurité alimentaire, soit les deux tiers de la population nationale.  Cela représente une augmentation de 20% par rapport à juin 2016, a noté le Directeur général, qui s’exprimait par visioconférence, avant d’ajouter que ces 17 millions de Yéménites représentent à eux seuls 16% des 108 millions de personnes les plus touchées par la faim dans le monde.  Sur ces 17 millions de personnes, a-t-il poursuivi, 7 millions sont sur le point de basculer dans la famine.  Il est donc très probable que des communautés entières traversent des périodes de famine, a-t-il regretté, à moins que nous ne leur apportions une aide humanitaire adaptée et protégions leurs moyens de subsistance.

Sur ce dernier point, le Directeur général de la FAO a précisé que la production agricole au Yémen avait chuté de 40% l’an dernier par rapport à son niveau préconflit, en raison notamment des faibles précipitations.  Cette année, a-t-il affirmé, les récoltes vont être encore plus faibles.  Les maigres perspectives de cet été s’expliquent aussi bien par le manque de pluie que par la dégradation des équipements causée par les combats, ainsi que par la pénurie générale des produits nécessaires aux cultures. 

Le manque d’accès à des services d’assainissement augmente par ailleurs le risque de maladie, non seulement pour les hommes, mais également pour les troupeaux, a aussi mis en garde M. Graziano da Silva, constatant l’effondrement total des services vétérinaires dans le pays.  Si nous n’aidons pas les habitants des zones rurales, soit 70% de la population du pays, a-t-il affirmé, nous ne pourrons pas envisager un avenir meilleur pour le Yémen.  « Nous sauvons des vies en sauvant les moyens de subsistance », a rappelé le Directeur général, appelant la communauté internationale à soutenir davantage les moyens de subsistance des Yéménites.

M. TEDROS ADHANOM GHEBREYESUS, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui s’exprimait par visioconférence depuis Genève, s’est concentré sur l’épidémie de choléra provoquée, a-t-il rappelé, « par le conflit, la destruction des services de santé et la faim ».  La destruction des services d’accès l’eau potable oblige les gens à consommer de l’eau contaminée, a expliqué M. Adhanom Ghebreyesus.  Le résultat?  Ce sont 300 000 cas suspects de choléra dans l’ensemble des 21 provinces et plus de 1 700 morts.

Le Directeur général de l’OMS a détaillé la réponse humanitaire, en précisant notamment que l’OMS et l’UNICEF appuient plus de 600 centres de réhydratation orale dans les districts les plus touchés et envisagent d’en ouvrir 500 autres.  Il a insisté sur le fait qu’une partie des professionnels de la santé avait fui le pays, mais que d’autres continuaient de travailler alors même qu’ils ne sont pas payés depuis près d’un an.  Il a également rappelé que la chaîne d’acheminement de l’aide était entravée par le manque de personnel, mais aussi de financement.

M. Adhanom Ghebreyesus a demandé au Conseil d’agir dans quatre domaines.  Il faut d’abord accélérer le processus politique pour mettre un terme au conflit immédiatement.  Dans les zones où il se poursuit, il faut protéger les infrastructures sanitaires et médicales, conformément au droit international humanitaire.  Les États doivent en outre respecter leurs engagements en matière d’aide et se montrer souples pour les décaissements.  Enfin, il faut fournir un appui financier au Yémen pour un relèvement à long terme du pays.  M. Adhanom Ghebreyesus a cité, à cet égard, comme modèle, le partenariat entre l’OMS, l’UNICEF et la Banque mondiale pour relever le secteur national de la santé.  Toutefois, sans paix, on ne mettra pas fin aux souffrances de la population, a averti en conclusion M. Adhanom Ghebreyesus.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a estimé que la situation au Yémen devait continuer de retenir toute l’attention du Conseil de sécurité et rappelé que ce dernier avait adopté, le 15 juin, une longue déclaration présidentielle, pour constater que, seulement deux jours plus tard, au moins 22 civils dont 6 enfants avaient été tués ou blessés dans une série de frappes aériennes sur des marchés non loin de la frontière avec l’Arabie saoudite.  Or, les rebelles yéménites n’ont pas de moyens aériens, a rappelé le représentant, qui en a déduit que l’attaque avait été effectuée « par d’autres forces de la région ».  Le moment est venu d’exiger des comptes à ceux qui perpétuent ces attaques barbares, et à ceux qui leur vendent des armes, a martelé M. Rosselli, qui a appelé le Conseil de sécurité à assumer sa responsabilité et à mettre en place des mécanismes internationaux d’enquêtes impartiaux et transparents.

Il n’y a pas de solution militaire au conflit yéménite, a affirmé le représentant, qui a ajouté que les parties devront bien, un jour ou l’autre, faire des compromis.  Mais le représentant a également dénoncé une autre victime du conflit: « notre sensibilité ».  On utilise des euphémismes comme « l’insécurité alimentaire » pour parler d’une absence totale de nourriture, s’est impatienté M. Rosselli face à des conflits où les femmes et les enfants sont toujours touchés de manière disproportionnée.

La situation au Yémen demeure critique, a déploré M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie), tout en se disant particulièrement préoccupé par les chiffres concernant les cas et les victimes de l’épidémie de choléra, qui dépassent largement les prévisions de l’an dernier.  Au total, a précisé le représentant, les victimes du choléra cette année sont plus nombreuses que dans le monde entier en 2015, une situation rendue possible par le manque d’accès aux services d’assainissement et le mauvais fonctionnement des hôpitaux et du personnel médical, qui ne peuvent compter sur les médicaments dont ils auraient besoin.

Le représentent a rappelé que le Yémen compte deux millions de déplacés, une population particulièrement vulnérable et exposée aux risques de maladies.  Pourtant, l’aide humanitaire continue de faire l’objet de restrictions par les parties au conflit, a déploré le délégué, jugeant particulièrement inacceptables les attaques aériennes qui continuent d’entraver les livraisons humanitaires.

Nous avons surtout parlé des conséquences du conflit, a poursuivi le représentant, mais il est important que le Conseil se penche sur ses causes.  « Il est important que les faits soient établis, que l’on sache qui se livre à des attaques aériennes et qui fournit des armes aux parties au conflit », a-t-il insisté.  « Malheureusement, c’est une guerre silencieuse.  Au-delà de ces murs et du bâtiment de l’ONU; c’est une guerre inconnue », a-t-il dénoncé, ajoutant que ce manque de visibilité auprès de l’opinion publique nuit fortement au règlement du conflit.  Il a voulu que l’on communique davantage sur le conflit yéménite pour débloquer la situation et éviter que la prochaine réunion du Conseil ne soit l’occasion de dresser une nouvelle fois le constat d’une dégradation de la situation humanitaire sur le terrain.

M. OLOF SKOOG (Suède) a rendu hommage à tous les agents humanitaires présents sur le terrain au Yémen, qui apportent une aide vitale dans des conditions très difficiles.  Nous savons tous que la solution politique est la seule possible pour mettre fin à ce conflit, a ajouté le représentant, qui a apporté son plein appui au travail de l’Envoyé spécial visant à trouver une telle solution en vue d’un cessez-le-feu durable.  Il est temps que les parties belligérantes reprennent de bonne foi les pourparlers de paix, a-t-il estimé.

La situation humanitaire s’est encore dégradée durant les six dernières semaines, mais c’est une tragédie causée par l’homme, a fait observer le représentant, qui s’est dit horrifié par la rapidité avec laquelle se propage l’épidémie de choléra dans l’ensemble du pays, à raison de « 15 000 à 20 000 cas nouveaux par jour ».  Nous savons que le Yémen est au bord de la famine et que c’est la pire crise alimentaire au monde, a poursuivi le représentant, qui a demandé aux bailleurs de fonds d’honorer les promesses faites lors de la Conférence pour le Yémen organisée à Genève le 15 avril par la Suisse et la Suède.  Il faut même aller au-delà de ce qui a été promis et obtenir un accès humanitaire sans entrave dans l’ensemble du pays, a poursuivi le représentant.  Il est essentiel, s’est-il expliqué, que tous les ports du Yémen, y compris Hodeïda, redeviennent opérationnels. 

M. KHALED HUSSEIN MOHAMED ALYEMANY (Yémen) a déclaré que son pays était dans une situation tragique « deux ans après le coup d’État sanglant mené par les milices houthistes avec l’appui de l’ancien Président Ali Abdullah Saleh et de l’Iran ».  Selon le représentant, la situation se complique notamment dans les régions contrôlées par les auteurs de ce coup.  Il a accusé les milices houthistes de continuer de rejeter toute coopération et de soumettre la population à un odieux chantage, en espérant que la communauté internationale poussera en faveur d’une solution qui leur permettra de trouver un compromis favorable.

Le représentant a demandé que soient pleinement appliquées les résolutions du Conseil de sécurité, que le Gouvernement yéménite appuie d’ailleurs pleinement.  Le Gouvernement est toujours disposé à faire les concessions nécessaires, aussi difficiles soient-elles, pour parvenir à la paix.  « La guerre, c’est le choix des idiots, la paix, c’est le choix des braves », a-t-il lancé, avant de rappeler l’appui que son gouvernement a apporté aux propositions présentées par l’Envoyé spécial.  Ce qui inclut, a-t-il précisé, le retrait des milices de la province d’Hodeïda et la formation d’un comité technique financier pour trouver les moyens de payer les fonctionnaires dans les districts contrôlés par les « auteurs du coup d’État ».

La « coalition houthiste-Saleh » a rejeté ces propositions, a dénoncé le représentant, qui a répété que son gouvernement cherche une paix durable.  « Cette guerre n’a jamais été notre choix, elle nous a été imposée », a-t-il répété, et ce, malgré toutes les concessions faites par le président légitime.  Pourtant, le Gouvernement continuera de tendre la main afin de parvenir à une « paix juste qui ne souffre aucun chantage et qui ne récompense pas les rebelles et les gangs ».

Sur le plan humanitaire, le représentant a dit attendre avec impatience la visite dans les prochains jours des chefs de l’UNICEF et du Programme alimentaire mondial (PAM).  Il a attribué aux milices houthistes la mort des femmes et des enfants lors du « pilonnage aveugle » des hôpitaux et d’autres infrastructures civiles.  Il a également accusé ces milices de poursuivre le recrutement forcé d’enfants soldats, entre autres exactions.

Le Yémen accorde une grande importance à la mobilisation de l’aide internationale pour faire face à l’épidémie de choléra dans toutes les régions du pays, épidémie à laquelle il ne peut faire face seul, a encore déclaré le représentant.  Regrettant que l’Appel humanitaire de 2017 ne soit financé qu’à 33%, il a appelé la communauté internationale à faire plus et les pays qui ont annoncé des contributions lors de la Conférence de Genève à débloquer rapidement les fonds promis. 

En conclusion, le représentant a souligné qu’il fallait, pour espérer une solution durable, que la communauté internationale fasse pression sur les milices houthistes.  Il a longuement remercié les pays arabes de la Coalition qui soutiennent son gouvernement.

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