7927e séance – matin
CS/12799

Libye: en l’absence d’un « plan B », le Représentant spécial appelle les parties à « retrouver l’esprit de Skhirat »

Face à la récente flambée de violence en Libye, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le pays, M. Martin Kobler, a appelé ce matin les parties, devant le Conseil de sécurité, à « retrouver l’esprit de Skhirat », en référence à l’Accord politique libyen conclu en 2015 dans cette ville marocaine, sous peine d’entériner le vide politique actuel. 

Tout en reconnaissant les imperfections du texte actuel, M. Kobler a exhorté les parties à s’accorder sur un processus visant à amender l’Accord par le dialogue, car, a-t-il affirmé, « il n’y a pas de plan B ».

Sans nier l’importance d’une relance du processus politique entamé il y a plus d’un an à Skhirat, le représentant de la Libye a appelé le Conseil à lever l’embargo sur les armes qui touche actuellement son pays, estimant qu’une telle mesure permettrait à l’armée nationale de lutter plus efficacement contre le terrorisme et les factions armées. 

À l’entame de son intervention, M. Kobler, qui présentait le rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL)*, a rappelé que la majorité des Libyens et de la communauté internationale continuaient d’appuyer l’Accord politique.  Certes, a-t-il dit, ce texte n’est pas parfait, « mais il n’y a pas de plan B et nous n’avons pas non plus besoin d’un plan B ». 

Constatant toutefois l’escalade de la violence en Libye, y compris dans le sud du pays, le Représentant spécial s’est inquiété de ce que le vide politique actuel n’entrave les efforts déployés pour créer une force de sécurité unie, au profit de Daech.  Il a ainsi appelé tous les acteurs libyens à retourner à la table des négociations et à « retrouver l’esprit de Skhirat », quitte à définir une procédure formelle afin d’amender le texte. 

Dans cette perspective, le représentant de l’Égypte a estimé que l’amendement des dispositions de l’Accord relatives au commandement suprême des forces armées devait être une priorité, l’armée nationale étant selon lui la mieux placée pour venir à bout des groupes terroristes.  Il a ainsi appelé toutes les parties à faire preuve de volontarisme pour nommer les 30 membres amenés à siéger au sein du comité chargé d’amender le texte. 

Le moyen le plus efficace de renforcer l’armée pour venir à bout de Daech, a toutefois estimé le représentant libyen, serait que le Conseil lève l’embargo sur les armes imposé à son pays.  Une armée nationale plus forte, a-t-il ajouté, permettrait également de faire face aux différentes factions armées qui menacent de plonger à nouveau le pays dans la guerre civile.

Tout en estimant qu’une levée de l’embargo dans le contexte actuel serait prématurée, la plupart des membres du Conseil se sont joints au délégué libyen pour dénoncer les factions armées qui refusent de s’engager en faveur de l’Accord et tentent de prendre le contrôle des ressources pétrolières par les armes.

Le délégué italien a notamment rappelé l’importance de faire en sorte que ces ressources restent sous le contrôle des autorités du pays, par l’intermédiaire de la compagnie pétrolière nationale.  Dans cette lignée, le délégué de la Bolivie a insisté pour que les bénéfices tirés des ressources pétrolières du pays bénéficient à tous les Libyens et uniquement aux Libyens.

C’est d’autant plus important, a souligné la représentante des États-Unis, que les ressources pétrolières libyennes peuvent financer le rétablissement des services publics.  Aussi a-t-elle estimé que l’ONU et les organisations régionales devaient aider le pays à gérer ces ressources et à lutter contre la contrebande pétrolière.

Faute de quoi, a-t-elle ajouté, la situation actuelle risque de bénéficier aux organisations terroristes sévissant sur le territoire libyen, une crainte relayée par son homologue russe, selon qui des combattants de Daech auraient trouvé refuge dans les vallées désertiques du sud-ouest de Syrte et des cellules dormantes seraient réparties sur tout le territoire.

Le représentant de la France a par conséquent estimé qu’un engagement accru de la communauté internationale était indispensable et urgent, afin de trouver une solution politique au conflit dans la logique de l’Accord de Skhirat, à savoir l’entente entre les forces politiques libyennes, à l’exclusion des terroristes. 

Dans cette perspective, il a encouragé le dialogue entre le Conseil de la présidence, le Parlement de Tobrouk et le Conseil d’État, afin que chacun trouve sa place dans la nouvelle répartition des pouvoirs en Libye.

* S/2017/283

LA SITUATION EN LIBYE

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (S/2017/283)

Déclarations

M. MARTIN KOBLER, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a souligné la nécessité de forger de toute urgence une unité nationale au sein de la Libye, pays dont il a rappelé les profondes divisions, jusqu’à la signature l’an dernier de l’Accord politique libyen de Skhirat, au Maroc. 

M. Kobler a indiqué que la majorité des Libyens et de la communauté internationale continuaient d’appuyer cet accord politique.  Certes, a-t-il dit, l’Accord n’est pas parfait et peut être amendé, « mais il n’y a pas de plan B et nous n’avons pas non plus besoin d’un plan B ».  

Le Représentant spécial a, par ailleurs, affirmé qu’il existait de nombreux signes positifs concernant l’évolution de la situation dans le pays, notamment les avancées récentes dans la lutte contre le terrorisme et l’amélioration de la situation sécuritaire à Tripoli.  Sur le plan économique, les salaires libyens sont à la hausse et la production de pétrole a augmenté, a-t-il salué, faisant état des progrès réalisés par la société pétrolière nationale.

« L’optimisme de Skhirat a toutefois diminué », a reconnu M. Kobler, ajoutant que l’horizon politique établi par l’Accord est devenu « plus flou », ce qui contribue à un vide politique dangereux dans le pays.  Le Représentant spécial a notamment pointé du doigt la criminalité rampante, qui demeure monnaie courante dans tout le pays, la division des institutions et l’absence de garantie des services publics pour la population.  Le produit intérieur brut (PIB) du pays, a-t-il ajouté, n’a cessé de diminuer depuis 2012, sans parler de la persistance de l’économie parallèle et des activités illégales. 

M. Kobler a regretté que le vide politique actuel n’entrave les efforts déployés pour créer une force de sécurité unie, au point que certains acteurs envisagent un retour à une solution militaire.  « La concurrence pour le contrôle des ressources nationales risque d’engendrer de nouvelles violences », s’est-il inquiété. 

M. Kobler a par conséquent estimé que le moment était venu de retourner à la table des négociations et de « retrouver l’esprit de Skhirat ».  Pour cela, a-t-il dit, le pays a besoin d’un soutien international sans faille, et pas uniquement sur le plan institutionnel.  Il a ainsi défendu la création de partenariats avec la société libyenne.

Le Représentant spécial a en outre appelé l’ensemble des acteurs politiques à s’accorder sur un processus juste pour amender l’Accord politique.  En second lieu, il a appelé à mettre immédiatement un terme à la violence, y compris dans le sud du pays, ainsi qu’à établir un dispositif sécuritaire unifié et des mesures de confiance.  De ce point de vue, a-t-il estimé, le comité chargé de superviser le cessez-le-feu à Tripoli est un excellent point de départ.  

M. Kobler a en outre appelé à améliorer la coopération entre le Conseil de la présidence et l’ensemble des acteurs économiques.  La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), dont il est le Chef, doit les aider à y parvenir, a-t-il estimé.  

Enfin, le Représentant spécial a appelé la communauté internationale, y compris les Nations Unies, les organisations régionales et les États voisins, à ne pas seulement réagir après coup, mais à devancer les problèmes libyens.

M. OLOF SKOOG (Suède), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a indiqué que son intervention portait sur la période allant du 7 décembre 2016 au 19 avril 2017.  Il a expliqué que le Comité avait examiné une requête d’exemption de l’embargo sur les armes soumise par les Pays-Bas conformément au paragraphe 9 c) de la résolution 1970 (2011).  Le Comité a aussi reçu deux notifications de la part de la MANUL et de Malte.  Il a aussi répondu à des requêtes de directives de la part de la Tunisie, de la Turquie et de la Grèce.

S’agissant du gel des avoirs, il a souligné que le Comité n’avait pas encore pu statuer au sujet d’une demande d’exemption soumise par la Suisse au sujet des avoirs de la Libya Africa Investment Portfolio (LAIP).  Il a indiqué que le Comité n’avait pas eu d’objection au sujet d’une demande d’exemption soumise par le Royaume-Uni en relation avec l’entité susmentionnée.

Il a aussi mentionné une demande d’exemption formulée par le Canada au sujet des avoirs d’un individu en expliquant que le Comité attendait plus de précisions pour pouvoir se prononcer. 

Pour ce qui est de l’interdiction de voyage, il a précisé que le Comité avait approuvé une levée d’interdiction de voyager jusqu’au 23 août 2017 pour permettre à une personne de suivre un traitement médical en Égypte.

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est inquiété de la détérioration de la situation sécuritaire avec une augmentation des heurts dans le sud du pays.  Il a dit que les structures militaires et de sécurité devaient être sous contrôle civil, avant de distinguer les actes terroristes et des autres actes de violence. 

Il s’est félicité des progrès de la lutte antiterroriste menée par la Libye, des forces alliées au Conseil de la présidence qui ont pris le contrôle du dernier bastion de Daech à Syrte.  Néanmoins, il s’est inquiété du fait qu’un vide politique offre des espaces aux réseaux terroristes et criminels.

Mettant l’accent sur les liens entre vulnérabilité économique et vulnérabilité politique et sécuritaire, le représentant du Royaume-Uni a jugé essentiel que les ressources pétrolières de la Libye bénéficient à la construction de l’État, au service de la population et de sa prospérité.  Il a appelé à des investissements pour favoriser les exportations pétrolières.  « La Libye a besoin de progresser rapidement sur la voie de la réconciliation nationale », a insisté le représentant, avant d’appeler tous les acteurs à privilégier le dialogue dans l’esprit de l’Accord politique.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a rappelé les efforts déployés par son pays pour aider les Libyens à parvenir à un accord politique durable.  « Nous souhaitions rapprocher nos frères et sœurs libyens », a-t-il dit.  À ce titre, il a souligné l’importance de la formation d’un comité chargé d’amender l’Accord politique libyen de Skhirat, notamment dans la perspective d’amender ses dispositions relatives au commandement suprême des forces armées nationales.  Il a ainsi appelé toutes les parties libyennes à faire preuve d’un volontarisme politique à la hauteur, et ce, dans le but de nommer les 30 membres amenés à siéger au sein du comité.

Le délégué égyptien s’est inquiété du fait que certains acteurs continuaient de saper les efforts de paix dans le pays, notamment des éléments extrémistes qui s’en prennent aux installations pétrolières actuellement sous le contrôle de la société pétrolière nationale libyenne.  Le représentant a ainsi appelé le Conseil de sécurité à empêcher ces acteurs de parvenir à leur fin.

Par ailleurs, le délégué égyptien a souligné que l’armée nationale, placée sous le control de représentants civils élus, devait être au centre du dispositif sécuritaire du pays, car, a-t-il estimé, elle est la mieux placée pour venir à bout des groupes terroristes dans le pays, y compris Daech.  Il a par conséquent appelé la communauté internationale et le Conseil à tout faire pour la soutenir.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a regretté que depuis plusieurs semaines, les combats entre des groupes armés libyens, qui se battent entre eux au lieu de s’unir contre le terrorisme, confirment la tentation dangereuse du recours à la solution militaire.  Il a fustigé ces « coups de force » qui ne mènent qu’à l’impasse politique et au chaos sécuritaire, créant un terreau fertile pour la résurgence du terrorisme.  « Des offensives armées inconsidérées, comme celle menée tout récemment à Sebha, dans le sud de la Libye, ne font que mettre le feu aux poudres, mettant en danger le processus politique », a dit le représentant de la France. 

Il a dit qu’il était de la responsabilité de la communauté internationale de signifier de toute urgence aux parties libyennes que l’escalade devait cesser immédiatement pour laisser place au dialogue et à la réconciliation nationale.  À cet égard, il a salué les efforts de l’Algérie, de l’Égypte et de la Tunisie dans ce domaine.

Sur le plan politique, il s’est félicité qu’un consensus se dessine pour que des éléments de l’Accord soient amendés afin de rendre les institutions plus efficaces et plus représentatives.  Néanmoins, il a regretté que le Gouvernement d’entente nationale, fruit de l’Accord de Skhirat, soit régulièrement mis en difficulté, avant de dénoncer les actions visant à porter atteinte aux institutions issues de Skhirat, qui diminuent les chances de sortir de l’impasse politique.  

Il a appuyé l’action de l’ONU pour assurer la médiation entre les Libyens et la coordination de toutes les initiatives régionales et internationales et salué l’intégration de l’Union européenne dans la Troïka, devenue le « Quartet ».

Enfin sur le volet économique, il a appelé à la plus grande vigilance tout en notant que des progrès avaient été accomplis, avec l’adoption du budget 2017 par le Gouvernement d’entente nationale.  Il a noté que la compagnie nationale pétrolière, la NOC, seul acteur reconnu, était menacée dans son exploitation pleine et entière du pétrole sous le contrôle du Gouvernement d’entente nationale, et tiraillée entre les différents pôles du pouvoir.  Il a dit que l’argent du pétrole devait aller à la construction de l’État, au service de la population et de sa prospérité, non au financement d’une économie de guerre et des trafics en tout genre.

En conclusion, le représentant de la France a estimé qu’un engagement réaffirmé de la communauté internationale était indispensable et urgent autour de trois axes complémentaires.  S’agissant du premier axe, il a jugé que la solution au conflit libyen ne pouvait être que politique et a rappelé que la logique de l’Accord de Skhirat était celle de l’entente entre les forces politiques libyennes, à l’exclusion des terroristes, autour d’un nouveau modèle de répartition du pouvoir.  C’est pourquoi, il a appuyé la révision concertée de l’Accord politique libyen sous l’égide des Nations Unies.  Il a encouragé le dialogue entre le Conseil de la présidence, le Parlement de Tobrouk et le Conseil d’État afin que chacun trouve sa place.

Pour ce qui est du deuxième axe, il a dit qu’il revenait au Conseil de sécurité de veiller au maintien, au respect effectif et au renforcement des mécanismes d’action du Conseil relatifs à l’embargo sur les armes que nous avons mis en place, et à la lutte contre les exportations illicites de pétrole.  Enfin, troisième axe, le Conseil de sécurité des Nations Unies doit mettre toute son autorité dans la balance pour encourager les Libyens à s’entendre.

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a rappelé que le Conseil de la présidence et le Gouvernement d’entente nationale demeuraient les seuls institutions dirigeantes légitimes en Libye.  Il a également souligné l’importance d’appuyer l’Accord politique libyen en vue de faciliter sa mise en œuvre.  Cet appui, a-t-il estimé, doit s’accompagner par le renforcement de la coopération entre le Conseil de la présidence et l’ensemble des institutions en Libye. 

« Il n’existe pas de solution militaire en Libye », a par ailleurs affirmé le représentant, appelant à renforcer la lutte contre le terrorisme dans le pays et à mettre fin à la flambée de violence dans le sud du territoire libyen.

Le représentant a par ailleurs fait état des efforts déployés par son pays pour venir en aide aux victimes de la lutte contre le terrorisme dans l’est du pays et souligné la volonté de l’Italie de renforcer sa présence dans cette zone.  Il a en outre rappelé l’importance stratégique du sud libyen pour la résolution du conflit, soulignant les efforts déployés par l’Italie pour unifier les différentes tribus présentes dans cette zone. 

S’agissant des ressources pétrolières, le délégué italien a réaffirmé qu’elles devaient impérativement être placées sous le contrôle des autorités du pays, notamment par l’intermédiaire de la compagnie pétrolière nationale.

Le représentant s’est enfin dit préoccupé par la situation des migrants partant de Libye afin de gagner les côtes européennes par la mer Méditerranée.  Il a estimé que davantage d’efforts concertés étaient nécessaires pour leur venir en aide ainsi que pour s’attaquer aux trafiquants de migrants et à la traite. 

« Plus d’un an après la signature de l’Accord politique libyen et après des mois d’impasse politique », M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a regretté l’absence de progrès politiques.  Il a dit qu’il fallait reconnaître que le pouvoir du Conseil de la présidence dépassait à peine les murs qui l’abritent à Tripoli.

Il a ajouté que le Gouvernement d’entente nationale était davantage soutenu par la communauté internationale que par les Libyens.  Dans ce contexte, il a jugé urgent de redoubler d’efforts pour parvenir à une vaste réconciliation nationale en tenant compte des attentes de toutes les parties concernées.

Il s’est inquiété de la détérioration de la situation humanitaire en notant que plus d’un million de personnes avaient besoin d’aide en Libye.  Il a noté que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avait révélé l’existence d’un marché aux esclaves en Libye et s’est inquiété du sort des migrants d’Afrique subsaharienne qui essaient d’atteindre les côtes de la Méditerranée.  

Il a jugé important d’examiner avec soin le nouveau mandat de la Mission en application de la résolution 2323 (2016) du Conseil de sécurité en date du 13 décembre 2016.

M. KORO BESSHO (Japon) a déclaré que les conditions de sécurité s’étaient sensiblement dégradées en Libye depuis la signature, en décembre 2015, de l’Accord politique libyen.  Il a appelé à un processus dirigé par les Libyens sans exclusive pour parvenir à la paix, avant de souligner la nécessité pour la communauté internationale d’appuyer les parties prenantes libyennes. 

Le représentant du Japon s’est dit préoccupé aussi par la dégradation de la situation humanitaire et des droits de l’homme en Libye en notant que 1,3 million de personnes avaient besoin d’aide.  Il a dit que le Japon allait débloquer 1,4 million de dollars pour la stabilisation de la Libye. 

Il s’est félicité des mesures instaurées par la Banque centrale visant à résoudre la crise des liquidités qui permettront la mise en circulation de nouveaux billets et la possibilité, pour chaque famille, d’acheter 400 dollars par an au taux de change.

Constatant la fragilité de la situation sécuritaire en Libye, M. WU HAITAO (Chine) a salué toutes les parties libyennes pour leurs efforts déployés dans la mise en œuvre de l’Accord politique.  Le représentant chinois a ainsi estimé que la résolution de la crise libyenne passait nécessairement par un processus politique et l’instauration d’un dialogue, en vue de parvenir à une réconciliation nationale. 

En second lieu, le délégué a appelé l’ensemble des acteurs libyens à renoncer à la violence et à s’unir dans la lutte contre le terrorisme, au bénéfice de l’économie du pays.  Sur le plan international, le délégué a invité les organisations régionales, les États voisins et l’ONU, notamment par l’intermédiaire de la MANUL, à continuer de soutenir la paix dans le pays, tout en respectant son intégrité nationale.

M. OLOF SKOOG (Suède) a dit qu’il était particulièrement préoccupé par les récentes escalades militaires dans le sud de la Libye ainsi que par les violences récurrentes dans la capitale et les combats dans le Croissant pétrolier libyen. 

Il est impératif d’empêcher le développement de ces situations qui risquent de faire retomber tout le pays dans le conflit.  Les conséquences pourraient en être désastreuses pour le peuple libyen et pour la sécurité de toute la région.

Après avoir souligné les points du rapport du Secrétaire général sur la MANUL, le représentant a déclaré que les responsables des violations des droits de l’homme en Libye doivent rendre des comptes et que la décision de la Cour pénale internationale d’intensifier ses travaux dans le pays est plus pertinente que jamais.

Le vide sécuritaire a aussi des conséquences graves pour les nombreux réfugiés et migrants libyens.  « Nous sommes inquiets des rapports sur les détentions arbitraires et les conditions dangereuses dans les centres de détention des migrants », a indiqué le représentant pour qui « il n’y a pas de solution militaire au conflit ».

La seule façon viable passe par des négociations politiques conduites et appuyées par les Libyens sur la base de l’Accord politique libyen.  Le Conseil de sécurité et toute la communauté internationale ont la responsabilité de s’unir pour soutenir le Conseil de la présidence libyen et le Gouvernement d’entente nationale comme l’unique gouvernement légitime en vertu de la résolution 2259 (2015) et d’autres résolutions subséquentes.

Dans le même temps, « nous devrions être réceptifs à l’appel de toutes les parties à des modifications à l’Accord politique libyen pour assurer l’inclusion et dont la mise en œuvre devrait refléter tous les Libyens, femmes et hommes, et tout le pays, y compris le sud ».  Il appartient au peuple libyen de décider des détails de tout amendement.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a estimé que la situation était plus imprévisible que jamais en Libye.  Néanmoins, il s’est dit convaincu que l’impasse politique pouvait être réglée par le biais d’un compromis en ajoutant que le dialogue politique libyen devait rester le point de départ de tout dialogue.

En ce qui concerne la sécurité, le représentant de l’Ukraine a noté que les affrontements s’étaient intensifiés à Tripoli, que des combats avaient eu lieu dans la région du Croissant pétrolier et que les tensions s’étaient intensifiées dans la zone de Sabha.  Il a prévenu que tout retard dans la réconciliation ne ferait que multiplier des souffrances infligées au peuple libyen.  

Notant que l’instabilité faisait le lit des terroristes, il s’est inquiété qu’après une campagne de lutte antiterroriste, qui a permis aux forces alliées au Conseil de la présidence de prendre le contrôle du dernier bastion de Daech à Syrte, cette organisation restait encore active dans l’arrière-pays avec des cellules dormantes encore présentes dans les régions côtières de l’ouest ainsi qu’à Tripoli et dans ses environs.  

Le représentant de l’Ukraine s’est félicité de l’évaluation stratégique à l’échelle du système lancée en février 2017 qui permettra d’examiner le rôle de l’ONU en Libye et de définir les priorités et le dispositif opérationnel de la MANUL et de l’équipe de pays des Nations Unies pour toutes leurs activités à court et à long terme.

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a déploré la détérioration récente des conditions de sécurité en Libye et a réaffirmé l’importance de l’Accord politique pour parvenir à une paix durable dans le pays.  « L’appropriation par les Libyens de ce processus est incontournable », a-t-elle estimé, tout en soulignant également l’importance de l’appui de la communauté internationale à la mise en œuvre de l’Accord. 

Sur ce point, la représentante a salué la tenue de la Conférence des États voisins au Caire, le 21 janvier, et du Comité de haut niveau de l’Union africaine à Brazzaville, au Congo, afin de soutenir le processus de paix en Libye.  La représentante a enfin appelé la communauté internationale à renforcer l’action humanitaire en Libye pour venir en aide aux victimes de Daech.

M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a noté avec inquiétude que la crise ne semblait pas s’améliorer en Libye malgré tous les efforts déployés par la communauté internationale.  « Ce qui nous préoccupe, c’est le morcellement du pays et le morcellement de son système de gouvernance », a ajouté le représentant russe, avant de rappeler que la cause de cette crise était l’intervention militaire de 2011.

Tout en se félicitant de la reprise des villes de Syrte et de Benghazi de l’emprise de Daech et saluant le courage et la détermination des forces libyennes, le représentant russe s’est inquiété de l’absence d’une réelle structure de sécurité centralisée.  Il a exprimé sa crainte de voir qu’une partie des combattants de Daech aient trouvé refuge dans les vallées désertiques du sud-ouest de Syrte, alors que des cellules dormantes sont réparties dans tout le pays.

Face à ce constat, le représentant russe a dit qu’il n’y avait pas d’autre solution que de poursuivre les efforts concertés au niveau international sous l’égide de l’ONU pour aider les Libyens à surmonter leurs divisions.  « Nous attachons une importance à la consolidation des efforts internationaux avec la contribution de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes », a insisté le représentant, qui a appelé à ne pas marginaliser l’armée car elle peut constituer la base d’une future force unifiée.  

Dans le contexte actuel d’insécurité, le représentant russe a jugé prématuré d’envisager la levée totale ou partielle de l’embargo sur les armes et appelé toutes les parties prenantes à renoncer à toute tentative de recours à la force.  Il a fustigé les acteurs qui essaient de dresser les dirigeants de Tripoli contre ceux de Tobrouk.

« Notre priorité est, et a toujours été, de préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye, a insisté le représentant russe, avant d’appeler la communauté internationale à tout mettre en œuvre pour permettre la réconciliation nationale et à éviter la désintégration du pays.

Tout en se félicitant des efforts déployés par les acteurs internationaux et régionaux pour appuyer le processus politique en Libye, M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) s’est dit préoccupé par l’escalade de la violence dans le pays.  Il a rappelé que la transition politique était la seule solution à la crise actuelle. 

Par ailleurs, le représentant s’est dit préoccupé par la situation des déplacés internes en Libye, précisant que 240 000 personnes seraient actuellement déplacées à l’intérieur du pays en raison de la persistance des combats. 

En outre, a-t-il déploré, les migrants continuent d’être détenus de manière illégale à travers la Libye, notamment par des brigades armées, sans le moindre respect de leurs droits.  Le représentant a par conséquent appelé de manière urgente l’ensemble des acteurs armés à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à cesser toute exaction à l’encontre des civils.

Par ailleurs, le délégué bolivien a souligné que les engins explosifs improvisés demeurant sur les territoires repris à Daech étaient une menace grave pour les civils.  Il a appelé les institutions nationales à redoubler d’efforts pour les en débarrasser. 

Le délégué a salué les instituions libyennes pour le vote récent du budget national de l’année 2017.  Tout en réaffirmant le soutien de son pays envers la MANUL, le délégué a insisté sur la nécessité de renforcer l’État libyen et ses institutions.  Il a également insisté pour que les bénéfices tirés des ressources naturelles du pays, notamment le pétrole, bénéficient à tous les Libyens et uniquement aux Libyens.

M. GORGUI CISS (Sénégal) a dit qu’au vu de la détérioration de la situation humanitaire et des droits de l’homme en Libye, « nous rappelons à toutes les parties libyennes leur devoir de protection des civils et l’obligation qui leur incombe de respecter et d’appliquer les dispositions du droit international humanitaire et des droits de l’homme ».

Le représentant a ensuite souligné que l’impasse politique dans laquelle se trouve la Libye ne permettait pas de relancer efficacement l’économique du pays.  Saluant l’élaboration et l’exécution du budget de l’année en cours par le Conseil de la présidence et le Gouvernement d’entente nationale, il a appelé à une meilleure collaboration avec toutes les institutions financières libyennes afin de mieux faire face aux pénuries de fonds et de liquidités et de fournir plus de services aux populations.

Le représentant a regretté les récents combats dans le Croissant pétrolier et la capitale Tripoli.  « Je crains que les progrès réalisés dans le rétablissement de la production et des exportations de pétrole soient compromis », a-t-il ajouté. 

De même, « nous sommes inquiets par le fait que la Libye continue d’être une zone favorable pour les terroristes malgré la reprise des villes de Syrte et de Benghazi de l’emprise de Daech dont la présence en Libye montre l’urgence de mettre en place des institutions gouvernementales et des structures de sécurité unifiées et fortes dans tout le pays afin de pouvoir contenir cette menace ».

Cette nécessaire unification de toutes les forces militaires et de sécurité, sous l’autorité du Gouvernement d’entente nationale, reste l’un des principaux défis du Conseil de la présidence car la situation demeure précaire sur toute l’étendue du territoire libyen et les conséquences se ressentent tant au niveau national que régional.

Pour finir, a continué le représentant, qu’il s’agisse du sort des migrants en Libye, de la situation économique fragile du pays, des défis humanitaires ou sécuritaires, le Sénégal demeure convaincu de la nécessité d’aborder cette question dans le cadre global de la recherche d’une solution politique à la crise libyenne car il ne saurait y avoir de solution militaire à ce conflit.  Il a invité toutes les parties libyennes à œuvrer à surmonter leurs différends politiques par le dialogue.

Tout en se disant attaché à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de la Libye, M. BARLYBAY SADYKOV (Kazakhstan) a rappelé qu’il n’existait pas de solution militaire à la crise actuelle dans le pays.  À ce titre, il a salué les efforts de médiation en cours déployés par l’ONU et les organisations régionales. 

Toutefois, le représentant s’est dit extrêmement préoccupé par la flambée de violence actuelle, qui risquerait, a-t-il estimé, de bénéficier aux organisations terroristes.  Sur le plan économique, le représentant s’est dit en faveur du contrôle par le pays de ses ressources naturelles, dont les bénéfices doivent se traduire par une amélioration du sort des Libyens.

Le délégué kazakhe a en outre appelé à poursuivre la lutte contre la criminalité transnationale, la traite des migrants et le trafic d’êtres humains en Libye.  « Il faut agir de toute urgence », a-t-il estimé, ajoutant que la MANUL devait jouer un rôle majeur pour y parvenir. 

Le représentant a enfin appelé à envoyer un message clair à toutes les parties pour qu’elles mettent fin immédiatement à toutes les activités militaires.  À ce titre, il rappelé l’appui de son pays aux différentes mesures prises par le Conseil de sécurité pour limiter la violence en Libye, y compris l’embargo sur les armes.

Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) s’est inquiétée des activités des factions armées libyennes qui tentent à l’heure actuelle de prendre le contrôle des ressources pétrolières du pays, ainsi que du sort des milliers de migrants victimes des trafiquants, des milices et des conditions de traversée difficiles vers l’Europe. 

Certes, a-t-elle estimé, l’appui de la communauté internationale est primordial pour ramener la paix dans le pays.  Mais ce dernier ne pourra faire l’économie d’une réconciliation nationale politique impliquant toutes les parties libyennes.  « Le statu quo est intenable », a insisté la représentante.

Afin de mettre fin à la détérioration de la situation actuelle, la déléguée des États-Unis a réaffirmé son appui envers l’Accord politique libyen, qui demeure, selon elle, « la feuille de route de la transition du pays vers un État démocratique ».  La mise en œuvre de cet accord est donc essentielle pour garantir la paix et la sécurité, a-t-elle poursuivi, appelant les acteurs ne l’ayant pas encore fait à prendre part à ce processus, « et à le faire immédiatement ». 

Dénonçant les acteurs qui refusent de s’engager en faveur de l’Accord à des fins de déstabilisation, la représentante a condamné les actions des factions qui s’obstinent à poursuivre les combats.  Cette situation, a-t-elle mis en garde, ne fait que bénéficier aux organisations terroristes sévissant sur le territoire libyen.  La déléguée a par conséquent appelé à sécuriser le pays par la mise en place d’une force armée « unique et solide ». 

Les ressources pétrolières de la Libye peuvent en outre financer le rétablissement des services publics, a-t-elle poursuivi, estimant que l’ONU et les organisations régionales devaient aider le pays à gérer ces ressources au profit de l’ensemble de la population.  Dans cette perspective, la représentante a estimé que la contrebande pétrolière nuisait fortement aux Libyens et devait immédiatement cesser.  Elle a appelé la communauté internationale à agir en ce sens.

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a cité les divisions politiques et la dégradation des conditions de sécurité qui font planer de nombreuses menaces sur le pays et aggravent les souffrances de la population.  Il s’est dit persuadé que l’Accord politique libyen pourra être amendé avec les accords des acteurs et parties prenantes libyennes.  « Depuis la signature de l’Accord en 2015, le Gouvernement d’entente nationale continue de faire face à de nombreux problèmes », a-t-il expliqué.  

Il a cité des progrès accomplis avec l’adoption du budget 2017 par le Gouvernement d’entente nationale, dans le souci de répondre aux besoins des citoyens.  Il a fait état aussi des avancées dans la lutte contre l’immigration clandestine, la contrebande de produits pétroliers et la lutte antiterroriste.  Il a rendu hommage au sacrifice des soldats libyens qui ont permis la reprise des villes de Syrte et de Benghazi de l’emprise de Daech.

« Le Conseil de la présidence continue de faire des progrès dans la mise en place des institutions sécuritaires », a dit le représentant libyen, avant de citer la formation en cours de la Garde présidentielle.

Mais « pour que les forces libyennes puissent mieux lutter contre le terrorisme et faire face aux défis sécuritaires », le représentant libyen a demandé une levée de l’embargo sur les armes.  Il a appelé la Mission des Nations Unies à coopérer avec le Ministère des affaires étrangères lors de la rédaction du prochain rapport du Secrétaire général. 

Réagissant aux interventions, M. KOBLER, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a salué l’importance de celles-ci, qui, selon lui, envoient un signal clair aux parties prenantes en Libye.  Il s’est particulièrement inquiété de la circulation de 20 millions d’armes en Syrie pour une population de six millions d’habitants. 

M. Kobler a appelé à prendre conscience du défi migratoire qui va se présenter à la Libye d’ici à 2050 lorsque le continent africain aura 2,4 milliards d’habitants.

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