7925e séance – matin 
CS/12795

Conseil de sécurité: différences de vues sur le régime de sanctions contre l’Érythrée

Après avoir entendu, ce matin, l’exposé du Président du Comité des sanctions contre la Somalie et l’Érythrée créé en vertu des résolutions 751 (1992) et 1907 (2009), les membres du Conseil de sécurité, unis pour le maintien de ces sanctions contre le premier pays, « instrument clef de la lutte contre les Chabab », ont, en revanche, formulé des points de vue différents sur le régime imposé au second.

Dans son exposé, le Président du Comité des sanctions a indiqué que les Chabab constituaient toujours la principale menace à la paix en Somalie.  Un constat partagé par l’ensemble des délégations, qui ont souligné la capacité du groupe terroriste –« menace mortelle », selon le représentant de l’Éthiopie– à lancer des attaques asymétriques comme celles ayant endeuillé Mogadiscio les 9 et 10 avril 2017.

À l’instar du délégué du Sénégal, le Président du Comité s’est aussi dit préoccupé par l’implantation de Daech, notamment dans la montagne de Qandala, « même si aucun rapprochement idéologique entre les Chabab et Daech n’a été constaté ».  Le Comité des sanctions, a dit son président, s’efforce de déterminer l’origine et la destination des 25 000 pistolets à blanc découverts en janvier 2017 dans un navire dans le port de Kismayo.  Le Comité enquête également sur le rôle des Chabab dans les violations de l’interdiction de la vente du charbon de bois.

La déléguée des États-Unis a souligné l’importance de ces efforts afin de priver les Chabab de tout appui.  « L’embargo applicable en Somalie complique l’arrivée des armes et donc l’action des Chabab », s’est félicité le délégué du Royaume-Uni.  Ses homologues de l’Égypte et de l’Ukraine ont demandé une « application stricte » du régime de sanctions, et celui de la Fédération de Russie, son renforcement.  « La pratique consistant à lever partiellement l’embargo sur les armes au profit des forces somaliennes a fait ses preuves », a-t-il argué.

Une note dissonante est venue du représentant de la Bolivie qui a indiqué que les sanctions en Somalie, mais aussi en Érythrée, n’avaient pas permis de « progrès significatifs ».  S’appuyant sur la déclaration du Président du Comité, le délégué bolivien a indiqué qu’il n’existait aucune preuve d’un appui de l’Érythrée aux Chabab.  Partant du même constat, le délégué de l’Égypte a souligné que les sanctions devaient être utilisées « à titre exceptionnel, pour une durée limitée, et en vue de réaliser des objectifs précis ».  « Elles peuvent être levées si les critères mis en place par le Conseil sont remplis », a rappelé le représentant égyptien, tandis que pour son homologue chinois, les sanctions ne sauraient constituer « une fin en soi ».

Fort de ces appuis, le délégué de l’Érythrée a demandé la levée de ces mesures « injustes et contreproductives », en l’absence de « preuve d’une éventuelle mauvaise conduite de l’Érythrée en Somalie ». Il a également indiqué que la seconde justification des sanctions –« le refus tout aussi supposé de l’Érythrée de résoudre la crise avec Djibouti »- ne tenait plus.  La médiation du Qatar, s’est-il expliqué, a conduit à la libération de « tous » les prisonniers de guerre djiboutiens et « qu’on ne vienne pas nous demander de jouer aux devinettes et de dire où sont les personnes disparues, comme le fait Djibouti », s’est défendu le représentant érythréen, accusant certains pays de se cacher derrière des prétextes procéduraux pour maintenir les sanctions, comme la prétendue incapacité du Comité de se rendre en Érythrée, « alors qu’il y est allé deux fois ».

Ces arguments ont été balayés par les délégués de l’Éthiopie et de Djibouti, le premier affirmant que le Comité n’avait pas apporté de preuves « définitives » de l’absence de liens entre l’Érythrée et les Chabab, et le second mentionnant des informations « crédibles et vérifiables » sur l’appui du pays au groupe terroriste, sans oublier de fustiger « l’arrogance » et les « discours victimaires » d’Asmara. 

Plusieurs délégations, telles que celles de l’Ukraine, de la France et des États-Unis, ont continué de conditionner la levée des sanctions à une bonne coopération de l’Érythrée avec le Comité.  « Le déroulement de la visite du Comité en Érythrée permettra au Conseil de prendre une décision informée », a indiqué la représentante américaine, en invitant Asmara à se saisir de la chance que représente cette visite.

LA SITUATION EN SOMALIE

Exposé du Président du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) sur la Somalie et l’Érythrée

M. KAIRAT UMAROV, Président du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) sur la Somalie et l’Érythrée, a indiqué que son Comité avait reçu deux signalements s’agissant de l’embargo sur les armes en Somalie et travaillait sur les violations de cet embargo et les agissements des groupes armés en Somalie.  Le Comité a organisé deux consultations officieuses et a notamment entendu l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), a-t-il dit.  Il a affirmé que les Chabab constituaient toujours la principale menace à la paix en Somalie.  Il s’est dit en outre préoccupé par la présence de Daech dans la région.  Malgré l’éviction par les forces du Puntland de la faction Daech de Qandala en décembre 2016, le groupe maintient une forte présence dans la montagne environnante de Qandala.  Le Président a indiqué qu’aucun rapprochement idéologique entre les Chabab et Daech n’avait été constaté.

Il a salué la bonne coopération des responsables de l’administration provisoire de Djouba (IJA) et des experts en armes du Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée.  Il a mentionné la découverte en janvier 2017 par l’administration provisoire de Djouba de 25 000 pistolets à blanc dans un navire dans le port de Kismayo.  Le Groupe de contrôle s’efforce de déterminer l’origine et la destination de ces armes.  Le Président a noté l’engagement du Gouvernement somalien à éliminer toutes les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Le Groupe de contrôle, a encore dit le Président, reste préoccupé par la pêche non réglementée en Somalie.  S’agissant de l’interdiction de vente du charbon de bois, le Comité est en train d’évaluer le rôle des Chabab.  En ce qui concerne l’Érythrée, selon le dernier rapport remis par le Groupe de contrôle, il n’y a pas de preuves d’un appui de l’Érythrée aux Chabab.  Le Groupe a demandé des précisions sur le sort des disparus dans les heurts entre Djibouti et l’Érythrée.  Le Comité envisage une visite dans la région, a indiqué le Président.

Déclarations

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a estimé que l’embargo applicable en Somalie complique l’arrivée des armes et donc l’action des Chabab.  Il a annoncé que son pays organiserait, quatre ans après la précédente édition, une conférence Londres-Somalie coprésidée par le Secrétaire général de l’ONU et le Président de la Somalie.  Nous ne pouvons pas vaincre uniquement par des moyens militaires, s’est dit convaincu le représentant britannique, en rappelant que la stabilité politique et la croissance économique sont indispensables pour permettre au pays d’assurer son autonomie.  À cet égard, le régime de sanctions imposé par le Conseil de sécurité préserve également les ressources naturelles de la Somalie, en particulier son charbon de bois, au profit de ses habitants.  S’agissant de l’Érythrée, le délégué s’est félicité de la coopération renforcée de ce pays avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU.  Il a également souligné l’importance de la médiation du Qatar pour obtenir toutes les informations disponibles concernant les combattants djiboutiens portés disparus depuis les accrochages de juin 2008.  M. Rycroft a encouragé l’Érythrée à saisir la chance de coopérer avec le Conseil de sécurité.

M. ALEXIS LAMEK (France) a dit que la lutte contre les groupes terroristes en Somalie, les Chabab et Daech, demeure une priorité en Somalie, et qu’il fallait y associer davantage les forces somaliennes.  Il a salué l’action de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) depuis 2007, les efforts accomplis, le territoire gagné, et pris note de la volonté d’un retrait planifié et coordonné de la Mission.  Dans ce contexte, il a exhorté les autorités somaliennes à adopter rapidement une architecture nationale de sécurité reflétant la structure fédérale en Somalie.  Les forces armées et la police somaliennes doivent être aptes à assumer progressivement la lutte contre les Chabab, stabiliser les territoires repris et prendre le relais de l’AMISOM.  

Le représentant s’est inquiété des nombreuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire en Somalie et fustigé notamment celles commises par les Forces nationales de sécurité somaliennes et les forces internationales.  Notant que la lutte contre le terrorisme doit se faire dans le respect des droits de l’homme si elle veut s’appuyer sur un soutien de la population somalienne, M. Lamek a adhéré aux recommandations du Groupe de contrôle.  Face à la sécheresse qui menace des millions de vies, il a précisé que la France a mis en place une contribution volontaire additionnelle de 1,6 millions d’euros en soutien aux activités du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dont 1 million pour l’aide alimentaire. 

Pour ce qui est de l’Érythrée, le représentant a, tout en saluant l’absence apparente de soutien aux Chabab, exhorté l’Érythrée à coopérer davantage avec le Conseil de sécurité.  Il a invité le Groupe de contrôle à confirmer cette absence de soutien aux Chabab et estimé qu’une telle décision serait le signe d’une volonté manifeste de l’Érythrée de vouloir avancer et sortir du régime d’embargo qu’elle connaît depuis huit ans.  Rappelant que ce régime répond également à la question non résolue des prisonniers djiboutiens, le représentant s’est félicité de la libération de quatre militaires djiboutiens retenus en Érythrée depuis 2008.  Les autorités érythréennes ont tout à gagner à apporter toutes les clarifications afin de normaliser les relations avec Djibouti, a-t-il souligné.  Alors que ce 13 avril 2017 marque le quinzième anniversaire de la décision de la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie, le représentant a encouragé toute mesure qui permettra d’avancer sur la démarcation de la frontière dans le respect de la décision de 2002.

M. GORGUI CISS (Sénégal) a reconnu que les Chabab, par leur présence et leurs actions néfastes, restaient une menace en ce qu’ils continuaient d’occuper des parties du territoire et de perpétrer des attentats, « ce qui rend encore plus complexe la situation sécuritaire de la Somalie au lendemain d’un processus électoral ».  Il s’est dit également préoccupé par la menace que constitue l’implantation grandissante de l’État islamique dans la région.  « Nous sommes convaincus que seule la pleine coopération des États de la région, à travers les cadres et mécanismes régionaux établis à cet effet, peut permettre une réponse coordonnée, et donc durable, au problème des Chabab et autres groupes terroristes qui minent la région », a-t-il souligné.

En ce qui concerne l’embargo sur les armes, le représentant a salué la coopération des responsables de l’administration provisoire de Djouba (IJA), de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et des experts en armes du Groupe de contrôle.  S’agissant de l’interdiction de vente du charbon de bois, il a constaté avec satisfaction des progrès dans la mise en œuvre par les États Membres des mesures prises à ce sujet.  Cependant, a-t-il déploré, l’exploitation illicite du charbon de bois se poursuit, avec l’utilisation de différentes méthodes pour faciliter l’évasion, comme la falsification de la documentation douanière.  Il a relevé que si les Chabab ne sont plus impliqués dans ce commerce, ils continuent de percevoir des taxes sur la production et le transport.  Il a donc demandé à l’AMISOM de redoubler d’efforts afin d’aider le Gouvernement somalien à prévenir l’exportation de charbon de bois.

Par ailleurs, le représentant a invité de nouveau l’Érythrée à collaborer davantage avec le Groupe de contrôle aux fins de créer les conditions qui pourraient conduire à la levée des sanctions.

M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par le fait que les victimes des attentats terroristes en Somalie sont désormais le plus souvent des civils.  Aussi a-t-il salué l’arrivée imminente d’un nouveau contingent de soldats ougandais au sein de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).  Après avoir attiré l’attention sur la détérioration de la situation humanitaire dans le pays, le représentant s’est déclaré en faveur du renforcement du régime de sanctions applicables à la Somalie et à l’Érythrée, y compris en ce qui concerne le charbon de bois.  Il a estimé que cet embargo est un « instrument clef » pour empêcher l’aide aux Chabab, avant d’indiquer que la pratique consistant à lever partiellement l’embargo sur les armes au profit des forces somaliennes avait fait ses preuves.  La délégation russe a rappelé qu’elle avait, à maintes reprises, signalé « l’ingérence répétée d’Asmara » dans les affaires intérieures de l’Éthiopie.  Mais aucun régime de sanctions ne doit être « dogmatique », a-t-il convenu, en appelant à un examen fondé sur la situation sur le terrain.

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a indiqué, s’agissant de la Somalie, que les activités des Chabab et d’autres groupes terroristes représentaient toujours un obstacle à la paix et au rétablissement de l’autorité de l’État dans le pays.  Il a demandé une application stricte de l’embargo sur les armes en Somalie et des enquêtes approfondies sur les violations de cet embargo.  En ce qui concerne l’Érythrée, il a déclaré, dans le droit fil du rapport du Comité, qu’il n’y avait pas d’appui fourni par ce pays aux Chabab.  Les sanctions ne peuvent pas être une fin en soi, a-t-il dit.  Elles sont un moyen à utiliser « à titre exceptionnel, pour une durée limitée, et en vue de réaliser des objectifs précis ».  Elles doivent être adaptées et peuvent être levées si les critères mis en place par le Conseil sont remplis, a rappelé le représentant, en demandant une coopération accrue entre le Groupe de contrôle et l’Érythrée.  Il a souligné l’importance d’un règlement rapide des différends entre Djibouti et l’Érythrée s’agissant des disparus.  Enfin, il a appelé le Groupe de contrôle à faire montre de professionnalisme et d’impartialité et à compter en son sein une « présence africaine appropriée ».

M. WU HAITAO (Chine) a souhaité que les pays de la Corne de l’Afrique s’engagent dans un dialogue véritable pour régler leurs divergences.  Les sanctions, qui « ne sont pas une fin en soi », doivent être constamment ajustées en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain.  C’est la raison pour laquelle, a dit le représentant, nous souhaitons que le Groupe de contrôle s’acquitte scrupuleusement de son mandat et prépare son rapport en s’appuyant uniquement sur des éléments d’information fiables et crédibles.  La Chine, a-t-il ajouté, est prête à travailler auprès de la Somalie et de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).

M. OLOF SKOOG (Suède) a fait remarquer que l’Union européenne avait publié aujourd’hui une déclaration, 15 ans après la décision prise par la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie.  Il a jugé essentiel que l’Érythrée coopère de façon constructive avec le Groupe de contrôle.  Le représentant a reconnu que le renforcement du secteur sécuritaire était une priorité pour le Gouvernement somalien et que les Chabab restaient la principale menace.  Pour continuer de progresser, a-t-il recommandé, « l’engagement soutenu du Conseil de sécurité sera vital », le Groupe de contrôle étant un outil précieux.

Le représentant s’est dit très préoccupé par la situation humanitaire en Somalie et dans la région.  Pour répondre aux besoins de cinq millions de personnes qui souffrent déjà d’une pénurie alimentaire aiguë, il est essentiel de fournir un accès immédiat, sûr, sans entrave ni restriction aux secours.  À ce sujet, il a apprécié les rapports préparés par le Groupe de contrôle, y compris sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Il a également appelé à la vigilance en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles par les Chabab.

M. EDUARD FESKO (Ukraine) a indiqué que les Chabab restaient la principale menace en Somalie et appuyé la coopération entre la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et les forces somaliennes, à cet égard.  Il s’est félicité des dernières opérations des Forces de défense kényanes ayant conduit à l’élimination de 86 combattants de Chabab.  Il a demandé une bonne mise en œuvre du régime de sanctions en Somalie, afin de priver les groupes terroristes d’armes et de ressources financières.  Il s’est dit préoccupé par les nouvelles attaques perpétrées contre des navires commerciaux au large de la côte somalienne et par la possible résurgence de la piraterie dans le golfe d’Aden.  Il a invité le Groupe de contrôle à enquêter sur la pêche non réglementée et, s’agissant de l’Érythrée, il a pris bonne note de l’absence d’un appui de ce pays aux Chabab, tout en déplorant le caractère « succinct » du rapport.  Enfin, le délégué a invité le Gouvernement érythréen à améliorer sa coopération avec le Groupe de contrôle, ce qui constitue un préalable à toute levée des sanctions.

M. YASUHISA KAWAMURA (Japon) a déclaré que les défis sur la voie de la stabilisation de la Somalie sont nombreux, en particulier la nécessité de mener à bien la réforme du secteur de la sécurité face à la menace des Chabab.  Le régime de sanctions applicable à la Somalie et à l’Érythrée, qui comprend une exception pour le Gouvernement somalien, joue un rôle important à cet égard, a estimé le représentant.  Après avoir salué la prochaine tenue, en mai, à Londres, d’une conférence sur la Somalie, qui devrait favoriser la confiance mutuelle entre les pays de la Corne de l’Afrique, le représentant a attiré l’attention sur la gravité de la situation humanitaire en Somalie, qui a poussé Tokyo à contribuer, à hauteur de 13 millions de dollars, aux efforts de secours en cours.  Le délégué s’est ensuite déclaré préoccupé par les dernières informations faisant état d’une recrudescence des actes de piraterie et de pêche illicite dans le littoral somalien.  Il a, pour finir, émis l’espoir que les autorités de l’Érythrée accepteront de recevoir le Président du Groupe de contrôle.

M. LUIS BERMÚDEZ (Uruguay) a jugé urgent de renforcer le secteur de la sécurité en Somalie pour lutter efficacement contre la menace posée par les Chabab.  Le Gouvernement somalien et la communauté internationale doivent intensifier leur coopération à cet égard.  De même, le Gouvernement doit œuvrer de pair avec le Groupe de contrôle, notamment pour ce qui est d’enquêter sur les violations de l’embargo sur les armes. 

La crise humanitaire, la sécheresse et la faim en Somalie pourraient avoir des effets négatifs sur les récents progrès politiques, s’est inquiété le représentant.  Il a appuyé le plan opérationnel lancé par le Secrétaire général pour prévenir la famine avec une aide humanitaire accrue.  Il a également encouragé le Président somalien à lever tous les obstacles, notamment bureaucratiques, à la fourniture de l’aide alimentaire. 

M. Bermúdez a considéré que le Gouvernement somalien devait « mettre fin à l’impunité des crimes de violence sexuelle et sexiste ».  D’après le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a-t-il relevé, 98% des femmes et des filles somaliennes ont souffert de mutilations génitales, le pourcentage le plus élevé du monde, et les mariages d’enfants restent une pratique courante.  S’agissant de l’Érythrée, il a espéré que le prochain rapport du Groupe de contrôle apportera des éclaircissements pour pouvoir évaluer les sanctions imposées à ce pays.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a indiqué qu’il n’y avait pas de doute que les Chabab représentaient toujours une menace, ce groupe étant capable de mener des attaques asymétriques malgré la diminution de ses capacités.  Des liens éventuels avec Daech auraient de très graves conséquences pour la région, a-t-il dit, en demandant une enquête sur ces liens.  Il s’est dit conscient que la qualité du travail du Groupe de contrôle dépendait de la bonne coopération des pays de la région, y compris l’Éthiopie.  Il a jugé que la coopération de la Somalie et de l’Érythrée était également essentielle pour la bonne exécution des activités du Comité et du Groupe de contrôle.  Il a salué le fait que la Somalie ait présenté un rapport dans le cadre de la résolution 2317 (2016).

Le délégué a exhorté l’Érythrée à coopérer avec le Comité sur la base des résolutions pertinentes du Conseil.  L’Érythrée, a-t-il insisté, doit clarifier le sort des Djiboutiens disparus lors des affrontements de juin 2008.  Il a noté l’intention de la présidence du Comité de se rendre dans la région afin de mieux saisir la dynamique régionale, tout en espérant que cette visite se déroule selon les procédures habituelles.  Il a mis en garde contre toute concession qui serait faite avant la visite.  Grâce à son séjour sur le terrain, a-t-il pronostiqué, la présidence pourra mieux comprendre « l’arrogance » qui pose problème dans la région.  Il faut, a conseillé le délégué, dépasser « les postures victimaires » et régler la question de la démarcation des frontières.  Le délégué a prôné la prudence, s’agissant de la levée des sanctions contre l’Érythrée, compte tenu du fait que le Groupe de contrôle n’a apporté de preuves « définitives » de l’absence de liens entre ce pays et les Chabab et de la « menace mortelle » que ces derniers continuent de poser.

Estimant que la Somalie est à la croisée des chemins, M. INIGO LAMBERTINI (Italie) a appuyé les aspirations légitimes du pays à la reconstruction.  Le Conseil de sécurité, a-t-il dit, peut accompagner Mogadiscio sur cette voie en procédant à un allègement progressif des sanctions.  S’agissant de l’Érythrée, le représentant a rappelé que le Groupe de contrôle avait reconnu ne pas avoir trouvé de preuves d’un appui aux Chabab.  Il a encouragé l’Érythrée à pleinement coopérer avec le Conseil.

Après avoir salué les activités du Groupe de contrôle, M. RENÉ ERNESTO FERNÁNDEZ REVOLLO (Bolivie) a rappelé qu’en dépit de son ancienneté, le régime de sanctions applicables à la Somalie et à l’Érythrée n’avait pas permis de « progrès significatifs ».  Les sanctions ne doivent pas être une « fin en soi », a-t-il dit, en soulignant les progrès de la Somalie sur le plan politique.  Il a jugé important que se poursuivent les efforts en cours pour organiser des élections selon le principe « une personne, une voix » en 2020.  Il s’est dit préoccupé par la menace que font peser les Chabab, non seulement pour le pays mais aussi pour la région.  La présence de ses combattants a été confirmée par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), qui a indiqué qu’elle constitue un obstacle aux activités des organisations humanitaires, a relevé le représentant qui, s’agissant de l’Érythrée, s’est « félicité » de constater qu’il n’y a pas de preuves d’un appui d’Asmara aux Chabab, ce dont le Conseil doit maintenant prendre acte.  Le délégué a salué en conclusion la libération récente de quatre prisonniers de guerre djiboutiens, apportant son soutien à la médiation du Qatar pour régler les problèmes en suspens entre Djibouti et l’Érythrée.

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) s’est dite préoccupée par la menace que les Chabab continuent de poser et a plaidé pour une action forte afin de les vaincre.  Elle s’est félicitée des avancées politiques récentes en Somalie, avec notamment l’élection d’un nouveau président.  Elle a estimé que les sanctions en Somalie étaient un outil qui s’intégrait dans une stratégie globale de l’ONU visant à prévenir la violence.  Elle a demandé plus d’informations sur les notifications d’exemption à cet embargo et sur la découverte d’environ 25 000 pistolets à blanc dans un navire à Kismayo.  Les armes ne doivent pas tomber entre les mains des Chabab qui, par ailleurs, sont toujours dans le commerce illicite de charbon de bois.  La représentante a voulu davantage d’informations sur la construction d’une base navale par un État Membre en Érythrée, avant d’inviter cette dernière à coopérer pour régler son différend avec Djibouti, notamment sur la question des disparus.  La déléguée s’est demandé dans quelle mesure l’Érythrée était disposée à coopérer avec le Groupe de contrôle.  Il sera crucial à ce titre que le Comité, pendant sa visite prévue dans la région, puisse se rendre en Érythrée, a-t-elle dit.  Estimant que le bon déroulement de cette visite permettra au Conseil de prendre une « décision informée » sur le régime de sanctions contre l’Érythrée, la déléguée a appelé Asmara à se saisir de la chance que représente cette visite.

M. MOHAMED SIAD DOUALEH (Djibouti) a déclaré qu’il partageait l’évaluation du Président selon laquelle les Chabab posent une menace grave à la paix et à la sécurité en Somalie.  Ils ont multiplié les attaques et rejeté l’offre d’amnistie du Président Farmajo.  Le délégué a réitéré l’appel du Chef de la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) à une augmentation des troupes afin de permettre aux forces de l’AMISOM et à l’Armée nationale somalienne d’affaiblir de manière décisive, voire de vaincre les Chabab.

S’agissant de l’Érythrée, il s’est dit profondément troublé et préoccupé par un manque patent de coopération.  L’Érythrée, a-t-il accusé, a choisi délibérément de faire obstruction au travail du Groupe de contrôle et de refuser « avec arrogance » de l’autoriser à vérifier les faits.  Au lieu de coopérer ouvertement et de manière transparente, comme le demande le Conseil, l’Érythrée a préféré claquer la porte au nez du groupe d’experts et de lui interdire tout accès à l’information dont il a besoin pour déterminer si elle respecte ou non les résolutions du Conseil.

En d’autres termes, l’Érythrée recherche « cyniquement » à être récompensée pour son mépris des résolutions du Conseil.  De manière tout à fait évidente, elle refuse de coopérer, empêche les missions de collecter les informations et attend que le Conseil soit suffisamment frustré par l’échec de son action et suffisamment perturbé par l’impact de ses sanctions pour baisser les bras.  Pour défendre sa stratégie, l’Érythrée n’hésite pas à tenir « un discours victimaire » qui peut paraître attrayant pour ceux qui ne connaissent pas les faits, a prévenu le représentant.

Les faits sont pourtant là, a-t-il dit, pointant le doigt vers les nombreux rapports du Groupe de contrôle et vers celui de l’IGAD sur les menaces transnationales sur la région.  L’Érythrée, a affirmé le représentant, continue de soutenir les Chabab.  Mon pays, a-t-il indiqué, a donné des informations « crédibles et vérifiables » au Groupe de contrôle.  L’Érythrée, a-t-il poursuivi, doit aussi clarifier la situation des 13 prisonniers de guerre djiboutiens manquant à l’appel.  En outre, le Conseil de sécurité a estimé que le différend frontalier entre Djibouti et l’Érythrée est une menace à la paix et à la sécurité régionales.  Le Conseil, a insisté le représentant, a exhorté l’Érythrée à mettre en œuvre, de bonne foi, les dispositions de l’accord et à négocier avec Djibouti l’objectif ultime de parvenir à un accord définitif et contraignant sur le différend frontalier, conformément au droit international.

Djibouti s’est empressé de soumettre à l’Émir du Qatar une déclaration complète sur les faits pertinents et les principes juridiques applicables à cette question.  Mais, sept ans plus tard, a dénoncé le représentant, l’Érythrée continue de refuser de respecter les dispositions de l’accord, préférant plutôt abriter, former, équiper et fournir un soutien logistique aux groupes armés qui cherchent à renverser et à déstabiliser le Gouvernement de Djibouti.  Tout cela, s’est résigné le représentant, l’Érythrée le fait « sans une once de remords », en violation de ses obligations en vertu de l’Article 2 de la Charte des Nations Unies, du droit international coutumier et des résolutions du Conseil de sécurité.

M. AMANUEL GIORGIO (Érythrée) a précisé que l’exposé entendu aujourd’hui intervenait exactement 15 ans après la décision juridiquement contraignante rendue le 13 avril 2002 par la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie.  Il a regretté que 15 ans plus tard, l’Éthiopie continue d’occuper des territoires érythréens dont la ville de Badme, en violation de ses obligations et du droit international.  L’espoir d’une paix et d’une sécurité durables a été balayé et l’occasion de créer un front commun contre des défis communs, reporté indéfiniment.  Le Conseil, a poursuivi le représentant, ne peut ignorer l’échec et le refus d’une des parties à mettre en œuvre un accord qu’elle a elle-même signé, surtout lorsque cet accord a été garanti par l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne, les États-Unis et l’Algérie.  Le Conseil, qui est saisi de tous les autres conflits de la région, « évite soigneusement » celui qui oppose l’Éthiopie à l’Érythrée.  Il est temps, s’est impatienté le représentant, de mettre fin aux 15 ans d’inaction compte tenu des actes déstabilisateurs de l’occupation et de l’agression qui menacent la paix et la stabilité régionales.  Ce n’est pas seulement « moralement et juridiquement » inacceptable mais c’est aussi la preuve, de plus en plus évidente, que cette tension est intenable et qu’elle ouvre la voie à une escalade dangereuse. 

Le représentant a dénoncé l’impact négatif des sanctions imposées maintenant depuis huit ans, arguant que leur imposition n’a jamais été justifiée ni motivée par le désir véritable de promouvoir la paix et la sécurité régionales.  En conséquence, leur maintien ne peut être vu que comme une volonté de propager la crise dans une région qui souffre déjà d’un conflit.  Les deux justifications des sanctions étant l’appui supposé de l’Érythrée aux Chabab et son refus tout aussi supposé de résoudre la crise avec Djibouti, il est temps de les lever puisque le Groupe de contrôle n’a fourni aucune preuve d’une éventuelle mauvaise conduite de l’Érythrée en Somalie. 

Quant à Djibouti, nous soutenons, a dit le représentant, la médiation du Qatar qui a conduit à la libération de « tous » les prisonniers de guerre djiboutiens et qu’on ne vienne pas nous demander, a-t-il supplié, de jouer aux devinettes et de dire où sont les personnes disparues, comme le fait Djibouti.  La charge de la preuve revient à l’accusateur, a-t-il martelé, en professant la détermination de son pays à résoudre toutes les questions en suspens sous la médiation du Qatar. 

Ne pouvant trouver des preuves substantielles pour justifier le maintien des sanctions, certains pays, a accusé le représentant, se sont tournés vers des prétextes procéduraux, comme la prétendue incapacité du Groupe de contrôle de se rendre en Érythrée, alors qu’il y est allé deux fois, tenant des réunions et maintenant des contacts avec des responsables érythréens.  C’est de cette fois, a fait observer le représentant, que le Groupe de contrôle a pu confirmer le manque de soutien de l’Érythrée aux Chabab.  Dans ces conditions, l’Érythrée ne voit pas pourquoi le Groupe devrait revenir.  Non, a dit le représentant, mon pays est d’abord et avant tout préoccupé par la position des pays qui déclarent ouvertement que, visite en Érythrée ou pas, ils n’appuieront jamais la levée des sanctions.  Nous appelons le Conseil, a-t-il insisté, à lever ces sanctions « injustes et contreproductives » et à mettre fin à l’occupation « illégale » de l’Érythrée.

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