7864e séance – matin    
CS/12684

Mali: le Secrétaire général adjoint Hervé Ladsous exhorte les parties à axer leurs efforts sur une mise en œuvre rapide de l’Accord de paix

Dans le contexte de l’attentat-suicide commis ce matin contre le camp du Mécanisme opérationnel de coordination situé à Gao, dans le nord du Mali, le Conseil de sécurité a tenu une séance d’information en présence du Ministre des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la coopération internationale de ce pays qui a réaffirmé sa détermination à mettre en œuvre le processus de paix.  Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a transmis au Conseil de sécurité son sentiment d’urgence concernant l’état préoccupant de ce processus et annoncé l’organisation imminente d’une réunion de haut niveau de la médiation internationale.

Condamnant l’attentat de ce matin, M. Ladsous a estimé que c’est une « atteinte directe au processus de paix ».  Il a indiqué qu’un véhicule piégé avait explosé à l’intérieur du camp faisant, selon le premier bilan provisoire, une soixantaine de morts et plusieurs blessés.  Le Ministre malien des affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop, a indiqué que le Gouvernement décrétait un deuil national de trois jours.

Cet incident, selon M. Ladsous, souligne qu’une accélération de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali est la seule voie possible pour stabiliser le pays et réussir le processus de paix.  « Le temps joue contre nous », a-t-il prévenu, en estimant que le pays se trouvait à un moment charnière: depuis la signature de l’Accord de paix, plus de 18 mois de la période intérimaire se sont écoulés et, malgré quelques progrès, peu d’avancées significatives ont été enregistrées à ce jour.  L’application de l’Accord demeure hypothéquée par des désaccords persistants, le manque de confiance entre les parties signataires et la fragmentation des groupes armés.

Ces mêmes groupes ont soumis avec plus d’un an de retard les listes contenant leurs candidats pour le Mécanisme opérationnel de coordination, les autorités intérimaires ainsi que pour la Commission d’intégration et la Commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (CNDDR).  Depuis, chaque tentative de mettre en œuvre les patrouilles mixtes a échoué, principalement en raison des querelles entre les parties signataires sur les questions logistiques et financières, a-t-il précisé.

Ce n’est qu’après d’intenses négociations et grâce aux bons offices de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), de la médiation internationale et du Haut Représentant du Président pour la mise en œuvre de l’Accord de paix, a expliqué M. Ladsous, que les forces armées maliennes et les groupes armés sont enfin regroupés à Gao en vue de commencer les patrouilles mixtes si longtemps attendues.  Il a également indiqué que la rivalité entre les groupes armés sur la présidence des autorités intérimaires à Kidal a jusqu’à présent empêché leur mise en place.  En outre, les huit sites de cantonnement construits et équipés avec le soutien de la MINUSMA demeurent vides depuis octobre dernier.

Il s’est inquiété que les principales réformes institutionnelles et politiques requises pour étayer le processus de paix n’aient toujours pas été finalisées.  Il a souligné l’importance d’un dialogue inclusif et à long terme sur la restauration de l’autorité de l’État et les réformes institutionnelles.  La Mission a soutenu le Gouvernement malien dans la préparation des élections locales du 20 novembre qui se sont tenues dans 92% des communes mais malheureusement cela n’a pu se faire dans les régions de Kidal, Ménaka et Taoudénit, ainsi que dans certaines localités de Gao, Mopti et Tombouctou en raison d’incidents sécuritaires et d’entraves au vote, a indiqué M. Ladsous.

À la veille des élections régionales et d’un référendum constitutionnel au Mali cette année, il a insisté pour que toutes les parties prenantes trouvent un terrain d’entente et que le Gouvernement malien organise les scrutins dans un environnement ouvert et inclusif.  Il s’est réjoui, à ce propos, de la récente élection de nombreuses femmes qui constituent ainsi près de 30% des conseillers municipaux élus dans les régions de Tombouctou, Gao et Bamako.  Il s’est dit favorable à l’organisation de la Conférence d’entente nationale pour aborder les causes profondes de la crise.

M. Ladsous a prévenu que le phénomène terroriste prend des proportions de plus en plus inquiétantes au nord et au centre du Mali, mais également dans la sous-région.  Si le nombre d’attaques contre les Forces armées maliennes, la MINUSMA et les forces internationales a diminué au cours de ces trois derniers mois, il s’est toutefois inquiété de leur niveau de sophistication, notamment lors des attaques contre les capacités aériennes de la Mission et des forces internationales.

Soulignant l’importance de l’engagement des partenaires régionaux dans le processus de paix au Mali, il a indiqué que la Mission avait commencé à se concerter avec les attachés de défense des pays membre du G5 Sahel pour préparer le déploiement d’officiers de liaison de la région auprès de la MINUSMA.  Pour lui, seul le redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes vers le nord et le centre est une solution viable pour lutter contre le terrorisme.  Il a aussi jugé impératif de commencer un dialogue franc sur l’impact du trafic de drogue et d’autres crimes transnationaux sur la sécurité et le processus de paix.

M. Ladsous a alerté le Conseil de sécurité sur d’importantes lacunes de la MINUSMA en matière de capacités, notamment en aéronefs, véhicules blindés, de soutien logistique et de protection de ses forces, avant de demander aux États Membres de continuer à soutenir la Mission.

Pour le Secrétaire général adjoint, rétablir la confiance de la population malienne dans le processus de paix est primordial.  Or, la MINUSMA continue de recevoir des informations faisant état de graves violations des droits de l’homme commises par les groupes armés et des acteurs de l’État.  Notant aussi l’absence de services sociaux de base et l’insécurité alimentaire dont souffrent beaucoup de citoyens, il a regretté que la mise en œuvre de la stratégie de développement pour le Nord n’ait pas toujours pas commencé.  Il a ainsi présenté les indicateurs de progrès élaborés par le Gouvernement malien avec l’appui de la MINUSMA, qui figurent en annexe au rapport* du Secrétaire général de décembre 2016, tout en invitant les parties maliennes à les affiner davantage.

Le Secrétaire général adjoint a, en outre, demandé aux membres de la médiation internationale de redoubler d’efforts pour revitaliser les mécanismes de suivi de l’Accord de paix.  Il a indiqué avoir discuté avec le Ministre algérien des affaires étrangères de la nécessité d’une réunion de haut niveau de la médiation internationale, dont la tenue devrait avoir lieu dès que possible.  De plus, les parties signataires, la médiation internationale et les États Membres doivent définir et mettre en œuvre une vision commune de la manière de traiter avec les groupes dissidents.  Enfin, il a invité les membres du Conseil de sécurité à examiner la possibilité d’imposer des mesures ciblées contre tous ceux qui violent le cessez-le-feu et entravent délibérément le processus de paix.

Le représentant de l’Uruguay, le seul membre du Conseil de sécurité à prendre la parole au cours de la séance d’information, a invité le Conseil à bien évaluer les conséquences que de telles sanctions auraient sur le terrain.  Il a insisté sur la mise en œuvre de l’Accord de paix dont la tâche principale incombe aux parties, tandis que les acteurs internationaux n’apportent qu’un appui.  Les signataires de l’Accord de paix, a-t-il souligné, doivent respecter ses dispositions et le calendrier qu’ils ont accepté.  Le délégué a également mis l’accent sur la nécessité de renforcer l’autorité de l’État sur tout le territoire malien pour mieux faire face au terrorisme qui prend de l’ampleur dans la région. 

Tout en reconnaissant que le processus de paix est difficile et jalonné de beaucoup d’obstacles, le Ministre des affaires étrangères du Mali a réaffirmé l’engagement de son gouvernement à mettre en œuvre l’Accord de paix, une détermination qui ne peut, selon lui, faire aucun doute.  Il a partagé l’analyse du Secrétaire général selon lequel la sécurité reste précaire au centre et dans le nord du pays, faisant état des initiatives prises par le Gouvernement malien pour lutter contre les groupes terroristes.  Le Mali n’a ménagé aucun effort pour faire avancer le processus de paix, malgré un contexte très difficile, a-t-il assuré.  Le processus de révision de la Constitution est bien avancé et un référendum sera organisé pour l’approuver, a-t-il précisé.

Le Ministre a cité d’autres mesures prises en faveur du processus de paix, comme les élections communales tenues dans 644 communes, sur les 703 que compte le pays, avec un taux de participation de 52,51% en 2016, contre 51,39% en 2009 et 48,67% en 2004.

La Commission justice et réconciliation est déjà opérationnelle, a-t-il aussi indiqué, avant d’assurer que les autorités maliennes appliqueront les nouveaux indicateurs et repères.  En ce qui concerne la réforme de la sécurité, il a exprimé la détermination du Gouvernement de rendre opérationnelles les patrouilles mixtes, en regrettant les retards résultant de divers obstacles.  Il a aussi mentionné la fragmentation des groupes armés, qui multiplie le nombre d’interlocuteurs et entraîne un retard par rapport aux échéances fixées.

Le Gouvernement malien a poursuivi ses actions sur le terrain comme le Programme d’urgence pour le développement et le Programme de reconstruction et de relance économique, a-t-il ajouté, avant de citer la mise en place d’une stratégie de développement et d’un fonds pour la financer.

Le Président du Mali a décidé de faire de 2017 une année charnière pour la mise en œuvre du processus de paix et de l’Accord d’Alger, en annonçant des mesures importantes en ce sens.  Ainsi, les autorités intérimaires devraient être installées au cours du premier trimestre 2017 dans toutes les localités où elles ne l’ont pas encore été.  Cela permettra notamment de réinstaurer la fourniture des services de base.  En outre, une Conférence d’entente nationale se tiendra en mars 2017 pour créer les conditions d’un débat sur les causes profondes du conflit et pour établir une charte d’unité, de paix et de réconciliation nationale. 

Toutes ces mesures illustrent la détermination du Gouvernement malien de mettre en œuvre l’Accord d’Alger, a estimé le Ministre en appelant toutes les parties à faire preuve de bonne foi dans ce processus.  Il a souhaité que la communauté internationale joue son rôle de garant de la mise en œuvre de l’Accord.  Soulignant également que la résolution 2295 (2016) du Conseil de sécurité tarde à se matérialiser sur le terrain, il a demandé de doter la MINUSMA de moyens adéquats pour accompagner le Gouvernement du Mali dans le rétablissement progressif de son autorité sur la totalité du territoire national.  Il faut renforcer la coopération avec la MINUSMA sur le terrain et accélérer le processus de cantonnement et de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), a-t-il ajouté.

Sur la question des droits de l’homme, il a noté les 104 cas de violations dénombrés par le Secrétaire général dans son rapport et constaté une diminution de ces violations, ce qui se traduit par une amélioration sensible.  La grande majorité de ces cas sont commis par des groupes armés ou des groupes terroristes, a-t-il fait remarquer.  Sachant que, selon la MINUSMA, une dizaine de ces violations ont été imputées aux autorités maliennes, chaque cas a fait l’objet d’un examen approfondi pour qu’il n’y ait pas d’impunité.  Il s’est en outre prévalu de l’adoption d’une loi de protection des défenseurs des droits de l’homme.

Le Ministre a enfin mentionné plusieurs actions menées par le Gouvernement malien dans les régions affectées par la crise, et notamment la distribution d’une aide alimentaire aux populations ainsi qu’aux réfugiés maliens se trouvant au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie.  En outre, il a signalé la reconstruction des services administratifs, centres de santé et services hydrauliques dans plusieurs régions, ainsi que l’ouverture des écoles à Kidal.  Il s’est dit néanmoins inquiet de l’économie criminelle et de la présence de groupes armés et terroristes dans la région de Kidal, qui freinent l’acheminement de l’aide et des services de base.

Le représentant de l’Algérie, M. Sabri Boukadoum, a constaté, pour sa part, que les autorités maliennes, ainsi que toutes les parties à l’Accord de paix, ont réaffirmé leur engagement sans équivoque en faveur de la pleine mise en œuvre dudit Accord.  Il est de la plus haute importance, a-t-il souligné, que toutes les parties prenantes, y compris le Conseil de sécurité et le Secrétariat de l’ONU, continuent d’apporter leur soutien en toutes circonstances, en particulier en faveur du Comité de suivi de l’Accord.  M. Boukadoum a précisé que l’Algérie, qui préside le Comité, ferait rapport devant le Conseil de toutes les actions jugées nécessaires.

Il a exhorté la communauté internationale à continuer d’encourager les parties à honorer leurs engagements.  « Il est également crucial que tout malentendu ou lacune susceptible de se faire jour dans la mise en œuvre de l’Accord, ce qui arrive naturellement dans une situation complexe, ne soit pas utilisé comme prétexte à renoncer ou à menacer le processus en son entier », a-t-il déclaré.  Personne, a-t-il rappelé, n’a le droit de compromettre le processus par un « comportement injustifié » ou par « des remises en question sempiternelles » de ce qui a été auparavant pleinement agréé.  Il a salué l’acceptation par les autorités maliennes de désigner un haut représentant du Président malien pour mettre en œuvre l’Accord de paix, ainsi que la tenue prochaine d’une Conférence d’entente nationale.

La communauté internationale doit appuyer le processus de médiation, lequel pourrait servir de modèle pour d’autres situations de crise, a-t-il estimé. 

* S/2016/1137

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