7860e séance – matin  
CS/12678

Conseil de sécurité: le Chef des opérations de maintien de la paix souligne la nécéssité de « solutions à long terme » pour une paix durable au Darfour

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a préconisé, ce matin devant le Conseil de sécurité, des « solutions complètes à long terme » au Darfour, afin de permettre le retour volontaire des 2,6 millions de personnes déplacées et mettre fin aux violences intercommunautaires.

Malgré le calme relatif qui règne dans de nombreuses zones du Darfour, les griefs à l’origine du conflit sont toujours d’actualité, a estimé M. Ladsous, dans le droit fil du dernier rapport* du Secrétaire général sur l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) qu’il présentait ce matin.

M. Ladsous a entamé son intervention en indiquant que, depuis l’annonce faite par le Gouvernement soudanais sur sa victoire dans le Jebel Marra et la fin du conflit au Darfour en septembre dernier, deux affrontements ont eu lieu au dernier trimestre de l’année 2016 entre les forces soudanaises et l’Armée de libération du Soudan-faction Abdul Wahid (ALS-AW).

En raison des pertes infligées par l’offensive gouvernementale au cours de la première moitié de l’année 2016, de la défection de quelques-uns de ses commandants et de divisions internes croissantes, l’ALS-AW ne maintiendrait sa présence que dans des zones situées à l’est et au sud-est de Sarrong, a précisé M. Ladsous.  Toujours selon le Gouvernement soudanais, l’ALS-AW ne disposerait que d’environ 300 combattants acculés dans quelques portions du massif du Jebel Marra.

Si la violence intercommunautaire a connu une baisse relative par rapport aux années précédentes, grâce notamment aux efforts des gouverneurs des cinq États du Darfour, les tensions entre les communautés demeurent « récurrentes et vives » en raison de la persistance de différends anciens liés à l’accès à la terre, à l’eau et autres ressources, a averti le Secrétaire général adjoint.

De nombreux heurts entre agriculteurs et éleveurs ont ainsi été enregistrés dans l’État du Darfour méridional, occasionnant la mort de 71 personnes au cours du dernier trimestre 2016.  M. Ladsous a, par ailleurs, déclaré que la population civile continuait d’être exposée à des risques élevés de violence et de violations graves des droits humains sur l’ensemble du pays, d’autant que les armes circulent en abondance.

Quelque 97 000 personnes ont été déplacées en 2016 en raison des affrontements dans le Jebel Marra, tandis que les activités humanitaires demeurent entravées par l’insécurité et les retards ou refus d’autorisations de voyager, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  Dans ce contexte, la Mission a continué de protéger les civils par des patrouilles, en particulier dans le Darfour septentrional, et d’œuvrer à la prévention et l’atténuation des tensions communautaires.

Sur le front politique, le Secrétaire général adjoint a insisté sur le manque de progrès tangibles du processus de paix, malgré les initiatives des Présidents du Tchad et de l’Ouganda et du Vice-Premier Ministre du Qatar.  La base du processus et de futurs pourparlers politiques, à savoir un accord sur la cessation des hostilités et l’assistance humanitaire, n’est toujours pas à l’ordre du jour, a-t-il déploré.

Le Secrétaire général adjoint a expliqué que les divergences persistantes sur la divulgation des emplacements des mouvements armés, la libération des prisonniers et le rôle du Document de Doha pour la paix au Darfour dans les futures négociations empêchaient toujours la signature d’un tel accord.

M. Ladsous a ensuite détaillé les efforts internationaux pour aider les parties à surmonter leurs divergences, avant de rappeler l’annonce faite le 31 décembre 2016 par le Président soudanais sur la prorogation d’un mois du cessez-le-feu unilatéral au Darfour et dans les deux zones, dans les États du Nil bleu et du Kordofan méridional.

Le Président soudanais a également fait part de son intention de proroger plus avant le cessez-le-feu et de sa détermination à mettre en œuvre l’accord sur la feuille de route conclu sous l’égide de l’Union africaine, que le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) et l’Armée de libération du Soudan-faction Minni Minawi (ALS-MM) ont signé en août dernier.

Comme le rappelle le Secrétaire général dans son rapport précité, l’ALS-AW continue de refuser de participer aux négociations directes avec le Gouvernement.  M. Ladsous a ensuite mentionné les mesures prises par le Gouvernement soudanais pour mettre en œuvre le document, adopté à l’issue de la Conférence de dialogue national, qui établit une stratégie de réforme et jette les bases d’une nouvelle constitution.

Le 27 décembre, l’Assemblée nationale du Soudan a ainsi adopté des amendements constitutionnels qui prévoient notamment l’établissement d’un « Gouvernement de réconciliation nationale » et l’augmentation du nombre de sièges au sein de l’Assemblée pour une meilleure représentation des groupes d’opposition, a-t-il expliqué.

M. Ladsous a, toutefois, indiqué que les principaux groupes d’opposition ont rejeté ce processus, arguant de son caractère insuffisamment inclusif.  L’opposition estime également que la situation actuelle au Soudan n’est pas propice à la réconciliation nationale et à la conduite d’un processus politique libre, tel qu’envisagé par le dialogue national.

Le Secrétaire général adjoint s’est félicité du dédouanement des cargaisons à Port Soudan et de l’accélération de l’octroi de visas pour certains fonctionnaires de la Mission.  « J’espère que cet esprit de coopération sera maintenu », a-t-il dit.

M. Ladsous a enfin détaillé les discussions menées par l’ONU, l’Union africaine et le Gouvernement soudanais au sein du Groupe de travail conjoint créé par la résolution 2173 (2014) en vue d’une stratégie de désengagement de la Mission et qui s’est réuni à Khartoum en octobre et en novembre 2016.

Le Conseil était également saisi d’une lettre** du 28 octobre 2016 du Secrétaire général, contenant des recommandations sur l’avenir de la MINUAD.  Le Groupe de travail conjoint n’est pas parvenu à un consensus sur les modalités spécifiques d’une reconfiguration de la Mission à la lumière des changements qui se sont produits sur le terrain, a conclu le Secrétaire général adjoint.

« Compte tenu de l’amélioration de la situation au Darfour », le représentant du Soudan, M. Omer Dahab Fadl Mohamed, a plaidé en faveur du retrait graduel de la MINUAD, dont le maintien ne lui semble pas « logique ».  « La communauté internationale pourrait faire un meilleur usage des ressources que cette Mission mobilise », a-t-il poursuivi.  Selon lui, les représentants de l’ONU continueraient de s’opposer au retrait de la Mission des secteurs où sa présence ne serait plus nécessaire, en particulier le Darfour occidental. 

Le Département des opérations de maintien de la paix, a-t-il accusé, ne prend pas au sérieux la stratégie de retrait de la MINUAD, qui doit se faire sur la base de consultations avec le Soudan.  Le représentant s’est étonné que l’ONU continue d’assumer un tel « fardeau financier », comme si cette Mission était « une fin en soi », alors qu’elle coûterait 1,3 milliard de dollars par an.

Le représentant a également redemandé au Conseil de sécurité de faire pression sur les mouvements rebelles, « ou ce qu’il en reste », pour signer l’accord sur la feuille de route.  M. Mohamed a enfin souhaité qu’Abdul Wahid al-Nour, le dirigeant de l’ALS-AW, « qui refuse tout dialogue », soit inscrit sur la liste des individus visés par les sanctions.

Son homologue de l’Uruguay, M. Luis Bermúdez, a regretté que les mesures prises par le Soudan en vue de réduire les tensions intercommunautaires et la criminalité ne se soient pas accompagnées d’une action contre les causes profondes du conflit.  Il a appelé le Gouvernement soudanais à lever tous les obstacles bureaucratiques qui entravent les activités de la MINUAD.

 

*     S/2016/1109
**    S/2016/915

 

 

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