Soixante-douzième session,
3e séance – après-midi
CPSD/633

Décolonisation: la situation de Guam et de la Polynésie française au cœur des débats de la Quatrième Commission

La situation de Guam et de la Polynésie française étaient au centre des préoccupations des représentants de territoires non autonomes et des pétitionnaires qui sont intervenus, aujourd’hui, devant la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation.

Contrairement aux années précédentes, les débats sur l’autonomie de Guam ont pris une dimension particulière à la lumière des récentes tensions entre les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée.  Le Gouverneur de Guam a notamment averti que l’île pourrait se retrouver au cœur d’une conflagration nucléaire en raison de la présence, sur le territoire, de bases militaires américaines.

Un indépendantiste de Guam a cependant refusé de faire confiance aux garanties de protection américaines contre d’éventuelles attaques nucléaires perpétrées par la RPDC.

« C’est parce que Guam est un bien militaire des États-Unis que nous sommes une cible, a-t-il dénoncé, et les insulaires de la région risquent d’être de nouveau les victimes d’une guerre qui n’est pas la leur, alors que nous mourrons déjà des conséquences de 500 ans de colonisation ininterrompue. »

Plus nuancé, le Gouverneur de Guam a estimé que si les bases militaires font de la population de Guam des cibles, elles procurent tout de même un sentiment de sécurité aux habitants qui se sentent défendus.

La destruction de l’environnement de l’île en raison de la présence militaire a aussi fait l’objet de plusieurs interventions, de nombreux pétitionnaires ayant déploré que plus de 90 sites aient été pollués en raison des activités de la marine américaine.  Ces derniers se sont également inquiétés de l’existence de projets militaires qui aboutiront à la destruction de 1 000 acres de forêt et à la contamination de la plus importante source d’eau potable de l’île.  Une membre de l’association Famoksaiyan s’est également préoccupée du fait que les États-Unis envisagent de transférer 5 000 militaires de l’île d’Okinawa sur celle de Guam.

« Nos terres ancestrales seront donc transformées en champs de tir et en camps d’entraînement, alors que notre peuple attend de récupérer ses terres et lutte pour que ses sites sacrés ne deviennent pas des centres d’entraînement », a déploré cette dernière.

La question de l’environnement était également au centre des préoccupations des pétitionnaires de la Polynésie française qui ont été nombreux à dénoncer la mainmise de la France sur les ressources naturelles de ce territoire.

La situation de l’aéroport de Faa’a, à Tahiti, et la nouvelle taxe sur le transport aérien, « qui rapporte beaucoup d’argent à la France », a également été soulevée.  Plusieurs pétitionnaires se sont également préoccupés de la question des dédommagements suite aux essais nucléaires menés par la France, les mesures adoptées jusqu’à présent par la puissance administrante ne traitant pas, selon eux, le problème des dégâts environnementaux ni du nettoyage des déchets.

« Les oubliés du nucléaire réclament justice », a lancé le Président de l’Association 193 qui a dénoncé l’absence de référence aux 193 essais nucléaires effectués dans les eaux de la Polynésie française lors de la COP 21 organisée à Paris.

« Toute la Polynésie française est contaminée et l’atoll de Mururoa est prêt à s’effondrer, il y a 600 nouveaux cas de cancer par an, et des taux anormalement élevés d’enfants malformés ou développant des cancers comme la leucémie », a-t-il encore déclaré

D’autres pétitionnaires ont indiqué ne pas être impressionné par la loi française du 5 janvier 2010 qui vise à indemniser toute personne atteinte d’une des 18 maladies radio-induites, car jusqu’ici, seules 19 demandes d’indemnisation auraient abouti.

À ce sujet, le Président de la Polynésie française a tout de même rappelé que les réparations versées par la France représentent 190 millions de dollars chaque année depuis 20 ans.

Ce dernier a par ailleurs dénoncé un projet de résolution du Comité spécial des Vingt-Quatre qui estime que la Polynésie française remplit l’ensemble des critères d’évaluation d’un territoire non autonome, affirmant que le territoire bénéficie au contraire d’une large autonomie qui lui permet de se gouverner librement.  « Nous avons les pleins pouvoirs dans les domaines économique et social, et c’est pour cette raison que mon peuple n’a jamais été tenté par l’indépendance », a-t-il notamment déclaré.

Ses propos n’ont pas convaincu les pétitionnaires qui ont unanimement dénoncé « un colonialisme déguisé », « une représentation par procuration » ou encore « une illusion d’autonomie qui s’appuie sur une délégation de compétences qui peuvent être reprises par la puissance administrante ».

La situation de Gibraltar a également été examinée aujourd’hui, la représentante de l’Espagne ayant notamment réitéré sa proposition de cosouverainté britannique et espagnole sur le territoire, tout en dénonçant les effets négatifs engendrés par le régime fiscal particulier de l’île.  Le Ministre en chef de Gibraltar a affirmé, pour sa part, que Gibraltar voulait rester sous souveraineté britannique.

La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 4 octobre, à partir de 15 heures.

DEMANDES D'AUDITION  (A/C.4/72/2A/C.4/72/3A/C.4/72/4A/C.4/72/5A/C.4/72/6 et A/C.4/72/7)

Déclaration

Mme FRANCISCA MARIA PEDROS CARRETERO (Espagne) a rappelé que l’Espagne adhère pleinement à la doctrine de décolonisation des Nations Unies et qu’elle a toujours utilisé ce forum pour exprimer son rejet concernant l’existence de la dernière colonie en Europe, « qui est de plus le fait d’un pays ami », à savoir Gibraltar.  Après avoir passé en revue les origines historiques du conflit, qui remonte à 1704, la représentante a souligné que l’Espagne n’a jamais accepté l’occupation de Gibraltar et des eaux avoisinantes.  Elle a dénoncé l’impasse dans laquelle se trouve la situation depuis 50 ans, accusant par ailleurs le Royaume-Uni d’avoir pris des mesures qui ont aggravé la situation.  La représentante a notamment cité les effets négatifs du régime fiscal spécifique de Gibraltar qui ont provoqué de graves distorsions dans l’économie de la région, au détriment du revenu de l’Espagne et de l’Union européenne.  Ce régime fiscal a généré une richesse considérable sur le rocher et l’Espagne aurait aimé que les autorités l’utilisent en parti pour protéger l’environnement moyennant, notamment, la construction d’une station d’épuration des eaux, toutes les eaux usées étant actuellement déversées directement dans la mer.  Elle a également indiqué que l’économie du rocher favorise les trafics illicites, comme la contrebande de tabac, et que ces activités criminelles obligent l’Espagne à déployer des renforts dans la région.  Elle a ensuite indiqué qu’un policier municipal de La Linea, la communauté avoisinante, avait été tué le 7 juin dernier, alors qu’il poursuivait des contrebandiers.

Malgré toutes ces violations, l’Espagne veut négocier, a toutefois souligné la représentante, qui a réitéré la proposition présentée le 4 octobre 2016, qui invite le Royaume-Uni à établir un régime conjoint de cosouveraineté sur Gibraltar, « sans que cela ne nous oblige à renoncer à une solution définitive ».  Les personnes qui vivent dans les camps de Gibraltar sont les premières affectées par cette situation et nous continuerons à défendre leurs droits et intérêts, a-t-elle souligné.

Déclarations des représentants des territoires non autonomes et des pétitionnaires sur la Polynésie française

M. EDOUARD FRITCH, Président de la Polynésie française, a déclaré que la Polynésie française était un pays autonome, rappelant qu’elle avait siégé comme État membre au sein du Forum du Pacifique.  « Le Comité spécial des Vingt-Quatre doit intégrer ce paramètre », a-t-il indiqué, dénonçant notamment un projet de résolution du Comité spécial qui estime que la Polynésie française remplit l’ensemble des critères d’évaluation d’un territoire non autonome.  Il a dénoncé un rapport réalisé par « un expert non objectif, siégeant auprès des indépendantistes », ainsi qu’une attitude partiale qui illustre une volonté manifeste de privilégier la théorie de libération, contre ceux qui respectent les processus de décolonisation démocratiques internes et qui tiennent compte de la volonté des populations.  « Nous sommes convaincus que la vérité triomphera et que l’ONU saura écouter les voix du peuple », a insisté le pétitionnaire qui a par ailleurs souligné que son peuple a toujours choisi de donner la priorité au développement des îles et pas à l’idéologie.  Il a rappelé qu’en juin 2017, 70% des électeurs s’étaient portés sur des candidats autonomistes.  « Notre pays bénéficie d’une large autonomie qui lui permet de se gouverner librement et économiquement, nous avons les pleins pouvoirs dans les domaines économique et social, et c’est pour cette raison que mon peuple n’a jamais été tenté par l’indépendance », a-t-il encore déclaré.

Abordant la question des essais nucléaires, il a rappelé que la France avait reconnu, en 2010, les dommages causés dans la région.  « C’est un sujet de dialogue permanent entre la Polynésie française et la France », a-t-il insisté, rappelant que les réparations versées par la France représentent 190 millions de dollars chaque année depuis 20 ans.  « Ces compensations ont permis de construire des infrastructures portuaires et aéroportuaires, ainsi qu’un hôpital, et nous discutons aussi de la création d’un centre dédié à l’histoire de la Polynésie française, a-t-il notamment indiqué. 

« Le colonialisme par consensus est quand même du colonialisme », a dénoncé M. OSCAR TEMARU, du parti Tavini Huiraatira No te Ao Maohi, et il est tellement bien déguisé qu’il peut être défendu par l’élu d’un gouvernement qui ne reconnaît pas l’indépendance.  Il a déploré que la puissance administrante ne transmette plus d’informations au Secrétaire général et qu’elle ne participe pas aux réunions du Comité spécial de la décolonisation.  De son avis, la « représentation par procuration » est une tactique qui a été utilisée à l’intervalle régulier par la France au cours des décennies précédentes.  C’est une violation flagrante du droit de notre peuple à l’indépendance et à l’autodétermination, a-t-il lancé. 

Le représentant de l’Algérie a voulu des précisions sur les initiatives lancées pour faire face aux conséquences des essais nucléaires.  Il s’est aussi interrogé sur les revenus générés par l’aéroport international à Tahiti.

Suite à cela, M. Temaru a expliqué que les conséquences des essais nucléaires sur la santé étaient connues de la France depuis qu’elle avait reçu un rapport détaillé des Américains au début des années 60.  Il a indiqué que la loi sur les compensations est entrée en vigueur en 2007, affirmant qu’il ne s’agit pas d’une prise de conscience tardive mais d’une opération de couverture.  Concernant l’aéroport de Faha, ville la plus importante du pays dont il est maire, M. Temaru a affirmé qu’il rapportait « beaucoup d’argent aux Français mais pas ses habitants ». 

M. ANTONY TEROS, Union pour la démocratie, a rejeté les propos du Président de la Polynésie française, qu’il a qualifiés de tentative de défense de l’autonomie.  « C’est une illusion d’autonomie, qui s’appuie sur une délégation de compétences qui peuvent être reprises par la puissance administrante », a-t-il déclaré, estimant que cette « naïveté n’est pas acceptable de la part d’un président qui remet en cause la légitimité du Comité spécial des Vingt-Quatre ».

Selon le Président de la Polynésie française, la France ne contrôlerait que les douanes et la police et d’autres compétences pourraient être transmises.  « C’est l’illusion d’un gouvernement qui a accepté le colonialisme », a dénoncé le pétitionnaire, soulignant que la puissance administrante contrôle beaucoup plus de domaines de compétence, notamment le judiciaire, la défense, les affaires étrangères, l’immigration, l’aviation civile et les activités spatiales.  Selon lui, le Gouvernement central de la Polynésie française élu n’a pas d’autorité sur ses propres îles, ce qui fait de la Polynésie française un territoire colonisé et non pas un territoire autonome.

Suite à une question du représentant du Nicaragua, le pétitionnaire a indiqué que c’était le Parlement français, de manière unilatérale, qui déterminait la répartition des compétences, précisant que la représentation de la Polynésie française en son sein est limitée.  « Nous n’avons que cinq représentants », a-t-il déploré, ajoutant que les pouvoirs de l’Assemblée de la Polynésie française se limitent aux compétences accordées par la puissance administrante.

Mme ELIANE TEVAHITUA, Association Te Vahine No Mahoi Nui, a affirmé que le système électoral de la Polynésie française est contrôlé par la France, accusant ensuite la puissance administrante d’avoir empêché le Gouvernement qui appuyait la souveraineté de rester au pouvoir en introduisant un grand nombre de sièges supplémentaires pour ceux qui acceptaient l’arrangement colonial.  Elle a qualifié cette situation d’illusion d’autonomie.  Elle a aussi avancé que le Gouvernement polynésien craint d’assumer davantage de compétences, expliquant par ailleurs que le revenu que la France tire de la Polynésie française est plus élevé que le coût de financement de ces compétences.  Notre économie bénéficierait de ce transfert de compétence, a estimé Mme Tevahitua qui a dénoncé une « parodie d’autonomie ».

M. STANLEY CROSS, du Barreau des avocats de Papeete, a indiqué que différentes enquêtes avaient révélé que les relations financières entre la France et la Polynésie française sont abusives et ne vont pas dans l’intérêt des habitants du territoire.  Au contraire de ce qui a été affirmé par le gouvernement acceptant le colonialisme, la puissance administrante continue de contrôler les ressources naturelles de la Polynésie.  Le droit international affirme pourtant la souveraineté du peuple sur ses ressources naturelles, a rappelé M. Cross.  Il a rappelé que la loi organique française accorde des droits de souveraineté à la France sur une zone maritime de 5 millions de kilomètres carrés.  Il en découle que la France est classée comme deuxième puissance maritime du monde, a signalé le pétitionnaire qui a expliqué que son association cherchait à évaluer les revenus tirés par la France grâce à ce commerce maritime international.

M. TETUAHAU TEMARU, de la ville de Faa’a, a expliqué que du manganèse, du cobalt et des terres rares ont été découvertes sur les territoires de la Polynésie française.  Il a indiqué qu’après une courte période de controverse, l’exploitation de ces ressources a été déclarée viable et le commerce des minéraux et métaux maritime est désormais très profitable.  Il a souligné que le commerce international de ces ressources rapportait beaucoup mais que le droit français prévoit que la puissance administrante ait autorité unilatérale sur l’exploitation et le commerce de ces matières premières stratégiques.  Il a aussi dénoncé l’imposition, par la France, de deux impôts.  Le premier, a-t-il expliqué, est une redevance océanique imposée à chaque compagnie aérienne qui passe par l’aéroport de Tahiti, ce qui représente des millions de dollars collectés par le Gouvernement français.  Le second est une taxe aéroportuaire sur chaque billet d’avion menant ou partant de la Polynésie française.

Mme VALENTINA CROSS, ville de Teva I Uta, a salué la présence du Président de la Polynésie française, «  même s’il défend les intérêts de la France et pas du peuple de la Polynésie française ».  Elle a rappelé ensuite les raisons qui avaient amené l’Assemblée générale à réinscrire la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes.  Face au manque de progrès sur la question, elle a appelé à la pleine application des résolutions de l’Assemblée générale.

Mme MINARII CHANTAL GALENON, Association Vahine Piri Rava, a affirmé que le colonialisme avait été utilisé d’un point de vue stratégique pour mener des essais nucléaires pendant plusieurs décennies, notamment en Algérie où les essais n’ont cessé que suite à une lutte douloureuse.  Avec la fermeture des lieux d’essais nucléaires sur le continent africain, la France s’est tournée vers la Polynésie française provoquant de graves problèmes pour la santé et l’économie, a-t-elle indiqué.  Elle a estimé qu’avec le nouvel accord de l’Élysée, la France a reconnu la souffrance des victimes de ces essais, jugeant toutefois que cet accord n’est pas suffisant car aucune réparation n’était prévue pour ce « crime contre l’humanité ». 

M. STEVE CHAILLOUX, de l’Université de Polynésie française, a réclamé un programme de dédommagement pour les victimes des essais nucléaires.  C’est un crime contre l’humanité perpétré dans nos eaux, et dans l’air que nous respirons au quotidien, a-t-il dénoncé.  Il a mentionné l’existence d’une résolution qui a quantifié le montant des réparations, mais a expliqué que ce document n’avait jamais été distribué aux États Membres.  Pour M. Chailloux, la puissance administrante a travaillé en coulisse.  « Cela a renforcé notre détermination », a affirmé le pétitionnaire qui a accusé la puissance administrante de s’efforcer de se dérober de ses responsabilités.  Il a qualifié le programme de dédommagement d’illusion, affirmant que « les 19 demandes satisfaites n’ont servi qu’à nous fourvoyer davantage ».

M. PUARAI TAEREA, Président de l’association Blue Djeun’s No Mahoi Nui, est revenu sur la Décision 57/525 de l’Assemblée générale des Nations Unies qui dénonce les activités militaires des puissances coloniales dans leurs territoires comme des entraves à la mise en œuvre de leur autodétermination et de leur indépendance.  Selon lui, il n’y a pas de meilleur exemple sur ce sujet que celui des essais nucléaires menés en Polynésie française.  Dans cette même décision, rappelle-t-il, l’ONU pointait aussi la nécessité de créer des sources de revenus alternatives pour ces territoires.  Ce point reste là aussi saillant dans le cas de la Polynésie française où les activités nucléaires françaises ont créé, selon M. Taerea, une « fausse économie » et une distorsion de l’économie locale.  Enfin, il était fait mention du fait que ces territoires ne devaient pas devenir des zones d’essais atomiques ou des dépotoirs pour déchets nucléaires.  Une description qui parlera, assure M. Taerea, à nombre de nos atolls qui ont eu à supporter le passage de l’armée française. 

Mme JUSTINE TEURA, ville de Tumaraa, a déploré des omissions délibérées d’information de la puissance administrante, accusant la France de collaborer avec certains membres de la Commission et la bureaucratie onusienne pour réduire l’incidence des essais nucléaires sur la Polynésie française.  Elle a déploré que le Forum du Pacifique ne fasse même pas référence à ces essais nucléaires, ni du combat mené pour obtenir des réparations.  Elle a déploré que le Gouvernement de la Polynésie française œuvre  pour protéger les intérêts de la puissance administrante.  « L’omission des informations sur les effets des essais nucléaires sur nos population est une source d’inquiétude », a-t-elle encore insisté, affirmant par ailleurs que la France « travaille même dans l’ombre pour bloquer des informations dans les rapports des Nations Unies, notamment sur les droits de l’homme », a-t-elle conclu.

M. VICTOR MAAMAATUIAHUPATU, Syndicat d’initiative Taaretu, a estimé que les deux rapports du Secrétaire général sur les effets des essais nucléaires ne reflétaient pas la réalité de ce qu’endurent des milliers de personne soumises à ces essais « inhumains ».  Il a critiqué des rapports qui ne font, selon lui, que ressasser des informations déjà connues des Nations Unies et ignorent les rapports d’autres organismes sur les effets des rayons ionisants.  Il a ensuite demandé que les prochains rapports au Secrétaire général soient plus exhaustifs et conformes aux engagements dans le domaine de la décolonisation.  Il a rappelé les appels lancés par l’ancien Gouvernement de la Polynésie française et les représentants de la société civile demandant au Comité spécial des Vingt-Quatre d’utiliser des informations reposant sur des sources externes au système des Nations Unies, « car les informations utilisées dans ces rapports ne sont pas adaptées et ne sont pas à la hauteur de la crédibilité d’un rapport du Secrétaire général des Nations Unies ».

Mme LELIA HEIMATA ESTALL, Association amicale des travailleurs de la mairie de Faa’a, a constaté qu’on renvoie souvent à une résolution de 1970 pour justifier la situation actuelle en Polynésie française, « mais cette soi-disant autonomie est une illusion ».  La clarté est fondamentale, et on peut la trouver si on regarde l’évolution des critères utilisés par les Nations Unies pour déterminer si un territoire est autonome ou pas.  Cela remonte en 1946, lorsque la Polynésie française a été placée sur la liste des territoires non autonomes.  Mais l’année suivante, la France a indiqué qu’elle ne fournirait plus d’informations sur ses colonies dans le Pacifique en raison du remplacement, dans la Constitution française, du mot « colonie » par « territoire », une modification qui a été acceptée par les Nations Unies.  Des années plus tard, a-t-elle poursuivi, les Nations Unies ont indiqué que la décision de retirer un territoire de la liste n’incombait pas à la puissance administrante mais à l’Assemblée générale après examen approfondi de la situation.  La résolution de 2013 a permis de corriger la situation, en se basant sur des critères contemporains, s’est félicitée Mme Estall.

« Quand j’entends que mon peuple a toujours choisi de rester français, mon cœur s’arrête », a déclaré M. MOETAI BROTHERSON, Assemblée nationale de France.  « Nous avons été conquis après la guerre et nous n’avons pas choisi d’être un terrain pour les essais nucléaires, nous n’avons pas choisi l’exploitation de nos ressources. »  Il a affirmé que, depuis 2013, la France est dans une situation de déni puisqu’elle refuse d’inclure la Polynésie française dans la liste des territoires non autonomes.  Avec l’Algérie, c’était la même tactique, a-t-il signalé.  Chaque fois qu’on aborde la question, la France quitte la salle et revient au point suivant.  Il a espéré que la nouvelle génération de politiciens changera d’attitude.  Faisant référence au Président Macron et à son discours sur le multilatéralisme qu’il a prononcé à l’Assemblée générale, il a estimé qu’il était temps que la France revienne dans les discussions multilatérales.

M. RICHARD TUHEIAVA, Assemblée de la Polynésie française, a affirmé que le Gouvernement de la Polynésie française est le porte-parole de la puissance administrante qui ignore ses obligations au regard de la Charte des Nations Unies.  Il a ensuite appelé les Nations Unies à prendre des mesures le plus rapidement possible pour faire appliquer les cinq résolutions déjà adoptées sur la Polynésie française.

Le représentant du Venezuela a ensuite voulu connaître les attentes du peuple de la Polynésie française vis-à-vis de la Quatrième Commission.

M. Tuheiava a souhaité l’adoption, par la Commission, d’une sixième résolution sur la mise en œuvre d’un processus de décolonisation.  Il a affirmé être « pris en otage par une puissance administrante » qui, a-t-il accusé, « utilise les élections législatives pour démontrer que le peuple s’est déjà prononcé, alors que ce n’est pas le cas ».  « Mon peuple a besoin d’un programme politique qui doit être mis en œuvre par la puissance administrante ou toutes autres institutions comme les Nations Unies », a-t-il ajouté, soulignant que ce programme devrait comprendre trois possibilités: indépendance, libre association ou intégration.  « Il n’y a pas d’alternative », a-t-il souligné 

M. CARLYLE CORBIN, Dependency Studies Project, a rappelé que cinq résolutions de l’Assemblée générale avaient conclu que la Polynésie française continue d’être un territoire non autonome.  Il a dénoncé le contrôle unilatéral exercé par la puissance administrante sur la plupart des compétences, ce qui place la Polynésie française en dessous des critères d’égalité et d’autonomie.  Il a aussi dénoncé l’absence de transmission d’informations et de coopération de la puissance administrante avec le Comité spécial de la décolonisation.  Dans le vide politique, se déploie une stratégie visant à légitimer le statut non autonome du territoire, a-t-il regretté, s’inquiétant du fait qu’en l’absence de l’application des résolutions, le processus de décolonisation est retardé et il y a donc un déni de justice. 

Suite à une question du représentant du Nicaragua qui s’interrogeait sur la manière de mettre en œuvre les résolutions susmentionnées, le pétitionnaire a indiqué qu’elle nécessitait l’adoption de mesures de redevabilité et de redistribution de ressources adéquates.

M. MAXIME CHAN, Président de l’Association 193, a rappelé que son association avait organisé, en 2013, un référendum sur les effets des essais nucléaires, sans susciter la moindre réaction des politiques.  « C’est ça la fausse démocratie qui perdure en Polynésie française », s’est-il insurgé.  Il a déploré que la France, « ce grand État », ne soit pas capable de « lire l’histoire que notre pays veut écrire à travers ce référendum sur les 193 essais nucléaires ».  Il a indiqué que la Polynésie française avait été « empoisonnée par l’État français », déplorant que le nucléaire soit un sujet tabou et citant en exemple l’absence de référence à ces essais lors de la COP21 organisée à Paris. 

« Toute la Polynésie française est contaminée et l’atoll de Mururoa est prêt à s’effondrer, il y a 600 nouveaux cas de cancer par an, des taux anormalement élevés d’enfants malformés ou développant des cancers comme la leucémie », a-t-il déclaré, déplorant cet héritage laissé par la France.  « Est-ce un crime contre l’humanité?  Oui, tous les éléments sont réunis, preuve à l’appui, la France avait connaissance des conséquences et le peuple de Polynésie française a servi de cobaye », a-t-il encore expliqué. 

Pour le représentant, les oubliés du nucléaire réclament justice et des réparations et la France doit prendre à sa charge tous les frais de préjudice d’assistance.  Il a conclu en rappelant que pour l’Association 193, la tenue d’un référendum local sur les essais nucléaires pourrait être une solution, appelant la France à être à la hauteur de sa devise « liberté, égalité, fraternité ».

Déclarations des représentants des territoires non autonomes et des pétitionnaires sur Gibraltar 

M. FABIAN PICARDO, Ministre en chef de Gibraltar, a rappelé qu’il y a 50 ans, Gibraltar s’est massivement prononcé par voie référendaire pour rester sous souveraineté britannique.  « Le Gouvernement espagnol de Franco a décrété que ce référendum était illégal.  Il avait tort. »  Ce référendum était en effet, selon lui, respectueux de la Charte des Nations Unies et des résolutions de l’Assemblée générale actant du droit inaliénable des peuples non autonomes à l’autodétermination.  En 2002, un second scrutin a abouti au même résultat, mais une fois encore, l’Espagne l’a déclaré illégal à tort, a poursuivi le Ministre qui a affirmé que Gibraltar ferait aujourd’hui exactement le même choix. 

M. RICHARD BUTTIGIEG, membre du Groupe pour l’autodétermination de Gibraltar, a expliqué qu’il y a exactement 50 ans, Gibraltar devait décider: soit il passait sous souveraineté espagnole, soit il demeurait sous souveraineté britannique.  À l’époque, a-t-il indiqué, seuls 44 des 12 138 votants avaient choisi la première option, et suite à ce vote, le Gouvernement espagnol a unilatéralement fermé sa frontière avec Gibraltar et « commencé un siège qui a entravé la circulation de nourriture et de biens essentiels ».  Rappelant qu’en 2002, un second référendum a donné un résultat tout aussi clair, 99% s’étant prononcé pour rester sous souveraineté britannique, le représentant a demandé à ce que Gibraltar soit retiré de la liste des territoires non autonomes.  Il a aussi exhorté les Nations Unies à envoyer une mission sur place pour se rendre compte de la réalité de la vie des habitants de Gibraltar et de la manière dont l’Espagne se comporte envers eux.

Déclarations des représentants des territoires non autonomes et des pétitionnaires sur Guam

M. EDDIE BAZA CALVO, Gouverneur de Guam, a expliqué que depuis qu’il est à son poste, il a rencontré différents représentants du Gouvernement américain et a partagé les problèmes de son pays, tels que les crédits fiscaux sur les revenus qui les ont accablés de dette.  « En tant que fonctionnaire, je ne peux ignorer la pression des lois américaines sur nos droits.  Depuis qu’une cour américaine a déclaré notre statut non constitutionnel, nous avons vécu une période de stagnation dans notre exercice de droit à l’autodétermination », a-t-il signalé.  Le Gouvernement américain a ainsi proposé aux Chamorros d’obtenir une propriété pour un dollar pendant 99 ans, alors que les autochtones étaient en possession de ces terres avant qu’elles soient confisquées.  La semaine dernière, une cour de justice américaine a affirmé que rendre la terre au peuple autochtone de Guam violait la loi sur le logement équitable, s’est-il indigné.  Qui alors protège les droits des habitants autochtones de Guam pour qu’ils ne soient pas marginalisés sur leur propre territoire? 

Le Gouverneur a ensuite indiqué qu’il y a quelques mois, il avait envoyé une lettre invitant le Comité spécial de la décolonisation à une mission de visite, quelque-chose qui n’était pas arrivé depuis 1979.  « Nous sommes un peuple ami des États-Unis et ce n’est pas un manque de patriotisme », a voulu souligner le Gouverneur.  « Le peuple de Guam est américain et pourtant les droits qui, pour les autres Américains, sont acquis ne sont pas les mêmes pour nous.  Nous ne pouvons même pas voter pour le président », a déploré le Gouverneur ajoutant qu’il n’y a aussi pas si longtemps qu’un fils de Guam peut devenir gouverneur.  « Quelle que soit la voie que prendra notre autodétermination, qu’il s’agisse de nous distancer des États-Unis ou de devenir le cinquante et unième État, pour l’instant nous sommes américains », a-t-il conclu en espérant voir les choses avancer alors qu’on arrive à la fin de la troisième Décennie internationale de l'élimination du colonialisme. 

À la lumière de l’actualité récente, le représentant du Venezuela a ensuite voulu savoir comment évaluer la situation de Guam en ce qui concerne la présence des bases militaires sur le territoire et les menaces sur le peuple Chamorro.  Dans quelle mesure l’autodétermination peut favoriser une réponse mieux adaptée à cette situation?

Le Gouverneur a rappelé qu’une île aussi petite que Guam a toujours occupé une position stratégique importante pour les grandes puissances.  Magellan s’est arrêté à Guam, qui était une base critique de l’empire espagnol.  En 1898, il y avait 200 soldats espagnols à Guam.  Cinquante ans plus tard, ils étaient remplacés par 200 marines américains, et pendant deux ans, Guam a aussi été membre de l’empire japonais.  Guam a toujours fait l’objet d’un désir d’appropriation et de conquête, et la République populaire démocratique de Corée a les yeux rivés sur nous parce qu’il y a des bases militaires, a reconnu le Gouverneur.  Il a également indiqué que les sentiments de son peuple à ce sujet sont mitigés: d’un côté, la présence de ces bases fait de Guam une cible, et de l’autre, elles donnent un sentiment de sécurité, car les habitants se sentent défendus par leur présence. 

M. DIETRIX DUHAYLONSOD, représentant des autochtones de Guam, a évoqué la situation du peuple A’gi, victime des spoliations et confiscations de terres cultivables par l’armée.  En vertu des droits des peuples autochtones consacrés par les Nations Unies, il a réclamé que toutes les terres soient restituées aux familles spoliées, notamment aux familles chamorros.  Nous ne pouvons plus continuer de vivre en tant que colonie en plein XXIe siècle, a-t-il clamé.

Mme TIARA NAPUTI, Guhan Coalition for Peace and Justice, a demandé aux Nations Unies d’appeler la puissante occupante à changer la situation sur l’île de Guam.  Elle a déploré la dégradation environnementale dans le nord de Guam, pointant notamment du doigt la contamination perpétrée de longue date par le Ministère de la défense des États-Unis, qu’elle a qualifiés « de plus grand pollueur au niveau international ». 

« Les États-Unis utilisent l’environnement pour renforcer le contrôle politique sur l’île », a-t-elle poursuivi, déplorant les plus de 90 sites qui ont été contaminés en raison des activités de la marine américaine.  « Pendant des décennies, nos familles ont été confrontées à ces pollutions et notre génération ne verra pas ces sites nettoyés alors qu’une résolution des Nations Unies a demandé la fin des bases militaires sur notre île et le nettoyage des zones infectées par des activités militaires », a encore ajouté la pétitionnaire.  Elle a ensuite déploré que les plans de l’armée américaine prévoient l’abattage de milliers d’hectares de forêt, soulignant que cela constituait une violation de plusieurs résolutions des Nations Unies qui soulignent que les activités militaires ne doivent pas aller à l’encontre du droit inaliénable à l’autodétermination.  « Nous sommes confrontés à une tentative d’expulsion, la puissance administrante veut nous expulser », a-t-elle conclu. 

M. MELVIN WON PAT BORJA, indépendantiste de Guam, a refusé de faire confiance aux garanties de protection américaines contre d’éventuelles attaques nucléaires perpétrées par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et visant son île.  C’est parce que Guam est un bien militaire des États-Unis que nous sommes une cible, a-t-il lancé, s’inquiétant à la perspective que les insulaires de la région risquent d’être de nouveau les victimes d’une guerre qui n’est pas la leur.  Nous mourrons déjà des conséquences de 500 ans de colonisation ininterrompue, a-t-il encore déclaré.

Mme VICTORIA-LOLA LEON GUERRERO, membre fondateur de Nos îles sont sacrées, a demandé que la voix de son peuple soit entendue et que justice lui soit rendue, afin de trouver la paix.  Guam pourrait se retrouver au cœur d’une conflagration nucléaire, a-t-elle ajouté, faisant référence aux tensions entre les États-Unis et la République populaire démocratique de Corée.  Elle a souligné qu’un homme qu’elle n’avait pas choisi pour diriger son pays échangeait des menaces avec un autre détenteur d’armes nucléaires, et qu’elle ne savait pas comment assurer à ses enfants qu’ils étaient en sécurité.  La pétitionnaire a appelé les délégations à soutenir les demandes du peuple de Guam pour que leur île rejoigne la communauté des peuples indépendants et qu’ils contrôlent eux-mêmes leurs propres ressources et leurs destinées.

M. MICHAEL LUJAN BEVACQUA, Coprésident de la « Independance for Guam Task Force », rappelant que Guam est sur la liste des territoires non autonomes depuis 71 ans, a estimé que les États-Unis n’ont pas fait leur part en matière de processus de décolonisation, accusant la puissance administrante de bloquer les velléités indépendantistes de l’île.  Selon lui, une cour fédérale américaine aurait statué qu’un scrutin sur la question devrait obligatoirement être ouvert aux citoyens américains résidant sur l’île, « même s’ils n’y sont que depuis quelques jours ».  Or, a-t-il indiqué, le peuple autochtone des Chamorros ne représente plus que 37% de la population.  Il a par ailleurs accusé les troupes américaines de renforcer le pouvoir colonial en réduisant l’île à son seul intérêt stratégique et s’est inquiété de la menace que le dialogue de plus en plus tendu avec la « Corée du Nord » fait peser sur son île.  « Un processus de décolonisation qui suit les règles du colon n’est pas une décolonisation: c’est une poursuite de la colonisation », a-t-il asséné en guise de résumé. 

Suite à une question posée par le représentant du Venezuela, M. Lujan Bevacqa a expliqué que de nombreux Américains considéraient Guam comme étant un pays étranger et qu’il était difficile de dialoguer avec la « puissance occupante ».  Nous espérons que l’attention de la presse et une visite des Nations Unies permettront de faire comprendre à la puissance occupante la nécessité de dialoguer.

Mme SAMANTHA BARNETT, Pruthehi Litekyan: Save Ritidian, a indiqué que des « hommes étrangers et lointains » avaient décidé que la Corée du Nord était un danger.  Elle a expliqué avoir entendu les histoires des anciens qui ont vécu l’occupation japonaise, rappelant les souffrances des précédentes générations, tout en insistant sur leur résilience.  « Si je peux parler aujourd’hui, c’est parce que j’ai hérité de cette résilience », a-t-elle indiqué, soulignant que la guerre « est un souvenir pour notre île qui demeure sur nos épaules et qui se rappelle à nous chaque fois que la puissance administrante fait des exercices militaires, effectue des essais ou développe des bases là où nous grandissions ».  Elle a déploré que son peuple ne puisse faire entendre sa voix, que les sites sacrés de son peuple soient empoisonnés par l’armée américaine, et ses terres confisquées sans que le Gouvernement ne donne jamais de compensation.  « Toutes les familles connaissent ça », a-t-elle ajouté, rappelant que son peuple luttait pour « récupérer des terres et protéger des sites sacrés ». 

Mme LISALINDA NATIVIDAD, Commission pour la décolonisation de Guam, a souligné que le projet de résolution des Nations Unies sur la question de Guam relevait avec inquiétude la décision d’une cour américaine selon laquelle « un référendum sur l’indépendance de ce territoire ne pourrait pas se limiter aux natifs de l’île ».  Cette décision se base de manière erronée, selon elle, sur les droits civils des États-Unis.  « Le processus de décolonisation n’est pas une question de droits civils, mais plutôt d’un exercice du droit inaliénable de l’être humain à l’autodétermination », a-t-elle souligné.  Elle a donc exhorté les Nations Unies à trouver d’autres solutions pour Guam que celles qui ont été essayées « en vain » jusqu’à maintenant.  Elle a indiqué que la Commission pour la décolonisation de Guam propose notamment que l’ONU contraigne les États-Unis à s’engager dans la décolonisation de Guam, qu’elle s’oppose fermement à ses plans de construction qui aboutiront à la destruction d’un écosystème et d’un lieu sacré et qu’elle envoie une mission à Guam pour constater par elle-même de la situation sur l’île.

Mme THERESE M. TERLAJE, 34e législature de Guam, a estimé que Guam doit avoir le contrôle sur ses ressources naturelles, car elles jouent un rôle essentiel dans l’absorption du CO2, du maintien de la biodiversité et de la protection contre les marées.  Elle a cependant constaté que la colonisation entrave les efforts de protection, accusant la puissance administrante de chercher à mettre fin à un programme qui protègent les ressources de l’île.  Elle a dénoncé la création de sites d’exercices militaires à Guam, pour des questions économiques déterminées par le congrès américain.  « Le peuple de Guam n’a jamais été d’accord sur le fait que nos territoires et eaux soient contaminés, nos zones de pêche restreintes, et que des sites militaires soient placés à coté de nos sites sacrés. »  Elle a appelé la Commission à voter un projet de résolution pour mettre en œuvre la décolonisation de Guam au plus vite.

Mme TELENA CRUZ NELSON, Sénatrice, a indiqué qu’elle était une ancienne combattante de l’armée américaine, et qu’à Guam, un adulte sur huit était un ancien combattant de l’armée américaine, le plus important taux d’engagement dans l’armée.  « Pourtant, nous manquons de soins médicaux pour les anciens combattants », a-t-elle dénoncé, ajoutant que les États-Unis soutenaient l’engagement du peuple de Guam dans l’armée mais pas son droit inaliénable à l’autodétermination.  Elle a également déploré que le contrôle colonial interdit au peuple de Guam de déterminer ses lois, de protéger ses terres et ses moyens de subsistance.  Les États-Unis ne permettent pas non plus l’organisation d’un référendum.  Elle a imploré la Quatrième Commission de faire pression sur les États-Unis pour que Guam soit retiré de la liste des territoires non autonomes.  « Nous n’avons pas de droit de vote, nous ne pouvons pas nous administrer seuls car le Gouvernement des États-Unis ne nous le permet pas », a-t-elle de nouveau souligné avant de réclamer pour son peuple le droit de choisir son statut politique.

Mme KERRI ANN BORJA, femme autochtone chamorro, a expliqué qu’elle militait pour la défense des langues autochtones de Guam, afin de perpétuer une culture ancestrale qui est actuellement dominée par la puissance administrante.  Elle a ainsi indiqué que moins de 20% des habitants de l’île étaient des locuteurs chamorros.  Sauver cette langue menacée d’extinction c’est sauver une culture, son peuple et sa terre, a-t-elle plaidé.  Elle a ajouté qu’elle soutenait le projet de résolution de la Quatrième Commission sur la question de Guam, un texte, a-t-elle dit, qui souligne l’urgence pour la puissance administrante de reconnaître et respecter l’identité ethnique et culturelle du peuple chamorro de Guam.

Mme JULIA FAYE MUNOZ, du Réseau de femmes du Pacifique, a rappelé que depuis 2013, Guam et le Pacifique ont connu une accélération record du blanchiment du corail et qu’en conséquence, un grand nombre de poissons pourrait disparaître d’ici à 2100.  Par ailleurs, l’océan s’est élevé de plusieurs centimètres et cette élévation du niveau de la mer provoque une dégradation des pêches, intensifie les inondations et nous rend vulnérables aux tsunamis, s’est alarmée la pétitionnaire, ajoutant que les infiltrations d’eau salée causent des pénuries d’eau potable.  Vu que l’économie de Guam dépend du tourisme, elle s’est inquiétée des pertes économiques causées par les changements climatiques et qui sont estimées à 1,24 milliard de dollars.  Elle a ensuite souligné que si le droit de son peuple à l’autodétermination n’est pas respecté, il sera impossible de mettre en œuvre l’Accord de Paris et de réaliser les objectifs de développement durable.  C’est une menace pour la biodiversité du monde et une cause de pauvreté, le pape François l’a aussi reconnu, a-t-elle lancé.  Elle a ensuite appelé la Commission à approuver un projet de résolution sur les dégâts irréversibles causés par la puissance administrante qui prévoit de construire des nouvelles installations militaires et des champs de tir qui vont détruire 1 000 acres de forêt et empêcher l’accès à des sites sacrés.  Elle a demandé une mission de visite du Comité spécial de la décolonisation à Guam. 

Mme PIM LIMTIACO, Famoksaiyan, a indiqué que les États-Unis envisagent de transférer 5 000 militaires de l’île d’Okinawa sur celle de Guam.  « Nos terres ancestrales seront donc transformées en champs de tir et en camps d’entraînement, alors que notre peuple attend de récupérer ses terres et lutte pour que ses sites sacrés ne soient pas des centres d’entraînement », a-t-elle déploré.  Elle a dénoncé des projets militaires qui aboutiront à la destruction de 1 000 acres de forêt, et à la contamination de la plus importante source d’eau potable de l’île.  « Nos peuples sont pacifiques mais taxés de terroristes, de traitres ou d’anti-américain », a-t-elle ajouté, qualifiant cette situation de « viol de nos droits de l’homme ».  Elle a ensuite appelé les Nations Unies à faire pression sur les États-Unis pour faire évoluer la situation.  « Nous vous encourageons à organiser une mission de visite, les Nations Unies doivent utiliser leur influence pour imposer aux États-Unis un processus de décolonisations », a-t-elle conclu.

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