Soixante-douzième session,  
25e séance – après-midi
AG/J/3559

Sixième Commission: l’examen des normes impératives du droit international général (jus cogens) ne fait pas l’unanimité

La Sixième Commission, chargée des affaires juridiques, a entamé aujourd'hui l’examen des derniers chapitres thématiques du rapport de la Commission du droit international (CDI), consacrés aux normes impératives du droit international général (jus cogens), à la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, ainsi qu’à la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. 

Présentant ces thèmes avant l’ouverture des débats, le Président de la CDI, M. Georg Nolte, a déclaré que le deuxième rapport du Rapporteur spécial, s’appuyant sur l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, a cherché à définir les critères d’identification des normes impératives du droit international général (jus cogens).  La commission a décidé de remplacer l’intitulé du sujet « jus cogens » par « normes impératives du droit international général (jus cogens) », et a pris note du rapport intérimaire du Président du Comité de rédaction sur les projets de conclusions 2 et 4 à 7.  M. Nolte a également indiqué que le Rapporteur spécial s’est déclaré indécis sur la pertinence d’élaborer une liste indicative des normes de jus cogens.

Devant les « incertitudes » qui entourent la notion de normes impératives du droit international général (jus cogens), la France a réitéré ses doutes quant à la pertinence pour la commission d’examiner ce sujet.  Selon elle, les débats sur le deuxième rapport du Rapporteur spécial ont témoigné des divisions de la commission sur la « conception même » du sujet à l’étude, qui sont le reflet « des oppositions existantes entre les approches des États ».

Cependant, Trinité-et-Tobago, s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a encouragé la commission à poursuivre l’examen de cette question, en s’appuyant sur l’article 53 de la Convention de Vienne.  Elle s’est en outre déclarée en faveur du changement de nom de ce sujet, contrairement à l’Autriche, qui a estimé que le jus cogens est un concept bien établi qui n’a pas besoin de précision.

Le Danemark, s’exprimant au nom des pays nordiques, a soutenu qu’il convient de gérer les normes impératives du droit international général (jus cogens) à travers l’analyse conceptuelle de la Commission du droit international (CDI) plutôt qu’en élaborant une nouvelle structure normative pour les États.  

Pour l’Espagne, il est fondamental de préserver le caractère ouvert et flexible du processus de formation des normes de jus cogens, un objectif que l’élaboration d’une liste de normes pourrait remettre en question.  Une telle liste devrait être purement indicative et non exhaustive, a renchéri le Mexique.  Si toutefois il devait y avoir une liste, a ajouté le Pérou, il faudrait éviter de donner l’impression d’une liste exhaustive qui pourrait être perçue comme un numerus clausus.

Pour la Grèce, l’acceptation et la reconnaissance d’une norme par tous les États n’est pas nécessaire à la reconnaissance en tant que jus cogens, car aucun État ne possède de droit de veto sur cette question.  Une position partagée par la France, qui a jugé que l’expression « très large majorité » nécessaire à l’acceptation suscite des « incertitudes », certains membres pouvant l’assimiler à « majorité ».  Elle a plutôt suggéré, comme Singapour et la Slovénie, le recours à l’expression « quasi-totalité des États ».

Le premier rapport du Rapporteur spécial de la CDI sur la succession d’États en matière de responsabilité de l’État portait essentiellement sur les dispositions générales relatives à ce sujet, qui concerne deux branches du droit international pour lesquelles la commission a déjà mené des travaux de codification et de développement progressif, soit la succession d’États et la responsabilité de l’État.  La CDI a également cherché à savoir s’il existait des règles de droit international régissant à la fois le transfert d’obligations et le transfert de droits découlant de la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite dans les situations de succession d’États.

L’Autriche a réitéré ses réserves sur l’introduction de cette question controversée, qui avait jusqu’alors été « sagement exclue » des travaux de la commission, ajoutant que les cas retenus par le Rapporteur spécial n’apportent pas assez de substance pour faire valoir des exceptions à la règle bien établie de « non-succession » pour fait internationalement illicite.

De son côté, le Portugal a proposé d’examiner ce sujet sans l’objectif prédéterminé de montrer l’existence de règles et principes généraux relatifs à la responsabilité, ajoutant qu’il est « trop tôt pour décider de la forme finale du projet tant que la partie substantielle du sujet n’a pas été totalement explorée ».

Rappelant qu’il a fait partie récemment des États ayant connu la sécession, le Soudan a soulevé une question qui n’apparaît pourtant pas dans le projet d’article, celle de la nationalité en cas de sécession. 

Pour la Slovénie, la commission devrait examiner la règle « pacta tertiis », selon laquelle un État successeur accepte des obligations découlant de la responsabilité de l’État prédécesseur, avec la possibilité de limiter ou d’exclure cette obligation. 

S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le Groupe de travail constitué par la CDI était saisi des projets de commentaires établis par la Rapporteuse spéciale précédente, qui visaient essentiellement à établir la marche à suivre.  Alors que la plupart des conflits actuels sont internes, la CARICOM a pointé du doigt un vide juridique international sur cette question. 

En début de la séance, la commission a terminé ses travaux sur la protection de l’atmosphère et l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.  Prenant la parole à la fin des débats, la Rapporteuse spéciale sur la question de l’immunité a déclaré avoir pris bonne note de la teneur des débats, ajoutant qu’elle en tiendra compte dans la rédaction du rapport consacré aux dispositions et garanties procédurales.

La Sixième Commission poursuivra son examen du troisième groupe thématique du rapport de la CDI demain, mercredi 1er novembre, à 10 heures.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-NEUVIÈME SESSION (A/72/10)

Suite de l’examen des chapitres VI et VII

M. HECTOR ENRIQUE CELARIE LANDAVERDE (El Salvador) a salué les progrès réalisés par le Rapporteur spécial, M. Shinya Murase, dans la rédaction du projet de directives sur la protection de l’atmosphère et ses commentaires, ainsi que de l’organisation d’un dialogue avec des scientifiques.  Dans ses remarques sur le projet de préambule, El Salvador a appuyé l’idée tendant à reconnaître que l’atmosphère est un élément essentiel pour la Terre, la santé et le bien-être humain, et qu’elle est un bien juridique d’intérêt général pour l’humanité.  Il a aussi appuyé l’identification de principes fondamentaux du droit international de l’environnement comme celui de la responsabilité dans l’équité intergénérationnelle, en vue de garantir la préservation durable de ressources comme l’atmosphère pour les générations futures. 

Le représentant a toutefois critiqué le paragraphe du projet de préambule qui stipule que le projet de directives ne doit pas empiéter sur  les négociations politiques pertinentes en cours.  Il a renvoyé à cet égard au travail de la Commission du droit international en matière de codification et de développement progressif du droit international sur des sujets de transcendance intergénérationnelle.  Ensuite, il a réitéré ses observations sur la portée encore limitée du projet de directive 8 sur la coopération internationale.  Selon lui, il ne fallait pas uniquement mentionner les études de cause à effet ou l’échange d’informations mais ajouter d’autres mesures concrètes de coopération relatives à la prévention, à la réduction et au contrôle de la pollution et à la dégradation atmosphérique. 

M. Celarie Landaverde a également fait des remarques sur le projet de directive 9, paragraphe 2, et sur la corrélation entre les normes du droit international relatives à l’atmosphère et les droits de l’homme, insistant notamment sur la reconnaissance du droit à un environnement salubre.  Dans ce contexte, il a évoqué l’article 11 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention américaine des droits de l’homme sur les droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador).

Passant à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, il a félicité la Rapporteuse spéciale, Mme Concepción Escobar Hernandez pour son cinquième rapport et les progrès concernant les limites et exceptions à l’immunité, et recommandé une position équilibrée à ce sujet.  Il a en outre partagé la position de certains membres de la CDI sur la liste des crimes figurant au paragraphe 1 du projet d’article 7.  Il a par contre appuyé la décision de la commission relative à l’application de l’immunité ratione personae pour les représentants de l’État ayant commis des crimes figurant sur la liste mentionnée.  Il a enfin fait des remarques sur l’inclusion du crime d’agression, et sur la possibilité d’inclure ou non le délit de corruption, qu’il a jugé inutile pour le moment.

Rappelant que le commerce international a contribué à sortir des milliards de personnes de la pauvreté, Mme HIROKO MURAKI GOTTLIEB Chambre de commerce internationale (CCI), s’est félicitée de la reconnaissance, contenue dans le rapport de la CDI sur la protection de l’atmosphère, que « le libre-échange et les investissements étrangers sont des prérequis au bien-être de l’humanité dans le monde contemporain ».  Notant, comme le rapport, que ces activités peuvent entrer en conflit avec la protection de l’environnement et de l’atmosphère, elle a souligné que le monde des affaires prend « très au sérieux » les défis posés par les changements climatiques et soutient « vigoureusement » la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).  Le développement durable et les investissements peuvent être complémentaires, a-t-elle affirmé, en prenant en compte, dans les échanges, les facteurs environnementaux, sociaux et économiques.

Mme Gottlieb a salué le projet de directive 10 qui stipule que les mesures de protection de l’atmosphère ne doivent pas constituer un moyen de « discrimination arbitraire ou injustifiable » visant à imposer des restrictions au commerce international et à l’investissement étranger.  Enfin, elle a invité la CDI au dialogue sur les pratiques du monde des affaires relatives à la protection de l’atmosphère afin que les projets de directives ne soient pas élaborés « dans le néant » et contribuent au développement durable.

M. DIRK PULKOWSKI, membre de la Cour permanente d’arbitrage (CPA), a noté que les débats de la Sixième Commission ont traité cette année de nombreuses questions impliquant la Cour.  Concernant l’application provisoire des traités, le représentant a souligné que la plupart des analyses juridiques sur ces arbitrages font désormais partie du domaine public.  Passant à la question de la protection de l’atmosphère, il a noté que le Rapporteur spécial explore dans son rapport les principes juridiques qui gouvernent les relations entre le droit international de l’environnement et les autres règles du droit international.  Il met en lumière les principes de complémentarité mutuelle, selon lesquels les règles du droit international de l’environnement doivent être regardées comme pertinentes.

En ce qui concerne les principes généraux de droit, M. Pulkowsky a rappelé qu’il appartient aux États de décider si oui ou non ces principes doivent relever de la Commission du droit international (CDI).  La Cour permanente d’arbitrage ne prend pas position sur cette question, a-t-il précisé.  Le Répertoire de la CPA comprend plus de 120 cas traités par la Cour, y compris de nombreuses procédures étatiques et toutes ont été rendues publiques.  Ces procédures ont appliqué les principes généraux du droit dans les circonstances où les traités ou encore le droit coutumier ne fournissaient pas de règles décisionnelles, a-t-il expliqué.

Passant à la question de l’administration de la preuve devant les juridictions internationales, l’intervenant a estimé que c’est un sujet particulièrement pertinent pour les décisions internationales.  La pratique des organismes de règlement des litiges a varié considérablement.  Récemment, l’intérêt s’est accru concernant le développement et l’apprentissage des meilleures pratiques des autres institutions, ce qui devrait être encouragé dans un instrument international approprié.  La CPA serait ravie de soutenir de tels efforts, que ce soit au sein de la CDI ou ailleurs, a-t-il assuré.  Après avoir décrit différentes décisions de la CPA en la matière, il a indiqué qu’il se tient prêt à donner des détails de façon plus systématique, comme lors d’une présentation à la CDI durant une session à Genève.

Examen des chapitres VII, IX et X

Venu présenter le troisième et dernier groupe de chapitres thématiques, M. GEORG NOLTE, Président de la Commission du droit international (CDI), a déclaré que, lors de la présente session, la CDI a examiné le deuxième rapport du Rapporteur spécial, qui a cherché à établir les critères d’identification des normes impératives.  La commission a décidé de remplacer l’intitulé du sujet « jus cogens » par « normes impératives du droit international général (jus cogens) ».  La commission a en outre renvoyé au Comité de rédaction les projets de conclusions 4 à 9 proposés dans le rapport, a-t-il précisé. 

M. Nolte a précisé que le Rapporteur spécial a pris comme point de départ l’article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Les membres de la commission sont convenus que les normes du jus cogens se forment sur la base du droit international coutumier, tout en divergeant sur la place à accorder aux règles conventionnelles.  Il a également indiqué que le Rapporteur spécial s’est déclaré indécis sur la pertinence d’élaborer une liste indicative des normes de jus cogens, certaines délégations préférant que la CDI se borne à établir une méthode d’identification.

Le premier rapport du Rapporteur spécial de la CDI sur la succession d’États en matière de responsabilité de l’État portait essentiellement sur les dispositions générales relatives à ce sujet.

Au cours des débats sur le rapport, plusieurs délégations se sont demandé si la thèse « traditionnelle » de la non-succession utilisée par le Rapporteur spécial avait évolué.  Le débat sur les projets d’articles qui a suivi s’est concentré sur la portée de la responsabilité de l’État ainsi que sur des questions de terminologie, a précisé M. Nolte.  Les membres de la commission ont également exprimé des vues divergentes sur le sujet de la « responsabilité internationale », a poursuivi le Président de la CDI.

S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le Président a déclaré que le Groupe de travail constitué par la CDI était saisi des projets de commentaire établis par la Rapporteuse spéciale précédente, qui visaient essentiellement à établir la marche à suivre.

Mme LIZANNE ACHING (Trinité-et-Tobago), s’exprimant au nom de la Communauté des Caraibes (CARICOM), s’est félicitée du rapport de la CDI sur la protection de l’atmosphère.  Elle a toutefois reconnu qu’il existe un vide juridique international sur la question de la protection de l’environnement lors de conflits armés, alors que la plupart des conflits sont maintenant internes.  Elle s’est félicitée des travaux de la commission en cours sur la protection de l’environnement en période de conflit. 

Revenant sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la représentante a appuyé l’obligation qui est faite aux États de poursuivre les responsables de crimes graves, sans égard à leur fonction.  Elle a souligné l’importance pour les États d’établir leur compétence en droit interne afin de combattre l’impunité.  Elle a en outre estimé que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime de génocide méritent un examen par la commission, bien que les crimes contre l’humanité ne fassent pas l’objet de traités internationaux comme les deux autres, sauf dans le cadre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).

La CARICOM est favorable au programme de travail futur de la CDI sur la question de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, notamment sur la question de savoir si les actions découlant de faits illicites constituent des « dettes ».  Elle a appuyé le changement de nom du sujet du jus cogens au profit de « normes impératives du droit international général (jus cogens) ».  Elle a appuyé l’utilisation de l’article 53 de la Convention de Vienne comme point de départ des travaux de la commission et l’a encouragée à poursuivre son examen.

M. IB PETERSEN (Danemark), s’exprimant au nom des pays nordiques, a soutenu qu’il convient de gérer les normes impératives du droit international général (jus cogens) à travers l’analyse conceptuelle et analytique de la Commission du droit international (CDI) plutôt qu’en élaborant une nouvelle structure normative pour les États.

Passant au chapitre IX, le représentant a souligné que la question de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État est pour le moins sujette à controverse.  Le Rapporteur spécial a analysé les pratiques les plus récentes des États et suggère que la traditionnelle règle de la « table rase » a été contestée, ce qui permet d’étudier le transfert des droits et obligations découlant de la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite.  C’est une proposition intéressante sur laquelle se pencheront les pays nordiques lorsqu’ils auront en main les analyses de la pratique des États, ce qui donnera de la substance à cette suggestion.  Le représentant a estimé cependant que ce sujet ne permet pas une large catégorisation et que le caractère subsidiaire des projets d’articles tel que proposé par le Rapporteur spécial est une approche réaliste.

En ce qui concerne le chapitre suivant, la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, M. Petersen a noté que les effets négatifs des conflits armés continuent d’être observés dans le monde entier.  Il existe une corrélation claire entre un environnement sûr et la paix et la sécurité internationales.  « Nous continuons à souligner l’importance de ce sujet et partageons l’opinion qu’un travail substantiel a déjà été fait, et qu’il faut à présent le finaliser sans délais, à partir du travail déjà accompli », a-t-il déclaré.  Il a ainsi noté avec satisfaction que le programme de travail pour ce qui reste du quinquennat conduira à une première lecture en 2019 et à la réalisation du projet de principes en 2021.

Mme NADIA KALB (Autriche) n’a pas compris la nécessité de remplacer l’intitulé de la question de « Jus cogens » par celle de « normes impératives du droit international général (jus cogens) » puisque le jus cogens est un concept bien établi qui n’a pas besoin de davantage de précision et que « jus cogens dans le droit international » aurait suffi.  Au sujet du projet de conclusion 2, elle a rappelé que la supériorité hiérarchique des normes jus cogens est plus une conséquence qu’une caractéristique ou précondition pour qu’une norme soit ainsi qualifiée, et elle a suggéré à la commission d’examiner le rapport entre l’universalité de ces normes et la possibilité que certains en refusent l’application.  Sur le projet de conclusion 5, elle a émis des doutes sur le fait que les dispositions de traités pourraient servir de fondement à des normes jus cogens.  Elle a demandé au Rapporteur spécial de donner des exemples de normes jus cogens dérivées à la fois de principes généraux de droit et de règles de traités.

La représentante a réitéré ses doutes sur l’introduction de la question controversée de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, qui avait jusqu’alors été « sagement exclue » des travaux de la commission, d’autant que les quelques cas retenus par le Rapporteur spécial n’apportent pas assez de substance pour faire valoir des exceptions à la règle bien établie de « non-succession » pour fait internationalement illicite.  Elle a également jugé ambiguë la formulation du chapitre et lui aurait préféré « problèmes de responsabilité de l’État dans les cas de succession d’États », qui ne laisse pas entendre que la responsabilité est automatiquement transférée à l’État successeur.  Elle a souhaité que le travail de la commission contribue à clarifier le concept de responsabilité de l’État.

Au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, Mme Kalb a également souhaité une clarification du rapport entre droit de l’environnement et droit international humanitaire.  Tant que ce dernier est concerné, la question principale n’est pas d’établir de nouvelles règles et normes, mais d’améliorer le respect de celles qui existent déjà.

S’agissant du chapitre consacré aux normes impératives du droit international général (jus cogens), Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a estimé que la reconnaissance d’une norme impérative préalable doit être acceptée par la communauté internationale et non dérivée du droit naturel.  D’après elle, les normes impératives du droit international sont fonction du droit international général, qui devrait être défini dans le prochain rapport de la CDI, notamment son lien avec le droit international coutumier.  Elle a ajouté que les dispositions des traités peuvent servir de base à l’établissement du jus cogens

En outre, la représentante a estimé que le terme « général » du droit international général doit être mieux défini et faire l’objet d’une directive par la commission.  À cet égard, elle a jugé que le projet de conclusion 5, qui n’a pas été conservé par le Comité de rédaction, pourrait servir de point de départ.  Pour elle, une norme doit être reconnue par la communauté internationale comme protégeant des valeurs fondamentales pour être acceptée en tant que norme impérative du droit international.  À propos du rôle des traités, elle a déclaré qu’il existe un long débat sur cette question.  Quant au projet de conclusion 7, elle a estimé que l’acceptation et la reconnaissance d’une norme par tous les États n’est pas nécessaire pour la reconnaissance en tant que jus cogens, car aucun État ne possède de droit de veto sur cette question.

Concernant la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, Mme Telalian a prédit que la commission aura des difficultés à établir un droit international précis sur cette question, qui n’a pas fait l’objet d’une pratique étendue par les États.

M. JOSÉ MARTIN Y PEREZ DE NANCLARES (Espagne) a réitéré qu’il est fondamental de préserver le caractère ouvert et flexible du processus de formation des normes de jus cogens, et que l’élaboration d’une telle liste de normes pourrait remettre cet objectif en question.  À son avis, le fait de circonscrire leur portée aux normes impératives du droit international général exclut le jus cogens régional.  Il conviendrait de clarifier que la référence au droit international général n’exclut pas l’existence de normes de jus cogens sur des questions spécifiques, comme le droit humanitaire.

 Le représentant a jugé par ailleurs nécessaire de faire référence à la différence entre la nature de jus cogens d’une norme et sa portée erga omnes, en ayant à l’esprit que la Cour internationale de Justice (CIJ) fait toujours référence au caractère erga omnes dans sa jurisprudence, sans affirmer expressis verbis le caractère de jus cogens de normes et principes que chacun qualifierait ainsi.  L’Espagne est aussi d’avis que les traités ne sont pas les fondements des normes impératives du droit international mais une conséquence.

M. Martin y Pérez de Nanclares n’a pas caché son pessimisme sur l’aboutissement de la question de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, sur laquelle il n’existe presque pas de normes internationales.

S’agissant des normes impératives du droit international général (jus cogens), M. PABLO ARROCHO (Mexique) a estimé que les projets de conclusions, bien qu’ils représentent une base utile, méritent encore un examen pour éviter les répétitions et les doublons.  De plus, il est important que ces textes ne s’écartent pas des normes énoncées à l’article 53 de la Convention de Vienne.  Il reste à démontrer que cette nature de jus cogens est acceptée et reconnue.  Néanmoins, il serait bon de supprimer le projet de conclusion 6, a-t-il déclaré, car son contenu est déjà pris en considération dans le projet de conclusion 4.

S’agissant des preuves démontrant l’acceptation et la reconnaissance du jus cogens, le projet de conclusion devrait refléter sa nature du droit international coutumier, selon le représentant.  En 1995, le Mexique a présenté des observations écrites à la Cour internationale de Justice (CIJ) concernant la légalité du recours aux armes nucléaires.  Il faudrait par exemple utiliser ce type de matériel pour analyser l’opinio juris des États, a-t-il déclaré.  Concernant la liste, il a noté qu’elle devrait être purement indicative et non exhaustive, afin d’identifier le contenu du jus cogens.  Il lui a paru adéquat de commencer en 2018 l’examen des effets du jus cogens sur le droit des traités.  Il serait bon d’étudier le procédé de gestation de nouvelles normes, pour savoir ce qui détermine l’existence d’un éventuel conflit entre normes.

Passant à la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, M. Arrocho s’est posé la question de la forme de cet exercice et s’est interrogé sur celle que pourrait revêtir le projet d’articles.  Il s’est dit favorable aux termes définis dans le projet d’article 2.  Dans l’analyse fournie par le rapporteur, ces projets d’articles constitueraient un développement progressif plutôt qu’un exercice de codification.  Il faut donc faire preuve de la plus grande prudence, a-il-il averti.  Quant au projet d’article 4, il doit être réexaminé.  Par ailleurs, il a proposé que dans son prochain rapport, le Rapporteur spécial détaille son analyse des normes primaires et ses effets quant à la succession d’États et d’y inclure une analyse des droits et obligations dans le cadre d’un fait continu dans le cadre de la succession d’États.  Il est important de tenir compte de la pratique des différents tribunaux, ainsi que de la doctrine.  En conclusion, il a prié le Rapporteur spécial d’inclure dans son prochain rapport les décisions de tribunaux extérieurs à l’Europe.

Mme SHERAZ GASRI (France) a réitéré ses doutes quant à l’opportunité pour la commission d’examiner la question des normes impératives du droit international général (jus cogens), en raison des « incertitudes qui entourent la notion ».  Elle a estimé que les débats sur le deuxième rapport du Rapporteur spécial ont témoigné des divisions de la commission sur la conception même du sujet à l’étude, qui sont le reflet des oppositions existantes entre les approches des États.  D’après elle, cette « dissonance » s’est répercutée sur les projets de conclusions adoptés à titre provisoire.  Elle a rappelé que le projet de conclusion 3, sur la définition du jus cogens, a fait l’objet de vives critiques tant au sein de la CDI que de la Sixième Commission, mais se trouve portant dans les projets susmentionnés.  Elle a également réitéré les doutes de sa délégation quant à la référence à la notion de « valeur fondamentale », estimant qu’elle suscite des interrogations. 

La représentante a également questionné l’approche de la commission sur la place réservée à la pratique des États.  Elle a dénoncé à cet égard l’utilisation interchangeable des expressions « communauté internationale » et « communauté internationale des États dans son ensemble », se prononçant en faveur de l’utilisation de la seconde.  Elle a également remis en question l’affirmation voulant que « l’existence d’une pratique n’est pas nécessaire en sus de l’opinio juris ».  Selon elle, une norme de droit international doit, pour acquérir un caractère cogens, être de nature coutumière, ajoutant que c’est principalement la pratique des États qui permet la formation d’une telle norme.  

Mme Gasri a également critiqué la notion selon laquelle les principes généraux de droit peuvent servir de fondement à des normes de jus cogens.  Elle a déclaré que les principes généraux de droit proviennent des ordres juridiques nationaux et non de la pratique internationale, ajoutant que faire des principes généraux de droit une source de normes impératives introduit un « facteur d’insécurité juridique ».  En ce qui concerne l’acceptation et la reconnaissance d’une norme impérative, elle a jugé que l’expression « très large majorité » suscite des « incertitudes », certains membres pouvant l’assimiler à « majorité ».  Elle a plutôt suggéré à cet égard l’utilisation de l’expression « quasi-totalité des États ».

Concernant la Succession d’États en matière de responsabilité de l’État, M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan) a estimé que l’inclusion de ces questions dans le programme de la Commission du droit international (CDI) est opportune car cela pourrait contribuer au développement du droit international.  Il s’est félicité que la CDI ait décidé d’étendre ses travaux malgré les difficultés pouvant mettre à mal les questions qui demeurent en matière de succession d’États.  Le chapitre soulève des questions délicates en matière d’archives et de droit privé, entre autres.  Or, il n’y a pas pour le moment de droit coutumier en raison du faible nombre de cas documentés.  Le manque de pratique des États fait qu’il n’y a pas de norme générale établie et les États se servent des conventions existantes pour régler ces questions, a-t-il poursuivi.

Rappelant que le Soudan a fait partie récemment des États ayant connu la sécession, le représentant a soulevé une question qui n’apparait pourtant pas dans le projet d’article, celle de la nationalité en cas de sécession.  Par ailleurs, il faudrait selon lui réexaminer les projets d’articles 3 et 4.  Il n’y a pas de règle générale de succession d’États générale.  Il faudrait examiner chaque cas de façon indépendante, car les règles à codifier doivent être de nature complémentaire, afin de servir de modèle utile et servir de règle alternative en cas de conflit.  En conclusion, il a jugé prématuré d’avancer sur ces projets d’articles, qu’il serait bon de considérer à une date ultérieure.

Mme SERAPHINA FONG (Singapour) a reconnu que le projet de conclusion 4 sur l’identification du jus cogens devrait être basé sur l’article 53 de la Convention de Vienne.  Selon elle, le projet de conclusion relatif à l’acceptation et à la reconnaissance d’une norme de jus cogens devrait mentionner la nécessité de l’acceptation par une très grande majorité d’États, soulignant l’importance que presque tous les États approuvent une telle norme.  S’agissant des critères d’identification du jus cogens, elle a déclaré que le projet de conclusion présente non des éléments d’identification du jus cogens, mais bien des éléments descriptifs.  Elle a suggéré à la commission de poursuivre son examen de ces questions.

S’agissant de l’élaboration d’une liste indicative du jus cogens, la représentante a relevé l’importance d’adopter des critères déjà acceptés de ce qui constitue une norme impérative de droit.  Par ailleurs, elle s’est dite prête à poursuivre l’examen de la question de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État et de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.

Mme CRISTINA PUCARINHO (Portugal) a salué l’approche prudente et pragmatique de la commission sur la question des normes impératives du droit international général (jus cogens), estimant que l’idée de règles supérieures dans un système légal horizontal contribue à sécuriser les principes qui en sont l’essence même et donc à préserver celle de l’ordre public international.  Jus cogens est à la fois la marque et le rempart des normes légales minimales communes avec lesquelles les États et les organisations internationales sont d’accord, et elle a pris note que la commission estime que jus cogens peut donc être issu de toutes les sources du droit international, et pas seulement de celui des traités.  Elle a assuré que l’attention portée par la commission à l’identification de critères pour jus cogens entraînera d’importants développements théoriques, ce qui devrait faire la lumière sur la question et rendre jus cogens plus perceptible pour plus d’acteurs.

La représentante a salué l’introduction de la question complexe et sensible de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État dans le programme de travail de la CDI.  Elle a suggéré d’examiner la pratique des États sans l’objectif prédéterminé de montrer l’existence de règles et principes généraux en ce qui concerne la responsabilité.  À son avis, il est trop tôt pour décider de la forme finale du projet tant que la partie substantielle du sujet n’a pas été totalement explorée.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA VELASQUEZ (Pérou) a salué le nouvel intitulé du  chapitre sur les normes impératives du droit international général (jus cogens).  Les normes de jus cogens sont par nature supérieures aux autres et universellement applicables, a-t-il déclaré.  Concernant le caractère de jus cogens qui nécessite « l’acceptation et la reconnaissance de la communauté internationale des États dans son ensemble », il a noté qu’il convient de préciser que ces expressions nécessitent simplement une majorité claire, c’est-à-dire importante.

En outre, le représentant a estimé que plutôt que d’élaborer une liste illustrative des normes de jus cogens, il serait préférable d’établir une méthodologie pour identifier ces normes.  Si toutefois il devait y avoir une liste, il faudrait éviter de donner l’impression d’une liste exhaustive qui pourrait être perçue comme un numerus clausus.  S’agissant des travaux futurs, il a conclu qu’il n’est pas possible d’évoquer un jus cogens régional.

M. HARI BANSH NARAYAN SINGH (Inde) a apprécié le fait que le Rapporteur spécial ait établi des critères d’identification des normes impératives (jus cogens) en prenant comme point de départ la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.  Il a indiqué que son pays sera en mesure de formuler des observations sur les projets de conclusions 4 à 9 une fois terminé le débat général sur la question. 

S’agissant de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, le représentant a rappelé que le projet d’article premier sur la portée a trait à la responsabilité des États pour des faits internationalement illicites et que plusieurs membres ont suggéré de reformuler la disposition.  Il a appuyé l’approche consistant à examiner la question de savoir s’il existe des règles de droit international gouvernant à la fois le transfert d’obligations et le transfert de droits découlant de la responsabilité des États à cet égard.  La pratique des États étant limitée, il a proposé de continuer l’analyse de cette question en profondeur.

M. BORUT MAHNIC (Slovénie) a dit que la nature des normes impératives du droit international général (jus cogens) est distincte en ce qu’elles  reflètent les valeurs fondamentales communes et généralement acceptées de l’ordre international.  En tant que telle, l’approche adoptée pour les critères d’identification du jus cogens ne peut pas être entièrement fondée sur le consentement.  Bien que l’acceptation et la reconnaissance par la communauté internationale dans son ensemble soient inhérentes à la notion de jus cogens, la Slovénie convient qu’elle ne requiert pas l’acceptation et la reconnaissance par tous les États. 

En même temps, nous estimons qu’il serait utile de définir plus avant la notion de « grande majorité d’États » pour affirmer l’existence du consentement dans le projet de conclusion 7, a poursuivi le représentant.  Selon lui, la majorité devrait être suffisamment large pour éviter les opinions litigieuses quant au caractère d’une certaine norme.  Dans ce contexte, il s’est joint également à ceux qui réclament une phrase plus détaillée du mot « attitude » par rapport à l’identification du jus cogens.

S’agissant de la succession d’États en matière de responsabilité de l’État, M. Mahnic a réaffirmé son appui à ce thème et félicité le Rapporteur spécial pour son premier rapport bien construit sur le sujet.  En ce qui concerne les accords sur la succession des responsabilités, il a soutenu la suggestion faite par certains membres de la commission d’envisager l’évolution de la règle « pacta tertiis ».  Ces accords confirment qu'un État successeur est prêt à accepter des obligations découlant de la responsabilité de l’État prédécesseur.  Cependant, ils peuvent limiter ou exclure une telle obligation.  C’est la raison pour laquelle le consentement d’une partie tierce est important et ne peut être présumé dans tous les cas.

S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, la Slovénie partagera bientôt avec le Rapporteur spécial et la commission des informations sur son cadre juridique national en la matière. 

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