Soixante-douzième session,
13e séance – matin
AG/EF/3479

Deuxième Commission: l’éradication de la pauvreté et l’autonomisation des femmes passent par l’industrialisation et des transformations structurelles

« Dans des régions ayant réussi à réduire la pauvreté de manière significative, comme l’Asie de l’Est et le Pacifique, la croissance économique est venue après l’augmentation des emplois dans le secteur industriel »  Cette remarque, faite par le Représentant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), résume plusieurs avis entendus ce matin alors que les délégations de la Commission économique et financière (Deuxième Commission) achevaient leur débat sur l’« élimination de la pauvreté et autres questions liées au développement ».

Les intervenants, qui ont insisté sur le caractère central de la lutte contre la pauvreté dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et plaidé pour la proclamation d’une troisième Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté (2018-2028), ont aussi souligné l’importance de l’autonomisation complète des femmes dans cet objectif.

L’approche recommandée par l’ONUDI pour la réduction de la pauvreté, à savoir l’industrialisation, a fait ses preuves dans de nombreuses régions du monde.  De 1970 à 2014, l’industrialisation a ainsi créé 257 millions d’emplois décents dans les pays en développement et les pays en transition.  Or ces emplois productifs offrent des rémunérations élevées en comparaison au secteur agricole et d’autres secteurs de l’économie, ce qui confirme les avantages d’un développement industriel inclusif et durable.

L’ONUDI souligne en outre que l’industrie manufacturière emploie un très grand nombre de femmes par rapport à d’autres secteurs, et que le développement industriel a une forte tendance à réduire les inégalités de revenus. 

Cette tendance est importante dans le contexte présenté par le Secrétaire général dans son rapport* sur la participation des femmes au développement.  En effet, 22 ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, il remarque qu’il reste beaucoup à faire pour assurer la pleine participation des femmes dans l’économie sur un pied d’égalité avec les hommes.  Au niveau mondial, le taux d’activité des femmes était de 49,5% en 2016 contre 76,1% pour les hommes. 

Certaines délégations ont donc saisi cette occasion pour présenter les mesures prises au niveau national pour autonomiser les femmes et les filles, notamment par le biais d’une éducation de qualité et par des initiatives visant à renforcer leur participation au tissu économique.  À titre d’exemple, la Banque pour l’autonomisation des femmes du Zimbabwe verra le jour d’ici la fin de l’année.

Plus généralement, les États Membres ont brandi leurs succès en matière de lutte contre la pauvreté, comme la Thaïlande qui a vu son taux de pauvreté chuter de 42,3% en 2000 à 7,2% en 2015, ou l’Indonésie passer de 17,75% de pauvres à 10,86% entre 2006 et 2016.  Les États africains, par contre, restent à la traîne, a remarqué le délégué du Lesotho qui a invité ses pairs à promouvoir une croissance industrielle qui permette la création de petites et moyennes entreprises et assure l’épanouissement des travailleurs pauvres qui sont pris dans le piège d’emplois à faible productivité.

En Fédération de Russie, les autorités s’évertuent à trouver des solutions à ce phénomène des « travailleurs pauvres ».  Pour créer des emplois décents, une collaboration avec le secteur privé a ainsi été lancée.

Des emplois décents, il n’en faut pas moins de 600 millions d’ici à 2030 pour suivre la courbe de croissance de la population en âge de travailler, a averti l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui a conseillé d’investir dans les compétences et de faciliter la transition du travail informel vers un travail formel. 

La réalisation du Programme 2030 et de son objectif premier, qui est d’éliminer la pauvreté, va en outre dépendre en grande partie de l’inclusion des pauvres de zones rurales, a relevé de son côté l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  C’est pourquoi il a été recommandé de faire bénéficier les petits producteurs agricoles de formations adéquates, tout en se penchant sur la définition de leurs droits fonciers, surtout en Afrique.

Pour sa part, le représentant de la Chambre de commerce international (CCI) a fait valoir que ce commerce avait déjà permis de réduire de nombreuses inégalités et d’aider un milliard de personnes à sortir de la pauvreté.

Comme lors du débat sur le développement durable plus tôt cette semaine, les délégations, des pays en développement en particulier, n’ont pas manqué de rappeler que chaque pays a le droit de formuler ses propres stratégies de développement et d’élimination de la pauvreté.  Des stratégies qui tiennent compte de leurs priorités nationales et que doit respecter la communauté internationale lorsqu’elle fournit une aide au développement. 

Dans l’après-midi, la Commission tenait sa deuxième manifestation parallèle sur le thème « La science, la technologie et l’innovation au service des objectifs de développement durable: tirer parti de l’innovation inclusive pour ne laisser personne de côté ».  Demain, vendredi 13 octobre, elle débattra du sujet « mondialisation et interdépendance » et de la question des « technologies de l’information et des communications au service du développement ».

* A/72/282

ÉLIMINATION DE LA PAUVRETE ET AUTRES QUESTIONS LIEES AU DEVELOPPEMENT

a) Activités relatives à la deuxième Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté (2008-2017) (A/72/283)

b) Participation des femmes au développement (A/72/282)

c) Mise en valeur des ressources humaines (A/72/292)

Suite et fin de la discussion générale

M. RAHMANTO (Indonésie) a remarqué que la nature multidimensionnelle de la pauvreté obligeait à prendre des mesures dépassant le cadre économique.  Nous devons continuer d’améliorer la qualité des ressources humaines et de promouvoir des modes de vie durables, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que son pays avait vu le taux de population vivant sous le seuil de pauvreté passer de 17,75 % en 2006 à 10,86 % en 2016.  Notre système de sécurité sociale couvre 64,4% de la population, soit près de 171,9 millions de personnes, a-t-il aussi indiqué, en insistant sur l’ambition de ce système.  Le délégué a ensuite souligné la nécessité de disposer de statistiques fiables pour formuler et mettre en œuvre les stratégies d’éradication de la pauvreté.  Enfin, il a appelé l’ONU à coordonner les efforts visant à éliminer la pauvreté, en étroite coopération avec les pays concernés, sur la base de leurs besoins et priorités.

Mme ENKHTSETSEG OCHIR (Mongolie) a recommandé d’apporter des réponses variées pour faire face au caractère multidimensionnel de la pauvreté.  Elle a salué les États ayant adopté cette approche multidimensionnelle qui tient compte de toutes les facettes du phénomène.  Concernant son pays, le taux de pauvreté est passé de 38,7% en 2010 à 21,6% en 2014, a-t-elle indiqué avant de signaler que ce taux était remonté pour atteindre 29%, et ce, du fait de la baisse de la croissance économique.  La diversification de l’économie est essentielle pour réduire la vulnérabilité aux chocs externes d’une économie essentiellement basée sur les mines, a-t-elle remarqué. 

Mme Ochir a exprimé la fierté de son pays pour les résultats atteints en matière d’éducation, même si des progrès peuvent encore être faits pour adapter la formation aux besoins du marché de l’emploi.  Les dispositifs de sécurité sociale ont, en outre, été étendus aux couches les plus défavorisées, a-t-elle fait valoir. 

Mme SASIYADA NAOWANONDHA (Thaïlande) a constaté les progrès inégaux dans la lutte contre la pauvreté au cours des 20 dernières années.  Il s’agit d’une priorité pour la Thaïlande qui avait déjà atteint l’objectif du Millénaire pour le développement (OMD) relatif à la pauvreté: son taux de pauvreté est passé de 42,3% en 2000 à 7,2% en 2015.  Notant que la pauvreté se présente sous différentes facettes, elle a affirmé qu’il ne s’agissait pas que d’une question de revenu.  Pour permettre un développement viable et inclusif, a-t-elle expliqué, il faut investir dans le social, un pari qu’a fait la Thaïlande qui dispose d’un système de protection sociale efficace.  Dans ce cadre, des subventions sont versées aux familles pauvres, aux personnes âgées et aux personnes handicapées.  En outre, des investissements importants ont été faits dans les technologies de l’information et des communications (TIC) pour combler la fracture numérique entre zones urbaines et zones rurales. 

La représentante a également vanté les mesures mises en place pour faciliter l’accès des femmes au marché du travail et pour promouvoir l’égalité entre les sexes.  Elle a ensuite présenté le dispositif « éducation pour tous » adopté par son gouvernement, ainsi que les mesures prises pour promouvoir la formation professionnelle.  Dans le domaine de la santé, un dispositif d’assurance médicale facilite désormais l’accès aux services de santé à différents groupes de migrants, a-t-elle ajouté.

Pour M. BAGNAME SIMPARA (Mali), il ne peut y avoir de paix et de stabilité durables sans développement et sans perspectives d’avenir pour les populations, particulièrement les jeunes et les femmes.  Fort de ce constat, le Gouvernement malien a entrepris des actions dans le but d’atteindre les objectifs de développement durable, notamment par le biais du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREED) pour la période 2016-2018.  L’objectif global du CREED est de promouvoir un développement inclusif et durable qui permette de réduire la pauvreté et les inégalités dans un Mali apaisé, a expliqué le représentant.

En outre, le Gouvernement a mis en place un système de filets de sécurité sociale appelé « Jigisemejiri » (Arbre de l’espoir) pour apporter des subventions financières aux ménages pauvres et souffrant d’insécurité alimentaire.  Ce programme bénéficie du soutien de la Banque mondiale à hauteur de 71,2 millions de dollars.  Par ailleurs, pour résoudre durablement la crise que le Mali traverse, le gouvernement est fortement engagé dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui, en plus de ses dimensions politiques et sécuritaires, consacre une place de choix au volet du développement du Mali, et en particulier de ses régions du nord.  Le représentant a également indiqué que désormais 65,3% des Maliens avaient accès à l’eau potable et qu’une législation avait été adoptée pour promouvoir le critère du genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.  En 2016, les femmes représentaient 27,5% des conseillères, a-t-il précisé.

M. SONAM TOBGYE (Bhoutan) a rappelé que, bien que le taux de pauvreté soit passé de 29,4% en 2008 à 15,1% en 2013, l’Asie du Sud reste la seconde région avec la plus forte concentration d’extrême pauvreté.  À ses yeux, les facteurs critiques pour éradiquer cette pauvreté sont l’accès à des services de santé et d’éducation, à l’eau, à l’énergie, ainsi que des infrastructures sûres.  « Ce défi est loin d’être relevé », a-t-il souligné, avant d’appeler la communauté internationale à redoubler d’efforts.

Estimant que le Programme 2030 constitue une bonne feuille de route pour parvenir au développement durable, le représentant a expliqué que son pays a recherché un bon équilibre entre croissance économique et développement social, environnement durable et préservation culturelle.  Il s’est réjoui que la pauvreté dans son pays, qui a déjà reculé de moitié, promette de régresser encore de 5% dans les prochaines années.  Il a remercié ses partenaires pour leur aide et leur générosité à cet égard.  Il a conclu en soulignant que l’amélioration des capacités de production, la diversification de l’économie, le développement du secteur privé, ou encore l’emploi des jeunes figurent parmi les facteurs clefs permettant de remplir le double objectif de la baisse de la pauvreté et du développement durable.

Mme SANTOSH AHLAWAT (Inde) a rappelé que l’Inde comptait le sixième de la population mondiale, d’où l’importance des succès du pays en matière de lutte contre la pauvreté pour diminuer l’étendue de ce fléau dans le monde.  Ces dernières années, l’Inde est devenue l’une des grandes économies qui connaît une des croissances les plus rapides, a-t-elle relevé, indiquant que le pays met aujourd’hui l’accent sur une croissance économique rapide qui soit inclusive et qui permette l’autonomisation des gens.

À ce propos, des progrès significatifs ont été accomplis en matière d’inclusion financière, notamment grâce à la technologie numérique utilisée pour émettre des cartes d’identité biométriques à plus d’un milliard d’Indiens.  Plus de 300 millions de comptes bancaires ont été ouverts pour les pauvres et les plus marginalisés, permettant ainsi à l’État de faire des transferts de fonds aux pauvres et aux personnes vulnérables. 

Un autre système appelé « Mudra » fournit des prêts aux petits entrepreneurs.  La plupart de ces programmes mettent un accent particulier sur l’autonomisation des femmes, a précisé la représentante.   Elle a expliqué en outre que la technologie permet de relier les marchés des produits agricoles entre eux, grâce à un tableau de bord du marché agricole national appelé e-NAM.  Des projets d’infrastructures à grande échelle visant à améliorer la connectivité sont également en cours en Inde.

M. PHILIP FOX-DRUMMOND GOUGH (Brésil) a réitéré que l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et dimensions, y compris la pauvreté extrême, est le défi majeur que le monde se doit de relever, et une condition préalable à un développement durable.  Dans cet esprit, il y a lieu d’admettre que la réalisation du premier des objectifs de développement durable, « pas de pauvreté », dépend directement de la mise en œuvre des 16 autres objectifs, une mise en œuvre qui doit se faire de façon intégrée et indivisible à la fois.  Avec l’adoption, en juin 2017, du cadre mondial d’indicateurs pour ces objectifs, la communauté internationale a finalement complété la feuille de route universelle d’application, par tous les pays, du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Il est dès lors impératif de se focaliser sur la mise en œuvre, a affirmé le Brésil, qui s’est félicité, dans cette optique, de l’édition 2017 du Forum politique de haut niveau pour le développement durable qui avait pour thème « Élimination de la pauvreté et promotion de la prospérité dans un monde en changement ».  À l’occasion du Forum, 44 pays, dont le Brésil, ont présenté, sur une base volontaire, des rapports nationaux, ce qui montre un engagement résolu pour la réalisation des objectifs, a fait valoir le représentant.  Il a mis l’accent sur la nécessité de privilégier l’intégration de toutes les parties prenantes dans le processus de prise de décisions et les mesures envisagées pour s’attaquer aux aspects multidimensionnels de la pauvreté.  Selon lui, la stratégie multidimensionnelle doit reposer sur une approche « droits de l’homme », afin de valoriser l’autonomisation des femmes et des filles, l’emploi décent et l’accès à l’alimentation et aux services de base comme l’éducation et la santé.     

Mme BAKURAMUTSA (Rwanda) a estimé que l’éradication de la pauvreté demeure le plus grand défi du développement durable.  Aussi ambitieux que soit le Programme 2030, a-t-il poursuivi, il est impératif qu’une même ambition anime la troisième Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté (2018-2028) en renforçant la capacité des pays pour qu’ils atteignent ce but.  Rappelant que le Rwanda avait réussi à réduire son taux de pauvreté, qui est passé de 45% en 2011 à 39% en 2014, il a assuré que son objectif était de passer sous la barre des 30% à l’horizon 2020.  Il entend y arriver en continuant d’améliorer les filets de sécurité sociale, mais aussi les politiques socioéconomiques qui appuient les investissements dans la formation, l’éducation, la santé et la création d’emplois.

Aux yeux du représentant, « il est évident qu’atteindre les objectifs ambitieux du Programme 2030 ne pourra se faire que par le biais d’un développement inclusif ».  Cette observation concerne particulièrement le Rwanda dont la jeunesse représente 70,6% de la population en âge de travailler, a-t-il précisé.  Dans ces conditions, a-t-il conclu, l’aide des Nations Unies et des autres partenaires internationaux pour mobiliser les ressources nécessaires apparaît comme cruciale.

M. MAHMADAMIN MAHMADAMINOV (Tadjikistan) a salué le fait que depuis l’an 2000, la pauvreté a pu être réduite de moitié.  Le Tadjikistan a pu enregistrer des résultats positifs dans ce domaine grâce à sa stratégie nationale d’élimination de la pauvreté qui a contribué à faire passer le taux de pauvreté de 83% à 30% entre 2000 à 2016.  L’éducation reste une priorité majeure au Tadjikistan, a notamment indiqué le représentant.  Il a en outre annoncé que le taux de pauvreté devrait encore baisser, espérant ainsi arriver à un taux de pauvreté de 20% d’ici 2020.  Cela suppose toutefois des investissements majeurs dans les infrastructures, l’eau, la protection sociale et l’augmentation des revenus, a-t-il expliqué.

M. ARNOLD JACKSON (Nigéria) a expliqué que son gouvernement lutte fermement contre l’extrémisme violent et l’insécurité, étant donné que ces phénomènes aggravent la pauvreté et sapent tout effort de développement.  La priorité au Nigéria est de diversifier l’économie en favorisant les exportations dans des domaines autres que le pétrole, a-t-il dit avant de citer également les efforts entrepris pour développer les infrastructures, créer des emplois et valoriser le capital humain.  Les secteurs de l’agriculture et des mines sont désormais prioritaires, parce que les investissements étrangers directs sont attirés dans des domaines où le Nigéria a des avantages comparatifs.

Le représentant a également souligné que l’égalité des sexes est au cœur d’une politique nationale de protection sociale.  Le Gouvernement intensifie sa campagne de scolarisation des filles afin de leur assurer un avenir dans le tissu économique national.  M. Jackson a enfin appelé de ses vœux la proclamation d’une troisième Décennie des Nations Unies pour l’élimination de la pauvreté.

M. JOAQUIM JOSE COSTA CHAVES (Timor-Leste) a expliqué que les quatre priorités du plan stratégique de développement de son pays sont le capital social, les infrastructures, l’économie et le développement du cadre institutionnel.  Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, l’accent est mis notamment sur l’éducation et la santé, ainsi que sur les infrastructures (routes, ponts, aéroports, ports, centrales électriques, systèmes de communication, écoles, hôpitaux) qui sont essentiels pour le développement.

Ces investissements ont permis d’étendre l’accès à l’électricité, le taux d’accès des ménages étant ainsi passé de 21% en 2000 à 83% en 2016.  Ils ont aussi permis la création de 2 100 salles de classe supplémentaires et 200 cliniques, a annoncé le représentant.  Dans le même temps, le taux d’alphabétisation des adultes est passé de 37% à 64,1% alors que la mortalité infantile a baissé d’un quart depuis 2002.  Le délégué a également expliqué que plusieurs programmes de développement visent spécifiquement les femmes.  Le plus grand défi à relever reste lié à la jeunesse de la population, celle-ci étant composée à 70% de jeunes de moins de 25 ans, car il faut augmenter les opportunités à leur égard.  Pour y arriver, le Gouvernement cherche notamment à mettre en place des programmes de formation professionnelle et à diversifier l’économie du pays.

M. ABDULRAHMAN (Bahreïn) a déclaré que son gouvernement avait créé le Conseil suprême de la femme en 2001 afin de promouvoir l’autonomisation de la femme.  En outre, la Constitution de 2002 souligne l’importance de l’égalité des sexes, a-t-il indiqué en soulignant l’importance majeure que son pays accorde à la participation des femmes à l’économie nationale.  De ce fait, l’accès aux ressources économiques leur est facilité.  Le délégué a aussi précisé que le travail des femmes était encouragé au Bahreïn.  Des comités sur l’égalité sont à pied d’œuvre pour y veiller, a-t-il assuré avant de s’appuyer sur les chiffres pour démontrer la hausse du taux de participation des femmes au monde du travail qui est passé de 4,9% en 1974 à 31% en 2011.

Mme HAMDOUNI (Maroc) a signalé que, malgré les importants progrès réalisés, plusieurs pays, notamment en Afrique subsaharienne, continuent de souffrir de la pauvreté et d’importantes inégalités, des situations exacerbées par les crises économiques et politiques, la disparition de la biodiversité et des services écosystémiques, ainsi que par les catastrophes naturelles et la violence.  Dans son pays, l’éradication de la pauvreté a toujours constitué une préoccupation des politiques publiques, a-t-elle affirmé, citant le renforcement, ces dernières années, des dotations financières destinées aux secteurs sociaux.  Dans les zones rurales, le Maroc mène une politique volontariste axée sur l’autosuffisance alimentaire, le développement de l’agriculture familiale et solidaire, ainsi que la promotion des activités génératrices de revenus, en particulier au profit de la femme rurale.

La représentante a précisé que la lutte contre la pauvreté dans son pays s’appuie sur un cadre stratégique qui repose sur trois piliers: la consécration d’une approche participative mettant le citoyen au centre des politiques publiques, le renforcement du processus démocratique et de la construction d’une société juste et prospère, ainsi que l’instauration d’une économie solide et compétitive.  Mme Hamdouni a cité plusieurs actions prises à cette fin, notamment l’initiative nationale de développement humain lancée par le Roi Mohammed V en 2005, la création de l’observatoire nationale du développement humain, ou encore le plan Maroc vert.  Elle a aussi indiqué que la coopération Sud-Sud et triangulaire était une priorité de la politique étrangère marocaine, son pays étant soucieux du développement du continent africain.  Le Maroc, a-t-elle ajouté, est déterminé à poursuivre la lutte contre la pauvreté et à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

M. ONISMO CHIGEJO (Zimbabwe) a revendiqué le droit des pays en développement à formuler leurs propres stratégies d’élimination de la pauvreté qui tiennent compte de leurs priorités nationales.  Il a plaidé pour des approches cohérentes et intégrées dans ce domaine, soulignant aussi l’importance des partenariats forts, ainsi que de la participation du secteur privé aux efforts de mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030.  Le Zimbabwe estime en outre qu’une réforme fiscale globale s’impose, de même qu’une meilleure coopération internationale dans la lutte contre les flux illicites de capitaux si l’on veut que les pays en développement arrivent à éliminer la pauvreté.

Au Zimbabwe, les efforts sont concentrés sur l’amélioration des capacités des secteurs productifs, notamment par le biais de taux d’intérêts préférentiels pour les investisseurs nationaux.  Le système éducatif fait également l’objet d’une attention particulière, a ajouté le représentant.  Le Gouvernement a mis en place des filets de sécurité sociale et a procédé à l’harmonisation des programmes de protection sociale.  Il a également facilité l’autonomisation des femmes en favorisant en particulier leur participation aux secteurs productifs de l’économie et leur accès aux financements, a précisé le représentant, en citant notamment la création de la Banque pour l’autonomisation des femmes du Zimbabwe qui doit entrer en fonction d’ici à la fin de l’année.

Mme RAVILOVA-BOROVIK (Fédération de Russie) a relevé que le développement technologique avait conduit à la création d’une nouvelle classe de pauvres, des travailleurs pauvres, en appelant à trouver des solutions à ce problème.  La Fédération de Russie, a-t-elle indiqué, a pris des mesures pour assurer un travail décent à sa population, notamment en collaborant avec le secteur privé.  Le pays est prêt à partager avec d’autres pays son expérience sur la question des emplois décents.  La Fédération de Russie a déboursé 8 millions de dollars pour soutenir des programmes de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a-t-elle encore précisé.   

M. DILIP KUMAR PAUDEL (Népal) a regretté qu’il y ait toujours près d’un milliard de personnes qui vivent avec moins de 1,25 dollar par jour dans le monde.  La situation des pays les moins avancés (PMA) et des pays en développement sans littoral est particulièrement alarmante, a-t-il dit pour alerter sur les efforts à renforcer pour parvenir à y éliminer la pauvreté et les inégalités sociales.

Affirmant que l’élimination de la pauvreté est au cœur du programme de développement du Népal, il a expliqué que son pays avait enregistré des résultats importants puisque la faim a été réduite, passant de 47% en 2000 à 21,6% en 2015, pendant que le taux de pauvreté extrême est tombé à 16,4% en 2015 alors qu’il était de 33,5% en 2000.  L’objectif du programme de développement national est de faire passer le taux de pauvreté à 17% d’ici à 2018.  Le Népal a présenté son examen national volontaire au Forum politique de haut niveau pour le développement durable et, comme ses indicateurs le montrent, le pays est en bonne voie pour faire passer ce taux à 5% d’ici à 2030. 

M. KELEBONE A. MAOPE (Lesotho) a souligné l’importance du plein emploi si l’on veut arriver à éliminer la pauvreté dans le monde.  Il a noté que, malgré des performances économiques remarquables sur le continent africain au cours des deux dernières décennies, la croissance ne s’était pas traduite par une réduction significative du taux de pauvreté ni par la création d’emplois décents.  Il a donc invité les États à promouvoir une croissance industrielle qui permette la création de petites et moyennes entreprises et assure l’épanouissement des travailleurs pauvres qui sont pris dans le piège d’emploi à faible productivité.  Dans les zones rurales, par exemple, il a recommandé de ne pas investir uniquement dans le secteur agricole mais dans tous les secteurs, et ce, afin d’élever le niveau de revenu.

Le représentant a en outre affirmé que l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et filles sont des éléments centraux de la mise en œuvre des objectifs de développement durable pour arriver à ne laisser personne de côté.  Il a notamment déploré la ségrégation qui a lieu dans le monde du travail et qui se traduit par de grandes inégalités en matière de revenu.  Il a aussi rappelé que les tâches domestiques empêchent les femmes d’être candidates à des emplois décents au même titre que les hommes.  Il a enfin invité le système des Nations Unies à soutenir les États dans leurs efforts visant l’éradication de la pauvreté.

L’observateur du Saint-Siège, Mgr TOMASZ KRZYSZTOF GRYSA, a proposé un antidote pour éviter l’exclusion, à savoir une stratégie de développement basée sur l’inclusion.  Cela nécessite des investissements ciblant la petite enfance, la santé et l’éducation, entre autres.  Pour le Saint-Siège, les politiques visant à réduire les investissements dans ces secteurs, pour des raisons d’équilibre budgétaire, ne peuvent donc que conduire à saper le développement.  Il a regretté de telles politiques qui réduisent les investissements en faveur des populations.

Une autre voie pour favoriser l’inclusion, a-t-il noté, est d’étendre les politiques de protection sociale, telles que les pensions pour les personnes âgées, les allocations pour les parents et des transferts d’argent aux familles démunies.  Ces programmes d’inclusion doivent cibler également les femmes et filles, a-t-il insisté en faisant observer que ces dernières constituent la majorité des pauvres.

M. ISMAIL MOHAMMED (Soudan) a regretté que les progrès en termes d’élimination de la pauvreté aient été plus lents en Afrique subsaharienne.  Il importe, selon lui, de redoubler d’efforts dans ce domaine et de lutter contre les flux de capitaux illicites.  Le Soudan a pris bon nombre de mesures pour lutter contre la pauvreté par le biais de son plan quinquennal de réforme, ainsi que son plan national d’éradication de la pauvreté.  Il existe également un fonds pour l’emploi des jeunes des deux sexes.  S’agissant de la promotion et de l’émancipation de la femme, le représentant a expliqué que le Syndicat général de la femme joue un rôle important.  Il a également fait part de l’augmentation de la participation des femmes dans la sphère politique.

M. HIROKO MURAKI GOTTLIEB, représentant de la Chambre de commerce international (CCI), a estimé que favoriser le commerce durable contribuerait à l’éradication de la pauvreté.  Mettant en avant le fait que, par le passé, le commerce international avait aidé un milliard de personnes à sortir de la pauvreté et avait réduit les inégalités, le représentant a considéré que les objectifs du commerce durable étaient bien alignés avec ceux du développement durable.  À ce titre, a-t-il expliqué, les institutions financières ont leur rôle à jouer en finançant un commerce capable de promouvoir l’économie de marché tout en intégrant les économies émergentes dans les flux commerciaux mondiaux.  Il a aussi souligné le rôle des banques commerciales qui, en travaillant avec des banques pour le développement, pourraient « réduire les risques et faciliter les transactions dans des pays et des marchés auxquels il était jusqu’ici difficile d’accéder ».

Soulignant par ailleurs l’impact des progrès technologiques sur la vie de chacun, le représentant a abondé dans le sens du Secrétaire général en assurant que ces évolutions pouvaient permettre de faire croître l’emploi et d’améliorer l’éducation et l’apprentissage, notamment au bénéfice des femmes et des populations défavorisées.  Il s’est dit persuadé que le développement du secteur de l’éducation, des compétences, du commerce, de la finance et de l’investissement dans les pays en développement, créera des marchés qui bénéficieront à toutes les parties.  S’il a reconnu en conclusion que le secteur privé jouait un rôle important dans la mobilisation des ressources nécessaires à ces objectifs, il a affirmé qu’un esprit de collaboration était crucial pour tirer le maximum de cet effort.  La CCI attend donc qu’on facilite les partenariats entre ce secteur privé, les Nations Unies et les organisations internationales.

Mme AMBER BARTH, représentante de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a pris la parole pour rappeler que le travail demeure un élément crucial de la lutte contre la pauvreté.  L’OIT estime que 600 millions de nouveaux emplois seront nécessaires d’ici à 2030, uniquement pour suivre la courbe de croissance de la population en âge de travailler.  À cela s’ajoute a expliqué la représentante, les 780 millions de personnes qui ont un travail mais ne gagnent pas assez pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, car il faut savoir qu’un tiers des gens plongés dans la pauvreté ont un travail.  Un constat valable aussi dans les pays développés, a-t-elle précisé, et qui s’aggrave lorsqu’on regarde le cas particulier des femmes.

La représentante a également rappelé que moins d’un tiers de la population mondiale dispose d’une couverture sociale adéquate et que la moitié n’en a pas du tout.  À ses yeux, cette situation requiert qu’on repense et réoriente les politiques actuelles concernant le marché du travail.  Une politique efficace, a-t-elle détaillé, doit être ciblée en fonction des besoins de chaque pays, mais intégrée dans des cadres macroéconomiques.  « Une conception étroite de la croissance économique va main dans la main avec un taux de pauvreté élevé », a-t-elle-même assuré.  Selon elle, s’attaquer à la précarité du travail, investir dans les compétences et faciliter la transition du travail informel vers un travail formel permettront de relever les défis structurels qui entravent la croissance d’emplois de qualité et les efforts en matière d’éradication de la pauvreté.

M. PAUL MASELI de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) a souligné que les progrès en matière de lutte contre la pauvreté sont inégaux du fait que certains pays n’ont pas pu assurer une transformation structurelle et l’industrialisation de leur économie.  Dans des régions ayant réussi à réduire la pauvreté de manière significative, comme l’Asie de l’Est et le Pacifique, la croissance économique est venue après l’augmentation des emplois dans le secteur industriel, a-t-il noté.  Par contre, dans des régions qui ont été à la traîne dans la réduction de la pauvreté, comme l’Afrique, la croissance économique n’a pas été accompagnée par une croissance du secteur industriel, mais elle fut plutôt guidée par le secteur des matières premières sans les transformations structurelles nécessaires.  Il a affirmé que cette approche de réduction de la pauvreté par l’industrialisation avait fait ses preuves tout au long de l’histoire et dans de nombreuses régions du monde.  Cela s’explique par le fait que l’industrialisation offre des emplois décents, a-t-il expliqué ajoutant que ces emplois productifs offrent des rémunérations élevées en comparaison au secteur agricole et d’autres secteurs de l’économie. 

De 1970 à 2014, a continué le représentant, l’industrialisation a créé 257 millions d’emplois dans les pays en développement et les pays en transition.  De plus, les données recueillies par l’ONUDI suggèrent que chaque emploi créé dans le secteur manufacturier entraîne deux ou trois emplois supplémentaires dans d'autres secteurs.  L’industrie manufacturière emploie en outre un très grand nombre de femmes par rapport à d’autres secteurs, et le développement industriel a une forte tendance à réduire les inégalités de revenus.  Pour sa part, l’ONUDI soutient les pays en développement à identifier les secteurs industriels prioritaires, ceux ayant un fort potentiel de création d’emplois, d’augmentation des exportations et d’attraction des investissements étrangers directs.  Cette coopération a connu des résultats remarquables dans des pays comme l’Éthiopie, le Sénégal ou le Pérou.

Mme CARLA MUCAVI de l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), a rappelé qu’il existait toujours 780 millions de pauvres dans le monde dont la plupart se trouvent en Afrique subsaharienne et en Asie.  Par conséquent, la réalisation du Programme de développement durable à l'horizon 2030 va dépendre en grande mesure de l’inclusion des pauvres de zones rurales, selon la FAO.  Celle-ci plaide pour une transformation des zones rurales pour pouvoir répondre à la demande croissante des villes en produits alimentaires.  Elle a prévenu que, dans la situation actuelle, les chefs de familles agricoles ne pourront pas répondre à cette demande urbaine croissante.  Il faut d’urgence des politiques en leur faveur afin de leur faciliter l’accès au crédit et à des technologies adaptées aux besoins locaux, a-t-elle lancé.  De plus, elle a recommandé de faire bénéficier les petits producteurs agricoles de formations adéquates, tout en se penchant sur la définition de leurs droits fonciers, surtout en Afrique.

Aujourd’hui la rémunération des agriculteurs est souvent si basse que beaucoup quittent les campagnes pour les villes, un phénomène qui touche surtout les jeunes.  Il faut par conséquent investir dans le secteur agricole pour pouvoir relever les défis d’aujourd’hui, a plaidé la représentante.  Pour qu’il y ait une véritable transformation rurale, la FAO estime qu’il faut investir dans l’infrastructure, penser aux moyens d’entreposage et améliorer les connexions entre les centres ruraux.  Enfin, selon la représentante, choisir d’investir dans les zones rurales ne signifie pas ralentir l’urbanisation ou favoriser les populations rurales, mais il s’agit plutôt d’un moyen efficace, voire incontournable, pour atteindre ceux qui sont le plus à la traîne.

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