Soixante-douzième session,
24e séance plénière - Matin & après-midi
AG/11955

Par une Déclaration politique, l’Assemblée générale réaffirme le Plan d’action mondial de l’ONU pour la lutte contre la traite des personnes

Afin de mettre fin au « crime odieux » de la traite des personnes « où qu’il se produise », l’Assemblée générale a adopté ce matin, sans vote, une Déclaration politique* sur l’application du Plan d’action mondial** adopté en 2010.

Les États Membres réaffirment dans ce document les engagements énoncés dans le Plan d’action et manifestent leur « ferme volonté politique d’agir résolument et de concert pour mettre fin à ce crime odieux, où qu’il se produise ».  Ils placent aussi pour la première fois cette action dans la ligne du Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté il y a deux ans.

« Cette volonté doit se transformer en actions.  C’est alors seulement qu’elle aura du sens pour les victimes », a toutefois averti le Président de l’Assemblée générale, M. Miroslav Lajčák, en ouvrant une réunion de haut niveau de deux jours consacrée à l’évaluation du Plan d’action mondial.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a rappelé que des dizaines de millions de personnes étaient victimes du travail forcé, de l’asservissement, du recrutement comme enfants soldats et d’autres formes d’exploitation et d’abus.  « La traite des personnes est partout autour de nous, dans toutes les régions du monde », a-t-il déclaré, ajoutant que la montée en puissance des conflits, l’insécurité et l’incertitude économique avaient créé ces dernières années.  Des millions de femmes, d’enfants et d’hommes fuyant leur pays se trouvent « à la merci de gens sans merci », a-t-il déclaré, déplorant que, trop souvent, les auteurs de la traite opèrent avec impunité et reçoivent beaucoup moins d’attention que les trafiquants de drogues.  « Cela doit cesser », a affirmé M. Guterres. 

Le Secrétaire général a recommandé de mieux se servir de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée en 2000, y compris son Protocole relatif à la traite.  À cet égard, a-t-il rappelé, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, adoptée l’année dernière, constitue un jalon.

Le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes demeure la pierre angulaire de l’action collective contre la traite, a rappelé lui aussi le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Yury Fedotov.  Avec la Déclaration politique adoptée aujourd’hui, il peut contribuer à affiner la riposte contre ce crime odieux, s’est-il félicité.

Le Directeur exécutif de l’ONUDC, organisation qui joue un rôle central dans la lutte mondiale contre la traite des personnes, a aussi appelé les États à appuyer le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies en faveur des victimes de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, créé au titre du Plan d’action mondial.

« Déployons la volonté politique et les résolutions financières nécessaires pour mettre fin à cette situation », a enchaîné Mme Mira Sorvino, Ambassadrice de bonne volonté de l’ONUDC pour la lutte mondiale contre la traite des personnes.  Elle a expliqué qu’elle avait parcouru le monde entier pour travailler sur cette question et qu’elle avait interviewé de nombreux survivants qui l’ont inspirée par leur héroïsme.

« Les victimes et survivants de la traite des personnes n’ont pas de plateformes d’expression, nous avons le devoir d’être leur voix; c’est pour cela que l’ONU existe », avait déclaré le Président de l’Assemblée.

Une de ces voix a pu s’exprimer ce matin.  « J’ai été une esclave sexuelle », a ainsi témoigné Mme Grizelda Grootboom, Représentante de la société civile sud-africaine.  « L’esclavage opprime les femmes et les filles de par le monde; ceux qui gèrent cette industrie sont des hommes, tout comme les clients; 96% des victimes sont des femmes et des filles », s’est-elle désolée.

Une vingtaine de ministres sont ensuite intervenus en séance plénière pour parler de leur détermination à « prévenir et combattre la traite, à en protéger et en aider les victimes, à en poursuivre les auteurs et à favoriser l’établissement de partenariats en vue de renforcer la coordination et la coopération », selon les termes du Plan d’action mondial lancé par l’Assemblée générale le 30 juillet 2010.  Nombre d’entre eux ont souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes qui exposent les personnes à la traite, telles le chômage et les inégalités.

C’est la deuxième fois que l’Assemblée se réunit pour examiner les progrès accomplis dans l’application du Plan d’action mondial.  À l’issue de son premier examen, en 2013, l’Assemblée avait décidé d’évaluer cette application tous les quatre ans à partir de sa soixante-douzième session.  Il s’agit d’évaluer les réalisations et les difficultés rencontrées, s’agissant notamment de la mise en œuvre des instruments juridiques pertinents.

Cette évaluation est donc la première depuis l’adoption, il y a deux ans, du Programme 2030, auquel les dignitaires ont réaffirmé leur attachement.  La Déclaration le confirme.  En effet, les États, « sachant qu’il comprend des engagements relatifs à la lutte contre toutes les formes de traite des personnes », y soulignent que le Programme 2030 et le Plan d’action mondial « se renforcent mutuellement ».

Cet après-midi, deux tables rondes se sont tenues sur la question de la traite, portant sur les « partenariats efficaces » à entreprendre, en tenant compte également de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, sur, d’une part, « la prévention et la répression de la traite des êtres humains: progrès, lacunes et défis », et, d’autre part, « la protection des victimes et de l’assistance à leur apporter, notamment par le biais du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies en faveur des victimes de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ».

Cette réunion de haut niveau de l’Assemblée générale se poursuivra demain, jeudi 28 septembre, à partir de 10 heures, avec l’intervention de plus d’une soixantaine d’orateurs inscrits. 

*A/72/L.1

**A/RES/64/293

RÉUNION DE HAUT NIVEAU DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE SUR L’ÉVALUATION DU PLAN D’ACTION MONDIAL DES NATIONS UNIES POUR LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES PERSONNES

Déclarations liminaires

M. MIROSLAV LAJČÁK (Slovaquie), Président de l’Assemblée générale, s’est déclaré profondément touché par une conversation qu’il a eue dans la semaine avec Shireen Ibrahim, une jeune yézidie, qui a survécu à la traite des personnes des mains de terroristes.  « Sa dignité, ses droits et sa personne ont été violés.  Son histoire montre l’horreur et la complexité de ce fléau.  Mais plus encore, elle montre que nous parlons ici d’êtres humains », a-t-il déclaré.

M. Lajčák a précisé que la réunion de haut niveau de ce jour devait faire l’état des lieux des progrès effectués jusqu’à présent dans la lutte contre la traite des êtres humains.  La déclaration qui doit être adoptée, aujourd’hui, montre la volonté politique de mettre un terme à la traite des personnes, a-t-il expliqué, avant d’avertir que « cette volonté doit se transformer en actions. C’est alors seulement qu’elle aura du sens pour les victimes », a-t-il annoncé.

Le Président de l’Assemblée générale a insisté sur trois points.  Il a d’abord expliqué que se centrer sur l’individu veut dire avoir une approche axée sur les victimes et les survivants.  Certains d’entre eux sont avec nous aujourd’hui a-t-il fait observer.  Leur présence nous rappelle pourquoi nous sommes ici: pour que les individus puissent vivre libres et en paix.  « Les victimes et survivants de la traite des personnes n’ont pas de plateformes d’expression, nous avons le devoir d’être leur voix; c’est pour cela que l’ONU existe », a-t-il insisté.

Il faut ensuite renforcer les efforts de prévention, a ensuite déclaré M. Lajčák.  Aujourd’hui les défis de la paix mondiale et de la sécurité amplifient le risque de la traite des personnes. « Il faut s’attaquer à ses racines » a-t-il martelé, ajoutant que l’histoire de Shireen Ibrahim confirmait ce que nous savons déjà: prévenir les conflits permet d’empêcher la traite des personnes.  « L’abîme entre la guerre et la paix présente de nombreux dangers, la traite des personnes est l’un d’entre eux », a commenté M. Lajčák.  Il a expliqué que les conflits et les désastres humanitaires forçaient des millions de personnes à fuir leurs foyers.  « La traite des personnes et les migrations suivent des schémas géographiques similaires, certaines personnes se retrouvent prises à l’intersection des deux », a-t-il ajouté.

M. Lajčák a également rappelé que le monde était confronté à des terroristes et des criminels qui utilisent la traite et la violence sexuelle comme arme de guerre et comme une importante source de financement.  « Ils profitent de l’instabilité créée par les conflits et les crises humanitaires, ainsi que les conditions économiques et sociales des pays d’où viennent les victimes.  Ils profitent d’un état de droit faible et tirent avantage du chaos, opérant sans crainte de devoir rendre des comptes », a-t-il ajouté.

Revenant sur la complexité de la traite des personnes, le Président de l’Assemblée générale a expliqué qu’elle avait de nombreuses facettes mais que ce qui était commun à l’ensemble du phénomène était que la prévention était le meilleur des remèdes.  « La pauvreté, les violations des droits de l’homme, le chômage, le manque de redevabilité, ainsi que d’autres facteurs, alimentent les flammes de la traite des personnes.  Nous devons affamer les trafiquants en nous attaquant à la fois à l’offre et à la demande.  Pour cela nous avons besoin de tous », a-t-il expliqué.

Dans un troisième temps, M. Lajčák a tenu à s’arrêter un instant sur les personnes les plus à risque: les enfants, les femmes, les personnes internationalement déplacées.  Listant les instruments internationaux aux mains de l’ONU, le Président de l’Assemblée générale a insisté sur l’importance de la Déclaration qui doit être adoptée dans la journée.  Il a conclu en incitant les États Membres à contribuer au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies en faveur des victimes de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que des dizaines de millions de personnes étaient victimes du travail forcé, de l’asservissement, du recrutement comme enfants soldats et d’autres formes d’exploitation et d’abus.  « La traite des personnes est partout autour de nous, dans toutes les régions du monde », a-t-il déclaré. 

D’innombrables entreprises, au Nord comme au Sud, bénéficient de la misère des plus vulnérables et sont entachées par ces pratiques, a déploré le Secrétaire général.  Et souvent, la traite est liée à la discrimination raciale ou sexiste.

Ces dernières années, a poursuivi M. Guterres, la montée en puissance des conflits, l’insécurité et l’incertitude économique ont introduit de nouveaux défis.  Des millions de femmes, d’enfants et d’hommes fuyant leur pays se trouvent « à la merci de gens sans merci ».

Des milliers de personnes ont péri en mer, dans les déserts ou dans des centres de détention, aux mains de trafiquants abominables.  Des réseaux criminels ont utilisé le désordre et le désespoir pour asseoir leur emprise brutale.

Des groupes terroristes comme Daech et Boko Haram continuent de capturer et d’asservir des femmes, des filles et des garçons, a souligné le Secrétaire général. 

Nous devons faire montre de la même détermination que ces groupes, qui tirent parti des lacunes dans la gouvernance et la faiblesse des institutions, pour lutter contre ces menaces, a lancé M. Guterres.  Trop souvent, a-t-il regretté, les auteurs de la traite opèrent avec impunité et reçoivent beaucoup moins d’attention que les trafiquants de drogues.  « Cela doit cesser. »

M. Guterres a recommandé de mieux se servir de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée adoptée en 2000, y compris son Protocole relatif à la traite.  À cet égard, a-t-il rappelé, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, adoptée l’année dernière, constitue un jalon.

Les réfugiés et les migrants sont particulièrement vulnérables, et plus encore quand ils sont traités comme des criminels par les gouvernements et les communautés qui les accueillent.  « La communauté internationale doit créer des circuits de migration légaux et sécurisés », a-t-il fait valoir.

De plus, dans notre combat contre la traite, nous devons faire respecter le droit des réfugiés à l’asile, a poursuivi le Secrétaire général.  Il a jugé la coopération internationale essentielle, y compris pour le partage d’informations, l’application de la loi et l’assistance juridique.  À ce sujet, le Conseil de sécurité a adopté d’importantes résolutions pour cibler le financement des terroristes et des trafiquants.

Nous devons renforcer l’appui aux victimes, a plaidé M. Guterres, notamment à travers le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies en faveur des victimes de la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants. 

Un autre outil, a-t-il relevé, est le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui s’attaque à certaines des causes sous-jacentes qui rendent les personnes vulnérables à la traite.  Trop souvent, la traite est encouragée par la pauvreté et l’inégalité.

Tant que ce crime existe, nous ne pouvons pas dire aux jeunes que l’avenir sera meilleur que le passé; nous ne pouvons pas nous regarder sans un sentiment de honte.  « Il est temps de nous unir pour éradiquer cette abominable pratique », a conclu le Secrétaire général.

M. YURY FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a déclaré que le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes demeurait la pierre angulaire de l’action collective contre la traite et qu’avec la Déclaration politique qui est sur le point d’être adoptée aujourd’hui, il pouvait contribuer à affiner la riposte contre ce « crime odieux ».

Le Directeur a affirmé que, depuis le Plan d’action phare de 2010, les États avaient redoublé d’efforts, notamment au travers du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et qui compte aujourd’hui 172 Hautes Parties contractantes.

Les recherches ont montré que se doter d’une législation alignée sur le Protocole était utile pour la lutte contre la traite mais que de nombreuses lacunes persistaient encore, a toutefois fait observer M. Fedotov. Il a insisté sur le fait que le Conseil de sécurité avait mis en exergue la menace que représente la traite et demeurait engagé pour faire face à ce crime, mais qu’il fallait faire davantage pour transformer cette mobilisation en actions concrètes.

M. Fedotov a affirmé que l’ONUDC demeurait pleinement engagé à travailler avec les partenaires onusiens pour prévenir la traite et mettre en place une riposte.  « Nous devons améliorer la collecte de données et mettre en place une base de données efficace commune pour nous assister dans nos efforts » a-t-il plaidé.  Il est revenu notamment sur certains des objectifs de développement durable, notamment les objectifs 5 - « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » et 8 – « Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous ».

M. Fedotov a également précisé que son organisation travaillait avec les universitaires « pour élaborer des méthodes innovantes pour évaluer l’ampleur du phénomène de la traite des personnes ».  « Nous devons également coordonner nos efforts notamment par le biais du Groupe de la coordination interinstitutions notamment le Centre international de perfectionnement professionnel et technique (ICAT) », a-t-il ajouté.

Le Directeur exécutif de l’ONUDC a en outre demandé aux gouvernements d’allouer les financements nécessaires à la lutte contre la traite.  « Nous devons aider les États parties à relever les défis qui rendent les femmes et les enfants vulnérables à la traite », a-t-il insisté, en exhortant les États à appuyer le Fonds volontaire créé au titre du Plan d’action mondial, qui « permet une action directe riche de sens » mais dont l’efficacité suppose des fonds suffisants pour lui assurer un bon fonctionnement.

Mme MIRA SORVINO, Ambassadrice de bonne volonté de l’ONUDC pour la lutte mondiale contre la traite des personnes, a expliqué qu’elle avait parcouru le monde entier pour travailler sur cette question et qu’elle avait interviewé de nombreux survivants qui l’ont inspirée par leur héroïsme, mais aussi des acteurs gouvernementaux et de la société civile et des trafiquants.  

« J’exhorte chacun dans cette salle à ne pas se reposer sur ses lauriers, mais à traduire ses paroles en actions robustes », a lancé Mme Sorvino qui a rappelé qu’en 2016, 40,3 millions de personnes avaient été victimes de l’esclavage moderne, une victime sur quatre étant un enfant, et une majorité d’entre elles des femmes.  Or, moins de 10 000 coupables ont été poursuivis en justice.  « Cela est inacceptable », a-t-elle dit.

« C’est vous, les gardiens des principes les plus élevés de la gouvernance, qui ne devez pas vous détourner de la traite », a encore exhorté Mme Sorvino.  Les conflits et les catastrophes naturelles entraînent des migrations sans précédent et la traite des personnes en est une conséquence directe, a-t-elle souligné.  Il faut donc trouver des façons de lutter directement contre l’exploitation des plus vulnérables.

L’Ambassadrice de bonne volonté a applaudi la Déclaration politique adoptée, aujourd’hui, à l’appui du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes.  Elle a demandé à tous les États de la mettre en œuvre.

« Déployons la volonté politique et les résolutions financières nécessaires pour mettre fin à cette situation », a-t-elle continué. 

À titre prioritaire, il faut permettre la poursuite en justice des coupables par des juges spécialisés, a-t-elle fait valoir.  Il faut également que la société civile soit formée afin d’identifier ces situations; il faut concevoir des programmes éducatifs et de sensibilisation du public, développer des partenariats avec le secteur privé et se pencher sur les causes sous-jacentes de la traite, notamment l’inégalité entre les hommes et les femmes et la question de l’accès à des opportunités égales.

Mme Sorvino a demandé aux participants de donner généreusement au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies en faveur des victimes de la traite des personnes.  L’Italie donne aujourd’hui un million de dollars à cette lutte, s’est-elle félicitée.

Mme GRIZELDA GROOTBOOM, Représentante de la société civile et victime de la traite, a commencé son discours par un bref chant avant de revenir sur son histoire personnelle.  Elle a expliqué qu’elle venait de la ville du Cap, en Afrique du Sud, où elle avait été une enfant des rues « vivant le voyage vers la liberté qu’essayait de vivre Nelson Mandela ».

« Mon chemin, a-t-elle déclaré, a fini entre les mains d’une personne qui savait que je cherchais la liberté et qui a décidé de saisir mon espoir et de faire de moi une victime de la traite ».  Je pensais qu’en tant qu’amies nous partagions les mêmes espoirs, a-t-elle ajouté, expliquant qu’elle avait suivi cette personne jusqu’à Johannesburg, où elles partageaient le même toit.  « Je pensais que ce changement serait le meilleur de ma vie.  Alors que je faisais la sieste, j’ai été réveillée par un coup de poing dans l’estomac; on m’a mis du scotch sur les yeux et la bouche et l’on m’a injecté de la méthamphétamine sous le genou, je n’entendais plus ce qui se passait autour de moi, je n’entendais que les battements de mon cœur », a-t-elle poursuivi.

Et d’ajouter: « J’espérais que mon amie reviendrait, mais elle n’est jamais revenue ».  Le premier client est arrivé, puis ils se sont succédé pendant des semaines jusqu’à que Mme Grootboom soit remplacée par une fille plus jeune au beau milieu de la nuit.  De ses 18 ans jusqu’à ses 26 ans, elle a travaillé dans toute l’Afrique du Sud, passant d’un club de striptease à un autre jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.  « J’ai appelé ma fille Summer, mais ma maîtresse ne m’a pas autorisé à la garder, alors on m’a fait avorter.  Deux heures plus tard, j’étais avec un client, utilisant tous les cotons que je pouvais trouver pour éviter que le sang ne lui coule dessus », a-t-elle confié avec émotion.

Refusant le client suivant, elle a été battue au point de se réveiller un mois plus tard dans un hôpital de Johannesburg.  « C’est là que mon chemin vers la sortie a commencé.  Cela a été douloureux, tout le monde pensait que je voulais être une esclave sexuelle, que c’était ma faute si j’étais devenue une esclave sexuelle », a-t-elle déclarée.  Abattue par cette première tentative, la jeune femme est retombée dans l’esclavage sexuel, mais cette fois-ci en tant que trafiquante.  Sa deuxième tentative de s’extraire de ce milieu a fini par payer.

« Je me tiens ici avec en tête les images des filles que j’ai perdues.  Je suis chanceuse d’être en vie, d’être en bonne santé, mais je ne suis pas chanceuse de voir que l’industrie de l’esclavage sexuel engrange de plus en plus de bénéfices tous les jours », s’est désolée Mme Grootboom.  Et de conclure: « J’ai été une esclave sexuelle.  L’esclavage opprime les femmes et les filles de par le monde; ceux qui gèrent cette industrie sont des hommes, tout comme les clients; 96% des victimes sont des femmes et des filles ».

En conclusion, Mme Grootboom a dénoncé le fait que toutes les conversations qu’elle avait eues quand elle tentait de sortir de ce milieu revenaient sur cette idée fausse qu’elle était volontaire et voulait être une esclave sexuelle.  Pour cela, a-t-elle continué, « il est crucial que la voix des survivants puisse être entendue ».

Déclarations

« La traite des personnes représente un crime extrêmement grave et une violation flagrante de leurs droits fondamentaux », a estimé M. FELIX BRAZ, Ministre de la justice du Luxembourg.  Mon pays, a-t-il affirmé, combat ce fléau par le biais d’une approche pluridisciplinaire, conformément aux recommandations des organisations internationales et régionales comme l’ONU, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Conseil de l’Europe.  Cette approche couvre essentiellement trois domaines qui sont la prévention; la protection et la promotion des droits des victimes; et la poursuite des responsables et coresponsables en justice.

Le Ministre a présenté les actions menées dans le cadre de cette campagne nationale notamment la campagne média, lancée par le Gouvernement en décembre 2016, pour sensibiliser le public aux différentes formes que peut prendre la traite des personnes.  Lors de sa présidence du Benelux en 2016, le Luxembourg a également organisé une conférence internationale sur ce thème qui a débouché sur l’adoption d’une déclaration commune pour renforcer la collaboration dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes.

Des formations spécifiques à l’attention des agents publiques (police, douane, inspection du travail, immigration et personnel municipal) ont été mises en place par l’Institut national de l’administration publique du Luxembourg, en 2017.  Le personnel judiciaire, notamment les juges et avocats, ont également bénéficié d’une formation spéciale organisée par l’École nationale française de la magistrature, a encore précisé le Ministre qui a fait état d’une augmentation du nombre de cas portés devant la justice au cours des dernières années.  Le Gouvernement luxembourgeois a également approuvé un Plan national de prévention de la traite des personnes en 2016, une question qui reste une priorité nationale.

Mme RETNO LESTARI PRIANSARI MARSUDI, Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a appelé au renforcement et à l’amélioration de l’engagement mondial pour freiner la traite de personnes.  La Ministre a rappelé que plus de 63 000 personnes ont été victimes de la traite l’année dernière et que 21 millions d’autres sont victimes du travail forcé et de la traite dans le monde.  « Nous ne pouvons pas rester silencieux et nous devons renforcer nos efforts par le partenariat et la coopération car aucun pays ne peut résoudre, seul, ce problème.  Tous les pays, qu’ils soient d’origine, de transit ou de destination, doivent travailler étroitement », a suggéré Mme Marsudi. 

L’Indonésie adhère pleinement à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, a rappelé la Ministre.  Avec son équipe nationale spéciale de lutte contre la traite des personnes, le pays a lancé des actions concrètes.  En outre, l’Indonésie promeut la coopération bilatérale, régionale et internationale, dont l’entraide judiciaire.  Elle est très active dans l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et est prête à mettre pleinement en œuvre la Convention de l’ASEAN sur la lutte contre la traite des personnes.  L’Indonésie se prépare aussi à mettre en œuvre la Déclaration de Bali sur le trafic des êtres humains, la traite de personnes et la criminalité transnationale. 

La Ministre a également attiré l’attention sur la situation dans l’État de Rakhine pour dire que l’arrivée des réfugiés augmente tous les jours et que « nous devons nous préparer avec des mesures anticipatives pour assurer le bien-être et la sûreté des réfugiés, et pour prévenir leur utilisation ou exploitation par les trafiquants ».  « Nous ne pouvons pas laisser cette crise aboutir à une autre catastrophe.  Nous devons faire quelque chose », a exhorté Mme Marsudi.

La Malaisie, a dit M. DATO SRI ANIFAH AMAN, Ministre des affaires étrangères de la Malaisie, n’est pas seulement un pays de transit et de destination pour la traite.  Nos citoyens aussi en ont été victimes, a-t-il déploré.  C’est pour cette raison qu’a été adopté, en 2007, un Code pénal pour la lutte contre la traite et créé un conseil contre la traite et contre le trafic des migrants.  Déterminée à poursuivre en justice les auteurs de ces actes, la Malaisie accorde aussi une grande importance à la coopération bilatérale et régionale.  Le Ministre a ensuite dénoncé les faits « innommables » survenus dans l’État de Rakhine, au Myanmar, et s’est dit préoccupé par le fait que les réfugiés au Bangladesh pourraient être victimes de la traite.  Il a exhorté le Myanmar à mettre un terme à cette situation.

M. OSMAN MOHAMMED SALEH, Ministre des affaires étrangères de l’Érythrée, a déclaré que son pays était en première ligne de cette lutte visant à combattre et éliminer la traite des personnes.  En l’absence d’une coopération internationale ciblée pour éliminer les causes de la traite, dont au premier chef la pauvreté, la prochaine évaluation du Plan d’action mondial pourrait nous amener simplement à dresser la liste des lacunes et non pas les progrès réalisés, a-t-il regretté.  Il a dénoncé « la complicité de certains gouvernements et organisations impliqués dans le trafic d’Érythréens ».  Mon pays, a-t-il déploré, a demandé en vain une enquête indépendante sur ce trafic en Afrique. 

M. MICHAEL MASUTHA, Ministre de la justice et des services correctionnels d’Afrique du Sud, a déclaré que la traite des personnes est rapidement devenue une crise mondiale affectant tous les pays du monde, que ce soit les pays d’origine, de transit ou de destination.  L’Afrique du Sud, qui n’échappe pas à la règle, continue d’enregistrer les succès et de condamner et d’emprisonner les responsables de ces crimes.  L’Afrique du Sud, a affirmé le Ministre, aide les victimes depuis qu’elle a accédé à la démocratie, notamment grâce aux progrès dans la législation sur la protection des victimes.

Le Ministre a expliqué que, par le passé, les crimes liés à la traite des personnes étaient couverts par différents types de loi alors qu’aujourd’hui les textes ont été harmonisés.  Nous n’avons donc plus qu’un seul et même texte pour l’ensemble de ces crimes, qui prend notamment en compte la traite des travailleurs.  La loi est axée sur la prévention, la protection et les poursuites et s’aligne avec les obligations internationales du pays.  M. Masutha a déclaré que la réalisation des objectifs nationaux ne se fera que grâce aux partenariats internationaux, spécifiant que la lutte contre la traite exige une entraide internationale.

M. ISSA BIN SAAD AL JAFALI AL NUAIMI, Ministre du travail et des affaires sociales du Qatar, a expliqué que la lutte contre la traite des personnes ne pourra être efficace qu’en s’attaquant à ses causes profondes, « qu’elles soient sociales, économiques, culturelles, politiques, idéologiques ou même juridiques ».  La traite des personnes proliférant sur le terreau des crises et des conflits, il ne fait aucun doute que l’incapacité de la communauté internationale à régler et à prévenir certaines situations dans le monde n’aide pas à lutter contre cette tragédie humaine.  

Le Ministre a ensuite longuement rappelé l’engagement du Qatar contre la traite des personnes.  Sur les plans national et régional, il a insisté sur le fait que son pays avait légiféré pour criminaliser cette activité grâce au Comité national pour la lutte contre la traite et renforcé les moyens de lutte en coordination avec d’autres États arabes.  Sur le plan international, le Ministre qatari a assuré que son pays ne ménageait aucun effort pour soutenir toute initiative destinée à en finir avec « le travail forcé, l’esclavage moderne et le travail des enfants ».  Il a d’ailleurs rappelé que son pays a toujours soutenu le Plan d’action mondial de l’ONU pour la lutte contre la traite des personnes.

Mme PRISCAH MUPFUMIRA, Ministre du service public, de l’emploi et du bien-être social du Zimbabwe, a reconnu que son pays est une source, un transit et une destination pour des hommes, des femmes et des enfants victimes de diverses formes d’abus, notamment les abus sexuels, le travail domestique et le travail forcé.  Le Zimbabwe, qui a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, a lancé, en 2016, son premier Plan national d’action pour la période 2016-2018 qui sert d’outil de mise en œuvre et de stratégie nationale pour la loi sur la traite des personnes, laquelle s’appuie sur les quatre piliers de la prévention, la protection, la poursuite pénale et le partenariat et la coordination.  Après avoir expliqué le partage des tâches entre les différents ministères, entre ces quatre piliers, la Ministre a indiqué que le Gouvernement, à travers le Comité interministériel de lutte contre la traite des personnes, a facilité et financé le retour de 138 victimes depuis avril 2016 en vertu du « pilier protection ».  Dès leur arrivée, des arrangements spéciaux ont été mis en place pour les recevoir et les isoler des médias pour protéger au mieux leur intimité.  Dans les centres médicaux, les victimes reçoivent aide psychologique et soins.

Dans le cadre du « pilier partenariat », le Gouvernement, avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a créé des projets générateurs de revenus à l’intention des victimes.  Quelque 100 femmes en ont bénéficié et ont reçu chacune jusqu’à 1 500 dollars américains.  En dépit des progrès dans les quatre piliers, a ajouté la Ministre, en particulier le « pilier protection », beaucoup reste à faire dans la mesure où la traite des personnes est un phénomène assez nouveau au Zimbabwe.  « Nous sommes d’avis que le Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes devrait donner la priorité au soutien des victimes et des survivants, à la pénalisation de la traite, à la nécessité de renforcer la coopération entre les États Membres, au renforcement des organes de lutte contre la traite de personnes et à la création d’un fonds d’affectation spéciale pour donner un appui pratique aux victimes et aux survivants.

Avant son intervention à titre national, M. ALEXIS BETHANCOURT YAU, Ministre de la sécurité publique du Panama, a pris la parole au nom du Réseau de la sécurité humaine.  Il s’agit, a-t-il rappelé, d’un groupe informel de 13 États qui plaident en faveur d’une approche complémentaire holistique de la sécurité centrée sur les personnes.  Le Réseau reconnaît l’importance d’intégrer la lutte contre la traite des personnes dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et se félicite de l’adoption, aujourd’hui, de la Déclaration politique sur l’application du Plan d’action mondial des Nations Unies.

Le Ministre a appelé de ses vœux la ratification universelle de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et du Protocole relatif à la traite.  Le Réseau, a-t-il ajouté, étudie l’impact disproportionné de la traite sur les groupes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants.  À ce sujet, le Ministre a salué les travaux du Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes au sein de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.   

M. ALEXIS BETHANCOURT YAU, Ministre de la sécurité publique du Panama, a rappelé que, soucieux de mettre en œuvre le Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes, son pays avait démantelé pas moins de 14 réseaux depuis 2010, donnant lieu à plus de 10 procès, dans le cadre desquels trois condamnations ont, d’ores et déjà, été prononcées.  Ces divers coups de filet, a-t-il ajouté, ont également permis de sauver la vie de plus de 150 victimes entre 2015 et 2017.  Sur le plan institutionnel, a poursuivi le Ministre, le Panama s’est doté d’une Commission nationale de lutte contre la traite, dont il est le Président, qui rassemble 16 institutions publiques, ainsi que des représentants du secteur privé et d’organismes internationaux.  Au niveau réglementaire, le pays a également adopté, en 2011, une loi de lutte contre la traite et autres activités connexes.

Durant le mois d’octobre 2017, a poursuivi le Ministre, la Commission panaméenne de lutte contre la traite se réunira afin d’approuver la matrice d’intervention du Plan national contre la traite des personnes 2017-2022.  La Commission a également lancé une campagne nationale à la télévision et à la radio, a souligné le Ministre, dans le but de sensibiliser l’opinion publique à la question de la traite.  Cette campagne, a-t-il précisé, a bénéficié de l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

En tant que Président de la coalition régionale de lutte contre la traite et Vice-Président du Conseil d’administration du Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour les victimes de la traite, le Panama est également très impliqué sur cette question aux niveaux régional et international, a enfin déclaré le Ministre, appelant au passage les États Membres à verser des contributions volontaires au Fonds d’affectation.

M. EMMANUEL NGOIE KASONGO ILUNGA, Ministre délégué en charge des Congolais de l’étranger de la République démocratique du Congo, a expliqué que son pays tend à devenir une destination et un pays de transit pour les hommes, les femmes et les enfants victimes de la traite des personnes et du trafic des migrants.  Selon les informations nationales, en 2013, plus de 400 Congolais avaient été vendus comme esclaves sexuels.  Avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la RDC a réussi à rapatrier au mois d’août dernier, sept filles abusées non seulement comme esclaves sexuelles mais aussi soumises aux travaux domestiques forcés et autres pratiques.  La République démocratique du Congo, a-t-il poursuivi, fait de nombreux efforts pour mettre fin au cycle des guerres et à la présence de groupes armés dans l’est du pays car l’exploitation des richesses devenant le catalyseur des méfais tant décriés par la communauté internationale. 

Dans ce contexte, la RDC a intégré le combat pour l’éradication de la traite en « sévissant par une justice normative ».  Le Ministre a mentionné l’existence d’un recueil des décisions de justice militaire qui montre que les violences sexuelles ont baissé de 85% et a indiqué qu’il avait été chargé de mener une réflexion sur ces fléaux, en organisant, les 12 et 13 octobre prochain, un forum sur la traite des personnes et le trafic de migrants lequel vise à la création d’un mécanisme permanent de lutte contre ces deux fléaux.  Le Ministre a sollicité l’expertise et la contribution de tous les partenaires engagés dans cette lutte en vue d’accompagner son pays dans la mise en œuvre des recommandations ainsi que du plan d’action qui sera adopté.

Mme NAELA GABR MOHAMED GABR, Présidente du Comité national de coordination sur la prévention et la lutte contre les migrations illégales de l’Égypte, a parlé au nom du Groupe d’amis unis contre la traite des êtres humains, réunissant une vingtaine de pays sur cinq continents.  Elle a jugé que l’adoption de la Déclaration politique sur l’évaluation du Plan d’action mondial constituait le premier document d’importance de l’ONU sur la traite des personnes depuis le Plan d’action lui-même.  Après avoir demandé que l’on réponde collectivement à la réalité multidimensionnelle de ce problème, elle a demandé à ce qu’aucune « complaisance » ne soit tolérée.  La pauvreté et les inégalités étant les causes premières de ce phénomène, le changement passera par leur éradication, a-t-elle dit, avant d’ajouter que le Programme 2030 rappelle très clairement à quelle échelle nous devons travailler pour s’attaquer aux causes de la traite.  Inutile de dire, a-t-elle conclu, que la communauté internationale se doit d’apporter une réponse plus juste, plus équitable et plus complète à ce fléau.

M. CARL GREENIDGE, Vice-Président et Ministre des affaires étrangères du Guyana, s’est engagé à veiller à ce que toutes les mesures soient prises au niveau national pour lutter contre la traite des personnes.  À ce sujet, s’est-il félicité, le Guyana est passé d’un pays de niveau 2 à un pays de niveau 1 sur le rapport du Département d’État américain.  Ce succès témoigne selon lui des efforts entrepris pour éliminer ce problème. Le Vice-Président est resté conscient des nombreux défis que le pays doit encore relever, notamment en matière de prévention, de poursuite pénale et de protection des victimes.  Le Gouvernement a lancé des initiatives, dont une vaste campagne de sensibilisation, et a mis sur pied un groupe ministériel sur la traite.  En outre, des équipes dirigées par les forces de police et les services de protection sociale ont mené des opérations dans les régions et les quartiers où ces crimes sont commis.  Il ne faut pas oublier, a-t-il ajouté, que le terrain difficile du pays et l’isolement de certaines communautés, représentent un défi supplémentaire, a-t-il fait observer.

M. ERASTUS UUTONI, Vice-Ministre de l’intérieur et de l’immigration de la Namibie, a observé que la traite des personnes est un crime caché et donc difficile à combattre, où les victimes se voient promettre une vie meilleure et se tiennent aux côtés des criminels quand on veut les traduire en justice.  Le Vice-Ministre a mis en évidence le rôle majeur que jouent les inégalités économiques dans ce phénomène.  Il a pointé la responsabilité des pays riches qui favorisent les migrations de personnes hautement qualifiées mais interdisent les autres, les condamnant à l’esclavage moderne, a-t-il estimé.  Pour lui, le phénomène est aussi alimenté par le durcissement de nombreuses nations qui ferment leurs frontières et par les troubles politiques qui agitent le monde.  En 2016, la Namibie n’a entamé qu’une seule poursuite pour traite des personnes mais plusieurs affaires font actuellement l’objet d’une enquête.  La Namibie est aussi en train de travailler à l’élaboration d’une loi spécifique contre ce crime, lequel relève pour l’instant de la prévention de la criminalité organisée.  Le pays a également donné des formations et distribué des manuels à la police des frontières et aux autres forces de l’ordre pour les aider à identifier et à prendre en charge les victimes.

Comment le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes peut-il nous aider à lutter contre ce phénomène? a douté M. ANDREI DAPKIUNAS, Vice-Ministre des affaires étrangères du Bélarus.  Ce n’est pas une convention, a-t-il souligné.  « Ce n’est qu’une invitation à l’action, une déclaration d’intention qui n’aura de valeur que lorsqu’elle sera transformée en action concrète. »  C’est en unissant les efforts de tous les pays et organisations que nous arriverons à donner un nouvel élan à la lutte contre la traite des personnes, a-t-il estimé.  « Toute tentative d’utiliser cet outil pour faire notre autopromotion donne le sentiment d’une dispersion de nos efforts. »  Seule la mentalité d’un groupe d’amis peut nous amener au succès, a-t-il ajouté.

Le Vice-Ministre a proposé d’adopter des mesures modestes mais pratiques.  Selon lui, il est grand temps de reconnaître que la participation universelle à la Convention contre la criminalité transnationale organisée et au Protocole relatif à la traite est indispensable.  Il ne s’agit pas seulement d’une question politique et juridique; il s’agit également d’un « choix moral ».  Il a encouragé les États à appuyer davantage le Fonds de contributions volontaires en faveur des victimes de la traite.  Pour sa part, le Bélarus y a déjà contribué à trois reprises.  Enfin, a-t-il conclu, le travail mené au niveau national est le plus important.  « Les élites doivent reconnaître leur responsabilité d’agir de façon plus résolue pour lutter contre la traite des personnes. »  

Mme MARJORIE ESPINOSA, Vice-Ministre des relations extérieures chargée des questions consulaires et migratoires de la République dominicaine, a estimé que, bien que la traite des migrants et le trafic illicite des êtres humains aient des champs d’application distincts, la première concernant directement des atteintes à la dignité humaine et le second étant plutôt relatif à la législation des États en matière migratoire, les deux aspects concernaient directement de manière transversale les migrants.  C’est pourquoi le Protocole de Palerme conçoit la traite des êtres humains comme un processus migratoire qui aboutit à une situation d’exploitation et de suppression des libertés de la personne humaine, à des fins sexuelles, d’exploitation sexuelle, par le travail ou autre, y compris le prélèvement d’organes.

La République dominicaine, qui a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles additionnels et a souscrit au Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes, a pris au plan national un certain nombre de mesures pour renforcer ses structures institutionnelles et améliorer sa législation ainsi que les capacités des principaux acteurs concernés.  Après un premier plan d’action contre la traite des êtres humains et le trafic illicite des migrants en 2009-2014, elle a mis en œuvre un deuxième plan pour la période 2017-2020, afin de renforcer encore les mesures, a expliqué la Vice-Ministre.  Mme Espinosa a ensuite détaillé ce plan axé sur la prévention, l’assistance aux victimes et aux témoins et la reconstitution de leurs droits, et l’enquête et les poursuites contre les auteurs.

La Ministre a en outre rappelé que l’ensemble de ces mesures venait compléter la Stratégie nationale de développement 2030 du pays, qui se fixe des objectifs et lignes d’action pour réguler les flux migratoires, renforcer les mécanismes de prévention et de sanctions de la traite des êtres humains et d’aide aux victimes, et ce, dans le cadre de l’objectif 8 du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Enfin, Mme Espinosa a mis en avant la nécessaire coopération entre pays d’origine, de transit, de destination et de retour des migrants.  Elle a conclu en rappelant la valeur des mesures prises au niveau multilatéral et notamment aux Nations Unies, et en insistant sur l’intérêt des échanges d’expériences et de pratiques exemplaires.

Mme NATLIIA FEDOROVYCH, Vice-Ministre de la politique sociale de l’Ukraine, a réaffirmé l’attachement de son gouvernement à la pleine mise en œuvre du Plan d’action pour la lutte contre la traite des personnes.  Elle a constaté l’évolution des formes de traite au cours des dernières années, en particulier dans les situations de conflit et postconflit.  À cet égard, elle a évoqué les violences sexuelles, le travail forcé, l’esclavage et le recrutement illégal d’enfants dans les services armés.  Les personnes déplacées et les réfugiés sont particulièrement vulnérables à ce type d’exploitation, a-t-elle poursuivi.  C’est la raison pour laquelle l’Ukraine soutient entièrement les engagements pris dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, s’agissant de la lutte contre la traite des êtres humains et apporte son concours au Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes.

La Vice-Ministre a également insisté sur l’importance qu’il y a à poursuivre en justice les responsables de la traite de personnes et de violences sexuelles.  « L’impunité est inacceptable parce que lorsque l’on permet à ces actes de se répéter, l’on contribue à créer un cercle vicieux de la délinquance ».  Ainsi, pour elle, les deux domaines prioritaires dans ce combat sont la prise en charge psychologique, médicale et sociale des victimes de la traite et la lutte contre l’impunité.  Elle a reconnu à regret que l’Ukraine était frappée par ce problème, et expliqué que, pour y remédier, le pays avait développé une politique nationale et mis en place un mécanisme national de saisine des tribunaux pour identifier, assister et protéger les victimes. 

L’Ukraine a également ratifié les principaux instruments internationaux, y compris la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel.  Toutefois, la mise en œuvre de ces instruments internationaux reste difficile dans les zones non contrôlées par l’Ukraine, a expliqué la Vice-Ministre, faisant référence aux trois années d’agression russe contre l’Ukraine qui ont conduit, selon elle, à une aggravation de ce problème, y compris dans les zones de Donetsk et de Luhansk qui ne sont plus sous contrôle ukrainien.  Dans ces zones, il est difficile de recenser les cas à la fois parce qu’elles sont difficiles d’accès et parce que la Mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine ainsi que la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine ou encore l’UNICEF et le CICR n’y prêtent pas suffisamment attention, a estimé la Vice-Ministre.  Elle a également émis des réserves face aux mécanismes d’enquête russes, soulignant que la Fédération de Russie est le seul État membre du Conseil de l’Europe à n’avoir pas adhéré à la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Pour M. ABD ELGHANI AWAD ELKARIM, Sous-Secrétaire d’État des affaires étrangères du Soudan, la lutte contre la criminalité transnationale organisée sous toutes ses formes est une entreprise qui requiert le renforcement de la coopération régionale et internationale, le partage des informations et le suivi des flux financiers suspects.  Il faut en outre s’attaquer aux causes sous-jacentes de ce phénomène, notamment la pauvreté.  Les grands mouvements démographiques ont créé des défis de taille pour le Soudan, pays de transit de par la superficie de ses déserts, a expliqué le Sous-Secrétaire d’État. Le Soudan a toutefois enregistré des succès depuis l’adoption, en 2014, de la loi contre la traite des personnes.  Ainsi la police soudaine a-t-elle pu libérer des victimes qui se dirigeaient vers la Libye pour aller en Europe, s’est-il réjoui, avant d’appeler la communauté internationale à respecter les engagements pris dans le Processus de Khartoum.  Il a souhaité que la question de la traite des personnes soit examinée de manière intégrale, en mettant l’accent sur les efforts de sensibilisation et de protection des droits des victimes. 

Mme JEAN KALILANI, Ministre du genre, des enfants, des handicaps et du bien-être social, est revenue sur les progrès réalisés par son pays dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes.  Elle a insisté sur le fait que la résolution 64/293 prévoit d’évaluer les lacunes et difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Plan d’action, y compris la mise en œuvre des instruments juridiques afférents.

La Ministre a expliqué que la traite des personnes est un problème mondial qui exige des efforts concertés.  Nous devons, a-t-elle dit, mettre un terme à cette forme d’esclavage moderne dégradante qui est la pire de toutes les formes d’esclavage et qui n’a pas sa place dans notre monde moderne.  Elle a insisté sur le fait que le Plan d’action mondial demande à la communauté internationale d’œuvrer de concert pour intégrer la lutte contre la traite dans tous les programmes des Nations-Unies liés au développement.

Revenant sur la situation nationale, la Ministre a expliqué que le Malawi a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses deux Protocoles le 17 mars 2005.  Elle a également signifié que le Malawi a créé un cadre institutionnel spécifique pour permettre une réglementation efficace de la lutte contre la traite des personnes, incluant, notamment les mécanismes de financement de cette traite.

Nous avons transformé notre volonté politique en mesures concrètes, s’est réjouie la Ministre, en citant le Plan national contre la traite des personnes 2017-2020 adopté en août et qui présente une approche globale pour permettre l’existence d’un Malawi à l’abri de ce fléau.  Notre Plan d’action national a été aligné avec le Plan des Nations Unies, a-t-elle ajouté, avant de mentionner que le Malawi va avoir besoin de plus d’appui.  La Ministre a conclu sur le fait que son pays était en train de mettre en place un fonds d’aide aux victimes de la traite pour permettre leur réinsertion au sein de leurs communautés.

Mme MYRIA VASSILIADOU, déléguée de l’Union européenne, a rappelé la mise en place du Cadre européen pour s’attaquer à la traite des personnes lequel est centré sur les victimes, fondé sur les droits de l’homme et respectueux du genre et des enfants.  Les États membres ont montré leur engagement à mettre en œuvre le Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes et respecter les normes juridiques consacrées dans la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles.  L’Union européenne travaille avec ses partenaires pour renforcer les capacités et promouvoir ces normes.  Elle reste le plus grand pourvoyeur d’aide et de fonds aux nombreux projets de promotion de la lutte contre la traite dans le monde, a indiqué la déléguée.

Aucun pays n’est épargné par la traite de personnes et nous avons besoin de promouvoir la coopération, en particulier entre les pays d’origine, de transit et de destination, y compris le développement de mécanismes transnationaux de saisine des tribunaux qui relient les mécanismes nationaux pour bien identifier, saisir les tribunaux, protéger et aider les victimes mais aussi mettre en place des systèmes de collecte de données et d’échange d’informations pour développer des politiques bien informées.  La coopération avec les ONG, les institutions nationales des droits de l’homme, le secteur privé et toutes les autres parties prenantes pertinentes est essentielle.

Nous faisons face, a poursuivi la représentante, à un nombre de défis nouveaux et persistants dans la lutte contre la traite de personnes qui exige des efforts renforcés.  Ces défis sont par exemple la traite dans le contexte de la crise des migrants et des réfugiés, le lien entre les conflits et la traite de personnes, les risques de la traite dans les chaînes de production et la traite à des fins d’abus et d’exploitation sexuels, concernant en particulier les enfants et Internet. 

Nous devons aborder la traite de personnes à la fois comme un crime de haine et un abus et une violation des droits de l’homme.  Il est nécessaire de faire face aux causes qui rendent les personnes vulnérables et nous travaillerons à la matérialisation des engagements pris dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour éradiquer les causes sous-jacentes de la traite et la vulnérabilité des personnes.

Nous devons continuer de promouvoir les efforts de tous les acteurs pertinents pour pouvoir identifier rapidement les victimes de la traite, assurer l’exercice de leur droit à une aide, une protection et un appui adéquats, en prenant en compte la vulnérabilité particulière des femmes et des enfants, surtout les enfants non accompagnés.  Nous devons également faire rendre des comptes aux auteurs de la traite et épargner les victimes.

Nous devons surtout travailler à la prévention et aux partenariats.  La prévention est au cœur du Plan d’action mondial, du droit et des politiques européens.  Nous devons, a conclu la représentante, intensifier nos efforts pour décourager la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation dans les économies formelles et informelles.  Mme Vassiliadou a appelé pour plus de coopération au niveau de l’ONU et a souligné le rôle du Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes qui a un rôle important à jouer pour assurer la cohérence au sein du système de l’ONU et éviter les chevauchements.

Pour M. IGOR DJUNDEV, (ex-République yougoslave de Macédoine), le combat contre la traite des personnes est particulièrement pertinent dans le contexte des discussions sur les migrants et les réfugiés.  Bien que les Nations Unies et les États Membres aient fait preuve de détermination pour éliminer ce « phénomène extrêmement négatif », il a noté que les défis restaient sérieux et nécessitaient des approches innovantes.  Rappelant que la lutte contre la traite relève d’abord de la responsabilité des gouvernements, le représentant a souligné que la coordination et la coopération avec la société civile et le secteur privé étaient des conditions indispensables à la mise en œuvre des politiques de protection des personnes.  Au niveau national, son pays, a-t-il dit, a pris d’importantes mesures législatives et opérationnelles, en accordant une attention particulière aux femmes et aux enfants, les principales victimes de ce phénomène.  Situé sur la route des Balkans, le pays fait aussi face à ce défi dans le contexte des migrations illégales, a-t-il souligné.

Aujourd’hui, au XXIe siècle, nous continuons de voir de nombreux innocents devenir victimes de la traite des personnes, dont près de 80% sont des femmes et des enfants, a déploré Mme NOA FURMAN (Israël).  Son pays, a-t-elle assuré, qui n’oublie jamais l’esclavage du passé, s’est engagé à mettre un terme à toutes les formes d’esclavage moderne.  Israël a longtemps été confronté à des vagues de personnes soumises à la traite, a-t-elle fait remarquer.  Au plus fort de ce phénomène, quelque 3 000 femmes par an étaient amenées en Israël pour la prostitution.

Grâce à ses efforts conjugués, le pays est aujourd’hui classé numéro 1 par le Département d’État américain dans la lutte contre la traite.  La représentante a mis l’accent sur les quatre piliers suivants: prévention, poursuite, protection, partenariat.  Son gouvernement, a-t-elle précisé, alloue des ressources à la réhabilitation des victimes, grâce aux foyers d’accueil et l’assistance juridique.  La participation de la société civile a été encouragée pour mieux identifier et aider les victimes.  Enfin, elle a appelé tous ceux qui n’ont pas encore ratifié le Protocole de Palerme sur la traite des personnes à le faire.

Il ne faut pas perdre de vue le fait que la lutte contre la traite ne doit pas être menée par chaque État individuellement, a déclaré M. MEHMET SAMSAR (Turquie).  « Nous devrions réexaminer et coordonner les efforts en cours », a-t-il estimé, ajoutant que les instruments internationaux nécessaires pour y parvenir étaient en place, dont le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes.  « Nous savons tous que les réseaux criminels profitent de l’incapacité du système international humanitaire actuel de répondre, de manière adéquate, aux besoins des personnes affectées par les catastrophes et les situations d’urgence, pour exploiter la vulnérabilité des migrants, a dit le représentant.  Par exemple, a-t-il précisé, la traite des personnes à laquelle se livre le « Parti terroriste des travailleurs du Kurdistan » a été mise en évidence dans le rapport 2017 des États-Unis sur la traite des êtres humains. 

En tant que premier pays d’accueil de réfugiés au monde, a-t-il dit, la Turquie, qui compte sur son territoire plus de 3,1 millions de réfugiés syriens, est déterminée à prendre les mesures nécessaires pour prévenir la traite des personnes, le travail forcé et la mise en esclavage de ceux qui ont déjà fui l’horreur des conflits.  Parallèlement, le représentant a appelé à élargir les voies de l’immigration légale pour les gens à la recherche d’une vie décente.  « Nous devrions déployer tous les efforts pour créer les conditions favorables à l’élimination des obstacles à une migration sûre, régulière et ordonnée », a-t-il conclu.

Mgr PAUL RICHARD GALLAGHER, Secrétaire chargé des relations avec les États du Saint-Siège, a noté qu’en dépit des progrès accomplis, les conflits armés, les énormes urgences humanitaires, les migrations forcées et la crise des réfugiés avaient aggravé l’exposition des personnes vulnérables au trafic des êtres humains.  Il a appelé la communauté internationale à intensifier ses efforts, et pointant la vulnérabilité particulière des femmes et des filles, lui a demandé d’entamer un « examen franc et courageux des pratiques qui encouragent l’addiction sexuelle et la déshumanisation des autres personnes ».  L’observateur a insisté sur la nécessité, dans la prise en charge des profonds traumatismes dont souffrent les victimes, de ne pas se limiter à de brèves interventions mais d’investir dans des programmes à long terme.  Il a indiqué que le Groupe Santa-Maria, une alliance internationale de chefs de police et d’évêques, travaille à la coordination entre les forces de l’ordre et les organisations religieuses dans la lutte contre ce phénomène.  Il a aussi donné l’exemple de la collaboration entre les forces de l’ordre et le réseau des sœurs catholiques coordonné par Talitha Kum, qui comptent 22 organisations dans 70 pays.  Il a conclu en citant le pape François, qui appelle à « une mobilisation d’une envergure comparable à celle du phénomène lui-même ».

Table ronde 1 - Plan d’action mondial et partenariats efficaces pour la prévention et la répression de la traite des personnes: examen des progrès accomplis, des lacunes à combler et des défis à relever, au regard notamment de la réalisation des objectifs de développement durable.

La table ronde était présidée par M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWEERE (Belgique), avec pour panélistes Mme PURNA SEN, Directrice des politiques à ONU-Femmes, M. KEVIN CASSIDY, responsable de la communication et des relations extérieures à l’Organisation internationale du Travail (OIT) et Mme RANI HONG, Directrice générale de la Fondation Tronie.

Pour M. Pecsteen de Buytsweere, le plus important est de concrétiser la déclaration politique adoptée ce jour.  « Nous devons faire plus et passer des paroles aux actes car le trafic d’êtres humains n’est pas un phénomène lointain: il nous concerne tous, dans chacun de nos pays ».

Mme Sen s’est attardée sur la question de la parité homme-femme dans le cadre de la traite des personnes.  En effet, les femmes représentent en effet 71% des victimes détectées et trois quarts des enfants victimes sont des filles.  Il faut s’atteler aux causes profondes et modifier les structures sociales qui font perdurer les violences faites aux filles et aux femmes, a-t-elle indiqué.  Trois domaines doivent être visés en priorité: des soins de santé adéquats, une lutte contre la stigmatisation des victimes rapatriées ou sauvées d’une situation d’exploitation, mais aussi les disparités économiques qui rendent les femmes vulnérables à la traite.  La représentante du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zainab Hawa Bangura, a ensuite appuyé ces propos en soulignant les liens forts entre la traite et la violence sexuelle, évoquant les groupes terroristes tels que Daech et Boko-Haram qui utilisent le corps des femmes comme monnaie d’échange.

Mme Ranie a, pour sa part, témoigné de sa propre expérience.  Volée à ses parents à l’âge de 7 ans et réduite en esclavage, enfermée dans une cage, elle a éprouvé des difficultés à marcher par la suite.  Son maître était comptable dans le sud de l’Inde, et l’organisation qu’elle et son mari, lui aussi une ancienne victime, ont ultérieurement créé et mis en place un système qui permet aux entreprises de se joindre à la lutte contre l’esclavage: le sceau de la liberté, sorte de label qui permet au consommateur de s’assurer que l’entreprise respecte une certaine éthique.  

La nécessité de s’attaquer aux racines du problème de la traite des êtres humains a été mise en évidence par de nombreux intervenants, parmi lesquels figuraient de nombreux ministres.  Le représentant de l’Afrique du Sud a ainsi souligné les inégalités à l’intérieur des nations et entre les nations.  Son homologue de l’Égypte a abondé dans le même sens, en insistant sur la nécessité de l’autonomie économique des pans vulnérables de la société.  Les grandes entreprises ont un rôle à jouer à ce niveau et devraient créer des emplois, a souligné la représentante.

Les objectifs de développement durable créent un cadre propice pour travailler sur les causes profondes, ont indiqué plusieurs intervenants.  Le représentant de la Hongrie a ainsi affirmé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 fournissait le meilleur cadre de lutte contre la traite.  Pour sa part, M. Cassidy a expliqué que l’OIT participait à « l’Alliance 8.7 » qui vise à prendre des mesures efficaces pour atteindre la cible 8.7 des objectifs de développement durable, à savoir « pour un monde affranchi du travail forcé, de l’esclavage moderne, de la traite d’êtres humains et du travail des enfants ».  Une des priorités est d’améliorer le partage d’informations sur la traite car, pour l’instant, les agences disposent chacun de leur base de données, stockées en interne, et qui pour de nombreuses raisons sont difficiles à partager, a-t-il expliqué.  L’Alliance 8.7 tente de surmonter l’obstacle en créant une plateforme de partage des données gérée par l’Université des Nations Unies.  L’OIT est prête à partager ses données et encourage tout le monde à le faire.  Cette nécessité du partage d’informations a été soulignée à plusieurs reprises par les autres intervenants.

La question des liens entre les migrations et la traite des êtres humains a aussi été débattue.  Plusieurs intervenants ont mis en avant le fait que les migrations créaient des contextes favorables à l’exploitation.  La représentante de la République dominicaine a rappelé que le Protocole de Palerme considère la traite comme un phénomène migratoire.  La représentante de l’Éthiopie a cependant tenu à ce qu’on reconnaisse aussi le rôle positif de la migration dans l’économie mondiale, et la nécessité de créer des instruments de gouvernance qui permettent un partage plus juste des richesses.  M. Cassidy a indiqué qu’il existait des dispositifs en ce sens, comme le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et les initiatives pour un recrutement équitable.  Mme Sen a aussi approuvé le fait qu’il ne fallait pas confondre la migration et la traite des êtres humains, qui sont des phénomènes liés mais ne sont pas des synonymes.

Le renforcement des capacités des acteurs confrontés au phénomène sur le terrain -forces de l’ordre, agences humanitaires, juges- est également un des éléments stratégiques abordés par plusieurs participants.  La représentante de la République dominicaine a ainsi parlé de la création, dans son pays, du Bureau national du procureur spécialisé dans la traite des migrants.  La lutte contre les flux financiers transnationaux, la traduction des auteurs devant la justice ainsi que la mise en place de programmes aidant à la réhabilitation des victimes ont également été mis en évidence comme des pistes d’action nécessaires.  Il faut de la répression mais aussi de la prévention, ont insisté plusieurs intervenants.

La réunion a aussi été l’occasion d’afficher un consensus sur la nécessité de renforcer les partenariats.  La traite, en effet, concerne non seulement les pays d’origine, de transit, et de destination, mais aussi la coopération de tous les acteurs concernés: société civile, agences de l’ONU, États Membres.  Le représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a indiqué que c’était le point de départ indispensable de toute riposte à la traite, ajoutant que la coopération permettait de combler les lacunes juridiques.  Il a cité la création d’un forum qui rassemble les 57 États membres de l’OSCE et des membres de la société civile.

Table ronde 2 - Plan d’action mondial et partenariats efficaces concernant la protection des victimes et l’assistance à y apporter, y compris au moyen du fonds de contributions volontaires des Nations Unies.

La table ronde était présidée par Mme ALYA AHMED SAIF AL-TAHNI (Qatar), avec pour panelistes Mme BENITA FERRERO-WALDNER, Directrice du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies en faveur des victimes de la traite des personnes, M. ANDREW GILMOUR, Sous-secrétaire général pour les droits de l’homme et Directeur du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (OHCHR) à New York et Mme JOY EZEILO, Directrice exécutive de Women Aid Collective.

Pour Mme Al-Tahni, la protection des victimes est l’un des piliers importants de la lutte contre la traite des personnes.  Elle s’est donc félicitée que la Déclaration politique adoptée, ce matin, reconnaisse les pleins droits humains des victimes.  Elle a également salué le rôle du Fonds d’affectation spéciale volontaire, qui permettra de fournir aux victimes aide humanitaire et assistance.  Rappelant que « seule une victime sur 100 est sauvée », elle a encouragé les contributeurs à « aider les survivants à reconstruire leurs vies ».

Mais le Fonds est mal financé, est venue déplorer sa Directrice: « 360 000 dollars annuels, ce n’est rien », a fait observer Mme Ferrero-Waldner, qui a rappelé que la traite fait 40 millions de victimes de par le monde, alors que le Fonds permet de venir en aide à 2 500 victimes par an.  Appeler les États Membres à recapitaliser le Fonds, elle a affirmé que ce dernier « est au centre de la réponse internationale pour la protection des victimes ».  En outre, le Fonds ne se contente pas d’aider les victimes de la traite, il contribue aussi à la lutte contre ce crime, a-t-elle assuré.  Elle a aussi insisté sur la nécessité pour les ONG de coordonner leurs actions avec les cadres nationaux de référence et a déploré que le financement fasse si souvent défaut.

La question du financement du Fonds est revenue à de multiples reprises lors de la discussion.  Le représentant de la Thaïlande a déploré que les ressources du Fonds ne correspondent pas à l’ampleur des défis, ajoutant qu’il fallait soutenir sa recapitalisation. De son côté, la représentante du Mexique a insisté sur le fait que la traite était une forme de criminalité économique qu’il fallait traiter comme telle, ajoutant qu’il fallait un plus grand investissement du secteur privé. 

M. Gilmour a, quant à lui, rappelé qu’il y a peu encore, le problème de la traite des personnes était seulement abordé sous l’angle pénal.  Il s’est félicité que, depuis l’adoption du Protocole de Palerme, les approches judiciaires sont complétées par des approches de droit de l’homme.  Pour M. Gilmour, il faut aussi réfléchir à la formation de nombreuses personnes impliquées dans la lutte contre la traite: garde-frontières, juges, membres de la police mais également personnel de bord pour les aider à identifier les victimes.  Il a également mentionné un autre fonds consacré aux formes modernes de l’esclavage et qui fournit un appui à plus de 10 000 victimes, soulignant qu’il faudrait peut-être penser à le faire fusionner avec le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies.

Mme Ezeilo a mis l’accent sur le rôle central de l’Afrique dans les questions de traite des personnes.  « Une personne sur quatre vient d’Afrique, l’Afrique est devenue la source principale de personnes trafiquées » a-t-elle affirmé.  Les facteurs sont étroitement liés: pauvreté, chômage, conflit, mondialisation de l’économie et la facilité à se déplacer sur le continent etc.  Les femmes étant les premières victimes, elle a déclaré qu’il fallait s’atteler à la question de la parité homme-femme et que, ce problème étant une question de droit de l’homme et de développement, il fallait tenir compte de ses causes profondes.  Elle a aussi appelé les pays en développement à ne pas rester inactifs et à ne pas se reposer sur les pays de destination pour régler les problèmes.

Lors de la discussion, le représentant de la Namibie est revenu sur la question spécifique des réseaux sociaux et de l’usage que les trafiquants en font, affichant des photos sur des faux profils à la recherche de compagnons pour vendre ou marier leurs esclaves à de riches personnes; il a recommandé que l’ONU et les États Membre établissent une unité de cybercriminalité.  Le représentant des Pays-Bas a insisté sur les différences de traitement à apporter aux différents types de traite, « toutes les victimes n’ont pas les mêmes besoins de soutien », d’où la nécessité d’un système d’enregistrement adéquat des victimes.

Concernant les enfants, le représentant de Smile of the Child s’est exprimé sur le cas de son pays, la Grèce, où 25% des migrants bloqués dans le pays sont des enfants.  Il a insisté sur le fait que la détention d’enfants ne pouvait en aucun cas être considérée comme de la protection et ajouté que l’accompagnement des anciennes victimes était toujours nécessaire pour éviter qu’elles ne retombent dans les circuits criminels.  Toujours concernant les enfants, la représentante de l’UNICEF a insisté sur le fait que près d’un tiers des victimes de la traite étaient des filles, avant d’ajouter que les enfants couraient plus de risques d’être victimes que les adultes, et encore plus pour les enfants voyageant seuls.

La question de la parité homme-femme a également été abordée à plusieurs reprises notamment par la représentante de Good Shepherd International qui a expliqué que son organisation essayait de montrer les liens existants entre la discrimination contre les femmes et les réseaux de prostitution de femmes et de filles.  Elle a insisté sur le fait que ces dernières étaient touchées de façon disproportionnée, d’où l’importance d’éliminer tous les facteurs susceptibles de nourrir la demande, comme la misogynie ou les privilèges auxquels les hommes pensent avoir droit.  La représentante de Apne Aap Women Worldwide s’est plainte de l’inutilité des débats sans fin à propos d’un prétendu choix par les victimes de leur activité.

Tous les intervenants sont revenus sur l’importance de l’écoute des victimes, insistant sur la nécessité de leur donner la parole et de les faire participer à la construction des mécanismes de réinsertion, ainsi que sur l’importance de la formation de nombreuses professions aux contacts de migrants à la question de la traite.  À ce propos la représentante du HCR a indiqué que les migrants devraient avoir accès à des dossiers d’information dans leur langue, pour leur expliquer les démarches à effectuer pour dénoncer des cas de traite.  « Il faut que les procédures de réception des migrants soient rapides pour aider ceux qui ont besoin d’assistance, pour les éloigner de trafiquants potentiels », a-t-elle insisté.

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