Instance permanente sur les questions autochtones - Quinzième session,
1re & 2e séances - matin & après-midi
DH/5297

Instance permanente sur les questions autochtones: un plan d’action pour la mise en œuvre de la Déclaration des droits des peuples autochtones

Une paix durable exige que les peuples autochtones aient accès à la justice culturelle, sociale et économique, affirme le Secrétaire général

L’ouverture de la quinzième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones, placée sous le thème « conflits, paix et résolution », a été marquée, aujourd’hui, par le lancement d’un plan d’action* à l’échelle du système des Nations Unies visant à garantir l’unité de l’action menée pour réaliser les objectifs définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, le Président de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft, le Vice-Président du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), M. Sven Jürgenson, ainsi que le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Wu Hongbo, ont ainsi reconnu l’importance majeure des connaissances et sagesses des autochtones pour réaliser les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

M. Wu a indiqué que le plan d’action, élaboré suite à des consultations avec les peuples autochtones, les États Membres et le Groupe d’appui interorganisations sur les questions, mettait l’accent sur la nécessité de sensibiliser chacun au contenu de la Déclaration et à la situation des peuples autochtones à travers le monde et à promouvoir la mise en œuvre de la Déclaration au niveau des pays ».

Saluant la pertinence du thème de cette session, à savoir « Les peuples autochtones: conflits, paix et résolution », M. Ban, par vidéoconférence, a estimé qu’une paix durable exigeait que les peuples autochtones aient accès à la justice culturelle, sociale et économique. 

Faisant le lien entre résolution des conflits et développement durable, M. Jürgenson, a rappelé que les recommandations adoptées à l’issue de cette session seraient particulièrement importantes pour la mise en œuvre de l’objectif 16 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui appelle à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable.

Alors que les États Membres commencent la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, du programme d’Action d’Addis-Abeba, du Cadre d’action de Sendai pour la prévention des risques de catastrophe et de l’Accord de Paris sur le climat, les hauts responsables de l’ONU ont appelé à veiller à ce que les peuples autochtones, y compris les femmes, puissent participer et bénéficier de ces programmes. 

Au cours de l’après-midi, l’Instance a débattu du niveau d’application des recommandations** de l’Instance permanente, de la Réunion d’un groupe d’experts internationaux*** du 19 au 21 janvier 2016 sur la « Préservation et revitalisation des langues autochtones », avant de faire le point sur des études élaborées par des membres de l’Instance permanente. 

En début de journée, le Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones, M. Alvaro Pop, s’était inquiété du fait que le rythme de la mondialisation et le processus visant à identifier de nouveaux sites pour l’exploitation des ressources aient accéléré les conflits sur les terres des populations autochtones. 

La Ministre du travail et de la prévention sociale du Guatemala, Mme Aura Leticia Teleguario, a expliqué que son pays avait depuis 2007 conclu 87 processus de résolution de conflit impliquant des peuples autochtones en relation avec leurs terres.  Ovationnée, la Ministre de la justice du Canada, Mme Jody Wilson-Raybould, a affirmé qu’il n’était pas facile de décoloniser après 140 ans de lois indiennes, avant de préciser que l’article 35 de la Constitution du Canada reconnaissait les droits qui découlent des traités dont la mise en œuvre est guidée par des dizaines de décisions de tribunaux.    

Auparavant, l’Instance avait élu par acclamation M. Alvaro Pop à la présidence de sa quinzième session.  Mme Mariam Wallet Mohamed Aboubakrine, Mme Aysa B. Mukabenova, Mme Dalee Sambo Doroug et M. Raja Devasish Roy avaient été élus Vice-Présidents et M. Oliver Loode Rapporteur.  Après les déclarations liminaires, l’Instance a également adopté l’ordre du jour provisoire et l’organisation de ses travaux****.

C’est au rythme de chants traditionnels et de percussions interprétés par des représentants kichwa-saraguro de l’Amazonie équatorienne que s’était ouverte cette session en présence de plus d’un millier d’autochtones.  Comme il est de coutume, le Chef de la nation onondaga, Tadodaho Sid Hill, dont la tribu formait la population originelle de New York, a souhaité la bienvenue aux participants, en rappelant que respecter « notre Terre, appelée mère nourricière » était indispensable « pour que nous puissions vivre heureux ».

Au cours de ces deux semaines, jusqu’au 20 mai, l’Instance se penchera sur les questions de la jeunesse, de la santé, de l’éducation, des langues, des droits de l’homme, du développement économique et social, de l’environnement, de la culture, du suivi de la Conférence mondiale de 2014 sur les peuples autochtones, ainsi que de l’impact du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sur la vie de ces peuples.

Créée en juillet 2000, après deux décennies de négociations, l’Instance, composée de 16 experts indépendants, est le principal forum visant à sensibiliser la communauté internationale sur la situation des quelque 370 millions d’autochtones qui vivent dans 90 pays et figurent parmi les individus les plus marginalisés de la planète.

L’Instance permanente poursuivra ses travaux demain, mardi 10 mai, à 10 heures.

* E/C.19/2016/5 

** E/C.19/2016/6, E/C.19/2016/6 et E/C.19/2016/6 

*** E/C.19/2016/10  

**** E/C.19/2016/1 et E/C.19/2016/L.1 

SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DE L’INSTANCE PERMANENTE (E/C.19/2016/3, E/C.19/2016/4, E/C.19/2016/5, E/C.19/2016/6, E/C.19/2016/7, E/C.19/2016/8, E/C.19/2016/9 ET E/C.19/2016/10)

Déclarations liminaires

Par vidéoconférence, M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’ONU, a estimé qu’une paix durable exigeait que les peuples autochtones aient accès à la justice culturelle, sociale et économique.  Rappelant que la Conférence mondiale de 2014 sur les peuples autochtones a demandé à l’ONU d’assurer une approche cohérente, M. Ban a indiqué que l’Organisation avait développé un plan d’action à l’échelle du système sur cette question en précisant qu’il serait lancé aujourd’hui. 

M. Ban a jugé essentiel de réaliser l’intégralité des droits des peuples autochtones, avant de féliciter le Président de l’Assemblée générale pour avoir lancé les consultations sur la future participation des peuples autochtones aux travaux des Nations Unies.  Alors que les États Membres commencent la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le programme d’Action d’Addis-Abeba, le Cadre d’action de Sendai pour la prévention des risques de catastrophe et l’Accord de Paris sur le climat, le Secrétaire général a appelé à veiller à ce que les peuples autochtones, y compris les femmes, puissent y participer et en bénéficier. 

M. MOGENS LYKKETOFT, Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, a rappelé qu’en septembre 2014, l’Assemblée générale avait réaffirmé son engagement à soutenir, respecter, promouvoir les droits des peuples autochtones et respecter les principes de la Déclaration des droits des peuples autochtones.

De cet engagement est née la résolution 70/232 (2015) qui comprend un engagement à mener des consultations sur les mesures nécessaires possibles, y compris les étapes procédurales et institutionnelles pour permettre la participation des représentants et des institutions des peuples autochtones aux réunions des organes des Nations Unies.

En février, le Président a désigné quatre conseillers pour l’aider à mener ces consultations et a distribué, le 27 avril, le premier projet de résolution sur les avis exprimés dans les consultations en ligne, y compris sur les bonnes pratiques au sein des Nations Unies concernant la participation des peuples autochtones. 

Il a appelé les États Membres, les peuples autochtones, l’Instance permanente sur les questions autochtones, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones et le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones à continuer à œuvrer ensemble pour soutenir ce processus.

Le Président de l’Assemblée générale a ajouté que depuis le début de son mandat, il s’était « efforcé de favoriser l’ouverture, la transparence et l’inclusion dans les travaux de l’Assemblée générale.  Cela inclut la possibilité pour les peuples autochtones de participer aux Nations Unies sur les questions qui les touchent ».

Ce sont des peuples qui ont non seulement le droit de contribuer ou qui peuvent apporter une contribution enrichissante mais aussi qui ont été pris pour cible quand ils parlent et qui sont historiquement exclus à tous les niveaux.  Cette situation a provoqué un grand dommage à leurs communautés, leur héritage, leurs moyens de subsistance et même leur identité.

Les consultations actuelles offrent une occasion historique aux États Membres et aux peuples autochtones d’améliorer et de renforcer la participation des peuples autochtones aux Nations Unies.

Le thème choisi pour cette quinzième session sur « les peuples autochtones: conflit, paix et résolution » est une occasion de renforcer et de débattre du rôle et de l’efficacité des Nations Unies en matière de paix et de sécurité.

Le Président a rappelé qu’il organiserait, les deux prochains jours, un débat thématique de haut niveau sur ce sujet et a estimé que le débat de la quinzième session de l’Instance permanente contribuerait et ajouterait une perspective sur les défis particuliers pour les peuples autochtones dans les processus de paix et les conflits.  

M SVEN JÜRGENSON, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé que l’Instance sur les questions autochtones se réunissait pour la première fois depuis l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Il a dit que les objectifs du développement durable constituaient un pas en avant pour les peuples autochtones par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le développement.  Il a aussi noté que 2015 avait été marquée par la conclusion d’accords importants comme le Plan d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement et l’Accord de Paris sur les changements climatiques.  

Il a encouragé les États Membres à collaborer avec les peuples autochtones parce qu’ils ont des contributions précieuses à apporter dans l’intérêt de tous.  « Il faut que les voix des peuples autochtones soient entendues dans l’intérêt de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 », a insisté le Vice-Président de l’ECOSOC.   

« Vous êtes les experts et nous comptons sur vous pour partager avec nous vos connaissances si importantes pour atteindre les objectifs de développement durable », a encore dit M. Jürgenson, avant de rappeler que les recommandations adoptées à l’issue de cette session seraient particulièrement importantes pour la mise en œuvre de l’objectif 16 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui appelle à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable.

M. ALVARO POP, Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones, qui a rappelé le thème de sa quinzième session, « Les peuples autochtones: conflit, paix et résolution », a dit que même dans les sociétés pacifiques, les peuples autochtones se trouvaient impliqués dans des situations conflictuelles dont la plupart sont relatives à des questions foncières, de territoires, de ressources ou à des situations concernant leurs droits civiques, politiques, culturels, sociaux et économiques.

Le rythme rapide de la mondialisation et le processus visant à identifier de nouveaux sites pour l’exploitation des ressources ont accéléré ces conflits sur les terres des populations autochtones.  Les autochtones sont en outre confrontés à des conflits armés et à la militarisation de leurs terres.  Dans plusieurs endroits du monde, les peuples autochtones sont déplacés et gravement touchés par la violence et la militarisation.  Ils sont souvent victimes de la violence, de massacres ou même de génocides à cause de leur identité distincte.

Il n’y aura pas de paix à moins que les peuples autochtones ne participent sur un pied d’égalité aux plans et aux règlements de paix.  « Nous devons aussi continuer de souligner les droits inscrits dans la Déclaration des droits des peuples autochtones et leur caractère contraignant », a déclaré M. Pop.  « Nous devons faire en sorte que l’adhésion publique et internationale à la Déclaration se poursuive au niveau national », a-t-il conclu.

M WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a rappelé que les États Membres s’étaient engagés lors de la Conférence mondiale de 2014 sur les peuples autochtones à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones.  Il a fait état de l’adoption d’un plan d’action à l’échelle du système pour une démarche cohérente en vue de mettre en œuvre cette Déclaration.  « Ce plan d’action est désormais adopté et j’ai l’honneur de le lancer officiellement avec vous aujourd’hui », a déclaré le Secrétaire général adjoint.  Il a précisé qu’un des domaines prioritaires de ce plan était la sensibilisation.  

Rappelant que cette question avait été soulevée à maintes reprises lors des consultations menées entre les peuples autochtones et les États Membres, M. Wu a mis l’accent sur la nécessité de sensibiliser chacun au contenu de la Déclaration et à la situation des peuples autochtones à travers le monde.  « Un autre élément important de ce plan consiste à promouvoir et à soutenir la mise en œuvre de la Déclaration au niveau des pays », a encore dit le Secrétaire général adjoint, ajoutant que « l’heure est venue pour le système de travailler main dans la main avec les peuples autochtones et les États Membres dans l’intérêt général ». 

M. Wu a précisé que le Fonds d’affection spéciale qui appuie les travaux de l’Instance avait bénéficié en 2015 de contributions du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande et du Pérou.   

Mme AURA LETICIA TELEGUARIO, Ministre du travail et de la prévention sociale de Guatemala, a dit que la quinzième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones devrait formuler des recommandations qui aident à la réalisation de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.  Elle a rappelé qu’il appartenait en premier lieu aux gouvernements de promouvoir et de respecter les principes de la Déclaration.  Le nouveau Gouvernement du Guatemala est très engagé dans la promotion des droits des peuples autochtones du pays, a déclaré la Ministre, en rappelant que le nouveau Président de la République avait créé un ministère des peuples autochtones.

Les quatre priorités du Gouvernement sont la sécurité alimentaire, l’éducation, le développement économique et la sécurité.  Le Président a aussi chargé le Ministère du travail et de la prévention sociale de concrétiser les projets présidentiels en faveur des peuples autochtones, notamment la réforme du cadre institutionnel qui devrait tenir compte de la diversité ethnique du Guatemala. 

Le Gouvernement est aussi appelé à mettre en œuvre des lois sur les peuples autochtones et sur les langues nationales.  Mme Teleguario a insisté sur l’importance du dialogue et a annoncé que 87 processus consultatifs avaient été organisés dans le pays depuis 2005.   

Soulignant que les tribunaux du Guatemala, en vue des poursuites judiciaires, avaient reconnu le droit à la consultation des peuples autochtones, la Ministre a également mis l’accent sur l’importance du principe du consentement préalable, libre et éclairé et a annoncé que le Gouvernement travaillait actuellement à la définition d’une méthodologie participative pour la réalisation d’un instrument d’application de la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail sur les peuples autochtones.

Mme JODY WILSON-RAYBOULD, Ministre de la justice et Procureure générale du Canada, a dit que le Premier Ministre canadien avait demandé à tous les ministres de reconstruire « les relations de nation à nation avec les peuples autochtones du Canada ».  Il est temps de renouveler cette relation fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat. 

La Ministre a ajouté que le Bureau des affaires indiennes n’avait pas été organisé autour des nations autochtones mais sur un système de gouvernance imposé.  Il est important d’abandonner ce système par les instruments juridiques disponibles.  À cet égard, le Gouvernement donnera un nouveau souffle à l’article 35 de la Constitution qui réaffirme l’existence des droits des autochtones.  Le défi est de traduire ces droits en bénéfices pour les communautés autochtones. 

L’autre défi est la mise en œuvre du principe de consentement préalable, libre et informé, reconnu par la Déclaration des droits des peuples autochtones, a aussi affirmé Mme Wilson-Raybould, qui a souligné l’importance de leur participation aux processus de prise de décisions.  La réconciliation exige des changements juridiques et politiques, a-t-elle soutenu. 

Pendant cette période de transition, les communautés autochtones doivent recevoir les services nécessaires, y compris le développement de nouvelles politiques fiscales avec les gouvernements des peuples autochtones.  Ils doivent en outre être « autonomisés pour prendre en main leur vie, avec l’appui total de tous les Canadiens », a poursuivi la Ministre.  

Point sur l’application des recommandations de l’Instance permanente

Le Rapporteur de l’Instance permanente sur les questions autochtones, M. Oliver Loode, a fait le point sur l’application des recommandations de l’Instance au cours de la précédente session.

Il a rappelé que l’an dernier, la quatorzième session de l’Instance permanente avait adopté pas moins d’une quarantaine de recommandations parmi lesquelles une vingtaine avaient été sélectionnées pour faire l’objet de suivi de la part de 15 membres de l’Instance.  C’est sur la base de leurs rapports et des contributions du Secrétariat de l’ONU et des agences onusiennes que le présent rapport a été établi.

M. Loode a relevé que des progrès avaient pu être notés en ce qui concerne 15 recommandations, même si ces progrès n’ont pas forcément découlé des recommandations de l’Instance.  En outre, l’Instance a pu vérifier que 10 recommandations avaient connu des progrès relativement appréciables du fait des recommandations directes de l’Instance. 

On peut ainsi noter que la recommandation sur le rapatriement des objets cérémoniels et des restes humains a permis effectivement de mettre sur pied un groupe de travail sur la question, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), d’autres entités onusiennes et sous la coordination de l’International Indian Treaty Council

Les recommandations 10, 11, 31 et 40 sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ont également connu une mise en œuvre moyennement heureuse.  Le Rapporteur a expliqué que les populations autochtones avaient effectivement participé aux négociations qui ont précédé son adoption, plaidant afin qu’elles puissent être également impliquées activement dans sa mise en œuvre, aux niveaux mondial et local. 

S’agissant des recommandations 15 et 17 relatives au suicide chez les jeunes autochtones, il a rappelé que l’Instance avait envoyé une correspondance à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour solliciter son attention sur cette question.  Il a indiqué que l’Instance souhaiterait que l’OMS désigne un point focal sur cette question de santé publique de première importance pour les populations autochtones. 

L’une des recommandations de l’Instance adoptées l’an dernier appelait la Commission de la condition de la femme à aborder, parmi les thèmes principaux de sa session de 2017, la question de l’autonomie de la femme autochtone, sachant que la session coïncidera avec le dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtone.  Cette question sera effectivement l’un des thèmes de la Commission de la condition de la femme en 2017, mais pas l’un de ses thèmes principaux de session. 

Au vu de ce relatif succès dans la mise en œuvre des recommandations de l’Instance, le Rapporteur a estimé que la mise en œuvre des recommandations dépendrait grandement de la qualité de leur rédaction.  De ce fait, il a proposé de réduire le nombre des recommandations et d’en améliorer la qualité et le suivi.  Il a également prôné une plus grande transparence dans le processus de leur adoption.

Après cette présentation du suivi des recommandions de la quatorzième session de l’Instance, la représentante d’International Indian Treaty Council a souligné que les recommandions sur les transferts des restes humains avaient été bien suivies, du fait de la grande implication des agences onusiennes et des partenaires nationaux.  

Réunion d’un groupe d’experts internationaux sur le thème « Préservation et revitalisation des langues autochtones (articles 13, 14 et 16 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones) »

Présentation

Présentant le rapport de cette réunion qui s’est tenue au Siège de l’ONU, du 19 au 21 janvier, Mme Aysa Mukabenova, membre de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a résumé les recommandations issues de cette réunion.  Elle a notamment appelé à promouvoir les avantages cognitifs auprès des locuteurs bilingues et multilingues.  Ils sont appréciés non seulement par les populations autochtones, mais aussi par toute la société.  Ils sont, a-t-elle dit, cognitivement et intellectuellement mieux préparés à contribuer au développement de leur société. 

Elle a souligné l’importance des campagnes de sensibilisation soutenues notamment par des autorités nationales et locales, des entités compétentes des Nations Unies, dont l’UNESCO et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ainsi que par de l’Instance permanente.  Elle a plaidé pour la création d’un fonds mondial de soutien des langues autochtones qui mettrait l’accent sur des projets de revitalisation linguistique axés sur la population locale, en particulier pour les langues les plus menacées et celles qui ne font pas l’objet de tels projets.  « Un tel fonds soutenu financièrement par des États, le secteur privé, le système des Nations Unies, la société civile et d’autres donateurs devrait être géré par les autochtones qui cherchent à augmenter le nombre de personnes parlant couramment des langues autochtones à travers le monde », a-t-elle affirmé.

L’Assemblée générale devrait proclamer une année internationale des langues autochtones.  D’autres formulations, telles que « l’année internationale des langues menacées » ou « langues autochtones et menacées », seraient également envisageables.  Une telle année internationale devrait être proclamée en 2018 ou dès que possible. 

En conclusion, Mme Mukabenova a estimé nécessaire de revoir l’ensemble de la centaine de recommandations formulées au cours de ces trois jours et de voir lesquelles sont réellement réalisables.     

Débat interactif

Réagissant à une intervention du représentant de l’Ukraine, qui a déclaré que les communautés tatares étaient menacées en raison de la récente occupation russe de la Crimée, le représentant de la Fédération de Russie a contesté ces propos en insistant sur le souci de son pays de garantir un enseignement en langue autochtone afin de préserver des langues qui sont le pilier de la préservation des identités culturelles.  « Dans les écoles russes, nous enseignons 22 langues autochtones », a ajouté le représentant russe.  Abondant dans ce sens, Mme Kara-Kys Arakchaa, membre de l’Instance a indiqué que 16 écoles en langue tatare fonctionnaient actuellement en Crimée.

De son côté, la représentante du Danemark a cité les initiatives exemplaires de son pays pour mettre une politique linguistique au Groenland en 2010 pour préserver la langue de l’île parlée par 44 000 personnes sur une population totale de 57 000 habitants.  

Avec l’avènement de l’autogouvernance et de la décentralisation en 2009, les populations locales ont été amenées à contrôler leur propre système d’éducation.  Une loi de 2009 a reconnu la langue du Groenland comme langue officielle alors qu’une autre loi de 2010 a mis en place une politique linguistique qui vise à renforcer la place de la langue du Groenland comme langue maternelle.       

En outre, le représentant de l’UNESCO a regretté que, souvent, des États Membres ignorent des principes clefs de l’éthique en matière d’information en ignorant les langues maternelles de certaines communautés.  Il a mis l’accent sur le rôle des technologies de l’information et des communications (TIC) et de l’Internet pour promouvoir le multilinguisme et la visibilité des langues autochtones. 

L’accès aux connaissances doit être lié à l’autonomisation des populations autochtones, a-t-il insisté, avant de faire état de l’élaboration d’un atlas des langues autochtones qui se veut un instrument viable sur la vitalité des langues.

 « Études élaborées par des membres de l’Instance permanente »

Deux études élaborées par des membres de l’Instance permanente ont été présentées en introduction à cette table ronde.  La première, l’Étude sur les relations entre les peuples autochtones et l’océan Pacifique (E/C.19/2016/3), tient compte des questions de gouvernance, des incidences des changements climatiques, de l’exploitation minière en haute mer, des ressources et du développement durable. 

Mme VALMAINE TOKI, membre de l’Instance, a présenté les recommandations de cette étude qui estime que divers mécanismes devraient être mis au point afin de faciliter la pleine participation des peuples autochtones aux prises de décisions stratégiques concernant les océans, compte tenu de l’action ou de l’inaction des organisations et des institutions du système des Nations Unies ayant un impact sur les peuples autochtones.  

Lorsqu’une activité a un impact direct sur les peuples autochtones, il est nécessaire d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, conclut cette étude.  Il est donc recommandé qu’à l’instar de la Banque mondiale, les organisations et les institutions telles qu’ONU-Océans, l’Autorité internationale des fonds marins et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) accordent une place aux membres de l’Instance permanente et aux experts autochtones indépendants au sein des processus de prise de décisions pour permettre aux peuples autochtones de contribuer réellement aux décisions qui affectent leur vie et leur environnement.

La deuxième, l’Étude sur les moyens que les États utilisent pour tirer parti des faiblesses des procédures en vigueur dans les organisations internationales et ne pas réserver toute la place qui s’impose à la Déclaration des Nations Unies et à d’autres instruments internationaux des droits de l’homme (E/C.19/2016/4), a été présentée par Mme DALEE SAMBO DOROUGH, membre de l’Instance.  Celle-ci a insisté sur les règles procédurales des institutions qui devraient, à son avis, être renforcées et conformes aux droits de l’homme.  Elle a plaidé pour une cohérence entre les obligations juridiques des États et les contextes internationaux. 

Lorsque les États négocient de nouveaux instruments internationaux, a-t-elle noté, le statut et les droits des autochtones sont souvent touchés et la participation des autochtones marginalisée.  Les peuples autochtones sont vulnérables au bon vouloir des États car ils ne font pas partie de ce processus, a-t-elle expliqué.  Elle a donc recommandé que les équipes de négociations des États comprennent des personnes qui connaissent bien les questions propres aux autochtones ainsi que leurs droits.  M. EDWARD JOHN, membre de l’Instance, a pour sa part rappelé l’importance de prévoir un budget spécial pour traduire les documents dans les langues autochtones.

Le représentant du Mécanisme sur les droits des peuples autochtones a enchaîné sur cette question de langues, une question transversale qui est traitée dans le cadre d’autres études thématiques sur les autochtones.  Faisant valoir le lien qui existe entre la santé mentale des peuples autochtones et la préservation de leurs langues, il a expliqué que les pertes dans la pratique des langues autochtones étaient liées à des pertes de repère pour les peuples.  Il a prévenu que ces langues ne pourraient survivre que si elles étaient enseignées.

La représentante du Canada a appuyé la Déclaration du Chef John qui, a-t-elle relevé, a beaucoup fait pour la culture et les enfants autochtones.

Un autochtone de Californie, directeur d’une école autochtone, a fait observer qu’à Los Angeles, plus de 220 langues différentes étaient parlées, mais qu’aucune entité étatique n’avait pour mandat de tenir des statistiques sur les langues autochtones.  Dans ce contexte, les efforts de revitalisation des langues autochtones ne peuvent se faire de manière efficace, a—t-il argué.

Une représentante d’une organisation autochtone a de son côté souhaité que les gouvernements prévoient des financements durables pour la revitalisation des langues autochtones, tout en facilitant les flux de fonds internationaux dirigés vers les organisations autochtones engagées dans la préservation de leurs langues.

La Nouvelle-Zélande s’est félicitée de nouvelles lois qui permettent de revitaliser la langue maorie, soulignant que cette tâche n’incombe plus seulement aux Maoris, mais également à la couronne britannique. 

Une représentante du peuple maliba, vivant au Venezuela, au Brésil et en Colombie, a regretté que sa langue ne soit plus parlée que par 500 personnes.  Elle a prôné l’éducation interculturelle et bilingue pour sauver les langues autochtones.  Elle a proposé que l’Instance adopte une recommandation sur la nécessité des États de permettre aux peuples autochtones de gérer les processus de revitalisation de leurs langues.  Elle a aussi suggéré que les coordonnateurs résidents des Nations Unies au niveau des pays aient, parmi leurs mandats, de promouvoir la revitalisation des langues autochtones, et d’en faire un rapport annuel. 

Le représentant de la Fédération de Russie a déclaré ne pas être d’accord avec les conclusions des experts qui ont élaboré l’Étude sur les relations entre les peuples autochtones et l’océan PacifiqueIl a notamment estimé que la grande participation des représentants des peuples autochtones à cette réunion montrait qu’ils avaient leur mot à dire, contrairement à l’Étude qui laisse croire qu’ils n’ont pas voix au chapitre sur la scène internationale.  Il a en outre rappelé que l’Instance permanente était une commission technique du Conseil économique et social (ECOSOC) et que, de ce fait, elle n’a pas mandat de mener des études sur les organisations internationales et leur fonctionnement.

Mme Sambo Dorough, membre de l’Instance permanente, lui a répondu en faisant observer que l’étude à laquelle elle avait pris part avait été menée de manière méthodique.  Elle a dénoncé le fait que les peuples autochtones n’avaient pas voix au chapitre, comme cela avait pu se voir à la vingt et unième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) de Paris, en décembre dernier.  Elle a rappelé que, s’ils étaient bien présents, ils n’avaient pas été consultés dans l’élaboration de l’Accord de Paris sur le climat qui aura pourtant un impact vital pour eux.

Une représentante du peuple mohawk du Canada a estimé que si l’on veut défendre les langues autochtones, alors il faut aussi défendre le patrimoine des peuples autochtones, y compris leurs terres.  « Arrêtez de prendre nos terres », a-t-elle lancé sous les applaudissements de la salle.  « Les États doivent corriger le tort qu’ils nous ont fait », a-t-elle encore noté, en rappelant comment les colonisateurs avaient détruit les langues autochtones. 

Une déléguée autochtone des Fidji a estimé que, dans son pays, le Gouvernement pratiquait une politique d’exclusion vis-à-vis des populations autochtones, menant une répression si âpre contre eux qu’elles avaient désormais peur de s’exprimer sur des questions les concernant.

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