7817e séance – matin 
CS/12597

Le Coordonnateur des secours d’urgence exhorte le Conseil de sécurité à agir pour mettre un terme au massacre en Syrie

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a de nouveau exhorté, ce matin, le Conseil de sécurité à agir pour mettre fin au carnage en Syrie et, en particulier, dans la ville d’Alep, frappée une nouvelle fois par des bombardements aériens et où la situation humanitaire dépasse désormais « l’entendement ».

Appuyé par la représentante de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Syrie, qui s’est également exprimée, M. O’Brien a appelé le Conseil à adopter le projet de résolution de la Nouvelle-Zélande, de l’Espagne et de l’Égypte, qui vise à l’instauration d’une trêve de 10 jours à Alep et au rétablissement de la cessation des hostilités dans tout le pays.  La majorité des membres du Conseil ont partagé cet appel, en estimant qu’il était temps pour le Conseil de mettre fin à « l’étalage public de ses divisions » sur la Syrie.

« Honte à nous de ne pas réussir à stopper l’anéantissement dans l’est de la ville d’Alep », a déclaré le Coordonnateur des secours d’urgence, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général* sur la question.  Depuis mardi dernier, le bombardement de l’est d’Alep n’a pas cessé et, depuis hier, presque aucun hôpital ne fonctionne, a-t-il fait remarquer.  « Ce que les civils ont subi la semaine dernière marque un nouveau degré dans les violences, causant un carnage inhumain et implacable », a souligné M. O’Brien, en qualifiant de « terrifiante » la situation humanitaire à Alep.

À l’instar de plusieurs représentants, il a exhorté « ceux qui ont de l’influence » à en user pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire.  « C’est une formule que je suis diplomatiquement obligé d’utiliser mais tout le monde sait autour de cette table et, au-delà, de qui il s’agit », a précisé M. O’Brien.  Une précaution de langage que le délégué du Royaume-Uni a ignorée en exhortant les autorités à Moscou, « qui en ont le pouvoir », à demander au régime syrien de cesser d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire dans le pays.

« La Russie doit cesser sa campagne d’attaques prenant pour cibles des infrastructures de santé », a appuyé son homologue des États-Unis.  Répondant à ces déclarations, le représentant de la Fédération de Russie a affirmé que, depuis le 18 octobre dernier, l’aviation russe n’a lancé aucune frappe aérienne à Alep ou dans un rayon de 10 kilomètres.  Le projet de résolution, évoqué par certains membres du Conseil de sécurité, n’est pas « prématuré », contrairement aux arguments avancés par d’autres délégations car, a insisté M. O’Brien, « il n’est jamais prématuré de sauver des vies ».

Même son de cloche du côté de la représentante de l’OMS en Syrie, qui a demandé au Conseil d’approuver la mise en place d’« un système garantissant que toutes les parties soient informées des coordonnées de tous les convois humanitaires et infrastructures de santé ».  Le Conseil devrait également tenir un décompte de toutes les attaques perpétrées, a insisté Mme Hoff.  Entre janvier et septembre, a-t-elle fait observer, 126 attaques ont pris pour cibles des centres de soins en Syrie et 150 000 personnes ont été privées de traitements médicaux essentiels dans des zones assiégées.

Tout en exprimant la « honte » de sa délégation devant l’incapacité du Conseil à agir, le délégué de la Nouvelle-Zélande a insisté sur la modestie du projet de résolution qu’il rédige actuellement avec l’Espagne et l’Égypte.  Il s’agit de mettre fin à la destruction d’un pays, a-t-il affirmé, en espérant que le texte recueillera le soutien du Conseil.  C’est un espoir partagé par l’ensemble des délégations.  Pour celle de l’Angola, le texte marque une étape vers la reprise des négociations.  Le délégué du Sénégal a appelé le Conseil à un « véritable sursaut » et salué l’initiative « courageuse » de l’Espagne, de la Nouvelle-Zélande et de l’Égypte.

Le représentant de l’Égypte a précisé que le texte soulignait la nécessité de combattre les activités des groupes terroristes.  Ce point a été au cœur des interventions des délégués de la Syrie et de la Fédération de Russie.  Le premier s’est interrogé sur le soutien apporté à l’Iraq et non pas à la Syrie alors que les deux pays sont confrontés aux mêmes ennemis, tandis que son homologue russe a tenu à préciser que la distinction entre groupes terroristes et groupes modérés n’était pas encore suffisamment établie.  Ce dernier a déploré l’apparition d’une « culture de comportements inacceptables » au Conseil, lorsque que les délégations de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni ont quitté ensemble la salle au moment où le représentant de la Syrie prenait la parole.

 

*     S/2016/962

 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014) et 2258 (2015) du Conseil de sécurité (S/2016/962)

Déclarations

M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué qu’il était au bout de sa capacité d’entendement en tant qu’être humain pour ce qui concerne la situation à Alep.  Elle demeure aussi grave qu’au cours du mois dernier.  « Honte à nous de ne pas réussir à stopper l’anéantissement dans l’est de la ville d’Alep. »

« La semaine dernière, nous avons constaté le déroulement d’une offensive militaire soutenue à Alep et dans les zones rurales des environs avec des conséquences dévastatrices pour les civils », a rappelé M. O’Brien.  Il a indiqué que la Fédération de Russie avait affirmé à plusieurs reprises avoir recommencé ses opérations aériennes à Idlib et à Homs seulement, non pas dans l’est d’Alep.  « Depuis mardi dernier, le bombardement de l’est d’Alep n’a pas cessé », a-t-il dit, avant d’ajouter que, depuis hier, quasiment aucun hôpital ne fonctionnait.

Le Secrétaire général adjoint a déclaré que 350 tirs de mortier et de roquettes ont été lancés par des groupes armés non étatiques contre l’ouest de la ville d’Alep depuis le 1er novembre, tuant plus de 60 personnes.  « Je veux être clair: nous ne constatons pas seulement une reprise de la violence à Alep, cela est habituel.  Ce qui a été perpétré contre les civils la semaine dernière est une nouvelle étape qui a été franchie, causant un carnage inhumain et implacable », a affirmé M. O’Brien, en ajoutant que cette situation aurait pourtant pu être évitée.  Les parties ont choisi une telle approche et les civils en paient le prix, a-t-il dit.

M. O’Brien a précisé que 275 000 civils étaient pris au piège dans l’est d’Alep en raison du siège du Gouvernement syrien et de ses alliés.  La Russie et la Syrie ont ouvert des couloirs d’évacuation pour les civils mais ces couloirs ne seraient pas suffisamment sûrs pour être empruntés, a soutenu M. O’Brien.  Le Secrétaire général adjoint a souligné que les conditions humanitaires étaient devenues « terrifiantes » dans l’est d’Alep.  Il est à peine possible de survivre, a-t-il fait remarquer, tout en rappelant que les dernières rations alimentaires du PAM avaient été distribuées le 13 novembre.  Les Nations Unies se tiennent prêtes à acheminer l’aide et à procéder à des évacuations médicales, une fois que les garanties sécuritaires auront été données par toutes les parties.

La reprise de combats soutenus est un revers de notre objectif de parvenir à un accord et d’apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin, a-t-il soutenu « J’appelle tous ceux qui ont de l’influence –une formule que je suis diplomatiquement obligé d’utiliser mais tout le monde sait autour de cette table et, au-delà, de qui il s’agit– à œuvrer pour mettre fin à ces cycles insensés de violence et au massacre à Alep. »

M. O’Brien s’est dit ensuite préoccupé par le sort des personnes vivant dans d’autres zones assiégées, notamment dans les quatre villes de Madaya, Zabadani, Foah et Kefraya.  Un seul convoi a pu atteindre ces quatre villes ces six derniers mois, a-t-il regretté.  Il a appelé les acteurs qui ont de l’influence, notamment l’Iran et Jaysh al Fatah, à œuvrer pour permettre l’acheminement de l’aide et la conduite d’évacuations médicales.

À ce jour, 974 080 personnes vivent dans des zones assiégées en Syrie, contre 486 700 il y a encore six mois, a indiqué M. O’Brien.  « Ceux qui maintiennent ces sièges, a-t-il déclaré, savent apparemment que ce Conseil ne veut pas ou ne peut pas imposer sa volonté ou s’accorder sur les mesures à prendre pour les arrêter. »  « Ils nous donnent quelques miettes –un convoi occasionnel ici et là lorsque le Conseil se réunit sur le sujet– pour pouvoir dire qu’ils font de leur mieux », a-t-il affirmé, ajoutant qu’un million de Syriens ne pouvaient pas vivre de « miettes ».

Le Coordonnateur des secours d’urgence a soutenu que les attaques contre les hôpitaux et les écoles étaient devenues monnaie courante, en précisant que, le 26 octobre, 22 enfants avaient trouvé la mort dans l’attaque de leur école à Haas.  « Depuis l’adoption de la résolution 2286 (2016) protégeant les installations médicales et le personnel de santé, plus de 130 attaques contre des centres médicaux ont été recensées », a-t-il dit.  « Cela est clairement un crachat au visage de cette résolution. »

M. O’Brien a regretté qu’aucun des convois interagences de l’ONU n’ait réussi à franchir les lignes de combat, en raison des difficultés dans les négociations avec les parties pour garantir la sécurité et des obstacles bureaucratiques.  On estime que 8 000 personnes ont été déplacées dans le nord du gouvernorat de Raqqa en raison des opérations menées contre Daech, a-t-il indiqué.

Plaidant de nouveau pour une solution politique en Syrie, le Secrétaire général adjoint a rappelé les principales demandes faites par le Conseil aux parties dans sa résolution 2139 (2014): mettre fin à la violence, mettre fin aux attaques contre les civils, lever les sièges contre les zones peuplées et respecter le principe de neutralité médicale et protéger les civils.  « Il s’agit de principes élémentaires selon lesquels les parties à un conflit doivent opérer », a-t-il dit, en réaffirmant qu’il s’agit là des principes d’humanité et de dignité, consacrés par le droit international.  Il a demandé une action forte du Conseil, en prévenant que, sans une telle action, les lignes rouges continueront d’être franchies « encore et encore » et des crimes de guerre seront commis.  « Il est grand temps d’agir », a-t-il exhorté.

Enfin, évoquant l’argument selon lequel le Conseil ne doit pas adopter de résolution car cela est « prématuré », le Coordonnateur des secours d’urgence a déclaré qu’il n’était jamais prématuré de sauver des vies.

Mme ELIZABETH HOFF, représentante de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Syrie, a déclaré qu’en Syrie, où elle est basée, elle avait été témoin à la fois de « ce que l’humanité a de pire » mais aussi de meilleur, rendant ainsi un hommage appuyé au personnel de l’OMS et aux partenaires humanitaires.  Elle a ensuite tenu à rappeler que ce pays, avant le début du conflit, disposait de l’un des systèmes de santé les plus performants du Moyen-Orient, avec un taux de vaccination de 95% et une industrie pharmaceutique florissante.  « Presque six ans plus tard, plus de 300 000 personnes ont été tuées et plus de 1,5 million d’autres ont été blessées dans le conflit.  Chaque mois, on compte 30 000 blessés de plus, et près de cinq millions de Syriens ont quitté le pays, parallèlement aux plus de six millions de ceux qui ont été déplacés par les combats. » 

« Enfin, près de cinq millions de personnes vivent en état de siège ou dans des localités difficiles à atteindre », a indiqué la représentante.  Mme Hoff a constaté à quel point les services de santé sont dévastés, plus de la moitié des hôpitaux publics et des centres de santé étant fermés ou ne fonctionnant que partiellement.  « Près des deux tiers des professionnels de santé ont fui à l’étranger et la production nationale de médicaments a chuté de deux tiers; le taux de vaccination de moitié », a-t-elle ajouté.

Mme Hoff a ensuite fait état d’attaques répétées contre des centres de soins en Syrie, estimant à 126 leur nombre entre janvier et septembre.  « Elles représentent près de deux tiers de toutes les attaques signalées dans les pays connaissant une situation d’urgence », a précisé la représentante de l’OMS.  Rien qu’en novembre, 11 hôpitaux ont subi des attaques dans les gouvernorats d’Alep, Idlib et Hama.  Selon elle, cette violation du droit international humanitaire en cache une autre, à savoir l’utilisation, à des fins militaires, des infrastructures de santé, la prise pour cible des personnels de soins de santé, et les entraves à l’acheminement des articles de santé dans les zones où ils sont nécessaires de toute urgence.  En s’en prenant à des malades, des personnes atteintes de handicap, des enfants et des mères, ces attaques constituent, pour Mme Hoff, un renoncement « à notre humanité collective ». 

En dépit d’un environnement sécuritaire dangereux, a poursuivi la représentante de l’OMS, son organisation a été en mesure d’acheminer plus de neuf millions de médicaments et de traitements dans toute la Syrie en 2016, depuis des postes militaires à partir de Damas et depuis les frontières turques et jordaniennes.  Mais le Gouvernement syrien, a-t-elle regretté, n’a pas encore délivré d’autorisation à la livraison de 75 tonnes d’articles de santé dans les zones assiégées, où environ 150 000 personnes sont privées de soins de santé vitaux.  Fort heureusement, a poursuivi Mme Hoff, aucune épidémie de maladies graves n’est à déplorer jusqu’à présent en Syrie, et l’OMS a formé plus de 16 000 personnels de santé pour combler le fossé laissé par l’exode massif de professionnels à l’étranger. 

Toutefois, devant l’aggravation de la situation dans le pays, l’OMS, a-t-elle dit, demande au Conseil de sécurité d’exercer toute l’influence dont il dispose pour mettre fin au conflit dans le pays et approuver la mise en place d’« un système qui garantisse que toutes les parties soient informées des coordonnées de tous les convois humanitaires et infrastructures de santé, et tienne un décompte de toutes les attaques perpétrées ».

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a déploré l’incapacité à réagir face au « pire conflit armé de ce siècle » et à « la plus grave crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale ».  La population syrienne est otage et victime sur un champ de bataille contrôlé à distance, a ajouté le représentant, par ceux qui ne se préoccupent que de pouvoir et de la protection de leurs propres intérêts.  La responsabilité de cette crise est en partie partagée par tout le Conseil de sécurité, a lancé M. Rosselli, mais les membres qui soutiennent ou financent l’une ou l’autre partie au conflit portent davantage de responsabilités dans ce que le Secrétaire général a qualifié de « boucherie ».

L’Uruguay appelle à un cessez-le-feu immédiat à Alep et un arrêt des hostilités sur tout le territoire syrien afin de permettre l’accès de l’aide humanitaire de l’ONU et de ses partenaires.  Énumérer les principes du droit international humanitaire sans les mettre en pratique ne sert « absolument à rien », a fait remarquer le représentant de l’Uruguay.  La communauté internationale et le Conseil de sécurité en particulier ont jusqu’à présent échoué à prendre des actions concrètes pour arrêter la violence et les horreurs quotidiennes, a-t-il regretté.

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) s’est félicitée de la présentation « objective » des « faits » par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires.  Elle a relevé que 289 personnes avaient été tuées dans l’est d’Alep depuis le 15 novembre, ce secteur ayant été visé par 180 frappes aériennes « pendant la seule journée du samedi 19 novembre ».  Lorsque la Russie a décidé de suspendre ses frappes, a soutenu Mme Power, elle l’a fait sans coordination avec la coalition ou la communauté humanitaire, cette dernière n’ayant pas été en mesure d’accéder aux populations en détresse pendant la durée de cette trêve.  Pour sa délégation, ce qui se passe dans l’est d’Alep s’inscrit dans le cadre d’une stratégie « délibérée » de sièges et d’attaques à travers tout le pays.  La Russie, a-t-elle poursuivi, doit cesser sa campagne d’attaques prenant pour cible des infrastructures de santé, comme en témoignent les cinq hôpitaux détruits à Alep ces jours derniers.

Le régime de Bashar al-Assad et ses alliés ne sont pas les seuls à causer des souffrances, et nous sommes d’accord avec la Russie pour reconnaître qu’il ne peut y avoir de justification aux attaques commises par des groupes non étatiques, a souligné Mme Power.  Les États-Unis, a-t-elle insisté, ne permettront pas aux commandements des unités gouvernementales syriennes de ne pas faire face à leurs responsabilités.  Elle a ensuite énuméré les noms de plusieurs militaires de haut rang syriens que les États-Unis considèrent comme des « criminels de guerre » qui sont directement responsables de violations graves.  Par ailleurs, le « régime Assad » doit cesser de commettre des actes de torture et d’emprisonner de manière arbitraire des Syriens, a tenu à rappeler la représentante, qui a accusé des « branches du renseignement militaire ».  « Sachez-le, la communauté internationale vous observe et un jour, vous aurez à rendre compte de vos actes », a-t-elle prévenu. 

M. KORO BESSHO (Japon) a estimé que face à la situation humanitaire désastreuse qui prévaut toujours à Alep, « le Conseil de sécurité ne doit pas abandonner ses efforts ».  Pour que la situation s’améliore sur le terrain, il a considéré qu’il faudrait que le Conseil ou le Groupe international de soutien pour la Syrie parviennent à un accord qui changera véritablement la donne en Syrie.  Pour ce qui est de l’acheminement de l’aide humanitaire à Alep, y compris sa partie est, il a déploré qu’à présent, aucun convoi de l’ONU ne puisse entrer dans la ville. 

Le représentant s’est demandé ce que la communauté internationale devrait faire pour que les parties mettent de côté leurs différends afin d’assurer l’accès de l’aide humanitaire.  Réagissant à l’exposé de Mme Hoff, le représentant du Japon a rappelé que toutes les parties à un conflit armé avaient l’obligation de respecter le droit international humanitaire en toutes circonstances. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a décrit un engrenage inexorable de violence en Syrie.  La situation humanitaire dans l’est d’Alep est au-delà des mots, a-t-il dit, en estimant que le siège en cours, « digne du Moyen-Âge », était un crime de guerre.  Il a rappelé qu’aucun convoi n’avait pu atteindre l’est d’Alep depuis le mois de juillet dernier, en raison des bombardements incessants du régime syrien et de ses alliés.  Il a prévenu qu’une chute d’Alep entraînerait une crise sans précédent, avec la fuite de plus de 200 000 civils vers la Turquie.

Partout le régime resserre son étau autour des civils et se livre à une obstruction de l’aide pour obliger la population à fuir et les opposants à se rendre, a-t-il continué, avant d’exhorter les autorités syriennes à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  M. Delattre a accusé le régime syrien et ses alliés de poursuivre leurs attaques délibérées contre les hôpitaux, lesquelles sont constitutives de crimes de guerre.  Plus aucun hôpital ne fonctionne dans l’est d’Alep, s’est-il indigné.  Le régime syrien et ses alliés, a-t-il insisté, doivent cesser leurs bombardements à Alep et permettre l’acheminement de l’aide.

Les membres du Conseil qui ont de l’influence doivent en user pour mettre un terme à l’engrenage de la violence dont le legs, a-t-il prévenu, sera des années de terrorisme, a-t-il affirmé.  M. Delattre a estimé que l’approche actuelle est une erreur stratégique qui conduit à la partition de la Syrie, à la radicalisation et à un renforcement de Daech.  L’horreur et la terreur sont les revers d’une même médaille, a conclu le délégué de la France.

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) s’est déclaré, lui aussi, horrifié par le récit que vient de faire le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires sur la situation en Syrie et, en particulier dans l’est d’Alep.  Il a accusé le régime syrien, « appuyé par la Russie », d’empêcher l’aide humanitaire de parvenir aux nécessiteux pris au piège dans les villes assiégées.  Le représentant a donc exhorté les autorités à Moscou, « qui en ont le pouvoir », à demander au régime syrien de cesser d’entraver les mouvements de la communauté humanitaire dans le pays.  Pour sa délégation, prendre pour cible tous les hôpitaux dans l’est d’Alep, dont plus aucun n’est en état de fonctionner, s’inscrit dans une stratégie systématique visant les infrastructures et personnels de santé et les écoles, ce qui constitue des crimes de guerre. 

Au-delà de la situation dans cette ville, il y a près d’un million de personnes assiégées dans l’ensemble du pays, a rappelé M. Rycroft, qui a prévenu que, sans les autorisations délivrées par Damas, le mois de novembre 2016 pourrait devenir le pire mois de cette année en ce qui concerne l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie.  Il a donc demandé à toutes les parties de cesser les bombardements, de lever les obstacles qui se dressent à l’aide humanitaire et à s’engager en faveur d’un règlement politique du conflit. 

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a qualifié la situation à Alep de « profondément troublante », en estimant que les acteurs humanitaires étaient dépassés par l’ampleur des tâches à accomplir.  Le Conseil de sécurité est incapable de se réunir autour d’une solution commune, alors qu’il est témoin de violations répétées du droit international, a-t-il déclaré.  Regrettant profondément l’escalade des combats dans l’est de la ville, il a exhorté les membres du Conseil à mettre de côté les divergences pour parvenir à une solution.  Il a estimé que le projet de résolution, évoqué par certaines délégations, qui vise notamment à instaurer une trêve de 10 jours pour assurer l’accès humanitaire à Alep était un pas vers la reprise des négociations.  Les conséquences de l’incapacité du Conseil se font sentir dans le monde entier, a-t-il soutenu.  Avant de conclure, le délégué de l’Angola a exhorté les parties qui ont de l’influence à en user plutôt que de livrer des armes à ceux qui sont en quête d’une solution militaire en Syrie.

M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) s’est associé aux condamnations de la représentante de l’OMS, qui a déploré que six hôpitaux dans l’est d’Alep ont été pris pour cible par le régime syrien et ses alliés russes ces derniers jours.  Il s’est également dit préoccupé par le fait que plus aucun hôpital n’est en état de marche à Alep.  Le représentant a ensuite appelé à la reddition de comptes, en se disant notamment impatient de prendre connaissance des conclusions de l’enquête sur l’attaque perpétrée en septembre dernier contre un convoi humanitaire de l’ONU et de ses partenaires.

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a affirmé que, grâce aux efforts de spécialistes russes, le nombre de localités syriennes engagées dans des accords locaux de cessez-le-feu s’élevait à 968.  Nous cherchons activement les moyens d’améliorer la situation à Alep, a-t-il assuré, en rappelant que l’est de la ville était entre les mains de groupes armés, dominés par les terroristes d’el-Nosra.  La distinction entre ces groupes et les groupes modérés n’est pas encore effective, a-t-il déclaré, en s’interrogeant sur la véracité des rapports faisant état d’un nombre réduit de ces éléments terroristes.  « Quelles sont les sources? » a-t-il voulu savoir.

Le représentant s’est ensuite dit préoccupé par la répression de manifestations de civils dans l’est d’Alep qui veulent le départ des éléments terroristes.  Les contacts informels se poursuivent avec les États-Unis pour améliorer la situation en Syrie, a-t-il affirmé.  Le représentant russe s’est dit étonné par le nombre de personnes vivant dans des zones assiégées qui, selon les rapports de l’ONU, ne cesse d’augmenter.  « Le but de ces manipulations mathématiques est-il de faire du Gouvernement syrien le principal responsable des souffrances des civils en Syrie? » a-t-il demandé.  Cela est inacceptable, a-t-il déclaré, en relevant qu’aucune mission d’évaluation de la situation de l’ONU n’a été dépêchée sur place.

Le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire dans les zones contrôlées par le Gouvernement est en baisse, a indiqué le délégué, qui a fait observer que les informations faisaient état d’une diminution du personnel médical en Syrie et d’une destruction d’installations médicales.  L’absence de l’ONU à Alep résulte de l’insécurité imposée par les groupes armés terroristes, a-t-il estimé.

Le délégué a soutenu que, depuis le 18 octobre, l’aviation russe n’avait lancé aucune frappe aérienne à Alep et dans un rayon de 10 kilomètres.  Soulignant à nouveau l’importance de distinguer les éléments terroristes des éléments d’opposition modérés, il s’est interrogé sur les acteurs qui ont armé les groupes terroristes.  « On a créé ces groupes et maintenant on en a peur. »  Il a déclaré que certains États Membres veulent « que le monde entier comparaisse devant un tribunal allant jusqu’à livrer les noms des généraux syriens », bafouant ainsi la présomption d’innocence.  « Vous ne pouvez pas détruire un pays de plus au Moyen-Orient, vous n’y arriverez pas mais il n’est pas trop tard pour mettre fin au conflit », a-t-il affirmé, en estimant que les portes de la coopération étaient toujours ouvertes.

M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a estimé que la crise humanitaire syrienne, qui exige une réponse de la part de la communauté internationale, ne se limite pas seulement à Alep.  Pour sa délégation, ce sont les terroristes qui sont responsables de la situation actuelle, c’est pourquoi il faut combattre ces groupes « dans le respect du droit international humanitaire ».  Le représentant a ensuite attribué au Front el-Nosra la responsabilité du blocage de l’aide à Alep, où des civils seraient utilisés comme boucliers humains.  « Pourquoi l’opposition modérée ne dénonce-t-elle pas ces crimes? » a-t-il demandé.  Le représentant du Venezuela s’est par ailleurs dit préoccupé par la destruction d’infrastructures de santé, de centrales électriques et de stations de pompage.  Il a donc lancé un appel aux États membres du Conseil exerçant une influence sur les parties pour que des mesures soient prises sans tarder, sous peine de voir la situation s’aggraver davantage.

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a affirmé que le passage transfrontalier de l’aide humanitaire demandé par le Conseil de sécurité avait été refusé et continue d’être bloqué par le Gouvernement syrien et ses alliés, de même que la sanctuarisation des hôpitaux.  « J’ai vu aujourd’hui sur le visage de mes collègues la honte que je ressens moi-même devant notre incapacité à faire respecter la paix et la sécurité internationales », a déclaré le représentant.  La communauté internationale, a-t-il dit, assiste à la « destruction » d’un pays.  Regrettant le rejet du projet de résolution présenté par la Nouvelle-Zélande, le représentant a indiqué qu’il espérait cependant obtenir le soutien de l’ensemble des membres du Conseil au nouveau texte que sa délégation, conjointement avec celles de l’Espagne et de l’Égypte, rédigent actuellement en vue d’instaurer une trêve de 10 jours à Alep et pour le rétablissement de la cessation des hostilités à travers tout le pays.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a regretté la reprise des bombardements à Alep et souligné que tous les hôpitaux étaient désormais en ruine dans l’est de la ville. Il s’est dit préoccupé par les informations faisant état d’un épuisement des rations alimentaires distribuées à Alep, avant d’exhorter les parties à garantir le bon acheminement de l’aide humanitaire.  Les opérations antiterroristes à Idlib et à Homs, a-t-il insisté, ne doivent pas être conduites au détriment des civils.  Il a demandé que les incidents causant la mort de civils fassent l’objet d’une enquête approfondie.  Le représentant a ensuite exhorté le Conseil de sécurité à agir, en estimant que ce dernier en avait le devoir.  « Nous demandons à ceux qui ont de l’influence sur les parties à entendre les appels et à en user pour mettre un terme aux souffrances insensées du peuple syrien », a conclu le délégué de la Malaisie.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a estimé qu’il incombait en premier lieu au Conseil de sécurité de faire cesser les combats en Syrie et de veiller à la reddition de comptes pour les auteurs de violations graves.  « Nous pouvons exiger la cessation des hostilités ou voir la Syrie s’enfoncer dans une spirale de violences », a résumé le représentant, avant d’affirmer que sa délégation continuerait à travailler, aux côtés de la Nouvelle-Zélande et de l’Égypte, à l’élaboration d’un projet de résolution réclamant l’instauration d’une trêve humanitaire de 10 jours.

M. SHEN BO (Chine) a condamné les attaques lancées contre les infrastructures de santé et demandé que l’aide humanitaire puisse parvenir sans entraves au peuple syrien.  Le règlement politique demeure la seule issue viable à la crise syrienne et c’est pourquoi, a-t-il souligné, le Conseil de sécurité devrait continuer de promouvoir un tel processus. 

M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a déclaré qu’il n’y a pas de solution militaire en Syrie et souligné la nécessité d’un règlement politique.  Le Gouvernement syrien et l’opposition doivent convenir d’une phase intérimaire, a-t-il soutenu.  Il a estimé que le Conseil ne pourra pas apporter une solution humanitaire durable en Syrie sans qu’une solution politique ne soit trouvée.  Il a ensuite insisté sur les principaux éléments du projet de résolution porté par son pays et d’autres membres du Conseil.  Ce projet de résolution demande la cessation des hostilités pendant 10 jours à Alep et en Syrie en vue de parvenir à un cessez-le-feu définitif dont la mise en œuvre fera l’objet d’une surveillance, a-t-il expliqué.  Le délégué a, en outre, précisé que le texte insiste sur la nécessité de lutter contre le terrorisme.  En conclusion, il a espéré que le Conseil sera à même d’adopter cette résolution le plus rapidement possible et appelé les parties au conflit à surmonter leurs divergences pour mettre un terme à la stratégie humanitaire en Syrie. 

M. FODÉ SECK (Sénégal) a constaté que le Conseil de sécurité répondait une fois de plus à la crise syrienne par l’« étalage public » de ses divisions à propos de ce qu’il a qualifié de « tragédie ».  Il a souligné que les désaccords portent sur les volets politique, sécuritaire et humanitaire du conflit, sans compter le dossier des attaques à l’arme chimique.  Le représentant s’est inquiété que le pays puisse sombrer dans la destruction et que des organisations terroristes y prolifèrent.  C’est pourquoi, il a appelé le Conseil de sécurité à un « véritable sursaut ».  M. Seck a ensuite salué l’initiative « courageuse » de l’Espagne, de la Nouvelle-Zélande et de l’Égypte, qui œuvrent à une nouvelle résolution demandant la fin des violences et l’instauration d’une trêve momentanée. 

Le représentant du Sénégal a estimé qu’il faudrait soutenir ce texte car, a-t-il dit, « nous le devons à la population syrienne et aux travailleurs humanitaires de tous bords ».  Il a ainsi insisté auprès des membres du Conseil pour qu’ils trouvent un terrain d’entente à ce sujet lors des consultations à huis clos, en se disant convaincu qu’un tel accord adresserait aussi un « message d’espoir » aux processus politiques en cours à Genève et à Lausanne.

Le représentant de la Fédération de Russie a soulevé un point de « protocole », en  estimant qu’une « culture de comportements inacceptables » était en train de faire son apparition au Conseil.  Au moment où le représentant de la Syrie prend la parole, a-t-il fait remarquer, des membres du Conseil de sécurité décident de se lever et de quitter la salle.

M. BASHAR JA’AFARI (Syrie) s’est félicité du départ des trois délégués
-« les trois mousquetaires »- à l’entame de son intervention, en les accusant de se livrer à un « brouillage moral de la situation en Syrie ».  Il a indiqué que plus de 10 civils viennent de périr à la suite d’un raid aérien conduit par l’aviation des États-Unis contre un village dans le nord de Raqqa.  Le témoin sur lequel la déléguée américaine s’est appuyée pour déclarer que les avions russes et syriens avaient mené 180 frappes aériennes à Alep ment, a-t-il affirmé, en soutenant qu’il était à la solde d’el-Nosra, que les États-Unis qualifient de groupe terroriste.

Il a relevé que les forces syriennes avaient distribué des tracts demandant aux civils de quitter l’est d’Alep, tout en ouvrant six couloirs humanitaires pour les civils et deux pour les combattants afin de leur permettre de quitter la ville.  Évidemment, les groupes terroristes n’ont pas permis aux civils de s’enfuir car ils les utilisent comme boucliers humains, a-t-il affirmé.  Le délégué syrien s’est étonné que les rapports de M. O’Brien ne contiennent pas le mot « terroriste » comme si, a-t-il ironisé, les groupes terroristes n’existaient pas en Syrie.  Il a souligné que les groupes terroristes en Syrie étaient des groupes takfiristes, influencés par la pensée wahhabite saoudienne, similaires à ceux qui opèrent en Égypte, en Somalie ou bien encore en Iraq.  « Pourquoi soutient-on le Gouvernement iraquien dans sa lutte contre les groupes terroristes et pas le Gouvernement syrien alors que nous faisons face aux mêmes ennemis? » a-t-il demandé, en fustigeant cette approche de « deux poids deux mesures ».

Le délégué a avancé que les souffrances des Syriens étaient instrumentalisées pour « diaboliser » son gouvernement et rappelé que le soutien direct de certains pays aux groupes terroristes était à l’origine de ces souffrances.  Il a ensuite montré aux membres du Conseil les photos d’une école frappée par un groupe d’opposition dit modéré à Alep.  Enfin, le représentant a déclaré que les difficultés dans l’acheminement de l’aide humanitaire étaient imputables aux groupes terroristes et que son gouvernement était à l’origine de 60% de l’aide humanitaire dispensée dans le pays.

 

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