7765e séance – matin 
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L’Envoyé spécial pour le Yémen exhorte les responsables du pays à s’engager en faveur d’une solution politique négociée

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, a dressé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, un tableau très sombre de la situation dans ce pays, marquée par une grave crise humanitaire et une « escalade  dangereuse » des activités militaires depuis l’échec des pourparlers de paix qui se tenaient au Koweït.  Fort ce constat, il a exhorté les responsables du Yémen à donner la priorité au bien-être des Yéménites et à s’engager en faveur d’une solution politique, laquelle a le soutien de l’ensemble des acteurs clefs dans la région.

« Seule une solution politique négociée permettra de mettre un terme à la dévastation et à l’injustice découlant de cette guerre atroce », a affirmé l’Envoyé spécial.  De son côté, le représentant du Yémen, s’il a réitéré le ferme engagement de son gouvernement en faveur de la paix, a accusé les Houthistes de contourner les conditions de paix définies au plan international.  « La solution à la crise au Yémen ne peut pas être la reprise du modèle du Hezbollah », a-t-il déclaré.

M. Ould Cheikh Ahmed a tout d’abord qualifié de « tragique » pour le Yémen le mois qui vient de s’écouler et indiqué que l’échec à trouver un accord au Koweït avait trahi les espoirs des Yéménites qui misaient sur ces pourparlers pour mettre fin au conflit.  La fin de ces pourparlers a été suivie d’un arrêt dans la cessation des hostilités et d’affrontements militaires nourris dans les gouvernorats de Sanaa, de Taïz, d’Al Jawf, de Shabwa et de Marib et le long de la frontière avec l’Arabie saoudite, a-t-il précisé.

M. Ould Cheikh Ahmed a indiqué que ces affrontements, comme cela est le cas depuis le début du conflit, s’accompagnent de nombreuses violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Il a ainsi condamné l’attaque commise contre un hôpital rural à Hajjah et la détention sans motifs d’au moins 60 membres de la communauté Baha’ie de Sanaa, dont six enfants.  « Cela démontre un irrespect flagrant pour les droits de l’homme et les minorités », a-t-il déploré, avant d’appeler toutes les parties à s’acquitter de leurs obligations au regard du droit international.

L’Envoyé spécial a ensuite estimé que l’escalade militaire était propice au développement des activités terroristes d’Al-Qaida et Daech.  Le 29 août, une attaque-suicide à Aden a tué et blessé des dizaines de Yéménites, a-t-il dit, tout en jugeant encourageantes les capacités croissantes de l’armée yéménite dans la lutte contre les groupes terroristes.

« Les pourparlers au Koweït n’ont pas abouti à un accord mais n’ont pas été sans résultats importants », a ensuite expliqué l’Envoyé spécial.  M. Ould Cheikh Ahmed a précisé qu’une architecture pour une feuille de route avait émergé, laquelle devrait être consolidée dans les prochaines semaines.  « Avant de quitter le Yémen, je suis convenu avec les parties de continuer les consultations de manière séparée et de convoquer de nouveau des pourparlers directs à un stade ultérieur. »

L’Envoyé spécial a ensuite détaillé la grave crise humanitaire que connaît le pays, précisant que le nombre de personnes déplacées s’élevait désormais à plus de trois millions et que les prix des denrées alimentaires avaient augmenté d’au moins 60% depuis le début de la crise.  « Malgré les besoins grandissants, il devient de plus en plus difficile pour les agences humanitaires de se rendre dans de nombreuses zones du pays », a-t-il dit, en déplorant que le plan de réponse humanitaire pour le Yémen ne soit pour l’instant financé qu’à hauteur de 28%.

M. Ould Cheikh Ahmed a ensuite fait le point sur les consultations intensives qu’il a conduites ces deux dernières semaines auprès de l’Arabie saoudite, d’Oman, du Qatar, des Émirats arabes unis, des États-Unis, de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni.  « Ces discussions ont réaffirmé un soutien régional et international fort pour une résolution du conflit au Yémen et un engagement afin de régler les défis économique et humanitaire désespérés auxquels le pays est confronté », a-t-il affirmé.

L’Envoyé spécial a également détaillé sa dernière visite en Arabie saoudite, durant laquelle il a rencontré les représentants de ce pays, des Émirats arabes unis, des États-Unis, du Royaume-Uni et les ministres des affaires étrangères des pays membres du Conseil de coopération du Golfe.  Il a souligné le soutien fort pour un retour à la cessation des hostilités et l’existence d’un consensus autour d’une solution politique globale, comprenant des mesures politiques et sécuritaires clairement séquencées, ancrée dans l’initiative du Conseil de coopération du Golfe, la résolution 2216 (2015) et les résultats de la Conférence de dialogue national.

L’accord proposé définira la voie pour la formation rapide d’un gouvernement d’unité nationale dès que les armes lourdes auront été remises à Sana et dans d’autres régions vitales du pays, a-t-il dit.  L’Envoyé spécial a précisé que des comités composés de hauts gradés militaires, acceptables par toutes les parties, seraient chargés de la mise en œuvre de cet accord et assumeraient les tâches de de la sécurisation de la population, des infrastructures critiques et des institutions de l’État.

« La reprise effective des pourparlers ne sera possible que si toutes les parties maintiennent leur engagement en faveur d’un accord négocié et s’abstiennent de toute action unilatérale », a affirmé M. Ould Cheikh Ahmed.  Il s’est ainsi extrêmement préoccupé par l’annonce par Ansar Allah et l’ancien Président Ali Abdullah Saleh Al-Sanhani Al-Humairi de la formation d’un Conseil politique suprême doté de larges pouvoirs administratifs, sécuritaires, économiques et législatifs.  

« Ces actions mettent en cause les assurances fournies par Ansar Allah et le Congrès général du peuple pour un engagement constructif en faveur d’un processus de paix et créent de nouveaux obstacles potentiels sur la voie menant à un accord », a-t-il dit.  Estimant que les actions unilatérales étaient incompatibles avec la recherche d’un tel accord, M. Ould Cheikh Ahmed a appelé toutes les parties à s’abstenir de telles actions et annoncé qu’il reprendrait ses consultations avec le Gouvernement yéménite, Ansar Allah et le Congrès général du peuple.

L’Envoyé spécial a indiqué que sa priorité, lors de ces consultations, sera d’obtenir de nouveau de toutes les parties un retour à la cessation des hostilités.  « Comme cela a été agréé avant le début des consultations au Koweït, la cessation des hostilités doit inclure la fin complète de toutes les activités militaires sur terre, ciel et mer et une désescalade complète le long de la frontière avec l’Arabie saoudite », a-t-il affirmé.

Il a estimé qu’un engagement renouvelé en faveur de la cessation des hostilités évitera des pertes supplémentaires en vies humaines, permettra des flux accrus d’aide humanitaire et générera la confiance nécessaire pour la négociation d’une solution pacifique globale. « Seule une solution politique négociée permettra de mettre un terme à la dévastation et à l’injustice découlant de cette guerre atroce », a-t-il dit, en appelant les dirigeants yéménites à s’engager en faveur de la paix et du bien-être des Yéménites.

Enfin, M. Ould Cheikh Ahmed a prévenu que l’appui de l’ONU, qui fournit son expertise politique et administrative pour aider les yéménites, ne suffira pas tant que les responsables du pays ne donneront pas la priorité aux intérêts de la population.  « L’ONU n’a pas abandonné et n’abandonnera pas le Yémen.  Les dirigeants du Yémen ne doivent pas abandonner le peuple yéménite, tout le peuple yéménite, au Sud et au Nord », a conclu l’Envoyé spécial.

De son côté, le représentant du Yémen, M. Khaled Hussein Mohamed Alyemany, a dit avoir espérer que cette réunion du Conseil se ferait dans un contexte plus positif marqué par un succès des discussions de Koweït.  « Ce n’est hélas pas le cas et les milices houthistes maléfiques ont continué la guerre, apportant la mort et assurant l’expansion du terrorisme », a-t-il déclaré.  Le représentant a accusé ces milices d’avoir voulu kidnapper le pays en 2014 et de s’être lancé dans une politique sectaire que le peuple yéménite rejette complètement.

M. Alyemany a affirmé que le Gouvernement avait réagi positivement, dès le départ, aux efforts des Nations Unies et continuait de faire des concessions douloureuses alors que les Houthistes n’en font aucune et insistent pour contourner les conditions de paix définies au plan international.  La solution à la crise au Yémen ne peut pas être la reprise du modèle du Hezbollah, a dit le représentant, qui a dénoncé les « gangs criminels houthistes/Saleh » qui font de la vie de la population un cauchemar.  Il leur a opposé les efforts du Gouvernement pour reconstruire la vie de la population et le pays là où il est présent et atténuer les conséquences catastrophiques de la guerre.

Le représentant a terminé son intervention en remerciant l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et tous les membres de la coalition internationale pour leur appui dans la lutte contre les milices houthistes.  Il a enfin demandé au Conseil de sécurité d’adopter une position ferme à l’égard de putschistes, estimant une fois de plus que ces derniers avaient clairement démontré leur rejet des efforts en faveur de la paix.

 

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