Conseil de sécurité,
7672e séance - après-midi
CS/12325

Yémen: « Jamais nous n’avons été aussi proches de la paix », estime l’Envoyé spécial du Sécrétaire général à la veille des négociations

À la veille de son départ pour le Koweït, où se tiendront lundi des négociations décisives entre les parties au conflit au Yémen, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, a déclaré, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, qu’en ce « moment historique et crucial », « jamais nous n’avons été aussi proches de la paix ».

« Les parties peuvent-elles saisir cette opportunité pour véritablement s’engager en faveur des pourparlers?  Peuvent-elles accepter leurs différences et surmonter les obstacles?  Peuvent-elles aussi renoncer à leurs attitudes destructrices et belligérantes?  C’est ce que nous espérons dans les jours à venir », a lancé M. Ahmed.

Après plusieurs mois de négociations soutenues, l’Envoyé spécial a reçu, le 9 avril dernier, des lettres du Gouvernement du Yémen, d’Ansar Allah et du Congrès général du peuple, confirmant leur engagement en faveur d’une cessation des hostilités.  Celle-ci est entrée en vigueur le 10 avril à minuit, a rappelé M. Ahmed.  Depuis, a-t-il dit, le Comité de désescalade et de coordination s’est mobilisé pour prévenir les violations, en coopération avec les relais locaux des parties au conflit même si ceux-ci ne sont pas encore pleinement opérationnels.

Alors qu’un nombre inquiétant de ces violations ont été constatées à al-Jawf, Amran, Mareb et Taïz, les récents événements de ces dernières semaines « ont redonné espoir » à l’Envoyé spécial, en particulier « le courage affiché par l’Arabie saoudite et Ansar Allah de régler les différends frontaliers ».  Les deux parties ont confirmé la signature d’un accord sous les auspices de l’Arabie saoudite, qui ouvre la voie à la « cessation générale des hostilités », s’est félicité M. Ahmed.

Pour l’Envoyé spécial, la cessation des hostilités en cours contribuera à créer un environnement plus propice à la prévention de la radicalisation et de la violence extrémiste au Yémen.  Le représentant du Yémen, M. Khaled Hussein Mohamed Alyemany, a toutefois dénoncé « la sauvagerie des milices de la mort et des milices putschistes qui refusent la transition vers la paix » et ont transformé la capitale Sanaa en « vaste prison ».  Leur demandant de mettre un terme à l’effusion de sang, il a prévenu que son gouvernement n’accepterait pas un État dans l’État, ni l’ingérence de l’Iran dans les affaires intérieures du Yémen.

M. Ahmed a toutefois signalé aux membres du Conseil de sécurité que ce matin même, les autorités yéménites, soutenues par les forces de la coalition, avaient repris la ville de Houta aux forces d’Al-Qaïda qui en avaient pris le contrôle l’été dernier.  La délégation yéménite a, à ce propos, déploré les liens entre milices et réseaux terroristes s’agissant, notamment, des trafics de pétrole et d’armes.

Le cadre des négociations qui débuteront le lundi 18 avril, fournit un « mécanisme de retour » à une transition pacifique et ordonnée sur la base de l’initiative du Conseil de coopération du Golfe et des résultats d’un dialogue national, a poursuivi l’Envoyé spécial, en encourageant les parties à privilégier les axes suivants: la création d’arrangements provisoires de sécurité; le retrait des milices et des groupes armés; le transfert des armes lourdes à l’État; la restauration des institutions étatiques et la reprise du dialogue politique inclusif; et la libération des prisonniers et des détenus.

Se félicitant des pourparlers à venir, le représentant du Yémen a assuré que son gouvernement avait « tendu une branche d’olivier » et adopté une approche constructive dans cette perspective.  Il a souhaité que soient conclus des accords visant à « revitaliser les changements en cours » dans son pays à la lumière de l’initiative du Conseil de coopération du Golfe et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

Venue, pour sa part, informer le Conseil de sécurité de la situation humanitaire au Yémen, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et  Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Kyung-Wha Kang, a souligné qu’environ 14,1 millions de personnes ont actuellement besoin de soins.

« Des gouvernorats entiers, comme celui de Taïz, sont piégés par le conflit », s’est-elle alarmée.  Six enfants en moyenne meurent ou sont mutilés chaque jour depuis mars 2015.  Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) estime à 10 000 le nombre de ceux âgés de moins de cinq ans qui seraient morts au cours de l’année écoulée de maladies facilement évitables, en plus de 40 000 autres de cette tranche d’âge qui décèdent chaque année au Yémen.  Mme Kang a fait aussi état d’un demi-million de femmes enceintes privées d’accès aux services de santé, ainsi que de la prégnance des violences sexistes. 

Grâce à la cessation des hostilités « dans certaines zones », les organisations humanitaires ont pu commencer à se rendre dans des régions auparavant inaccessibles pour venir en aide à ceux dans le besoin.  Mme Kang s’est néanmoins plainte des retards dans les procédures d’autorisation de l’acheminement de l’aide humanitaire.  La Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a prévenu qu’il y avait ainsi une longue liste d’articles de première nécessité retenus dans les entrepôts ou les ports, dont des véhicules blindés de l’ONU et des gilets pare-balles pour le personnel onusien. 

Mme Kang a saisi cette occasion pour rappeler les termes de la cessation des hostilités, qui fait notamment obligation aux parties à ne pas entraver l’accès à l’aide humanitaire, obligation qui découle en outre du droit international humanitaire.  Elle a aussi prévenu que le plan de réponse humanitaire pour le Yémen n’était à ce jour financé qu’à hauteur de 16%.

Les importations commerciales ont en outre décliné au cours des deux derniers mois, a regretté Mme Kang, en expliquant que cela résultait principalement du retard pris par la coalition pour autoriser les navires à accoster au port d’Al Hudaydah.  Ce retard pourrait avoir des conséquences directes sur le plan humanitaire, notamment sur la fourniture du pétrole et des denrées, a-t-elle mis en garde.

Évoquant la première réunion, le 11 avril, du Comité directeur du mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, la Sous-Secrétaire générale adjointe a précisé que le Gouvernement du Yémen avait donné son accord pour que son bureau principal soit situé à Djibouti.  « Il est maintenant urgent d’opérationnaliser ce comité pour qu’il puisse laisser les navires commerciaux entrer au Yémen », a-t-elle estimé.

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