7640e séance – matin       
CS/12270

La lutte contre le terrorisme en Libye passe par la création du gouvernement d’entente nationale, déclare, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial de l’ONU pour ce pays

Le Conseil de sécurité s’est réuni, ce matin, pour entendre un exposé du Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. Martin Kobler, sur la situation précaire dans ce pays.

M. Kobler présentait le rapport du Secrétaire général sur la MANUL* qui décrit les principaux faits survenus sur les plans politiques et de la sécurité en Libye depuis six mois.  

« Le processus vers une transition démocratique continue d’avancer mais reste néanmoins précaire », a résumé M. Kobler.

Le 17 février dernier, la Libye a marqué le cinquième anniversaire de la révolution de 2011.  Malheureusement, le vide politique et militaire actuel permet à des groupes terroristes et à des réseaux criminels de s’implanter.  Aujourd’hui, a-t-il constaté, la Libye ne dispose d’aucune institution étatique efficace.

Le Représentant spécial a fait le point sur la situation humanitaire qui s’est encore détériorée, en précisant que 2,4 millions de personnes ont, aujourd’hui, besoin d’une assistance.  « Il est impératif, a-t-il souligné, que les acteurs politiques libyens défendent les intérêts ultimes du peuple libyen. »

La vaste majorité du peuple libyen est en faveur de l’Accord politique libyen, signé le 17 décembre dernier, et appuie la formation d’un gouvernement d’entente nationale.  « La vaste majorité souhaite et mérite la paix, maintenant », a martelé M. Kobler.

Il a dénoncé ceux qui, des deux côtés, « refusent encore d’entendre les voix du peuple libyen et poursuivent leurs intérêts politiques étroits ».  Jusqu’à présent, a-t-il regretté, « nous n’avons pas été en mesure de les convaincre de suivre la voix de la paix et de l’unité ».

Le 14 février,  le Conseil présidentiel institué par l’Accord politique libyen a proposé à la Chambre des représentants une liste de ministres devant composer le gouvernement d’entente nationale.  Malheureusement, le 22 février, une minorité de députés se sont opposés au vote, empêchant la majorité démocratique de s’exprimer librement et d’appuyer le nouveau cabinet.

M. Kobler a indiqué qu’il avait l’intention de convoquer un nouveau dialogue politique libyen.  « La Libye ne peut être tenue en otage par des minorités à la Chambre des représentants et au Congrès.  Le pays a besoin d’avancer, sans quoi il risque la division et l’effondrement », a-t-il averti.

S’agissant de la marche à suivre, il a tout d’abord appelé les dirigeants politiques du pays à appuyer la mise en œuvre de l’Accord politique libyen.   

Ensuite, compte tenu de la situation sécuritaire et de l’expansion de Daech, a insisté M. Kobler, il est impératif d’unifier et de réformer les forces libyennes de sécurité.   

Par ailleurs, l’appui à l’Accord politique libyen doit, selon lui, être élargi à la société civile, la jeunesse, les associations de femmes et les chefs tribaux.

Enfin, l’Assemblée constituante devrait présenter un projet de constitution à temps pour organiser un référendum.

Dans l’est et l’ouest du pays, des acteurs cherchent à saper le processus politique, a poursuivi M. Kobler.  Or, il faut leur faire entendre clairement que « cela suffit » et que « l’heure est venue pour qu’ils soutiennent les intérêts du peuple libyen ».

Il a dénoncé Daech qui met à profit le vide sécuritaire et politique pour s’étendre dans le pays.  Les ressources s’épuisent alors que les réseaux criminels sont florissants, y compris la traite des êtres humains.

Évoquant les combats récents à Benghazi, M. Kobler s’est dit préoccupé par des indications de violations des droits de l’homme dans certaines zones reprises par l’armée nationale libyenne.  « Des pans entiers de Benghazi sont en ruine », a-t-il rappelé, en soulignant que le nouveau gouvernement devrait s’y occuper en priorité d’un cessez-le-feu humanitaire.

« Daech constitue une menace croissante et urgente en Libye, dans la région et au-delà », a prévenu le Représentant spécial, tout en reconnaissant que la lutte contre l’extrémisme violent ne se fera de façon durable que si un gouvernement d’entente nationale est mis en place.

Le Président du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, l’Ambassadeur Ramlan Bin Ibrahim, de la Malaisie, a brièvement présenté les travaux du Comité depuis le 11 décembre 2015.  Le Comité a notamment reçu le rapport final du Groupe d’experts établi par la résolution 2213 (2015) qu’il examinera demain.  

« Les Libyens se sont félicités de la signature de l’Accord politique », a assuré, à son tour, le Représentant permanent de la Libye auprès des Nations Unies, M. Omar Dabbashi.  Ils aspirent à la création du gouvernement d’entente nationale sous la présidence du Premier Ministre désigné, M. Fayez el-Serraj, mais « des fauteurs de troubles » font avorter les tentatives de former le cabinet.  « Certains pensent qu’ils peuvent diriger les Libyens par la force ou exploiter les victoires de l’armée libyenne pour empêcher la formation du gouvernement d’entente nationale », a déploré M. Dabbashi.

Il a salué « tous les patriotes » qui ont répondu à l’appel à lutter contre les milices extrémistes, notamment celles de Tripoli, qui au lieu de combattre le terrorisme, s’empressent de cacher les milices de Daech.  « Il a été prouvé que les unités qui combattent le terrorisme à Benghazi et ont libéré des villes sont la seule armée régulière en Libye », a déclaré le représentant.  À cet égard, il a reconnu qu’il était temps de mettre au point un plan intégré pour la reconstruction de Benghazi avec l’aide de la communauté internationale.

« Tous reconnaissent que l’armée existe bel et bien », a poursuivi M. Dabbashi.  Pour lui, la communauté internationale doit l’aider à se développer sur des bases professionnelles et avec des critères internationaux pour combattre les terroristes et protéger les frontières de l’État.  Il a proposé, en priorité, de réintégrer les militaires qui n’ont pas commis de crimes ou de violations des droits de l’homme.  Il a également mis en garde « contre toute tentative de renforcer les capacités des milices sous prétexte de les préparer à combattre Daech », ce qui ne ferait que compliquer la situation.

« Il sera difficile d’unifier les Libyens si l’on continue d’ignorer que des éléments du groupe islamique libyen et des frères islamiques appuient Daech », a-t-il ajouté.  « Il est temps de demander à ceux qui utilisent la religion comme slogan de condamner Daech et Al-Qaida. »  

Les Libyens attendent un gouvernement qui les unisse pour affronter la terreur et la possibilité de dissolution de l’État et du territoire, a conclu M. Dabbashi.

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