7624e séance – matin 
CS/12245

L’impasse politique en Guinée-Bissau retarde la mise en œuvre de réformes cruciales, déclare le Représentant spécial, M. Miguel Trovoada, au Conseil de sécurité

La situation en Guinée-Bissau reste marquée par des divergences continues au sein de la classe politique, qui se sont cristallisées lors du vote du programme du Gouvernement, le 23 décembre dernier, a déclaré, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Miguel Trovoada, au Conseil de sécurité.

À cette occasion, « 15 députés du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et de Cabo Verde (PAIGC), parti au pouvoir, se sont abstenus, en opposition aux instructions de leur parti », a expliqué M. Trovoada.  Ces députés ont été expulsés et l’Assemblée nationale populaire a mis fin à leur mandat.

« Aujourd’hui, des dissensions politiques autrefois circonscrites au Parlement ont débouché sur un véritable imbroglio politico-judiciaire », a poursuivi le Représentant spécial, qui est également le Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS).

Le Président de l’Assemblée nationale d’un côté, 3 des 15 députés expulsés de l’autre, ont séparément fait appel au Tribunal régional de Bissau pour qu’il statue, a-t-il dit, sur la décision de la Commission permanente relative à la perte de mandat des députés concernés. 

« Le 8 février, ce même Tribunal a rendu une ordonnance de référé qui contredit la suspension de la perte de mandat, en opposition avec sa première décision qui, elle, ordonnait à ces mêmes députés de se conformer à la décision de la Commission permanente de l’Assemblée nationale. »

C’est dans ce contexte que, les 1er et 2 février, le Président de la République, M. José Mário Vaz, a pris l’initiative de réunir les différentes parties en conflit afin de rechercher, par le dialogue, une issue consensuelle à l’impasse qui secoue actuellement le Parlement. 

« Il y avait, d’une part, l’Assemblée nationale et le PAIGC qui maintenaient que les députés avaient été exclus légalement et, de l’autre, les 15 députés expulsés, appuyés par le Parti pour la rénovation sociale (PRS), qui considéraient que cette exclusion était illégale », a précisé le Représentant spécial.

M. Trovoada a indiqué que du 3 au 8 février, il s’était entretenu en personne avec le Président du Sénégal, M. Macky Sall, qui est également le Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et avec le Président de la Guinée, M. Alpha Condé, chargé de la médiation de la CEDEAO pour la Guinée-Bissau.

Les deux hommes ont partagé les inquiétudes du Représentant spécial, M. Sall soulignant l’importance, pour l’organisation sous-régionale, d’obtenir une assistance financière indispensable au maintien de sa Mission de sécurité en Guinée-Bissau au-delà du 30 juin 2016.  Le Président de la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Antonio de Aguiar Patriota, du Brésil, a lui aussi plaidé pour que le Conseil de sécurité approuve la reconduction de cette Mission.

« Plus les institutions de l’État et les principaux acteurs politiques seront divisés, plus la situation politique actuelle gagnera en complexité, retardant ainsi la mise en œuvre de réformes essentielles », s’est alarmé M. Trovoada.  C’est pourquoi, il a appelé les parties prenantes à engager un dialogue « franc et sincère », dans le strict respect de la Constitution et des lois, afin d’éviter que « le cycle d’instabilité politique qui prévaut dans le pays depuis fort longtemps ne se perpétue ».  S’exprimant au nom de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), Mme Sofia Borges, du Timor-Leste, s’est jointe à cet appel.

Si les institutions de la République et les principales parties prenantes s’accordaient sur une feuille de route ou un pacte de stabilité, cela pourrait constituer un point de départ pour créer les conditions favorables à une stabilité institutionnelle, au moins jusqu’à la fin de la législature en cours, a affirmé le Représentant spécial.

« Cette exigence est fondamentale pour la mise en œuvre du Plan de développement stratégique –Terra Ranka– qui a reçu le soutien des partenaires internationaux à Bruxelles en mars 2015. »

Préoccupé par ailleurs par l’augmentation de la criminalité organisée en Guinée-Bissau, M. Trovoada a estimé qu’il était indispensable de proroger le mandat du BINUGBIS, qui expire le 29 février 2016, comme le recommande le Secrétaire général dans son dernier rapport semestriel* en date.

C’est précisément « l’instabilité dans le pays qui a contraint les bailleurs de fonds à différer le moment de concrétiser leurs promesses de contributions », a noté Mme Borges.  Le Président de la formation Guinée-Bissau de la CCP a renchéri en ce sens.

La représentante de la Guinée-Bissau, Mme Maria Antonieta Pinto Lopes D’Alva, a reconnu la gravité de la crise politique qui prévaut dans son pays et l’ampleur de ses conséquences pour ses concitoyens.  Elle a cependant tenu à rappeler qu’en dépit des tensions actuelles, les parties avaient choisi de résoudre leur différend par des voies légales, la période à l’examen ayant été en outre caractérisée, selon elle, par un calme relatif à travers le pays.  « Ces acquis démocratiques sont en partie le résultat d’une série de réformes institutionnelles engagées par le Gouvernement », a-t-elle assuré.

Appelant la communauté internationale à continuer d’assister la Guinée-Bissau, Mme Borges a indiqué que son propre pays, le Timor-Leste, avait débloqué 250 000 dollars, ce dont s’est félicitée la représentante bissau-guinéenne, qui a encouragé d’autres donateurs à suivre cet exemple.

La déléguée de la Guinée-Bissau a ainsi brandi l’urgence de mettre en œuvre la réforme du secteur de la sécurité, en exhortant les partenaires à respecter leurs engagements et à fournir un soutien indispensable au financement de la caisse de retraite des officiers militaires et de police démobilisés, ainsi que du fonds spécial pour les anciens « combattants de la liberté » à la retraite.

 

*     S/2016/141

 

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