Conseil de sécurité,
7623e séance – après-midi
CS/12244

Conseil de sécurité: le Représentant spécial se félicite de la mobilisation anti-Daech en Iraq, tout en soulignant la crise grave à laquelle le pays est confronté

Le peuple « héroïque » de l’Iraq a regagné du terrain sur Daech, s’est félicité, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, Ján Kubiš, qui a assuré que le groupe terroriste aurait perdu de son emprise sur les populations marginalisées.

« Les succès remportés à Beiji, Sinjar et à Ramādī, et dans les environs, ont fait naître chez les Iraquiens l’espoir que l’État islamique pourra être repoussé et démontrent également le soutien résolu de l’Iraq à la Coalition internationale », a expliqué M. Kubiš, qui est également le Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), lors de la présentation du dernier rapport trimestriel* du Secrétaire général de l’ONU.

Toutefois, a-t-il souligné, la menace posée par Daech ne doit pas être sous-estimée.  Cette organisation demeure un « formidable ennemi » constamment en train d’ajuster ses tactiques et schémas d’attaques, tout en tirant aussi les leçons de la situation sur le terrain en Syrie voisine.

« Daech ne pourra pas être défait uniquement par des moyens militaires et c’est pourquoi, il faudrait se pencher sur les causes profondes de la violence et de l’idéologie qui sous-tendent son action », a prévenu le Représentant spécial.  Le retour en toute sécurité des personnes déplacées et le lancement d’un processus de réconciliation sont deux axes qui doivent être privilégiés à cet égard, a-t-il préconisé.

Or, le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord politique national témoigne de l’absence de consensus politique et de la poursuite continue des intérêts partisans en Iraq, a déploré le Représentant spécial.  La participation égale de la composante sunnite au programme de réconciliation nationale est toujours un défi, a-t-il estimé, en pointant les clivages communautaires profonds qui existent dans le pays.  Parallèlement, les efforts entrepris par les forces politiques sunnites pour parler d’une seule voix doivent se poursuivre. 

Par ailleurs, au début du mois de janvier, des attaques meurtrières perpétrées par Daech à Bagdad et dans le gouvernorat de Diyala, suivies de représailles par des miliciens et groupes criminels, ont soulevé de graves préoccupations concernant la spirale de violences interconfessionnelles dans laquelle semble s’être enfoncé l’Iraq au cours de la période à l’examen, sur fond de tensions régionales.

Ces développements « regrettables » soulignent également l’urgente nécessité d’accomplir des progrès dans les relations intercommunautaires et de rétablir l’état de droit, la bonne gouvernance, la justice et les services de base dans les zones nouvellement reprises à Daech et d’exercer un contrôle « draconien » sur les anciens combattants et leurs armes.

Le Représentant spécial s’est, à cet égard, félicité de la décision du Gouvernement fédéral iraquien d’envoyer les forces de sécurité à Bassora.  La ville de Tikrīt a été presque complètement stabilisée, avec le retour de 90% de sa population, grâce aux efforts du Gouvernement, a-t-il assuré.  Toutefois, a fait observer M. Kubiš, la dissémination d’engins explosifs improvisés constitue un défi supplémentaire dans ces secteurs.

Reconnaissant les difficultés auxquelles fait face son gouvernement, le représentant de l’Iraq a encouragé le Conseil à faire respecter ses résolutions 2170 (2014), 2178 (2014) et 2199 (2015), notamment les dispositions relatives aux frontières et à l’arrêt de l’afflux de combattants étrangers et celles visant à empêcher l’accès à des armes.

Dans un contexte politique fortement polarisé, a noté le Représentant spécial, le Premier Ministre Haïdar Al-Abadi se heurte à des difficultés pour promouvoir son programme de réformes, en particulier celles relatives à la lutte anticorruption.  En outre, la persistance de la crise fiscale et l’ampleur du déficit budgétaire, ajoutées à un déclin très net des cours du pétrole, ont divisé par 2 les revenus prévisionnels de l’État, a prévenu le Représentant spécial, et ce, alors que la région du Kurdistan subit une situation aussi grave que celle de Bagdad, provoquant des manifestations à travers le pays.

Cette crise économique profonde a un effet « modérateur » sur la relation entre Bagdad et Erbil, poussant les deux régions à coopérer dans la mise en œuvre des réformes nécessaires.  Le Chef de la MANUI s’est toutefois dit inquiet des blocages politiques internes au Kurdistan.  Il a œuvré pour régler ces difficultés en s’adressant aux parties au cours de la période à l’examen.

Avec plus de 10 millions de nécessiteux, dont 3,3 millions de déplacés, la crise humanitaire en Iraq dépasse largement désormais les capacités de l’État à y répondre.  C’est la raison pour laquelle le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général, chargé de coordonner l’aide, a lancé, le 31 janvier dernier, un appel d’un montant de 861 millions de dollars pour que les personnes les plus vulnérables reçoivent l’assistance dont elles ont besoin, a indiqué M. Kubiš.

Le Représentant spécial a également indiqué avoir pris note de la décision du Gouvernement iraquien de confier au Ministère de la défense la prise en charge du dossier des nationaux du Koweït et d’États tiers portés disparus.  Il l’a donc invité à rapidement faciliter la poursuite des travaux menés par l’ex-Ministère des droits de l’homme.

Assurant le Conseil de sécurité de sa volonté de resserrer les liens avec son voisin, le représentant de l’Iraq a indiqué que le Ministère iraquien des affaires étrangères avait publié des annonces pour encourager les gens à fournir des informations sur des fosses, des archives ou d’autres biens koweïtiens.  En outre, a-t-il dit, le Koweït et l’Iraq sont en contact régulier pour mettre à jour la délimitation de leur frontière commune.

Par ailleurs, le Conseil devrait également demander que la Turquie retire ses troupes du sol iraquien, a ajouté le délégué iraquien.  Le Représentant spécial a réitéré les appels du Secrétaire général pour parvenir à une solution pacifique à ce différend, dans le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Iraq.

 

*S/2016/77

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