7605e séance – après-midi 
CS/12203

La Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires dénonce l’utilisation de la famine comme arme de guerre en Syrie

Au cours d’une réunion sur la Syrie qui s’est ajoutée au programme de travail du Conseil de sécurité, cet après-midi, en raison de la situation grave qui prévaut actuellement dans la ville assiégée de Madaya, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Mme Kyung-wha Kang, a tiré la sonnette d’alarme sur le sort d’une population qui est délibérément privée de vivres.  « La famine, a-t-elle dit, appuyée en ce sens par de nombreux intervenants, est utilisée comme arme de guerre par les belligérants ».  Toutes les parties, y compris le Gouvernement syrien, commettent des actes terribles interdits par le droit international humanitaire, a-t-elle dit en demandant au Conseil de dénoncer la nature barbare de ces tactiques.

Le représentant de la République arabe syrienne a répondu à ces accusations en arguant que son gouvernement avait, en coopération avec les Nations Unies, mis en œuvre et financé la majorité des six plans d’action humanitaire lancés depuis le début de la crise.

Chiffrant à 4,5 millions le nombre de personnes, en Syrie, qui résident dans des régions difficiles d’accès, Mme Kang a expliqué que leur situation résultait non seulement des conditions de sécurité liées au conflit, mais aussi de l’obstruction délibérée de la fourniture de l’aide et des secours.  À cet égard, Mme Kang a exhorté le Gouvernement syrien à autoriser les demandes de passage de convois qui sont restées sans réponse.  « Les vivres, l’eau et les médicaments ne sont pas des faveurs que les parties au conflit pourraient octroyer ou interdire selon leur volonté », a-t-elle fait valoir.

Le représentant syrien a voulu se dédouaner en expliquant que son gouvernement ne pouvait pas délivrer les autorisations requises de manière automatique.  Il est en effet obligé de prendre toutes les précautions nécessaires à la sécurité des travailleurs humanitaires qui accompagnent les convois dans les zones où opèrent des organisations terroristes armées.  De plus, il faut éviter que l’aide tombe entre les mains des terroristes, comme cela a été le cas à Madaya, a-t-il fait remarquer.

De leur côté, les Nations Unies et leurs partenaires, y compris le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge, œuvrent sans relâche pour fournir une aide alimentaire à ces peuples, a souligné Mme Kang, en citant notamment l’eau fournie à 8 millions de personnes et les 130 camions arrivés cette semaine dans les villes assiégées.  En moins de deux jours, a précisé le représentant du Venezuela, 200 bénévoles et travailleurs humanitaires ont conduit 45 convois à Madaya pour aider 40 000 personnes et 18 convois à Kefraya et à Fouah pour atteindre 20 000 autres personnes.

Mme Kang a indiqué que 390 patients avaient ainsi pu être examinés et 9 autres évacués, tandis que 19 sont en attente d’évacuation.  Les Nations Unies, a-t-elle dit, ont demandé un transfert immédiat et sans condition de ces personnes en vue de leur traitement.

Madaya n’est cependant que la partie émergée de l’iceberg car cette zone ne représente que 10% des zones assiégées, selon le représentant du Royaume-Uni.  Au total, ce sont 400 000 personnes qui sont prises au piège dans les zones assiégées de Madaya, Kafraya ou Fouah et au-delà, tandis que 4,5 millions de personnes se trouvent encore dans des zones difficiles d’accès.  Le représentant de la Fédération de Russie a également attiré l’attention sur la ville d’Al-Zahraa, dans la province d’Alep, où des dizaines de milliers de personnes se trouvent dans une situation extrême.

Outre l’accès sans condition et sans obstacle à toutes les personnes dans le besoin, la Sous-Secrétaire générale a invité à protéger les civils contre les attaques aveugles et l’utilisation de barils d’explosifs.

À l’instar des membres du Conseil de sécurité, elle a aussi appelé les parties concernées à remettre la Syrie sur la voie de la paix.  Seule une solution politique mettra fin à la violence et au conflit, ont rappelé les intervenants en plaçant leur espoir dans le dialogue intersyrien qui sera lancé le 25 janvier.

Pour le représentant de la France, « il n’y aura pas de processus politique crédible sans progrès sérieux et tangibles, sur le front humanitaire.  La France, a-t-il précisé, avait demandé cette réunion d’urgence du Conseil de sécurité avec trois objectifs complémentaires, à savoir mettre chacun devant ses responsabilités face à la tragédie à Madaya; réunir les conditions nécessaires pour le dialogue intersyrien du 25 janvier; et assurer un accès immédiat, permanent et sans restriction aux acteurs humanitaires.

À ce propos, son homologue russe s’est montré inquiet de la convocation d’une seconde réunion du Conseil sur cette question en l’espace d’une brève période, tandis qu’une autre est prévue le 27 janvier pour discuter des aspects humanitaires de la crise syrienne.  Il a émis la crainte que cette situation ne soit un prétexte pour essayer de faire échouer le début du dialogue syrien et a dénoncé une politisation de l’action humanitaire.

Pour sa part, le représentant de l’Ukraine a regretté que « certaines voix, y compris au sein de ce Conseil, essayent de justifier les actions commises par le régime syrien » et soutiennent ceux qui assiègent Madaya.  L’Ukraine, qui a connu la famine organisée de l’Holodomor au début des années 1930, souhaite que ce Conseil affirme haut et fort que les attaques délibérées de civils et l’utilisation de la famine comme méthode de guerre ne seront pas tolérées, a déclaré son représentant.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Mme KYUNG-WHA KANG, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, a rappelé que, il y a plus de 4 ans, la communauté humanitaire avait tiré la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire en Syrie, face aux atrocités et au désespoir que subit ce peuple.  « Nos demandes n’ont pas été entendues et le peuple syrien continue de vivre un cauchemar », a-t-elle déploré.  Elle a rappelé que la ville de Madaya avait choqué la conscience du monde avec des images montrant des zones assiégées et une population exposée à la famine, utilisée comme arme de guerre par les belligérants.  Elle a invité à dénoncer la nature barbare de ces tactiques.  La responsabilité première de ces souffrances revient aux parties qui imposent ce siège, a-t-elle prévenu.  Toutes les parties, y compris le Gouvernement syrien, commettent des actes terribles interdits en vertu du droit international humanitaire, a-t-elle dit.

Mme Kang a indiqué que 4,5 millions de personnes en Syrie résidaient dans des régions difficiles d’accès.  Mis à part le conflit et la sécurité, elle a dénoncé l’obstruction délibérée de la fourniture de l’aide et des éléments de secours.  Les Nations Unies et leurs partenaires, y compris le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant-Rouge, ont œuvré sans relâche pour fournir une aide alimentaire à ces peuples, a-t-elle souligné, en citant notamment l’eau fournie à 8 millions de personnes et des fournitures à 4,8 millions de personnes.  En outre, 130 camions sont arrivés à Madaya pour atteindre 60 000 personnes.  Ces fournitures ont permis de sauver des milliers de vies humaines, s’est-elle réjouie, tout en regrettant que des travailleurs humanitaires soient morts dans l’exercice de leurs fonctions.  Elle a en même temps averti que des personnes étaient décédées en raison de l’absence d’aide alimentaire.  Elle a précisé que 390 patients avaient été examinés et 9 évacués, tandis que 19 sont en attente d’évacuation.  Les Nations Unies, a-t-elle dit, ont demandé un transfert immédiat et sans condition de ces personnes en vue de leur traitement.

Mme Kang a rappelé que des demandes de passage de convois étaient restées sans réponse, en exhortant le Gouvernement syrien à les approuver sans tarder.  Les aliments, l’eau et les médicaments ne sont pas des faveurs que les parties au conflit pourraient octroyer ou interdire selon leur volonté, a-t-elle fait valoir. Le Conseil de sécurité et ses membres ont la responsabilité de protéger, a-t-elle lancé.  Le Conseil et les parties concernées doivent mettre de côté leurs divergences et remettre la Syrie sur la voie vers la paix, a-t-elle insisté.  La Sous-Secrétaire générale a demandé un accès sans condition et sans obstacle à toutes les personnes dans le besoin, pour tout type d’assistance ainsi que pour le déplacement des civils de tout âge qui doivent pouvoir quitter les zones assiégées.  Elle a également invité à protéger les civils des attaques aveugles à l’aide de barils d’explosifs.

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a déclaré que l’exposé de la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Mme Kyung-wha Kang, illustrait l’ampleur de la catastrophe dont la communauté internationale est le témoin depuis plus de 5 ans en Syrie.  « Il s’agit de la plus grande tragédie de ce siècle », a-t-il affirmé.  M. Delattre a précisé que la France avait demandé cette réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour « mettre chacun face à ses responsabilités devant cette tragédie humaine qui se déroule sous nos yeux », pour augmenter la pression du Conseil, pour exiger la levée immédiate des sièges et l’accès de l’aide humanitaire à toutes les zones concernées, mais aussi pour créer les conditions nécessaires au lancement dans quelques jours du dialogue intersyrien.

« Il n’y aura pas de progrès tangibles sur le front humanitaire », a-t-il prévenu, en rappelant que 400 000 personnes étaient prises au piège dans les zones assiégées de Madaya, Kafraya ou Foah et au-delà, et que 4,5 millions de personnes se trouvaient encore dans des zones difficiles d’accès.  Il a rappelé qu’à peine 32 pour cent de ces zones avaient pu recevoir de l’aide d’urgence à la fin de l’année 2015, selon le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en Syrie.

M. Delattre a poursuivi en mettant l’accent sur les scènes insoutenables décrites ces derniers jours par les acteurs humanitaires.  « Des civils meurent parce que la famine est utilisée, comme ce fut le cas au Moyen-Âge, comme arme de guerre et de terreur », a-t-il dit, en estimant que l’accès qui avait été autorisé à deux reprises, les 11 et 15 janvier dernier, était totalement insuffisant.  Comme l’a souligné Mme Kyung-wha Kang, cela ne saurait être une faveur, c’est une obligation absolue issue des Conventions de Genève, a-t-il ajouté, en rappelant que le Secrétaire général avait réaffirmé, hier, que cela constitue un crime de guerre.

Appelant à la cessation totale des attaques visant de manière aveugle les populations civiles, il a exhorté la Fédération de Russie à faire preuve de responsabilité et à ne cibler que les groupes terroristes désignés au Conseil.  M. Delattre a également affirmé qu’il n’y aurait pas de processus politique crédible sans une amélioration de la situation des civils sur le terrain.  À quelques jours de l’ouverture d’un cycle décisif de discussions intersyriennes, il a estimé que le Conseil de sécurité devait prendre ses responsabilités pour mettre fin au drame humanitaire en Syrie et pour créer les conditions d’un processus politique crédible afin de revenir à la paix.

M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a estimé que les images d’horreur de ces hommes et de ces femmes qui vivent assiégés à Madaya évoquent certains des moments les plus sombres de notre histoire.  « Ce que nous avons vu ne devrait pas se dérouler en ce siècle », a-t-il affirmé.  S’il a salué le fait que les institutions du système des Nations Unies, le CICR et le Croissant-Rouge aient pu accéder à cette ville assiégée, il a cependant rappelé que, pour certains habitants, l’arrivée de ces convois humanitaires était intervenue trop tard.  « Il est clair que des acheminements d’aide ne suffiront pas », a-t-il ajouté, « car Madaya n’est que la partie émergée de l’iceberg et cette zone ne représente que 10% des zones assiégées ».  Il a rappelé que beaucoup d’autres zones en Syrie n’avaient pas reçu la visite de convois humanitaires depuis le mois d’octobre 2015. 

« Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise.  Le fait d’affamer des civils comme méthode de guerre est inhumain et interdit au regard du droit international humanitaire », a-t-il réitéré, en appelant les membres du Conseil de sécurité qui ont des liens avec le régime syrien à utiliser ceux-ci pour aider les populations.

Le représentant a ensuite souligné que l’ampleur de cette crise devrait nous rappeler le besoin urgent de soutenir l’effort d’aide de l’ONU.  C’est d’ailleurs dans ce contexte que le Royaume-Uni, avec l’appui de la Norvège et de l’Allemagne, a décidé d’accueillir une conférence des donateurs, à Londres, le 4 février prochain, a-t-il expliqué.  Cette conférence, a-t-il précisé, permettrait de répondre aux besoins à long terme de ceux qui sont touchés par la crise et de faire encore davantage pression sur les parties, afin de faire respecter le droit international.  Il a émis l’espoir que cette conférence pourra apporter des améliorations dans la vie quotidienne des Syriens. 

Le Royaume-Uni attend le début des pourparlers de Genève, d’ici à quelques jours, mais le représentant a considéré que ces négociations ne seraient couronnées de succès que si les acteurs sont en mesure de protéger les communautés et de les aider à se reconstruire.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a déploré que la famine soit utilisée en Syrie comme tactique de guerre.  L’Espagne condamne l’obstruction délibérée à la fourniture de l’aide pourtant si attendue par la population de certaines villes syriennes, a-t-il dit.  À ce jour, a-t-il rappelé, 250 000 personnes ont perdu la vie au cours de ces quatre dernières années.  Pour améliorer la situation humanitaire, il a conseillé de veiller de près au déroulement de la situation à Madaya, à Fouah et à Kefraya.  « Nous sommes en contact quotidien avec le Bureau des affaires humanitaires à New York et avec son bureau régional », a-t-il assuré.  Le Conseil de sécurité doit veiller à la mise en œuvre de la résolution 1554 qui exige de toutes les parties qu’elles respectent leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. 

L’appel à une aide plus substantielle n’a pas été entendu, a-t-il regretté, en faisant remarquer qu’OCHA n’avait pu toucher que 4% de la population dans les zones assiégées en Syrie.  Sur les 133 demandes adressées à l’ONU, environ 80 n’ont pas obtenu de réponse, a-t-il ajouté.  Comme Madaya ne représente que 10% de la population syrienne se trouvant dans les zones assiégées, 200 000 personnes sont encore prises en étau dans d’autres zones, a-t-il dit.  C’est pourquoi OCHA doit présenter, le 27 janvier, son analyse des conditions de sécurité, tandis que le PAM doit aussi présenter un rapport oral au Conseil, a-t-il précisé.  Le représentant a insisté sur le respect des obligations à la charge des parties, notamment en ce qui concerne l’utilisation de barils d’explosifs.  Parmi les solutions qu’il a évoquées pour faire avancer les pourparlers, il a mentionné l’échange de prisonniers.

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a comparé la situation de Madaya à la partie immergée de l’iceberg.  De nombreuses personnes dans d’autres zones souffrent des mêmes conditions que connaissent les habitants de cette ville, a-t-il fait remarquer.  Ceux qui utilisent les techniques de siège doivent respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire.  À 25 kilomètres de Damas, les habitants de Madaya attendent depuis lundi leur évacuation.  Il a appelé les autorités syriennes à permettre immédiatement l’évacuation des personnes malades.  Il leur a aussi demandé d’approuver sans retard les convois interagences. 

« Nous ne pouvons pas accepter des obstacles administratifs qui entravent le passage de ces convois », a-t-il insisté.  Plus de 80 travailleurs humanitaires avaient déjà payé de leur vie en tentant de fournir de l’aide aux Syriens, dans des conditions extrêmement dangereuses.  Il a aussi dénoncé le fait que les belligérants cherchent à affamer délibérément la population civile, en prévenant que cet acte pourrait constituer un crime de guerre.  Le Gouvernement syrien et les autres parties au conflit doivent lever tous les sièges en Syrie, a-t-il martelé.  Les pays qui ont de l’influence auprès des parties responsables doivent, quant à eux, utiliser cette influence pour obtenir la levée des sièges, s’ils ne souhaitent pas être considérés comme complices de ces actes infâmes, a-t-il averti.  Avant de conclure, il a rappelé que seule une solution politique mettra une fin aux souffrances du peuple syrien.

M. FODÉ SECK (Sénégal) a fait remarquer que cette seconde réunion du Conseil de sécurité sur la question de la Syrie en l’espace d’une semaine illustrait la grande préoccupation de ses membres face aux souffrances endurées par les populations civiles sur le terrain.  Il a salué les avancées enregistrées en termes d’accès et de livraison de l’aide humanitaire dans la ville de Madaya mais s’est dit profondément inquiet du sort de 400 000 autres personnes dans les zones encore difficiles d’accès ou toujours assiégées.  Il a, à cet égard, réitéré qu’il était nécessaire de mettre en œuvre des mesures facilitant l’accès de l’aide d’urgence et exhorté toutes les parties à mettre fin à des pratiques susceptibles de constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

Le représentant a rappelé les différents appels humanitaires lancés en vue de venir en aide aux populations syriennes, avant d’estimer que le Conseil de sécurité devrait veiller à faire en sorte que la prise en charge des populations soit complémentaire, voire préalable, à la poursuite du processus politique.  Il a ensuite salué l’initiative du Royaume-Uni de convoquer une conférence des donateurs à Londres en février prochain, en rappelant que le conflit syrien avait déjà fait 250 000 morts et des millions de réfugiés ou déplacés. 

M. LIU JIEYI (Chine) a exhorté les parties en Syrie à mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité et à permettre la fourniture de l’aide dans les zones assiégées.  Il a espéré que la Conférence des donateurs, prévue à Londres le mois prochain, donnerait de bons résultats.  La Chine appuie les efforts menés afin de mettre un terme aux souffrances du peuple syrien, a-t-il dit, indiquant que son pays avait fourni une aide à hauteur de 685 millions de yuans.  En outre, lors du Sommet du G-20 l’an dernier, le Président chinois avait annoncé une contribution de 120 millions de dollars supplémentaires en faveur de l’aide humanitaire en Syrie.  « Nous sommes prêts à faire notre part pour améliorer les conditions humanitaires en Syrie », a-t-il insisté avant d’appeler par ailleurs la communauté internationale à rechercher résolument une solution politique à la crise syrienne.  La communauté internationale, a-t-il précisé, doit garder cette priorité, en laissant à l’ONU le rôle de principal canal de médiation. 

Saluant d’abord les efforts et le courage des travailleurs humanitaires en Syrie, M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a condamné la pratique qui consisterait à cibler ou à exploiter les populations civiles ou à utiliser celles-ci comme boucliers humains.  Il a précisé que l’Égypte avait établi des contacts étroits avec beaucoup d’acteurs des Nations Unies, ainsi qu’avec le Gouvernement syrien, afin de trouver une solution rapide à cette situation, y compris dans les zones assiégées, et quelle que soit l’affiliation de ces acteurs.  Il s’est félicité de l’arrivée « d’une certaine aide » dans les zones concernées mais a encouragé toutes les parties en conflit à faire en sorte que de telles tragédies ne se répètent pas. 

Le représentant a ensuite estimé que les membres du Conseil de sécurité devraient demeurer unis pour les questions humanitaires.  Il a regretté que certains pays « essaient parfois de tirer profit de la situation politique » et il a lancé un appel à toutes les parties afin de ne pas « politiser » la crise ou à ne pas « l’utiliser comme moyen de pression car cela ne ferait qu’augmenter les souffrances des populations et les divisions entre les parties », a-t-il dit.

Pour l’Égypte, la crise en Syrie exige une solution politique qui met un terme au conflit armé et pose les bases d’un état démocratique.  Dans ce contexte, le représentant a appelé tous les membres du Conseil, ainsi que le Groupe de soutien international, à préserver le plan d’action du processus de Vienne et à travailler à sa mise en œuvre.  « Après tant d’années d’impasse, toute tentative visant à faire dérailler l’effort politique mènerait à un cercle vicieux qui ne ferait que perpétuer la crise », a-t-il conclu. 

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a rejeté les pratiques de siège dont souffrent les populations civiles en Syrie.  Le Gouvernement syrien a pour responsabilité de protéger ses citoyens, a-t-il rappelé, en émettant l’espoir que la coopération entre les autorités syriennes et OCHA se poursuive.  Il a regretté la politisation de la question humanitaire syrienne, en soutenant que la réponse humanitaire devrait viser à répondre aux besoins de toutes les personnes sur le terrain, avec l’appui du Gouvernement légitime syrien.  À plusieurs occasions, a-t-il rappelé, son pays a exprimé sa consternation face à la situation de détresse en Syrie.  Il a dit attendre d’OCHA une stratégie pour faire face à cette situation, vu le nombre encore important de personnes assiégées.

Le représentant a apprécié la réponse positive du Gouvernement syrien pour faciliter l’accès aux convois humanitaires.  Il a salué le travail réalisé par le Croissant-Rouge syrien et OCHA en moins de deux jours: 200 bénévoles et travailleurs humanitaires ont envoyé 45 convois à Madaya pour aider 40 000 personnes, et 18 autres convois sont arrivés à Kefraya et à Fouah pour atteindre 20 000 autres personnes.  Le représentant a ensuite souligné les garanties que doivent offrir les parties pour le passage de l’aide et la sécurité des travailleurs humanitaires.  Le pays a souffert des attaques de terroristes au cours des cinq dernières années, a-t-il aussi alerté, en prévenant des dangers de l’extrémisme et en appelant la communauté internationale à y faire face.  Enfin, il a espéré que le processus de paix pourrait avancer, avant de lancer un appel aux parties qui négocient une solution à Genève pour qu’elles agissent de bonne foi et sans poser de conditions.

M. MOTOHIDE YOSHIKAWA (Japon) a appuyé les efforts de l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, ainsi que le processus facilité par l’ONU en vue d’une transition politique en Syrie basée sur la « totalité » du Communiqué de Genève du 30 juin 2012.  La situation humanitaire critique doit être améliorée indépendamment du processus politique, a-t-il dit, avant de rappeler que l’utilisation de la famine comme arme de guerre constituait un crime de guerre.  M. Yoshikawa a affirmé que les attaques indiscriminées contre les civils et les obstacles apportés à l’acheminement de l’aide humanitaire sapaient la confiance mutuelle nécessaire à l’adoption d’une solution politique.  La responsabilité première de la protection des civils incombe au Gouvernement syrien, a-t-il insisté.  Le délégué du Japon a appelé le Groupe de contact international sur la Syrie à user de son influence en vue de permettre un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire.

L’aide humanitaire que fournit son pays à la Syrie et aux pays voisins depuis 2011 s’élève à plus d’1,1 milliard de dollars, a souligné le représentant, tout en se disant préoccupé par le fait que le  Plan  d’intervention pour la Syrie n’ait été financé qu’à hauteur de 43% en 2015.  La prochaine Conférence de Londres sur l’aide humanitaire pour la Syrie sera l’occasion pour la communauté internationale de montrer sa solidarité avec tous ceux qui souffrent en Syrie, a-t-il assuré.  Le Japon présentera, lors de cette Conférence, un plan d’aide humanitaire et de développement substantiel au bénéfice de la Syrie et des pays voisins.  En conclusion, M. Yoshikawa a invité le Conseil à rester vigilant et à ne pas tolérer les violations du droit international humanitaire en Syrie.

M. VOLODYMR YELCHENKO (Ukraine) a comparé la barbarie endurée par les habitants de Madaya aux atrocités commises par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.  Pourtant, a-t-il noté, il y a certaines voix, y compris au sein de ce Conseil, qui essayent de justifier les actions commises par le régime syrien.  « Ils disent combattre le terrorisme?  Pourtant, ils soutiennent ceux qui assiègent Madaya.  Ils disent combattre Daech?  Leurs frappes aériennes se déroulent le plus loin possible des bastions de Daech », s’est étonné le représentant ukrainien.

Le délégué a salué l’acheminement d’un second convoi d’aide humanitaire à Madaya, avant d’appeler le régime à assurer aux entités onusiennes un accès sans entrave à la ville.  Toute partie en Syrie qui utilise la famine comme arme commet un crime de guerre, pour lequel elle sera jugée, a-t-il prévenu.  Ce crime, a-t-il ajouté, n’a pas de délai de prescription.  « Lors de la précédente réunion du Conseil, nous avons été informés que près de 400 habitants de la ville avaient le besoin immédiat d’une aide médicale et devaient être évacués.  Qu’est-ce qui leur est arrivé? » a demandé le représentant de l’Ukraine.  S’ils n’ont pas été évacués, il a souhaité connaître l’identité de ceux qui ont empêché le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de leur apporter des soins.

En conclusion, il a souligné que le Conseil de sécurité devrait élaborer rapidement un document établissant clairement les responsabilités de ceux qui utilisent la famine comme méthode de guerre en Syrie.  « L’Ukraine, qui a connu la famine organisée de l’Holodomor au début des années 1930, souhaite que ce Conseil affirme haut et fort que les attaques délibérées de civils et l’utilisation de la famine comme méthode de guerre ne seront pas tolérées », a conclu le représentant.

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par la situation humanitaire qui prévaut en Syrie, tout en précisant qu’elle était le résultat du conflit armé intérieur qui persiste sur le territoire.  Il a estimé qu’il était essentiel que toutes les parties au conflit, ainsi que les États qui ont de l’influence sur elles, fassent le nécessaire pour aider les populations des villes assiégées.  La Fédération de Russie a des contacts avec les autorités syriennes et guident ces dernières dans leur coopération avec les Nations Unies, a assuré le représentant, en soulignant que son pays restait cependant profondément préoccupé par les différents groupes terroristes « qui utilisent des civils en tant que boucliers humains, s’emparent d’eux, les revendent et pillent les convois humanitaires ».  Il a expliqué que de tels comportements étaient aussi le fait de groupes qui combattent sous le drapeau de l’armée syrienne libre.  La communauté internationale, a-t-il cependant considéré, devrait faire preuve d’une « conscience objective des réalités régionales ».

« On parle, par exemple, de Madaya mais pas de la ville d’Al-Zahraa, dans la province d’Alep, où des dizaines de milliers de personnes se trouvent dans une situation extrême », a-t-il souligné.  Il a précisé que les convois humanitaires qui se rendent à présent dans les zones dont parle le Conseil aujourd’hui y accèdent avec la participation des autorités syriennes, et que de nouveaux convois s’y dirigeront encore le 17 janvier prochain.  Il a également mentionné la poursuite de contacts directs entre l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Gouvernement syrien au sujet de l’évacuation médicale urgente des civils qui en ont besoin, ainsi que l’aide qui est apportée par les Forces armées russes en Syrie dans le cadre de ces opérations humanitaires.  « Vingt-deux tonnes d’aide ont été livrées grâce à la participation des parachutistes russes », a-t-il indiqué, tout en regrettant que cela ne soit pas évoqué lors de cette réunion. 

Le représentant russe a ensuite noté qu’il s’agissait de la seconde réunion des membres du Conseil sur cette question en l’espace d’une brève période, ce qui est « tout à fait inhabituel » du point de vue de la pratique du Conseil de sécurité, a-t-il dit.  Le Conseil, a-t-il fait observer, devrait encore se réunir le 27 janvier pour discuter des aspects humanitaires de la crise syrienne.  « Tout se passe comme si on prenait prétexte de cette situation pour essayer de faire échouer le début du dialogue syrien, qui doit débuter le 25 janvier.  Cela va à l’encontre de la résolution 2254 (2015) selon laquelle rien ne doit préjuger du début du dialogue », a-t-il poursuivi.

Sa délégation a noté « un jeu trouble qui s’intensifie de plus en plus et qui a déjà été utilisé plusieurs fois; il consiste à politiser l’action humanitaire en utilisant une politique de deux points deux mesures », a estimé le représentant.  Il a attribué cette situation à « ceux qui ne souhaitent pas appuyer l’Accord de Vienne et qui ne peuvent pas se défaire du projet fatal qui viserait à résoudre le conflit syrien par la force ».

Il a ensuite appelé les États qui ont joué un rôle positif dans l’adoption de la résolution 2254 (2015) à se montrer « plus cohérents » et à faire davantage pour mettre en œuvre ses dispositions.  Il a également estimé qu’il était urgent de consolider la liste des organisations terroristes agissant sur le territoire syrien et qu’il n’existait pas d’alternative au fait d’établir une large coopération entre les États, notamment en ce qui concerne la présence militaire en Syrie, en vue de lutter contre le terrorisme.

M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a jugé inacceptable que près de 400 000 personnes continuent de vivre ou de mourir dans les zones assiégées en Syrie.  Condamnant cette situation, il a souhaité que la communauté internationale fasse pression sur le plan politique pour mettre un terme définitivement à cette situation catastrophique.  Il s’est félicité du passage des convois humanitaires pour atteindre ces populations, en saluant, à cet égard,  les efforts de la communauté internationale, tout en demandant de faire passer l’aide en Syrie à toute la population dans le besoin. 

Le représentant de l’Angola a parlé de crime de guerre en évoquant les tireurs embusqués, avant de demander aux parties de s’engager à respecter le droit international humanitaire et celui relatif aux droits de l’homme, afin de mettre un terme aux souffrances de la population civile.  Le représentant a émis l’espoir qu’une solution serait trouvée pour résoudre la terrible crise humanitaire.  Les modalités et conditions d’un cessez-le-feu doivent être déterminées, a-t-il également souhaité en insistant sur la nécessité de parvenir à une solution politique à ce conflit.  Il a dit attendre avec intérêt l’exposé que fera, à ce sujet, l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Staffan de Mistura, lundi, 18 janvier, devant le Conseil de sécurité.

M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a déploré le coût humanitaire du conflit en cours en Syrie, en rappelant que 400 000 Syriens continuaient de subir l’état de siège et que cela était totalement inimaginable au XXIe siècle.  Il a considéré que l’utilisation de tactiques inhumaines ajoutait une dimension encore plus horrifiante au conflit, tout en se disant encouragé par la percée des convois humanitaires dans les villes de Madaya, Kafraya et Fouah.  Il a émis l’espoir que d’autres zones difficiles d’accès puissent voir arriver les convois humanitaires des institutions de l’ONU et des partenaires humanitaires.

Le représentant a ensuite exhorté toutes les autorités pertinentes à accélérer l’évacuation immédiate des personnes qui en ont le plus besoin, rappelant que toutes les parties au conflit avaient la responsabilité de protéger les civils.  Après avoir exhorté tous les acteurs à mettre fin à toute stratégie qui constituerait une violation du droit international et le non-respect de la vie humaine, il a souligné qu’une solution politique au conflit exigerait que les conditions propices doivent, au préalable, être mises en place.  Il a ensuite appelé toutes les parties à participer aux pourparlers de Genève, qui doivent débuter le 25 janvier car « le bain de sang en Syrie a suffisamment duré », a-t-il conclu.

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a rappelé le choc causé dans le monde par la brutalité subie par la population syrienne à Madaya.  Elle a dénoncé une tactique de siège et de famine, employée délibérément par le régime syrien.  Tout en saluant l’arrivée des convois de l’ONU à Madaya, Fouah et Kéfraya cette semaine, elle a rappelé qu’aucune aide n’était arrivée dans ces villes depuis octobre dernier.  Elle a parlé des enfants morts de faim et des 400 000 personnes qui risquent de subir le même sort.  Les membres du Comité de distribution de l’aide ont été reçus chaleureusement par les habitants de Madaya, mais ces derniers n’ont pu offrir à leurs hôtes qu’un plat de riz à l’eau salée,a-t-elle fait remarquer avant de parler aussi des problèmes de chauffage en cette période hivernale.

Le personnel médical à Madaya est épuisé et a besoin d’un appui de toute urgence pour soigner les personnes en danger, a-t-elle alerté.  La représentante a aussi exigé que les personnes en danger de mort à cause de la famine soient soignées ou évacuées immédiatement.  Elle a évoqué le sort des bébés et des vieillards qui souffrent particulièrement de cette situation, en soulignant l’obligation morale de les aider.  La représentante a cité les villes de la banlieue de Damas qui souffrent également beaucoup du manque d’aide humanitaire.  Toutes les communautés du pays devraient bénéficier d’un accès à la nourriture et aux soins de santé, a-t-elle insisté.  Le régime syrien, a-t-elle déploré, n’a même pas répondu à la moitié des demandes de l’ONU au cours de l’année écoulée.  Elle a ensuite demandé à l’ONU d’attirer l’attention sur les besoins humanitaires.  La seule façon de mettre un terme à la violence et au conflit est de trouver une solution politique négociée, a-t-elle souligné, avant de souhaiter que des pressions soient exercées sur le Gouvernement syrien pour qu’il permette l’accès à la population.

M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a estimé que la situation humanitaire en Syrie restait désastreuse et qu’elle était exacerbée par ce que lui impose à la fois son propre gouvernement, des groupes armés et des groupes terroristes.  Il a appelé au plein accès des travailleurs humanitaires aux zones difficiles d’accès et assiégées, en rappelant que ces sièges étaient totalement inacceptables.  « L’accès à Madaya, Kafraya et Fouah est une première étape mais il est indispensable de répondre positivement à toutes les demandes d’accès émises par l’ONU et ses agences », a-t-il dit, en ajoutant que cette même obligation incombait aux groupes non étatiques qui sont parties au conflit et qui sont « tout aussi responsables de cet affront aux normes les plus élémentaires de la vie civile ».

Le représentant a prévenu que, tôt ou tard, l’ensemble des responsables de ces atrocités devront répondre de leurs actes.  Il a ainsi appelé au plein respect des résolutions 2158 (2014) et 2254 (2015), en affirmant que les droits de la population syrienne avaient été violés massivement par toutes les parties depuis le début du conflit.

M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a argué que l’un des principes essentiels de l’action humanitaire était de s’écarter de la politisation et de la politique de deux poids deux mesures.  Il a donc jugé immoral que cette action ne vise pas à aider les personnes dans le besoin mais profite, au contraire, de leur tragédie pour poursuivre des desseins politiques.  Il a aussi fait référence au terrorisme qui jouit d’un appui externe.  Le Gouvernement syrien et les Nations Unies ont mis en œuvre six plans d’action humanitaire qui ont permis de fournir une assistance à des millions de Syriens, a-t-il rappelé, en soulignant que son gouvernement en supportait la plus grande part financièrement.

En ce qui concerne l’approbation des convois humanitaires, il a expliqué que le Gouvernement syrien ne pouvait pas se contenter de suivre une procédure administrative pour laisser les convois arriver dans des « zones chaudes », là où se trouvent des organisations terroristes armées.  Il doit en effet prendre toutes les mesures et précautions nécessaires à la sécurité des travailleurs humanitaires.  De plus, l’aide doit arriver à destination des personnes dans le besoin et non entre les mains des terroristes, comme cela a été le cas à Madaya, a-t-il fait remarquer.  Le représentant a ainsi expliqué que les terroristes profitaient de cette aide, notamment en vendant les fournitures interceptées pour financer leurs activités abominables.

Le représentant syrien a estimé que certains avaient essayé de manipuler l’opinion publique internationale à propos de Madaya.  Il a avancé que le Gouvernement syrien avait permis la fourniture de trois tranches d’assistance humanitaire à partir du 18 octobre 2015, la dernière étant arrivée hier.  Son gouvernement, a-t-il ajouté, a demandé au Conseil de sécurité de faire tout son possible pour que les blessés soient évacués des zones chaudes et que des denrées médicales et des combustibles soient livrés en janvier, une aide qui devait être suivie de l’assistance alimentaire nécessaire aux trois villes concernées.  Il a réaffirmé l’engagement du Gouvernement syrien à coopérer avec le CICR et l’ONU pour fournir l’aide à toutes les zones, y compris aux zones considérées comme étant à haut risque par l’ONU.

 

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