Soixante et onzième session,
8e séance – matin
AG/EF/3451-ECOSOC/6799

La Deuxième Commission et l’ECOSOC débattent des impacts de la mondialisation sur la mise œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030

La Deuxième Commission, chargée des questions économiques et sociales, a tenu, ce matin, sa traditionnelle séance conjointe avec le Conseil économique et social (ECOSOC), avec la participation d’experts pour débattre du thème « L’évolution de l’économie politique de la mondialisation: les institutions multilatérales et le Programme 2030 ».

Les délégations d’États Membres et les panélistes ont ainsi relevé que la mondialisation a certes eu des effets positifs sur la vie des populations, mais les progrès qu’elle a créés n’ont pas bénéficié à toutes les franges de la société, une réalité qu’il faut désormais rectifier dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 dont l’objectif est de ne laisser personne de côté.

Avant de lancer la discussion, le Président de la Deuxième Commission, M Dian Triansyah Djani (Indonésie) a relevé que si la mondialisation avait été accueillie comme moteur essentiel de croissance, elle est cependant de plus en plus remise en question car les inégalités ont atteint des niveaux record.

Pour le Président de l’ECOSOC, M. Frederick Makamure Shava (Zimbabwe), la mondialisation a fondamentalement modifié notre façon de travailler et de vivre, mais les transformations qu’elle a engendrées n’ont pas toujours été positives pour les populations.  C’est pourquoi, a-t-il préconisé, il faudrait établir comment la mondialisation pourrait assurer une prospérité sans exclusion.

L’orateur principal, M. Thomas Friedman, chroniqueur du New York Times, auteur et lauréat de trois prix Pulitzer, a parlé de la mondialisation à laquelle il a consacré son dernier livre intitulé « Thank you for being late -, an optimist’s guide to thriving in the age of accelerations » (« Merci d’être en retard »), et dont la parution aura lieu le mois prochain.  

Dans son livre, il démontre que nous sommes entrés dans une ère d’accélération vertigineuse, un nouveau stade de la mondialisation caractérisé par des courants, toujours plus rapides et plus nombreux à travers l’Internet.  Pour illustrer cette idée, il a fait observer qu’il serait plus facile de nos jours de construire une maison en achetant tout le nécessaire grâce au géant du commerce en ligne « Amazon » que de la bâtir, avec les moyens sur place, sur les bords du fleuve portant le même nom.  Il est essentiel, a-t-il insisté, que les valeurs éthiques soient respectées dans le cyberespace.

Comme l’a fait observer Mme Anu Madgavkar, du McKinsey Global Institute, tous les revenus ont augmenté entre 2005 et 2014 dans 25 économies avancées de la planète.  Mais, dans le même temps, les inégalités dans ces pays se sont davantage étendues, ce qui marque, a-t-elle dit, la tendance mondiale depuis les années 1970.

Fort de ce constat, M. Michael G. Plummer, Professeur à l’Université Johns Hopkins (Europe), a proposé de redistribuer les revenus sans nuire au marché et permettre une croissance de la base vers le haut.  Mme Madgavkar a ajouté que ce qui est encore plus inquiétant, c’est l’inégalité d’opportunités, autrement dit celle de l’accès aux connaissances, aux technologies et à la santé qu’entraîne la mondialisation.

Selon Mme Mariama Williams, du South Center, il faudrait mettre en place un système permettant de limiter les flux de capitaux illicites, afin de libérer des ressources nationales dans les pays en développement. 

De nombreuses délégations ont également pris la parole pour partager leur expérience nationale en matière de mondialisation, tout en soulignant qu’il était nécessaire de trouver des solutions durables aux problèmes que pose le système économique actuel.

En fin de réunion, le Président de la Deuxième Commission a indiqué que tout est en place pour rendre le monde meilleur, notamment avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les solides mécanismes onusiens existants aux niveaux international et régional.  Ce qui semble manquer désormais, a-t-il fait observer, c’est la volonté politique qui doit susciter l’action, avec le concours du secteur privé, de la société civile et d’acteurs non gouvernementaux. 

La Deuxième Commission reprendra ses travaux lundi, 10 octobre à 10 heures.  En début de séance, elle entendra le Président de la soixante et onzième session de l’Assemblée générale, M. Peter Thomson (Fidji).  Elle examinera ensuite son point de l’ordre du jour sur le développement durable.

RÉUNION CONJOINTE SUR LE THÈME « L’ÉVOLUTION DE L’ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA MONDIALISATION: LES INSTITUTIONS MULTILATÉRALES ET LE PROGRAMME 2030 »

Observations liminaires des Coprésidents

M. FREDERICK MAKAMURE SHAVA (Zimbabwe), Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé que la mondialisation avait fondamentalement modifié notre façon de travailler et de vivre, même si les transformations qu’elle a engendrées n’ont pas toujours été positives pour les populations.  De ce fait, il a précisé que la prospérité durable pour tous devrait être porteuse d’inclusion.  Il a lancé le débat en demandant comment faire pour que la mondialisation puisse engendrer une prospérité sans exclusion.

M. DIAN TRIANSYAH DJANI, Président de la Deuxième Commission, a relevé que si la mondialisation avait été accueillie comme moteur essentiel de croissance, elle est cependant de plus en plus remise en question.  La crise financière mondiale de 2008 a touché tous les pays et les inégalités ont atteint des niveaux record, a-t-il souligné.  « Dans sa force brute, la croissance ne saurait être le seul moteur de la prospérité », a lancé M. Djani, en précisant qu’il faudrait accorder une grande attention aux pays en situation particulière afin de les aider à atteindre les objectifs de développement durable.  Le Président de la Deuxième Commission a indiqué que la vision du Programme de développement durable à l’horizon 2030 exige de trouver un équilibre entre les progrès économiques et les dimensions sociale et environnementale.  « Collectivement, nous devons prouver que ce programme donne les réponses aux questions que se posent les citoyens du monde. Nous pouvons transformer la mondialisation en force pour tous et non pour un petit nombre. »

Exposé suivi d’une discussion interactive

M. THOMAS FRIEDMAN, chroniqueur du New York Times, auteur et lauréat de trois prix Pulitzer, a tout d’abord annoncé qu’il allait publier un nouveau livre, le mois prochain, intitulé « Merci d’être en retard ».  Dans son livre, il démontre que nous sommes entrés dans une ère d’accélération vertigineuse et explique comment y vivre.  En raison d’une augmentation exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs, les alpinistes qui atteignent le sommet du mont Everest bénéficient d’un excellent service de téléphone cellulaire et les voitures sans chauffeur ont fait leur apparition sur les routes, a-t-il fait remarquer.  De même, une autre explosion se traduisant par une interdépendance économique a permis de créer de nouvelles richesses tout en augmentant le fardeau de la dette.  La mère Nature connaît également des changements dramatiques alors que les niveaux de carbone augmentent et que des espèces disparaissent.

La mondialisation que nous vivons aujourd’hui, a expliqué Thomas Friedman,  est désormais caractérisée par des courants, toujours plus rapides et plus nombreux, à travers l’Internet.  Pour illustrer cette idée, il a fait observer qu’il serait plus facile, de nos jours, de construire une maison grâce au géant du commerce en ligne « Amazone » que de le faire sur les bords du fleuve portant le même nom.  Il a également expliqué comment on est passé de l’intelligence artificielle à l’intelligence assistée car, a-t-il dit, désormais, les applications technologiques assistent les humains dans la prise de décisions.   

Comment ces changements interagissent et comment pouvons-nous y faire face? Pour avoir une meilleure compréhension de la réalité présente, M. Friedman a fait référence à l’évolution de sa ville d’enfance dans l’État du Minnesota.  Aujourd'hui, a-t-il souligné, il est plus facile que jamais d’être un entrepreneur, comme par exemple le PDG des imprimantes 3-D ou un destructeur comme les adeptes de Daech qui se servent de Twitter pour mener leurs activités de déstabilisation.  En revanche, il est plus difficile d’être un dirigeant politique de nos jours, a-t-il estimé, en faisant remarquer que les pays et les individus doivent apprendre à agir de manière rapide, c’est-à-dire de manière innovante et être prêts à s’adapter afin d’aider les victimes du changement, mais aussi de manière lente pour pouvoir s’arrêter afin d’analyser plus à fond les valeurs qui marquent notre époque.  Il a conclu en invitant à imaginer un nouveau monde, en veillant à ce que les valeurs ne se perdent pas au milieu des innovations technologiques car, a-t-il rappelé, il faut intégrer Dieu dans le cyberespace pour respecter l’éthique dans le domaine de la technologie.  Cette éthique et les valeurs ne peuvent être promues, a-t-il insisté, que par les communautés qui en sont garantes.

Mme ANU MADGAVKAR, partenaire au McKinsey Global Institute, a attiré l’attention sur les changements intervenus entre 2005 et 2014 dans 25 économies avancées.  Si dans ces pays, presque tous les revenus ont augmenté, les inégalités se sont creusées.  C’est une tendance mondiale depuis les années 1970, a-t-elle noté.  Les sentiments contre la mondialisation liés à la crise ne cessent d’augmenter au sein d’une population comme celle des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, où l’institut McKinsey a mené une enquête.  Mme Madgavkar a recommandé de mesurer et comprendre le phénomène pour les pays en développement, et de ne plus se focaliser uniquement sur des critères tels que le Produit national brut (PNB) et le chômage.  Il faut aussi améliorer la productivité, accroître les opportunités pour renforcer les capacités nationales et soutenir les transferts de technologie et de savoir-faire, a-t-elle précisé.

M. MICHAEL G. PLUMMER, Directeur et Professeur de la Chaire ENI en économie internationale de la faculté des hautes études internationales (Europe) de l’Université Johns Hopkins, a reconnu, lui aussi, que la mondialisation est très liée à des augmentations de qualité.  L’intégration des échanges, a-t-il rappelé, devrait améliorer la situation des pays en développement.  Mais ce modèle de croissance –qui est de plus en plus technologique- implique un retour aux connaissances. Les échanges sont liés à des tendances négatives dans le monde entier et sont devenus impopulaires et c’est pourquoi, les politiques nationales doivent prévoir la gestion des effets de la technologie sur la situation économique et sociale des pays.

M. FRIEDMAN a ajouté que ces changements radicaux dans le domaine de la technologie imposaient l’innovation sociale.  Les institutions devraient évoluer avec le XXIe siècle mais qu’il n’y a pas de règle mondiale, a estimé M. PLUMMER.

À propos de la transformation du système institutionnel international, Mme MARIAMA WILLIAMS, administratrice de programmes hors classe au Programme pour la gouvernance mondiale pour le développement du South Center, s’est demandé comment développer le potentiel humain pour traiter de cette question essentielle.  Elle a fait remarquer que les personnes ont l’impression que la mondialisation n’est pas gérable, que c’est un fondamentalisme politique, car certains aspects de la mondialisation n’ont pas été concrétisés.  En réalité, un espace politique national et l’infrastructure publique doivent permettre de créer l’environnement nécessaire à ces nouveaux types de mondialisation liés au numérique pour que les

personnes ne soient pas à nouveau laissées de côté, notamment dans les pays en développement.  Quant au rôle des institutions financières internationales, il faut accélérer les réformes, les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ayant encore un trop grand pouvoir de décisions sur des questions qui concernent les pays en développement, a estimé Mme Williams.

Interrogé par la modératrice, Mme PAMELA FALK, analyste des affaires étrangères de CBS News, sur la question de l’inégalité, M. PLUMMER a évoqué la politique fiscale.  Pour lui, il faut trouver un moyen de redistribuer les revenus sans nuire au marché et permettre une croissance de la base vers le haut.  Il serait contreproductif, selon lui, de s’attaquer aux institutions car les structures sont trop rigides.  Mme MADGAVKAR a ajouté que ce qui est encore plus important, c’est l’inégalité d’opportunités, autrement dit d’accès aux connaissances, aux technologies, à la santé.  Cette inégalité peut être traitée plus rapidement que les inégalités de revenus.

Pour sa part, Mme WILLIAMS a rappelé que plusieurs solutions avaient été proposées pour lutter contre les inégalités dans et entre les pays.  Pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, il faut trouver un système permettant de limiter les flux de capitaux illicites, ce qui libérera des ressources nationales.  Les inégalités ne sont pas seulement une question de perception, elles sont réelles dans des situations de catastrophe naturelle, par exemple, a lancé Mme Williams.  Dans les pays en développement, une catastrophe naturelle coûte la vie à des centaines de personnes mais ne causera, peut-être, que des dégâts matériels dans des pays avancés.

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