Session de 2015,
19e & 20e séances - matin & après-midi
ECOSOC/6680

ECOSOC: pour assurer son développement durable, le monde doit créer au moins 600 millions d’emplois au cours de la prochaine décennie

« Avis de recherche: 600 millions d’emplois ».  Les participants aux travaux du Conseil économique et social (ECOSOC), qui terminait aujourd’hui son segment de l’intégration sur le thème « Réaliser le développement durable par la création d’emplois et le travail décent pour tous », ont estimé que le monde devait créer pas moins de 600 millions d’emplois décents, s’il entendait résorber les taux de chômage records que connaissent de nombreux pays.

Cet objectif est d’autant plus impérieux que la création d’emplois, comme l’a rappelé le représentant de l’Inde, est au centre des trois piliers du développement durable: la croissance économique, l’intégration sociale et la protection de l’environnement.  « Sans création d’emplois, tous les trois objectifs demeureront irréalisables. »  Un avertissement sans frais alors que le programme de développement pour l’après-2015, qui comprend un objectif sur l’emploi productif et le travail décent, est en cours d’élaboration. 

« La création d’emplois décents pour un développement durable est un défi aux proportions monumentales », a reconnu le Vice-Président de l’ECOSOC dans ces remarques de clôture.  Partisan d’une taxe sur le carbone et sur les transactions financières pour stimuler l’économie, il a affirmé qu’une « juste part » des 600 millions d’emplois devait revenir à l’Afrique.

Le représentant du Brésil a bien résumé l’enjeu sous-jacent de ces trois jours de discussion: « Comment élaborer des politiques inclusives de création d’emplois supplémentaires et de meilleure qualité qui génèrent non seulement la croissance économique et le bien-être, mais qui agissent aussi comme moteur de l’intégration sociale et de la réduction de la pauvreté? » 

Les participants aux trois tables rondes à s’être tenues aujourd’hui ont tenté d’apporter des éléments de réponse.  Alarmés par les taux de chômage records des jeunes –en Grèce, un jeune sur deux n’a pas d’emploi– ils ont identifié comme premier facteur explicatif l’inadéquation des qualifications avec les exigences d’un marché du travail que l’arrivée des nouvelles communications a profondément transformé.

Le Président-Directeur général de CodeAcademy a souligné que la formation était l’élément clef pour l’accès aux postes plus qualifiés, d’autant plus que les emplois répétitifs, requérant une faible qualification, peuvent désormais être occupés par des machines.  « En deux ans, les compétences pour devenir concepteur de logiciel ont changé. »

« L’alphabétisation digitale » a été conseillée par le représentant de l’Union internationale des télécommunications (UIT), pour acquérir des compétences conformes aux postes à fort contenu technologique.  « Pour chaque augmentation de 10% de la pénétration de l’Internet à haut débit, le PIB des pays en développement augmente en moyenne de 1,38%. »

L’élimination des formalités nécessaires à la création d’entreprises a été une autre piste évoquée, au même titre que le renforcement de l’esprit entrepreneurial, en particulier chez les femmes.  Selon la Présidente-Directrice générale de WeConnect International, les femmes chefs d’entreprise créeraient davantage d’emplois et de meilleure qualité que les hommes.  « Les pays en développement doivent se focaliser sur les petites exploitations agricoles qui créent 1 milliard d’emplois dans le monde », a préconisé le Fondateur et Administrateur de GIST Advisory.

Les participants ont aussi essayé d’identifier les secteurs économiquement porteurs et les gisements d’emplois.  La Secrétaire générale d’Hydro-Québec a expliqué qu’en 2050, les énergies renouvelables occuperont une part de 20 à 25% dans la création d’emplois dans le monde.  « Quelque 20 millions d’emplois pourraient être créés d’ici à 2030. »

Les enjeux sociaux de l’emploi n’ont pas été oubliés, notamment par le Chef des ressources humaines de Tata Group, qui a invité le secteur privé à prendre conscience de sa responsabilité sociale.  Pour corriger l’écart salarial entre hommes et femmes, la Secrétaire générale d’Hydro-Québec a préconisé la multiplication des crèches dans les entreprises et l’aménagement du temps de travail.

Enfin, le Vice-Président de l’ECOSOC a pris date pour l’année prochaine en reprenant à son compte la proposition de l’UIT de consacrer le thème du segment de l’intégration de l’ECOSOC, en 2016, à l’exploitation des technologies digitales aux fins du développement durable.

DÉBAT CONSACRÉ À L’INTÉGRATION

Trouver les opportunités: faire correspondre l’éducation et les compétences avec les demandes du marché

Animée par M. ANTONIO PRADO, Secrétaire exécutif adjoint à la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, la table ronde a été l’occasion pour les trois intervenants de proposer des solutions innovantes pour relever le défi persistant, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, que constitue l’inadéquation des qualifications des jeunes avec les exigences du marché du travail.  « Si vous voulez être payés, apportez de la valeur ajoutée », a résumé la Présidente-Directrice générale et Cofondatrice de WeConnect International, États-Unis.

Mme ELIZABETH A. VAZQUEZ, s’est surtout attardée sur la situation des femmes qui, bien souvent, manquent des connaissances nécessaires pour s’adapter à l’évolution du marché.  « WeConnect » veille à doter les femmes d’outils adéquats tout en les aidant à identifier les secteurs les plus porteurs.  Prenant l’exemple des exploitantes agricoles, elle a expliqué que son organisme les aidait à grimper les échelons de la valeur ajoutée, en proposant des produits plus sophistiqués et plus diversifiés.  Cet appui est d’autant plus important qu’empiriquement, a affirmé l’intervenante, les PME créées par des femmes généraient davantage d’emplois que celles créées par des hommes, et il s’agit souvent d’emplois de meilleure qualité.  Mme Vazquez a rappelé que si les PME  sont le moteur de la croissance, un grand nombre d’entre elles échouaient.

En Tunisie, les femmes n’ont pas peur d’échouer, a poursuivi M. RON BRUDER, fondateur d’Education for Employment, États-Unis.  « Elles se lancent avec passion dans la création d’entreprises. »  Il a affirmé que parmi les personnes que son organisation a formées en Tunisie, il y a 70% de femmes alors qu’au Yémen, ce taux est de 38%.  « Tout dépend de la structure des sociétés. »

Les nouvelles technologies permettent de former un bien plus grand nombre de personnes puisque les formations sont accessibles partout dans le monde grâce à Internet, a ajouté  M. ZACH SIMS, Cofondateur et Président-Directeur général de CodeAcademy, États-Unis.  Aujourd’hui, un cours dispensé à l’Université de Harvard peut profiter à tous, alors qu’auparavant il ne bénéficiait qu’à ceux qui étaient présents dans les auditoires.  En plus, l’enseignement en ligne facilite la formation continue.  Dans la même veine, le Fondateur d’Education for Employment a fait remarquer qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les utilisateurs d’Internet étaient passés en quelques années de 60 millions à 90 millions.  Nos formations sont adaptées aux spécificités culturelles des pays, a affirmé le Président-Directeur général de CodeAcademy.  Il s’agit d’un mouvement de fond, a-t-il poursuivi, faisant remarquer que Twitter prévoit des règles différentes d’utilisation en Inde et aux États-Unis par exemple.  Le cas de l’Inde a également été cité par la Présidente-Directrice générale de WeConnect International, qui a affirmé, qu’à sa connaissance, l’Inde où un aspirant créateur d’entreprises doit spécifier dans son dossier s’il est un homme ou une femme.

La pertinence des nouvelles technologies étant avérée s’agissant de la formation, qu’en est-il de l’emploi?  Le Président-Directeur général de CodeAcademy a expliqué que les technologies permettent une montée en gamme des emplois, puisque les tâches répétitives, requérant une faible qualification, peuvent désormais être assumées par des machines.  La formation est naturellement l’élément clef pour l’accès à des postes plus qualifiés, a-t-il poursuivi, ajoutant qu’en deux ans, les compétences pour devenir concepteur de logiciel avaient changé.  « Les nouvelles technologies sont la meilleure chose qui soit arrivée aux femmes », a renchéri la Présidente-Directrice générale de WeConnect International, expliquant qu’elles permettaient une plus grande souplesse des formes d’emploi, en favorisant par exemple le travail à domicile.  Nous vivons une époque excitante, a-t-elle poursuivi, indiquant que certains débouchés seront certes éliminés mais que d’autres verront le jour.

Un court débat s’est ensuite ouvert, marqué par une question de la représentante des États-Unis qui s’est interrogée, face à la « glorification » légitime de l’entrepreneur, sur le sort des millions de personnes qui n’ont pas de capacités entrepreneuriales.  « Tout le monde ne peut pas être entrepreneur mais il faut laisser ceux qui en ont les capacités de se lancer et de générer des emplois », a lancé la Présidente-Directrice générale de WeConnect International, alors que le Fondateur d’Education for Employment a identifié les gouvernements, en particulier au Moyen-Orient, comme les principaux freins à la création d’entreprises.  « En Égypte et en Jordanie, les bureaucraties sont colossales et les entrepreneurs doivent remplir tout un tas de formulaires », a-t-il dénoncé.

La Cofondatrice de WeConnect International a donné l’exemple de grands-mères devenues ingénieurs en énergie solaire dans des villages reculés en Inde, pour répondre à la question de la représentante de la République de Corée sur ce qui peut être fait pour combler les disparités d’emplois entre hommes et femmes en milieu rural.

Débat général

Mme LIZANNE ACHING (Trinité-et-Tobago) a constaté, par son expérience, que les initiatives destinées à accélérer la création d’emplois réussissent mieux lorsqu’elles intègrent les trois dimensions du développement durable.  C’est dans ce contexte que son pays a mis en œuvre des politiques, plans et stratégies visant le développement durable par la création d’emplois et le travail décent pour tous, a-t-elle dit, des initiatives qui sont coordonnées par les différents ministères concernés.  Elle a mentionné à cet égard le Cadre de politique à moyen terme 2011-2014 lié à la mise en œuvre de la première phase du Plan de développement national « Prospérité pour tous ».  Le Gouvernement a ainsi restructuré l’économie pour fournir des opportunités génératrices de revenus à des segments de la population qui étaient traditionnellement et économiquement marginalisés, en se penchant en particulier sur les jeunes, les femmes et les personnes handicapées.

Parmi les initiatives mentionnées, la représentante a indiqué que le Gouvernement s’employait à stimuler les secteurs de la construction, de l’agriculture, de l’industrie manufacturière, du tourisme, de l’artisanat, de la mode et des technologies de l’information et des communications (TIC).  Des efforts sont également menés, a-t-elle ajouté, pour mieux adapter les formations professionnelles aux besoins du marché du travail, pour permettre aux femmes de travailler de la maison avec des horaires flexibles et pour créer des entreprises vertes.  Le Gouvernement a en outre mis sur pied un groupe de travail sur le dialogue social qu’il entend mener avec les employeurs, les travailleurs et la société civile.  Mme Aching a assuré que ces activités seraient par la suite alignées sur les futurs objectifs de développement durable.  Elle a cependant demandé une aide technique pour promouvoir la demande en biens et services verts et a espéré que l’ECOSOC jouerait un rôle crucial dans le suivi des efforts régionaux et nationaux de la mise en œuvre du programme de développement pour l’après-2015.

Mme KATARINA LALIĆ SMAJEVIĆ (Serbie) a affirmé que l’amélioration du marché de l’emploi était l’un des objectifs stratégiques de son gouvernement.  À cet effet, elle a mis en place des mesures spécifiques visant à améliorer l’employabilité des individus, augmenter le taux d’emploi et instaurer un meilleur climat des affaires afin de faciliter les investissements.  La déléguée a ensuite mentionné les objectifs poursuivis par le Plan national d’action pour l’emploi pour 2015, parmi lesquels elle a cité une meilleure inclusion des personnes faiblement qualifiées et l’appui aux politiques d’emploi locales et régionales.  Le Plan met aussi davantage l’accent sur l’emploi des personnes handicapées, a-t-elle conclu.

M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a appelé à une approche macroéconomique intégrée et des initiatives coordonnées, au niveau international, pour la croissance et l’emploi qui doivent être vus comme un objectif unique et non pas comme deux objectifs distincts.  Nous devons travailler sur les facteurs structurels qui influencent le marché du travail tels que le rétrécissement de la population active, compte tenu du vieillissement des populations dans certaines régions du monde et du changement radical dans les compétences demandées.

En effet, l’un des plus grands défis de l’économie mondiale est d’équilibrer l’offre et la demande sur le marché du travail.  Il faut résoudre le problème du chômage des jeunes, un problème majeur dans de nombreux pays, y compris en Italie.  Au cours de la présidence italienne de l’Union européenne, une réunion des ministres de l’éducation et du travail a été organisée pour souligner la nécessité d’une synergie entre ces deux secteurs.  Un sommet a également été convoqué sur le chômage, en particulier celui des jeunes, lequel a imprimé un élan à de nouvelles approches favorisant l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail.  Au plan national, l’Italie a choisi de s’attaquer au chômage des jeunes en lançant une réforme structurelle des politiques de travail.  La création d’emplois exige la réforme de l’offre certes, mais aussi l’amélioration du climat économique général, par la préservation de la demande et des mesures incitatives pour des investissements productifs visant les petites et moyennes entreprises et l’innovation.

Si le développement durable repose sur l’équilibre entre la croissance économique, l’intégration sociale et la protection de l’environnement, alors, a dit M. ASOKE KUMAR MUKERJI (Inde), la création d’emplois doit se trouver au centre de ces trois piliers.  Sans création d’emplois, tous les trois objectifs demeureront irréalisables.  Invoquant l’expérience indienne, le représentant s’est attardé sur le développement des compétences et l’industrie.  Ce qu’il faut, c’est un écosystème où l’économie nourrit la croissance qui elle-même amène le développement partout.  Ce développement doit être générateur d’emplois servis par des compétences conformes à une production de qualité.  Ce qu’il faut, ce n’est pas seulement une production de masse mais une production par les masses. 

Conscient de ces impératifs, le Gouvernement a lancé des initiatives ambitieuses pour faire du pays la destination mondiale de l’industrie et du développement des compétences et mettre une force de travail qualifiée au service de la diversification économique et du développement.  La politique d’industrialisation indienne vise à augmenter la part de l’industrie dans le PNB de 16 à 25% d’ici à 2022 et de créer, dans la même période, 100 millions emplois de plus dans le secteur de l’industrie. 

Avec une population composée de plus de 54% de jeunes gens de moins de 25 ans, l’Inde est bien placée pour tirer parti du dividende démographique.  Mais la jeunesse doit être éduquée et formée aux emplois du XXIe siècle, ce qui ne concerne aujourd’hui que moins de 5% de la population active.  Le Gouvernement a donc créé un nouveau Ministère du développement des compétences et de l’entreprenariat dont l’ambition est de doter rapidement des millions de jeunes indiens des compétences nécessaires pour pouvoir saisir les opportunités offertes par la croissance rapide de l’économie indienne. 

M. FEDERICO GONZALEZ (Paraguay) a annoncé que son pays venait d’approuver son Plan national de développement 2015-2030, en tenant compte des objectifs de développement durable et de la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Ce Plan vise l’amélioration du niveau de vie, le plein emploi et le développement durable, et met l’accent sur le lien essentiel entre développement et commerce qui peut cependant s’avérer complexe dans les pays en développement.  Le représentant a en effet expliqué que tous les pays n’ont pas les capacités nécessaires pour tirer parti du commerce international.  Il a aussi fait remarquer que les besoins des pays varient en fonction de leur situation particulière, donnant l’exemple des pays sans littoral comme le Paraguay.  Le manque d’accès à la mer complique le transport qui est 45% plus cher que dans les pays côtiers.  Le représentant a plaidé en faveur des coopérations Sud-Sud et triangulaire, en complément de la coopération Nord-Sud, afin de renforcer les capacités institutionnelles des pays en développement.

M. MOHAMED KHALED KHIARI (Tunisie) a rappelé qu’en mai 2011, quelques mois après la révolution, le taux de chômage était de 18,3%.  « Au premier trimestre de 2014, il a chuté à 15,2% », a-t-il dit, ajoutant néanmoins que ce taux de chômage était, pour le même trimestre, de 31,4% dans la catégorie des diplômés universitaires.  Il a cité les objectifs de la stratégie de l’emploi de son pays parmi lesquels l’assainissement du climat d’investissement, l’identification des secteurs générant le plus d’emploi et de valeur ajoutée, la promotion d’un cadre réglementaire favorable à l’emploi et l’accès à la microfinance.  L’amélioration de l’employabilité de la main-d’œuvre est un autre objectif poursuivi grâce notamment à la promotion d’un système de formation adapté aux besoins de l’économie.  En conclusion, le délégué a rappelé que la Tunisie avait ratifié 58 conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT), dont les 8 Conventions relatives aux normes internationales fondamentales du travail.

M. DMITRY MAKSIMYCHEV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays connaît actuellement un taux de chômage de 5,5% et que la politique en la matière accorde la priorité aux jeunes et aux femmes.  Dans le pays, sur 1,7 million de jeunes demandeurs d’emploi, 74% en trouvent.  Ces résultats sont obtenus grâce à des mesures telles que des séances d’information pour les jeunes, des programmes de stage et une aide à la recherche d’emploi.  Les services nationaux d’orientation professionnelle accueillent chaque année 1,3 million de jeunes âgés de 14 à 29 ans, a ajouté le représentant.  Il a aussi fait remarquer le rôle crucial des PME pour aider les jeunes à trouver un emploi. 

En ce qui concerne les femmes, M. Maksimychez s’est félicité de l’augmentation de leur participation économique, grâce à des mesures qui facilitent la conciliation de leurs obligations familiales et professionnelles, comme la multiplication des crèches, les formes de travail flexible ou à distance ou encore la formation professionnelle pendant le congé parental.  La Fédération de Russie est en faveur de l’objectif 8 relatif à l’emploi du futur programme de développement pour l’après-2015.  Il a suggéré de prévoir des indicateurs pour évaluer les progrès.

M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a déclaré que pour réaliser le plein emploi et le travail décent pour tous avant 2030, y compris l’emploi des femmes et des jeunes, il faut privilégier les approches intersectorielles grâce à des politiques inclusives de création d’emplois supplémentaires et de meilleure qualité qui génèrent non seulement la croissance économique et le bien-être, mais qui agissent aussi comme moteur de l’intégration sociale et de la réduction de la pauvreté.  Le travail décent est une question de justice sociale, a insisté le représentant.  Des approches intersectorielles qui conjuguent revenus, éducation, santé et environnement, en particulier, peuvent donner des résultats très positifs.

Comme le chômage des jeunes a atteint des niveaux records, il est urgent de donner aux jeunes la chance d’acquérir les compétences nécessaires pour devenir compétitifs sur le marché du travail.  Il faut, à cet égard, garder à l’esprit que la croissance économique par elle-même ne débouche pas nécessairement sur la création d’emplois.  Les gouvernements doivent avoir une marge de manœuvre adéquate pour appuyer un développement inclusif et durable.  Le succès des politiques nationales dépend essentiellement d’un environnement international favorable aux besoins et priorités des pays en développement.  Ceci nécessite des réformes urgentes dans la gouvernance économique et financière mondiale et dans le commerce international.

La coopération internationale est vitale, en particulier dans les domaines de la technique et du renforcement des capacités dans les secteurs de la science, des technologies et de l’innovation.  La coopération Sud-Sud peut aussi apporter une contribution complémentaire conforme à ses propres principes et caractéristiques.  Le secteur privé est sans aucun doute un moteur de la croissance économique et un acteur principal de la création d’emplois.  Les pays en développement auront donc à acquérir les capacités réglementaires nécessaires pour stimuler l’entreprise privée et attirer les affaires, tout en préservant les priorités et stratégies nationales de développement, a estimé le représentant. 

M. MICHAEL GRANT (Canada) a déclaré qu’à l’échelle mondiale, il faudra créer plus de 200 millions d’emplois au cours des cinq prochaines années pour lutter contre le chômage et absorber l’augmentation de la population active.  D’ici à 2030, ce sont 600 millions de nouveaux emplois qui seront nécessaires.  Mais il ne suffira pas de créer n’importe quel emploi, il faudra des emplois décents qui améliorent les conditions de vie des citoyens et de leurs familles.  À cette fin, il sera essentiel de répondre aux besoins des jeunes.  Leurs talents, leur créativité et leur énergie représentant un immense potentiel pour la croissance économique et une occasion de favoriser leur intégration.  Grâce aux bonnes politiques, ce dividende démographique pourrait s’avérer extrêmement bénéfique à la fois pour les pays développés et en développement.  La formation professionnelle et les mesures d’aide à l’emploi sont importantes à cet égard. 

Le représentant a ajouté que l’amélioration des perspectives d’emploi et l’augmentation des revenus sont les principaux moyens par lesquels les femmes et les hommes touchés par la pauvreté peuvent accroître leur niveau de vie et parvenir à une plus grande résilience et autonomie.  C’est pourquoi le Canada a souscrit à l’objectif 8 proposé par le Groupe de travail ouvert sur les objectifs de développement durable, à savoir promouvoir une croissance économique soutenue, inclusive et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous. 

Le représentant a également insisté sur l’importance de la compétitivité sur le marché international, mais pas au détriment des moyens du travail.  Des normes élevées se traduisent par un rendement élevé.  Lorsque les travailleurs bénéficient des meilleures conditions, la productivité augmente.  L’équité au travail s’avère importante pour la productivité et la stabilité de la main-d’œuvre.  Le fait d’éliminer la discrimination et de permettre à tous d’être sur le marché du travail crée une économie plus novatrice et plus concurrentielle.  Le représentant a aussi dit que l’autonomisation des femmes et l’égalité entre les sexes sont essentielles à une croissance économique durable, au développement et au progrès social.

M. MARCO SUAZO (Honduras) a parlé du Plan pour une vie meilleure qui prévoit un appui aux familles vivant dans l’extrême pauvreté.  En mettant en œuvre ce Plan, le Gouvernement entend aussi lutter contre la corruption et promouvoir une plus grande transparence dans la culture hondurienne.  M. Suazo a mentionné le Programme d’insertion par le travail à l’heure qui a bénéficié à 146 270 personnes dans sa première année de mise en œuvre.  Un nouveau Service national d’emploi a été mis en place pour le mettre en œuvre, a-t-il précisé.  La création d’emplois résulte en grande partie de la revitalisation de la production nationale, a aussi expliqué M. Suazo, en parlant notamment du renforcement des secteurs de l’agroalimentaire et du tourisme.  Il a mentionné le programme d’éducation intitulé « Yes we can » qui propose une formation en anglais entièrement gratuite à tous les Honduriens.  Par ailleurs, le Honduras est membre de l’Alliance mondiale des cuisines propres qui vise à réduire de manière significative la consommation du bois comme combustible: plus de 55 000 de ces cuisines ont ainsi pu être installées.  En outre, une loi sur l’égalité de salaires entre hommes et femmes a été adoptée, une loi qui sanctionne sévèrement toute discrimination dans ce domaine.  La parité dans les élections est un autre objectif que poursuit le Gouvernement du Honduras, a ajouté le représentant.

M. CHOONGHEE HAHN (République de Corée) a insisté sur le fait que son pays appuie l’éducation et la formation pour multiplier les opportunités d’emplois chez les jeunes.  Le pays a aussi remplacé le terme « congé-maternité » par « congé parental » pour promouvoir son utilisation auprès des pères.  Dans le même temps, le secteur public montre l’exemple avec ses heures de travail flexibles pour aider les femmes à optimiser leurs capacités, et pour aider les personnes d’âge moyen et les personnes âgées à rester économiquement actives, le Gouvernement fournit des services de réemploi, y compris une formation gratuite dans les petites et moyennes entreprises à ceux qui vont prendre leur retraite ou quitter leur emploi.  Le secteur public convertit aussi, depuis 2013, 65 000 contrats à durée limitée en contrats à durée illimitée.  Il s’attaque également aux écarts salariaux, aux discriminations pour augmenter les salaires des bas revenus.  Renforcer la sécurité sociale est une autre priorité, a ajouté le représentant.  Enfin, les institutions et pratiques commerciales sont en train d’être reformées pour les garder conformes aux changements économiques et sociaux et créer un système de travail et d’emploi orienté vers l’avenir et reposant sur un marché du travail ouvert et juste. 

Mme PAULINA FRANCESCHI (Panama) a fait part de la réduction de 7% du taux de chômage depuis 10 ans et du fait que 96% de la population active travaille mais 35% dans le secteur informel, générant une asymétrie entre les travailleurs peu qualifiés et la demande.  Le manque de compétences constitue un défi et a donc été créée une « Haute Commission » chargée de définir la politique publique de l’emploi pour les postes techniques et professionnels.  La « Haute Commission » a élaboré une stratégie sur 7 à 10 ans.  Le Panama a aussi lancé « Bilingual Panama » pour apporter au système éducatif les compétences linguistiques nécessaires à une meilleure compétitivité sur le marché de l’emploi.  D’autres initiatives comme « My first job », « Capacitation for adults » et « Network opportunities » ont réussi à promouvoir la protection sociale, à améliorer l’accès à l’éducation et à développer les compétences de ceux qui vivent dans des conditions vulnérables comme les jeunes et les femmes.  La corrélation entre éducation de qualité et bien-être social devrait être une raison suffisante pour accroître les investissements dans l’éducation.

L’expérience a montré, a argué M. DAVID ROET (Israël), que l’emploi est un moyen direct de lutter contre la pauvreté absolue.  En Israël, le capital humain est la plus grande ressource naturelle.  Créé il y a 67, le pays, dépourvu de ressources naturelles, a dû compter sur le dur labeur et la détermination de sa population.  La société israélienne est composée d’une diversité de cultures, qui pourrait poser problème, mais qui offre aussi la chance de créer une économie robuste et viable.  Une des stratégies importantes de promotion de l’emploi repose sur l’intégration des populations vulnérables sur le marché du travail.  Elle fournit éducation et formation aux jeunes, aux personnes âgées, aux secteurs arabe et ultraorthodoxe, aux immigrants et aux personnes handicapées.  Un programme redonne, par exemple, une formation aux ingénieurs et informaticiens de plus de 45 ans pour les aider à se réintégrer.  Une autre initiative aide les femmes bédouines, arabes et ultraorthodoxes à lancer leur propre microentreprise et à assurer leur indépendance financière. 

Le taux de chômage d’Israël a chuté à 5% l’année dernière, s’est enorgueilli le représentant.  Grâce à la recherche et au développement, Israël est devenu l’un des leaders mondiaux des start-ups.  L’industrie des hautes technologies génère par exemple 7 000 nouveaux emplois par an, soit 2% de la population active d’Israël.  Le représentant a souligné que l’appui que son gouvernement offre à l’entreprenariat va bien au-delà des frontières israéliennes.  Il a d’ailleurs rappelé que la résolution biennale de l’ONU « Entreprenariat et développement » dont son pays est auteur vise à souligner le rôle « critique » de l’entreprenariat dans le développement durable.  Le représentant n’a pas manqué de parler des activités de MASHAV, l’agence nationale de coopération au développement. 

Mme JEANNE D’ARC BYAJE (Rwanda) a indiqué que son pays, après le génocide qui a laissé des millions de personnes dans une grande vulnérabilité, a développé une stratégie de protection sociale qui prévoit notamment des transferts en nature aux personnes nécessiteuses.  Plus récemment, le Gouvernement a lancé sa « Vision 2020 » pour accélérer la lutte contre la pauvreté, notamment en créant des emplois.  Nous cherchons à développer une économie axée sur le secteur privé, en mettant l’accent sur l’entreprenariat, a-t-elle précisé.  Elle a assuré que l’économie connaissait ainsi une transformation rapide, avec une croissance en forte hausse de plus de 8%, grâce au secteur des services qui est en pleine expansion.  Cette croissance a conduit à la création de plusieurs milliers de PME et, par conséquent, à la création de nombreux emplois, notamment pour les jeunes.  Investir dans la formation technique et professionnelle et créer une culture de l’entreprenariat sont des priorités pour le Rwanda.  Nous devons aussi investir dans la recherche et le développement, en appuyant le secteur des technologies.  En outre, Mme Byaje a conseillé d’investir dans les infrastructures et l’énergie, comme l’a fait son pays en mettant en œuvre un programme d’électrification en zone rurale.  Enfin, elle a plaidé en faveur de l’intégration régionale en Afrique, notamment pour que les jeunes puissent trouver des emplois dans la région sans avoir besoin de visa.

Mme INGRIT PRIZRENI (Albanie) a détaillé les priorités de la Stratégie nationale d’emploi 2014 à 2020.  Les règles du marché du travail ont ainsi été revues afin de faciliter la transition des individus vers un emploi décent avec l’apport notamment de services adaptés, a-t-elle dit.  L’offre de formation des jeunes et des adultes a en outre été développée grâce à des programmes ciblés, ce qui devrait faciliter l’accès aux emplois du secteur privé comme public.  La déléguée de l’Albanie a aussi expliqué que son gouvernement avait mis l’accent sur les groupes vulnérables, tels que les femmes et les filles.  « Nous sommes également en train de réformer le système de protection sociale afin d’établir un lien entre l’aide reçue et le retour sur le marché de l’emploi. »

M. SEBASTIÁN DI LUCA (Argentine) a remarqué que la communauté internationale s’accorde sur l’importance du travail décent et de la protection sociale dans le programme de développement pour l’après-2015.  Il a prôné la mise en œuvre de mécanismes durables pour que ces secteurs trouvent leur place dans l’économie formelle de chaque pays.  Nous avons toujours défendu, auprès du Groupe de travail à composition non limitée sur les objectifs de développement durable, la nécessité de prévoir un objectif distinct sur le travail décent, a-t-il dit.  Selon le représentant, le plein emploi et le travail productif doivent en effet être au cœur des efforts déployés pour lutter contre la pauvreté.  Ce sont des objectifs que poursuit le Gouvernement argentin avec pour objectif ultime d’augmenter le nombre des emplois de qualité.  L’année 2011 a d’ailleurs été déclarée « Année du travail décent, de la santé et de la sécurité des travailleurs ».  Le représentant a aussi fait valoir les progrès importants dans la promotion des emplois productifs, l’élargissement de la protection sociale, le respect des droits fondamentaux dans le travail et la promotion du dialogue social.

M. AMY HADDAD (Australie) a affirmé que dans les pays en développement, le secteur privé génère 90% des emplois, finance 60% de tous les investissements et fournit 80% des revenus de l’État.  Il faut, a-t-il estimé, dialoguer directement avec le secteur privé pour réaliser les objectifs de développement.  La politique « aide pour le commerce » de l’Australie relie d’ailleurs les entreprises des pays en développement aux chaînes régionales et mondiales d’approvisionnement, encourageant des liens commerciaux vitaux pour la croissance et le développement.  Il faut avoir un environnement favorable pour profiter d’une croissance durable et inclusive tirée par le secteur privé, génératrice d’emplois et de recettes publiques et réduisant la pauvreté.  La semaine dernière, le Gouvernement australien a lancé « innovation XChange » qui vise à appuyer l’innovation dans le programme national d’aide au développement. 

Il faut, a insisté le représentant, inclure les femmes dans les efforts pour stimuler une croissance plus forte, la région Asie-Pacifique perdant 50 milliards de dollars par an à cause des obstacles à l’emploi des femmes.  Le G-20 s’est d’ailleurs engagé à réduire de 25% d’ici à 2025 l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes dans la population active, y faisant entrer plus de 100 millions de femmes supplémentaires.  Les politiques de croissance et de création d’emplois, a conclu le représentant, doivent reposer sur une éducation et une santé de qualité et une bonne gouvernance, ce qui implique des institutions publiques fortes, stables et transparentes qui appuient la croissance du secteur privé et qui fabriquent des assiettes fiscales larges et bien équilibrées.

M. GARY FOWLIE, Union internationale des télécommunications (UIT), a indiqué qu’en termes de croissance économique et de création d’emplois, la fourniture d’un accès universel et abordable aux nouvelles technologies de l’information et des communications avait le potentiel de changer beaucoup de choses.  La Banque mondiale estime ainsi que pour chaque augmentation de 10% de la pénétration d’Internet à haut débit, le PIB des pays en développement augmente en moyenne de 1,38%.

Les femmes sont 200 millions de moins que les hommes à avoir accès à Internet.  Pourtant, a-t-il poursuivi, Internet leur permet d’améliorer leur éducation et leur productivité et d’accéder à de meilleurs emplois.  « Intel estime que l’accès de 600 millions de femmes et filles supplémentaires à Internet permettrait d’augmenter le PIB mondial de 13 à 18 milliards de dollars. »  En ce qui concerne les jeunes -ceux âgés de moins de 25 ans représentent 45% des utilisateurs d’Internet au monde-, l’accès aux technologies de l’information leur permet d’améliorer leur formation tout en développant l’esprit d’entreprise.

Il a enfin plaidé pour le développement d’une « alphabétisation digitale » permettant aux individus de se doter des nouvelles compétences afin d’occuper les postes de plus en plus nombreux à avoir un contenu technologique.  « C’est pourquoi nous proposons que le thème du segment de l’intégration de l’ECOSOC pour 2016 soit consacré à l’exploitation des technologies numériques aux fins du développement durable. »

Mme YAMINA DJACTA, Directrice du Bureau d’ONU-Habitat, a dit que les villes génèrent 80% du PIB mondial et 50% des emplois.  Les études montrent que sans urbanisation, très peu de pays ont réalisé une croissance économique durable, un développement social rapide et l’égalité entre les sexes.  Mais les inégalités sociales grandissantes dans les villes les empêchent de montrer leur potentiel économique.  À cet égard, la représentante a rappelé les stratégies et les politiques d’ONU-Habitat qui développent et diffusent des approches intégrées pour améliorer la productivité, la compétitivité et la croissance économique inclusive des villes par le renforcement des capacités locales et en partenariat avec les autorités urbaines, les leaders des communautés, le secteur privé et d’autres parties prenantes.

Pour permettre la croissance de l’emploi, les politiques des villes et des pays devraient se focaliser sur une bonne urbanisation et sur une bonne connectivité, des investissements dans l’éducation et la formation, des investissements dans le logement, les infrastructures et l’énergie renouvelable; et un climat des affaires promouvant l’investissement, l’entreprenariat et l’innovation.  Comme une grande proportion des populations pauvres des villes travaille dans le secteur informel, les autorités urbaines devraient mettre en œuvre des politiques qui améliorent la productivité de ce secteur au lieu de chercher à le supprimer.  Des mécanismes d’appui aux petites entreprises et au travail indépendant sont « extrêmement » importants.

Pour promouvoir un développement conduit par les jeunes, ONU-Habitat a développé et mis en œuvre des modèles d’autonomisation économiques visant spécialement les jeunes urbains comme « One Stop Youth Centres » et « Ubran Youth Fund Projects ».  Ces modèles élargissent l’accès des jeunes à l’entreprenariat, aux moyens de subsistance et à la gouvernance, a encore indiqué la représentante. 

M. PAUL MASELI, Directeur à l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a relevé les difficultés que rencontrent les pays pour arriver à offrir un travail décent pour tous: ils se heurtent à une croissance économique sans emploi, à des emplois concentrés dans le secteur informel ou à faible rémunération, ou sans protection sociale, à l’exclusion des femmes et des jeunes, et à l’inadéquation entre les compétences individuelles et les exigences du marché du travail.  L’industrialisation revêt donc une importance particulière pour les pays en termes de création d’emplois décents.  Cela exige une transformation de l’économie.  Selon les dernières données de l’OIT, l’industrie générait 24% d’emplois en 2012, plus précisément 22% et 27% en Amérique latine et dans les Caraïbes, mais seulement 9% en Afrique subsaharienne.  M. Maseli a aussi parlé du problème que pose l’exportation de produits bruts en expliquant que c’est leur transformation qui crée des emplois.

En outre, a-t-il poursuivi, le marché du travail local n’a progressé que pour les emplois faiblement qualifiés.  Il a résumé le problème en accusant la structure de l’économie des pays en développement, ce qui confirme la nécessité d’une transformation structurelle afin de créer des emplois plus compétitifs.  Mais il faut aussi privilégier la qualité de l’emploi, a-t-il prévenu, car des emplois de qualité permettent une plus grande productivité et une plus grande sécurité.  Le représentant a aussi relevé que l’industrie a aussi l’avantage de promouvoir la recherche et le développement.  Le secteur formel offre quant à lui de plus grandes possibilités pour s’adapter à un marché du travail en pleine mutation.  En somme, l’industrialisation doit s’opérer de manière pérenne et juste, afin de parvenir au travail décent pour tous et au développement durable.

Moyens de mise en œuvre: le financement du développement et des partenariats pour un travail décent

Une discussion a été menée cet après-midi sur les moyens publics (subventions, créations d’emplois publics, formation des jeunes) et privés (assurance, investissements) de redynamiser le secteur de l’emploi, sous la direction de M. GEORGE TALBOT (Guyana), cofacilitateur des préparatifs de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, laquelle se tiendra en juillet prochain à Addis-Abeba.  Alors que le programme de développement pour l’après-2015 devrait être finalisé et adopté en septembre, M. Talbot a demandé aux participants de réfléchir aux conséquences politiques et financières de l’intégration du travail décent dans ce programme.

Quels sont les défis à relever pour financer le développement durable et pour réduire le chômage en Grèce, a tout d’abord demandé le modérateur à la Ministre déléguée au travail et à la solidarité sociale de la Grèce, qui participait à la discussion en vidéoconférence depuis Athènes.  Mme RANIA ANTONOPOULOS a rappelé que son pays entrait dans la cinquième année d’une récession causée par la politique d’austérité qui a conduit à un taux de chômage de 25%.  En Grèce, 76% des personnes sans emploi sont des chômeurs de longue durée et un jeune sur deux est au chômage.  Pour revenir aux taux de chômage d’avant la crise, soit 8 à 9%, la Grèce doit créer des emplois dans le secteur public, a-t-elle expliqué tout en soulignant les difficultés à trouver le financement nécessaire.  Le futur programme du secteur public vise à créer 52 000 emplois sur une période de deux ans.

En ce qui concerne les jeunes, il faut trouver les moyens d’améliorer leurs compétences.  Quelque 160 000 Grecs ont quitté leur pays ces derniers temps pour trouver un travail à l’étranger: « c’est la fuite des cerveaux », a craint la Ministre.  Face à toutes ces difficultés, elle a espéré trouver un accord dans quelques mois sur les moyens d’aller de l’avant.

Tout en saluant la décision de la Grèce de créer des emplois dans le secteur public, M. ROBERT SHILLER, lauréat du prix Nobel et Professeur d’économie à l’Université de Yale, a estimé que, pour favoriser la création d’emplois, il fallait en parallèle accorder des subventions au secteur privé.  Il a parlé du crédit fiscal qui a été mis en place aux États-Unis pour encourager les embauches dans les postes à faible revenu.  Face aux inégalités et aux incertitudes, il a proposé l’élargissement du programme visant le secteur des assurances.  Le Professeur a donné l’exemple de « African Risk Capacity », une assurance pour les États en Afrique. 

Répondant à une question de la délégation de l’Allemagne, il a précisé que les assurances pouvaient aussi être souscrites par des individus: assurance contre le risque de chômage, contre le risque immobilier ou encore assurance-vieillesse.  Sa théorie est qu’il vaut mieux avoir dès à présent un plan pour préparer l’avenir plutôt que d’attendre qu’un risque se réalise et essayer d’y faire face.  Prévenant que les inégalités allaient se creuser, il a misé sur l’idéalisme pour mieux se préparer à l’avenir.

Craignant que le système social ne puisse pas être financé durablement, M. MARTIN KHOR, Directeur exécutif du Centre Sud, a recommandé de solidifier le secteur de l’économie.  Il faut des règles au niveau mondial pour réduire les inégalités.  Si l’Organisation mondiale du commerce (OMC) invite à libéraliser les économies et à conclure des accords de libre-échange, on constate néanmoins que les principes contraires sont encore dominants, a-t-il dit, citant certains accords de partenariats entre l’Union européenne et les États-Unis.  Les préférences commerciales ont disparu, avec pour conséquence, que les produits des pays en développement ne peuvent plus faire face à la concurrence.  M. Khor a aussi dénoncé certaines clauses non commerciales relatives notamment aux droits de propriété intellectuelle.  Les médicaments risquent ainsi de devenir inabordables dans les pays en développement et même dans les autres, a-t-il prévenu.

Si chaque pays doit être en mesure d’accroître ses exportations en faisant des bénéfices, ce n’est pas toujours le cas, a regretté l’expert.  Il ne s’agit pas de suivre une démarche mercantiliste, a-t-il assuré, mais d’adopter des politiques commerciales équilibrées pour arriver au final à améliorer la situation de l’emploi. 

Pour revenir au problème de la qualification des demandeurs d’emploi, le représentant du Botswana a dit l’évidence suivante: il ne sert à rien de créer des emplois si la population n’a pas les compétences nécessaires.  Le Directeur exécutif du Centre Sud a confirmé qu’il fallait en priorité former les personnes et a souligné à cet égard l’influence de la demande nationale et de la demande extérieure.  « C’est la mondialisation qui détermine la pertinence des compétences », a finalement résumé la Ministre grecque.

« Il y a d’un côté une élite, qui parle plusieurs langues et peut obtenir un emploi dans d’autres pays, et, de l’autre, les laissés-pour-compte », a constaté le Professeur de Yale.  Pour mieux armer les jeunes, il a recommandé de leur enseigner comment mener une « réflexion experte », c’est-à-dire une pensée large et profonde, et les doter de capacités humaines de communication.

À la recherche de 600 millions d’emplois

M. ALI VELSHI, Présentateur à Al Jazeera America, a invité les participants à parler simplement, avant de demander à M. ALEXANDER MORA, Ministre du commerce extérieur du Costa Rica, quel est le plan du Gouvernement pour aider le secteur privé à créer des emplois?  En trois décennies, a répondu le Ministre, le Costa Rica a réussi à tripler son PIB par habitant tout en échouant à inverser la courbe du chômage.  Il a attribué cet échec aux gouvernements précédents qui avaient axé les politiques de développement sur les secteurs modernes de l’économie mondiale.  La concurrence internationale a certes conduit à la modernisation du cadre réglementaire mais la protection du citoyen a été oubliée, avec pour conséquence l’inadéquation entre le système éducatif et le marché du travail. 

Le Gouvernement actuel a donc créé un programme qui a pour ambition de réduire d’un quart le chômage, cette année, grâce à la stimulation du marché intérieur et à la relance du partenariat public-privé.  Le débat sur le système éducatif a conduit à placer l’accent sur les secteurs techniques, la simplification du cursus universitaire, l’amélioration de la qualité de l’emploi et les réformes favorables aux petites et moyennes entreprises et aux microentreprises.  Nous visons une meilleure répartition des richesses, a déclaré le Ministre.

Quelles pourraient être les conséquences du prix de l’énergie sur la création d’emplois?  Mme MARIE-JOSÉ NADEAU, Présidente du Conseil mondial de l’énergie et Secrétaire générale d’Hydro-Québec, a répondu qu’en 2050, les énergies renouvelables occuperont une part de 20 à 25% dans la création d’emplois dans le monde.  Quelque 20 millions d’emplois pourraient être créés d’ici à 2030.  Le secteur du photovoltaïque, par exemple, a besoin de beaucoup de personnel qualifié, comme on le voit en Chine et aux États-Unis.  Comment créer ces emplois dans d’autres pays?  Par deux éléments déclencheurs: une politique énergétique forte et cohérente et un marché national. 

Les pays en développement doivent se focaliser sur les petites exploitations agricoles qui créent 1 milliard d’emplois dans le monde, sachant que de manière générale, le secteur privé génère 70% des emplois et 75% aux États-Unis, par exemple, a poursuivi M. PAVAN SUKHDEV, Fondateur et Administrateur de GIST Advisory (Inde).  Le secteur privé doit être conscient de sa responsabilité sociale, a renchéri M. N. S. RAJAN, Chef de la Section des ressources humaines et membre du Conseil exécutif du groupe de Tata Group (Inde).  Il doit se préoccuper de la place des femmes et créer des espaces pour qu’elles puissent se reposer ou s’occuper de leurs enfants.  Depuis 1930, sans attendre les instructions du Gouvernement, le Groupe Tata le fait mais il est vrai que les fondations sont entrées dans son capital.

Si les gouvernements, les femmes et les jeunes peuvent être formés à saisir les opportunités d’emplois dans le secteur de l’énergie, a insisté la Secrétaire générale d’Hydro-Québec, avant que le Ministre du commerce extérieur du Costa Rica ne souligne que son pays fonctionne depuis 83 jours, complètement aux énergies renouvelables.  Le Gouvernement détient 20% du territoire et 100% de ces 20% sont consacrés à l’économie verte, génératrice d’emplois, dont l’écotourisme qui pourvoie 11% des emplois.  Le « Programme bleu » aura aussi un impact sur l’emploi car l’espace marin est 11 fois plus grand que l’espace terrestre.  Une nouvelle stratégie pour accélérer la création d’emplois a été développée dans le secteur animalier dans le but notamment d’améliorer les « relations avec les autres êtres vivants, les animaux ».  C’est un rêve comme notre décision de supprimer l’armée en 1949 mais nous y tenons, a précisé le Ministre. 

Quid de l’écart salarial?  Le Ministre du Costa Rica a reconnu qu’il n’y avait pas de solutions faciles à cette question, dans un pays qui d’ici à 2018, a prévu de consacrer 8% de son PIB à l’éducation pour notamment améliorer les compétences des femmes.  Il faut une approche globale et un dialogue avec tous les partenaires pour identifier les pratiques exemplaires.  Des solutions « simples » sont venues de la Secrétaire générale d’Hydro-Québec: la multiplication des crèches dans les entreprises, l’aménagement du temps de travail et puis la réforme du cadre juridique. 

L’important est d’avoir des femmes à tous les niveaux et non pas dans un ou deux niveaux ou un ou deux secteurs, a tranché l’Administrateur de GIST Advisory.  Le Ministre costaricien a prévenu que le Gouvernement ne peut faire ce travail seul.  Il a fait part de la création d’un « Conseil de la formation » qui réunit Gouvernement et secteur privé pour trouver la bonne formule en matière d’éducation et de formation.  Au Costa Rica, 8% de la population active a été formée en grande partie par le secteur privé.  En Inde, a indiqué l’Administrateur de GIST Advisory, comme 15% des ingénieurs partent travailler aux États-Unis et au Royaume-Uni après leurs études, il est regrettable que le capital dépensé pour leur formation ne soit pas comptabilisé dans les actifs des sociétés et du pays.  Les investissements sociaux doivent être comptabilisés dans les entreprises, a acquiescé le représentant du Groupe Tata.  Qu’en est-il de l’obligation faite aux entreprises indiennes de s’investir dans le social? a demandé la représentante de l’Allemagne.  Après l’adoption de la loi, les entreprises étaient tenues de consacrer 2% de leurs bénéfices à des projets sociaux.  Quelque 10% des entreprises indiennes y sont parvenues mais la loi ne prévoit pas d’amendes pour celles qui ne le font pas, a expliqué l’Administrateur de GIST Advisory.

Déclarations de clôture

M. VLADIMIR DROBNJAK, Vice-Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a souligné que la croissance économique n’avait pas généré les emplois escomptés, en raison d’une demande insuffisante.  Une taxe sur le carbone et les transactions financières pourrait stimuler l’économie, a-t-il estimé.  Rappelant que l’industrialisation et le développement des infrastructures étaient les piliers de la création d’emplois en Afrique, il a indiqué que ce continent devait recevoir une juste part des 600 millions d’emplois dont le monde a besoin.  M. Gass a ensuite souligné la nécessité de doter les jeunes des compétences recherchées sur le marché de l’emploi, avant de dire qu’il n’y avait pas à choisir entre création d’emplois et environnement durable, puisqu’ils se renforcent mutuellement.

« Et maintenant?  Que faisons-nous pour que les conclusions de ce segment soient suivies d’effet », s’est-il interrogé.  Il a indiqué que son Département et l’OIT œuvraient à l’établissement d’un réseau mondial de toutes les parties prenantes à la création d’emplois décents pour un développement durable.  « Ce réseau sera la contribution de l’ECOSOC face à ce défi aux proportions monumentales ».  Enfin, il a repris à son compte l’idée de l’UIT de consacrer le thème du segment de l’intégration de l’ECOSOC en 2016 à l’exploitation des technologies digitales aux fins du développement durable.

M. GUY RYDER, Directeur général de l’OIT, a récapitulé les principales conclusions auxquelles sont parvenus les participants au cours de ces trois jours de discussion.  Il a plaidé pour un vaste éventail de politiques, coordonnées au niveau mondial, afin de relever les principaux défis économiques, à commencer par la recherche de ces 600 millions d’emplois.

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