7572e séance – matin
CS/12148

Émaillée de tensions politiques, l’Afrique centrale subit aussi les répercussions de la crise en République centrafricaine, souligne le Représentant spécial

Le regain de violences en République centrafricaine, à l’origine de vagues de personnes déplacées et de violations des droits de l’homme, est l’un des faits les plus marquants des six derniers mois en Afrique centrale, une région déjà confrontée à des tensions politiques, a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général pour cette sous-région, M. Abdoulaye Bathily.

Venu présenter ce matin, devant le Conseil de sécurité, le dernier rapport en date du Secrétaire général sur les activités semestrielles du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) qu’il dirige, M. Bathily a expliqué que l’aggravation des violences interconfessionnelles en République centrafricaine a affaibli le processus de réconciliation nationale et favorisé la prolifération des armes de petit calibre et la criminalité qui y est liée.

« Dans ce contexte, la visite du pape François en République centrafricaine, les 29 et 30 novembre derniers, s’est avérée opportune », s’est félicité M. Bathily, en confiant que le message du Souverain pontife et ses prières –adressées dans des églises et des mosquées– avaient été accueillis par les habitants comme des « symboles d’espoir ». 

Pour le Représentant spécial, il est plus que jamais « crucial » d’accélérer la mise en œuvre des recommandations du Forum de Bangui sur la réconciliation nationale centrafricaine, notamment en ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité et des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.

Il est tout aussi important que les élections présidentielles et législatives se déroulent de manière pacifique pour achever la transition, a poursuivi le Représentant spécial, en annonçant au Conseil son intention d’user de ses bons offices pour aider les parties prenantes de différents pays de la sous-région à résoudre par des voies pacifiques leurs différends.  Plusieurs échéances électorales sont prévues au cours des mois à venir, a-t-il rappelé.

Considérant Boko Haram comme « une menace très grave à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans la région », le Représentant spécial a ensuite précisé qu’au cours de la période à l’examen, le groupe armé avait été responsable de tueries et autres attaques contre des civils et des militaires, en particulier au Cameroun et au Tchad.

La proximité d’autres conflits dans la région, combinés à des risques de radicalisation et à la pauvreté chronique de populations déjà marginalisées, demeure une préoccupation majeure, a poursuivi M. Bathily.  L’afflux de réfugiés dans la région du Bassin du Lac Tchad pèse lourdement sur les capacités des gouvernements concernés à prêter assistance à ces nouveaux arrivants, alors qu’un nombre important de personnes déplacées et de rapatriés ont déjà besoin d’une aide urgente.

Si Boko Haram a été affaibli par l’intensification de la campagne militaire lancée par les pays concernés, le groupe a toutefois commencé de s’en prendre à des cibles « plus faciles ».  Quant aux efforts en cours pour opérationnaliser la Force multinationale mixte (FMM), ils soulignent l’engagement de la Commission du bassin du Lac Tchad et du Bénin en vue de coordonner leur action commune contre Boko Haram, s’est félicité M. Bathily.

« Nous espérons sincèrement que le sommet conjoint des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique centrale et de l’Ouest, dont l’objectif est d’explorer des moyens concrets de lutte contre les causes profondes du terrorisme et de la radicalisation, sera organisé dans les meilleurs délais », a souhaité le Chef du BRENUAC.

Le 26 novembre dernier, a-t-il précisé, le Secrétaire général de l’ONU avait salué l’adoption, par le Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC), d’une « stratégie régionale intégrée de lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes légères et de petit calibre » en Afrique centrale, qui est assortie d’un plan d’action.

Convaincu que la solidarité des partenaires internationaux avec les États de la sous-région est cruciale, le Représentant spécial a estimé que le soutien à la Force multinationale mixte devrait trouver sa place dans le cadre d’une approche « holistique » faisant la part belle à des programmes de relèvement et de développement.

Si les meurtres et attaques perpétrés par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) ont décliné au cours de la période à l’examen, la menace posée par ce groupe armé ne doit en aucun cas être « sous-estimée », a ensuite mis en garde le Représentant spécial.  La LRA s’est « adaptée » à « notre réponse collective vigoureuse » en faisant profil bas, en gagnant du temps et en profitant des lacunes existant en matière de coordination, a-t-il dit.

Le groupe armé compte ainsi sur l’« usure » et les « priorités concurrentes » pour faire obstacle à ceux qui sont déterminés à le neutraliser.  « Nous ne devons pas tomber dans ce piège », a ajouté le Représentant spécial.  Le BRENUAC, a-t-il assuré le Conseil de sécurité, continuera à mettre en œuvre la stratégie régionale des Nations Unies contre la LRA.

En septembre dernier, en étroite coopération avec l’Union africaine (UA), le Bureau avait convoqué la réunion de coordination biannuelle des points focaux de la LRA à Entebbe, en Ouganda.  Le mois dernier, l’Envoyé spécial de l’Union africaine pour la question de la LRA, le général Jackson Tuwei, s’était rendu en République démocratique du Congo pour y dynamiser les efforts de lutte et y renforcer la coordination, y compris transfrontalière, notamment avec la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO).

S’exprimant par visioconférence depuis Nairobi, M. Tuwei a confirmé la gravité de la menace posée par la LRA pour les civils de certaines zones du Soudan du Sud, de l’est de la République centrafricaine et du nord-ouest de la RDC.  Estimant à 230 le nombre d’individus lourdement armés qui sont aux ordres de Joseph Kony, le général Tuwei a expliqué que le groupe armé dispose de sanctuaires centrafricains et tire ses revenus de la contrebande de l’ivoire et du pillage de mines aurifères.

« Tant que Joseph Kony sera leur leader, la LRA continuera de se livrer à des activités criminelles et à profiter de lacunes sur le plan sécuritaire », a-t-il prévenu.  Dans ce contexte, l’Union africaine n’a pas assez de troupes pour surveiller de vastes portions de territoires, a-t-il regretté.  Des groupes comme les Janjaouites et les rebelles Séléka posent un défi supplémentaire en coopérant avec la LRA.  C’est pourquoi, il a lancé un appel aux partenaires internationaux pour qu’ils renforcent leur appui financier et politique à la Force régionale de l’Union africaine.

Enfin, le Représentant spécial a mis l’accent sur l’augmentation du nombre d’actes de piraterie commis dans le golfe de Guinée, en particulier le long de la péninsule de Bakassi.  Outre les vols, des viols ont également été commis, ce qu’il a qualifié de « phénomène nouveau et inquiétant ».  Malheureusement, a fait observer M. Bathily, peu de progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre des décisions du Sommet de Yaoundé de 2013, au cours duquel le Centre de coordination interrégional sur la sécurité maritime dans le golfe de Guinée avait été opérationnalisé.

« J’encourage l’Union africaine à tenir, dès que possible, le Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement sur la sécurité maritime et le développement de l’Afrique, initialement prévu à Lomé en novembre », a conclu le Représentant spécial.

 

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