7497e séance – matin
CS/11988

Staffan de Mistura propose de constituer des groupes de travail composés de Syriens pour préparer l’application du Communiqué de Genève

Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a exhorté, ce matin, les membres du Conseil de sécurité à appuyer la proposition de son Envoyé spécial pour la Syrie, qui vise à lancer un processus politique permettant aux Syriens de négocier un accord cadre sur les aspects de la mise en œuvre du Communiqué de Genève.  Si le Conseil ne soutient pas cette proposition, le monde attendra de lui qu’il trouve une autre solution viable, a-t-il prévenu, en dénonçant une situation qui constitue un « symbole honteux des divisions et de l’échec de la communauté internationale ».

Après avoir entendu, hier, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires décrire une crise humanitaire de plus en plus grave en Syrie, le Conseil de sécurité a, aujourd’hui, examiné le volet politique de cette crise qui pourrait ouvrir un nouveau chapitre.  Le Secrétaire général, comme son Envoyé spécial, ont rappelé que le processus politique devrait continuer à se baser sur le Communiqué de Genève, qui constitue selon eux « le seul document internationalement agréé ».

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a donc formulé une proposition qui consiste à inviter les Syriens à discuter de plusieurs thèmes, parallèlement aux Consultations de Genève lancées le 5 mai qui avaient déjà réuni 216 personnes à Genève et dans d’autres capitales.  Il s’agit d’approfondir, au sein de « groupes de travail », les points clefs du Communiqué qui ont été identifiés comme tels lors de la première phase de ces consultations, a-t-il expliqué.

Pour M. de Mistura, il est important que la transition soit graduelle et bien gérée afin d’éviter les problèmes qui ont surgi en Libye et en Iraq.  Il a expliqué que sa proposition s’appuyait sur l’analyse des consultations menées auprès du peuple syrien qui a été consulté, pour la première fois, sur ces sujets.  « Nous avons ainsi conclu qu’il était possible de mettre en œuvre progressivement le Communiqué de Genève, a-t-il dit, même s’il reste des divergences, en particulier concernant un organe de gouvernement de transition.

Comme il est encore très difficile d’obtenir un accord sur la mise en œuvre du Communiqué de Genève dans le contexte actuel, et que beaucoup ne sont pas prêts à convoquer une conférence internationale Genève II, a indiqué M. de Mistura, il a demandé aux Syriens de constituer des groupes de travail pour parler des quatre thématiques suivantes: « sécurité et protection pour tous », ce qui inclut la fin du siège, l’accès aux services médicaux et la libération des détenus; « questions politiques et constitutionnelles », dont les principes essentiels, l’organe de gouvernement de transition et les élections; « questions militaires et de sécurité », dont la lutte contre le terrorisme, les cessez-le-feu et l’intégration des forces; et « institutions publiques, reconstruction et développement ».  Ce dernier point comprend les institutions chargées de fournir des services publics sous la direction d’un gouvernement acceptable par tous et agissant dans le respect des principes de la bonne gouvernance et des droits de l’homme.

M. de Mistura a espéré que ces groupes de travail pourraient commencer à travailler pour aboutir à un « document-cadre » de mise en œuvre du Communiqué de Genève qui émane des Syriens eux-mêmes.  Il a estimé que ces travaux pourraient tirer parti d’autres travaux importants menés dans le cadre d’autres initiatives, dont celles de Moscou, du Caire, de Paris et d’Astana.

Un comité directeur ou un organe de coordination composé de Syriens devrait diriger les efforts de ces groupes de travail et les autres efforts en cours si possible, a-t-il proposé avant de souligner également la nécessité de prévoir, dans le « document-cadre » attendu, un organe de gouvernement transitoire, des procédures de dialogue national, le processus de rédaction de la Constitution et des questions de justice transitionnelle.

À l’instar du Secrétaire général, M. de Mistura a mis l’accent sur la nécessité d’obtenir l’appui du Conseil de sécurité afin de convaincre tous les Syriens et les acteurs régionaux de s’engager dans ce processus.  Il a indiqué qu’il envisageait aussi de former un groupe de contact pour concrétiser un mécanisme international de soutien à ce processus.

De son côté, le Secrétaire général s’est dit prêt à convoquer une conférence internationale de haut niveau pour entériner toutes les recommandations ou tout accord qui résulteraient de ce processus politique mené par les Syriens. 

« J’exhorte le Conseil de sécurité, les voisins de la Syrie et les puissances régionales qui appuient les parties syriennes à faire tarir les flux d’armes vers le pays », a lancé M. Ban, réfutant l’idée que cette guerre puisse être résolue par la voie militaire.  Il a aussi conseillé de s’appuyer sur l’élan donné par l’unanimité qui a prévalu lors de la signature de l’accord sur le programme nucléaire iranien.

« Le statu quo en Syrie est inacceptable », a dit le Secrétaire général après avoir rappelé le lourd bilan de « plus de quatre années de massacres » dans un pays qui est confronté à « la plus grande crise humanitaire au monde ».  Au moins 250 000 Syriens ont été tués tandis que près de la moitié de la population du pays, soit 12 millions de personnes, ont dû quitter leur foyer pour se réfugier en Turquie, au Liban, en Jordanie ou en Iraq.  Il a aussi parlé de ceux qui tentent la traversée de la mer Méditerranée dans des « embarcations de la mort ».

Il s’est élevé contre l’absence totale de reddition de comptes pour les graves violations de droits de l’homme qui ont été commises dans ce pays au cours de ces quatre dernières années de conflit et de décennies de répression, dénonçant notamment l’utilisation d’armes chimiques et d’engins létaux tels que le largage de barils d’explosifs.  En outre, a-t-il constaté, le conflit a permis aux groupes terroristes comme Daech et le Front Al-Nosra de monter en puissance et a nourri les divisions sectaires et la radicalisation.  Il a aussi regretté que le financement des activités humanitaires soit toujours dépassé par l’ampleur titanesque des besoins.

« Nous devons donc examiner ce que nous pouvons faire de plus pour mettre fin au carnage et nous acquitter de nos responsabilités », a insisté le Secrétaire général.

Le 28 mars dernier, a rappelé M. Ban, il avait demandé à son Envoyé spécial pour la Syrie de redoubler d’efforts pour permettre l’application du Communiqué de Genève, document qui avait été entériné par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2118.  Il a souligné que ce document restait la seule base agréée sur le plan international pour régler la crise par la voie politique.

Avant l’exposé de son Envoyé spécial, le Secrétaire général a précisé que M. de Mistura se limiterait à présenter la synthèse de ce qu’il a entendu au cours de sa rencontre avec un groupe inclusif et représentatif des parties syriennes et non syriennes.  Il a aussi expliqué qu’il y avait des points de rapprochement sur lesquels il était possible d’édifier un processus politique crédible.

« Personne ne veut risquer le chaos que provoquerait une transition non contrôlée à Damas », a assuré le Secrétaire général, en faisant siennes les préoccupations de nombreux syriens, convaincus que leur pays entre maintenant dans un cycle de radicalisation et de fragmentation.  Certains craignent aussi une « guerre régionale par procuration » à laquelle les Syriens ne pourraient y faire face.  Alors que la situation se détériore, les Syriens estiment que l’espoir de parvenir à une solution politique s’éloigne.

M. Ban a également souligné la volonté des Syriens de rester les maîtres de leur propre avenir, sans intervention extérieure.  Le peuple syrien rejette la violence, l’extrémisme et le terrorisme.  Il est favorable à une société multiconfessionnelle, inclusive, qui soit érigée sur la base des droits de l’homme et de l’état de droit, a-t-il dit.

Il ressort des consultations que la question d’un organe de transition doté de pouvoirs exécutifs pleins et entiers reste la priorité absolue pour l’opposition, a-t-il ajouté, tout en faisant observer que le Gouvernement syrien juge inconstitutionnelle la création d’un tel organe.

Même si la situation est difficile, il n’y a pas d’obstacle insurmontable, a assuré le Secrétaire général en soutenant la proposition de son Envoyé spécial.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.