7383e séance – matin
CS/11783

Le Représentant spécial pour l’Iraq, M. Nicolay Mladenov, présente au Conseil de sécurité les progrès et les défis persistants dans le pays, comme la lutte contre l’EIIL

Au cours d’une séance d’information du Conseil de sécurité, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général dans ce pays, M. Nicolay Mladenov, dont la mission prend fin, a lancé un appel au Gouvernement iraquien pour qu’il mette rapidement en œuvre le Programme ministériel et l’Accord politique qui permettront à l’Iraq de progresser sur les plans politique, économique et social.  En matière de sécurité, il a recommandé d’adopter la loi créant la garde nationale, de reconstituer les forces armées sur une base véritablement nationale, et d’agir de manière inclusive pour contrer la menace de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL).  Il a également lancé un appel pour lever les 150 millions de dollars nécessaires à l’aide humanitaire en faveur des personnes déplacées.

Intervenant également à cette séance, le représentant de l’Iraq, M. Mohamed Ali Alhakim, a confirmé que le Gouvernement iraquien continuait d’accomplir des progrès importants malgré les problèmes sécuritaire, humanitaire et économique, tout en agissant en priorité dans la lutte contre l’EIIL.

En présentant pour la dernière fois le rapport* du Secrétaire général sur la Mission d’assistance des Nations Unies en Iraq (MANUI), dont il est à la tête, M. Mladenov s’est dit « optimiste et paranoïaque ».  « Optimiste parce que, malgré une année de crise en matière de sécurité, les dirigeants politiques, communautaires et religieux de l’Iraq ont fait preuve d’unité pour sauver leur pays de la terreur.  Aujourd’hui, plus que jamais, les principes de la démocratie, de l’état de droit, du respect de la diversité et de l’inclusion sont considérés par tous comme les fondements du pays. »

« Je suis paranoïaque car, a-t-il dit, les efforts peuvent dévier de leur cours. »  L’EIIL contrôle actuellement la majorité des provinces occidentales de l’Iraq, a-t-il précisé, avant de souligner qu’il était nécessaire de soutenir les fragiles efforts menés en faveur de l’unité et de la réconciliation.

Le Représentant spécial a salué les mesures importantes prises par le Gouvernement iraquien depuis sa formation, en janvier 2014.  Il s’est ainsi félicité de l’esprit de compromis qui prévaut dans la réforme des institutions, la reconstruction économique et sociale, ainsi que la réconciliation.

Parallèlement à ces efforts, le Gouvernement iraquien doit urgemment reconquérir le territoire pris par l’EIIL, a-t-il fait remarquer, en soulignant les mesures prises dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité pour faire face au terrorisme.  À cet effet, une aide militaire et financière a été promise aux dirigeants locaux et aux combattants des tribus pour les aider à faire face à l’EIIL, tandis que 4 000 Iraquiens d’Anbar et de Ninive se sont mobilisés dans les forces locales pour la libération des provinces sous le contrôle d’EIIL. 

M. Mladenov a également prôné l’inclusion politique dans la lutte contre l’EIIL, en vue de faire participer à la solution tous les dirigeants politiques, religieux et communautaires.  Il s’est félicité, à cet égard, de la table ronde sur la cohésion sociale organisée récemment à Bagdad et du Programme de réconciliation communautaire mené par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a aussi salué l’accord historique conclu entre le Gouvernement fédéral et le Gouvernement régional du Kurdistan, ainsi que la coopération entre les forces de sécurité iraquiennes, les Peshmerga, les volontaires, les communautés locales et les forces de la coalition internationale anti-EIIL.

En dépit de ces étapes positives, le Représentant spécial a mis en garde contre les risques encourus à cause du conflit armé et des actes de terrorisme.  En 2014, au moins 12 000 civils ont été tués et plus de 23 000 ont été blessés, a-t-il indiqué.  Pour le mois de janvier 2015, il y a eu 2 790 morts et 1 500 blessés.  M. Mladenov a déploré les attaques quasi quotidiennes contre les civils, en particulier contre les Chiites et les autres minorités ethniques et religieuses du pays.  « Les informations qui nous sont communiquées sur les violations massives des droits de l’homme commises par l’EIIL sont terribles », a dit M. Mladenov, qui s’est aussi inquiété des attaques commises en représailles contre la communauté sunnite dans les zones libérées.

Tout cela menace la cohésion de l’Iraq, a-t-il prévenu, en enjoignant au Gouvernement iraquien d’agir rapidement et de façon déterminée pour reprendre le dessus face aux groupes armés.  Il a aussi demandé aux partis politiques de faire preuve de retenue dans leurs déclarations.  M. Mladenov s’est par ailleurs félicité de la décision du Gouvernement iraquien de mener une enquête sur le massacre de Barwanah.  Il a également noté les efforts du Parlement pour débloquer 500 millions de dollars en vue de la reconstruction dans les zones libérées de l’EIIL.

Le plus urgent, a-t-il dit, est d’apporter une aide aux 2 millions de personnes déplacées.  Au total, 5,2 millions de personnes nécessitent une aide humanitaire, dont 235 000 réfugiés venus de Syrie.  La population du Kurdistan a augmenté de 30% à cause de ce flux de personnes.

C’est pourquoi, M. Mladenov a tiré la sonnette d’alarme.  Au cours des prochaines semaines, a-t-il dit, 60% des opérations humanitaires en Iraq vont devoir fermer leurs portes à cause du manque de financement.  Nous avons besoin de 150 millions de dollars pour aider les personnes déplacées, a-t-il précisé.  La communauté internationale, a-t-il insisté, doit apporter le soutien nécessaire aux opérations humanitaires.  Le Représentant spécial a également souhaité voir le pays progresser sur les plans économique et social, afin notamment de réduire la pauvreté dans le sud du pays et de permettre le retour des personnes déplacées.

Au cours de cette séance, M. Mladenov a également présenté le cinquième rapport** du Secrétaire général sur la question des nationaux du Koweït et d’États tiers portés disparus ainsi que des biens koweïtiens disparus, notamment les archives nationales.  Il s’est dit déçu par le manque de progrès tangibles depuis plusieurs années.

La MANUI a continué à mettre l’accent sur les témoins et sur la nécessité d’utiliser les avantages de la science et des technologies, a-t-il dit.  L’équipe compétente essaye de joindre un témoin qui pourrait peut-être localiser une sépulture qui contiendrait 180 restes humains.  Mais, c’est aux parties qu’il appartient en priorité de faire avancer ce processus, a estimé le Représentant spécial.

En concluant sa présentation, M. Mladenov a averti qu’il faudrait du temps pour panser les blessures après des décennies de dictature, de conflit et de terrorisme.  Cela ne se fera pas sans unité et réconciliation, a-t-il dit, en émettant l’espoir que les Iraquiens qui se sont élevés pour défendre leur pays l’an dernier et qui n’ont pas hésité à se rendre aux urnes malgré les attentats pourront relever le défi.

Après avoir salué l’adoption récente de la résolution visant à assécher les sources de financement du terrorisme, le représentant de l’Iraq a fait valoir que l’Assemblée iraquienne avait approuvé le budget fédéral pour 2015, « un pas fondamental pour relancer l’économie iraquienne », selon lui.  En outre, le Gouvernement iraquien a eu des contacts intensifs avec les dirigeants politiques, les clans et les chefs religieux pour parvenir à la réconciliation, conclure un pacte national et lancer « un message d’unité ».

Pour assurer la sécurité dans le pays, le représentant a mis l’accent sur la nécessité pour les Peshmergas de coopérer avec les mouvements populaires.  Il a aussi estimé que l’accord politique conclu avec le Gouvernement régional du Kurdistan ouvrait la voie à un accord à long terme.

S’agissant de l’état de droit et de la lutte contre la corruption, le Gouvernement iraquien a entrepris un programme de réforme aux niveaux administratif, législatif et judiciaire et s’efforce de créer les conditions propices pour attirer les investisseurs étrangers.  Il s’est engagé à protéger les droits fondamentaux des personnes détenues dans les prisons iraquiennes.  De plus, a expliqué M. Alhakim, un décret a été promulgué pour enquêter sur les informations reçues par la MANUI selon lesquelles les forces de sécurité iraquiennes et les groupes armés affiliés ne respecteraient pas pleinement le droit international humanitaire et des droits de l’homme, notamment les principes de distinction et de proportionnalité lors des opérations militaires.

Affirmant la nécessité d’une coalition internationale pour combattre le terrorisme, le représentant a évoqué les groupes terroristes qui commettent « des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, qui doivent être poursuivis devant la justice internationale ».  Il a souligné le besoin des Forces armées iraquiennes, en coopération avec les Peshmergas, de lutter contre le terrorisme.  « 2015 sera une année jalon pour le Gouvernement iraquien qui va libérer toutes les zones contrôlées par l’EIIL, avec l’appui de la communauté internationale », a-t-il dit.

Le représentant iraquien a, une fois de plus, suggéré la mise en place d’un fonds pour la reconstruction des zones du nord et de l’ouest de l’Iraq.  Il a aussi assuré que l’Iraq continuait de promouvoir des relations de bon voisinage avec tous ses voisins, y compris le Koweït, notamment pour renforcer la coopération dans les domaines de la sécurité et du commerce du pétrole.  Il a dit attendre avec intérêt de « pouvoir établir des relations meilleures encore avec le Koweït » et a assuré que son pays entreprenait des efforts résolus pour identifier les dépouilles des Koweïtiens et les archives disparues.  Enfin, il s’est félicité du rôle de la coalition internationale sous l’égide des États-Unis, des membres permanents du Conseil de sécurité et des États arabes.

 

*     S/2015/82
**    S/2015/70

 

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