7355e séance – après-midi
CS/11726

Conseil de sécurité: le Ministre des affaires étrangères du Mali déclare que les solutions aux crises malienne et libyenne sont indissociables

Le Ministre malien des affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop, a relevé cet après-midi, au cours d’une séance publique du Conseil de sécurité dévolue à l’examen de la situation au Mali, que les solutions aux crises sécuritaires qui secouent le Mali et la Libye sont indissociables, puisque « la crise malienne est consécutive à la crise libyenne ».

Au cours de cette réunion, la première de l’année 2015, le Conseil de sécurité, qui était saisi d’un rapport du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, sur le Mali et d’une lettre adressée le 23 décembre dernier par M. Ban au Président du Conseil*, accueillait aussi cinq nouveaux membres élus pour un mandat de deux ans, à savoir l’Angola; la Bolivie; l’Espagne; la Malaisie et la Nouvelle-Zélande.

Le Ministre malien des affaires étrangères a, dans son propos rappelé que le Mali avait proposé au Conseil, le 8 octobre dernier, la mise en place, sur le modèle de la brigade d’intervention rapide créée au sein de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), d’une force d’intervention qui serait déployée dans le nord du Mali pour lutter contre les groupes terroristes et les narcotrafiquants, ceci dans le cadre du mandat accordé à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). 

M. Diop a indiqué que les participants à la réunion ministérielle des pays africains contributeurs de troupes à la MINUSMA, tenue le 5 novembre 2014, avaient demandé l’accélération de la réflexion et de l’étude sur la mise en place d’une telle force dans le cadre du Processus de Nouakchott.  Les conclusions de la réunion ministérielle ont été transmises au Conseil de sécurité, a-t-il précisé. 

M. Abdoulaye Diop a également rappelé aux membres du Conseil que les Chefs d’État du G5 Sahel avaient lancé un appel au Conseil de sécurité pour l’exhorter à soutenir la mise en place, avec l’Union africaine, d’une force internationale chargée de neutraliser les groupes armés et d’aider à la réconciliation nationale en Libye.  Il s’est en outre félicité des mesures de renforcement de la MINUSMA préconisées par le Secrétaire général dans son rapport, au paragraphe 65.

Au cours de son intervention, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, qui présentait le rapport du Secrétaire général sur le Mali, a qualifié la situation sécuritaire prévalant dans le nord du pays de « volatile ».  Il a noté que cette volatilité constitue une entrave au renforcement des droits de l’homme, à la fourniture de l’aide humanitaire et à la promotion du développement du pays.  M. Ladsous a présenté ses condoléances au peuple et au Gouvernement malien à la suite du décès, survenu hier, d’une dizaine de militaires maliens tombés à la suite de l’attaque lancée par des groupes armés contre une garnison militaire située dans la localité de Nampala, près de la frontière mauritanienne.

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a en outre évoqué d’autres incidents et heurts violents qui ont fait des victimes ces derniers mois au Mali, en déplorant le fait que des attaques aient ciblé des bases de la MINUSMA et de l’Opération barkhane, et que des engins explosifs improvisés soient utilisés contre les soldats de la paix et les civils.  M. Ladsous a, de ce fait, exprimé la solidarité de l’ONU avec les pays contributeurs de troupes, précisant qu’« aucune autre mission de la paix, au cours de cette période, n’a été aussi coûteuse en terme de vies et de sang de Casques bleus que la MINUSMA ».

M. Abdoulaye Diop, le Ministre malien des affaires étrangères, a pour sa part déploré la recrudescence des attaques terroristes dans le nord du Mali, et notamment celle des attaques qui visent les Forces de défense et de sécurité maliennes, les populations civiles et les Forces de la MINUSMA.  Il a notamment déploré le décès de 16 Casques bleus, ainsi que « tout un chapelet de nouvelles attaques menées par des groupes terroristes et par des forces hostiles », y compris celle intervenue hier à Nampala.  « Le Gouvernement du Mali considère ces attaques terroristes comme une violation flagrante des accords de cessez-le-feu, de la Feuille de route, et des résolutions pertinentes adoptées par le Conseil de sécurité sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies », a souligné M. Diop.

En ce qui concerne les pourparlers de paix inter-malien, le Secrétaire général adjoint au maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a déclaré que le processus de paix inter-malien est à un stade crucial.  Il a ensuite estimé que les progrès survenus dans le processus de paix et de réconciliation nationale sont assez modestes, rappelant que les parties maliennes prenant part aux pourparlers d’Alger vont s’y retrouver dans quelques semaines afin d’apporter des amendements au document de paix qui leur a été soumis précédemment.

M. Abdoulaye Diop a déclaré que le Mali et son gouvernement sont engagés à parvenir à « un accord de paix définitif et global avec nos frères des mouvements armés ».  « L’offre de décentralisation mise sur la table des pourparlers est sincère, et elle sera totale », a assuré M. Diop, estimant que c’était là, la « meilleure réponse aux demandes légitimes de nos concitoyens ».  Le Ministre des affaires étrangères malien a ajouté que « le Président du Mali s’est engagé à faire prendre toutes les dispositions requises pour assurer une mise en œuvre diligente et complète des engagements du futur accord de paix ».  Il a tenu cependant à préciser que la forme républicaine et le caractère unitaire et laïc de l’État malien n’étaient pas négociables.

Le Gouvernement malien a « constamment honoré ses engagements dans le processus de paix en cours », a poursuivi M. Diop en précisant que les Forces de défense et de sécurité du Mali n’avaient posé aucun acte qui soit de nature à être interprété comme étant une violation de l’accord de paix.  « On ne peut pas en dire autant des autres signataires de la déclaration de cessation des hostilités du 24 juillet 2014 », a-t-il regretté.

Il a aussi noté l’irruption constante des groupes armés dans les espaces inoccupés par les Forces de défense et de sécurité nationales pour y agresser et violenter certaines communautés, ce qui explique en grande partie la constitution de groupes d’autodéfense, qualifiés de « progouvernementaux » dans le rapport du Secrétaire général.  « Ces groupes ne sont ni suscités ni soutenus par le Gouvernement du Mali », a précisé M. Abdoulaye Diop.  Certaines allégations avancées dans le rapport sont sujettes à vérification, a-t-il aussi indiqué.  Il a également réitéré la détermination du Gouvernement malien à respecter ses engagements en matière de respect des droits de l’homme.

À la veille de la reprise des pourparlers d’Alger, le Ministre malien a lancé un appel aux membres du Conseil de sécurité pour qu’ils exercent « les pressions nécessaires pour amener les premiers et principaux responsables des mouvements armés à s’impliquer personnellement dans le processus d’Alger ».  « Il reste une poignée de questions essentiellement politiques qui ne peuvent être résolues qu’à un niveau politique élevé », a-t-il expliqué.  Il a espéré que des engagements seraient pris au plus haut niveau.  Ce sont sans doute les « derniers 100 mètres qui restent au sprinter à parcourir », a-t-il dit en appelant le Gouvernement et les mouvements armés à se donner la main pour lutter contre les groupes terroristes et les narcotrafiquants.

M. Ladsous a, de son côté, émis le vœu qu’un accord de paix définitif prendrait en compte les causes profondes du conflit malien, y compris les conflits interethniques et les questions socioéconomiques, afin de fournir les conditions d’une « refondation de l’État malien ».  Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a par ailleurs averti que tout accord crédible devrait contenir des éléments clairs relatifs à sa mise en œuvre.  Il a d’autre part précisé que bien que la communauté internationale soutienne le processus de paix au Mali, elle ne saurait se substituer aux parties maliennes elles-mêmes.

Abordant enfin la question de l’épidémie de la maladie à virus Ebola, M. Abdoulaye Diop a salué les efforts menés par le Secrétaire général dont il a apprécié la visite effectuée sur le terrain en décembre dernier, notamment au Mali.  « Dans mon pays, la mobilisation a été totale pour prévenir la propagation de la maladie », a-t-il assuré en remerciant les partenaires techniques du Mali.  Depuis le 16 décembre 2014, il n’existe plus de cas de maladie à virus Ebola au Mali, a indiqué le Ministre malien.  Il a aussi précisé que sur sept cas confirmés, deux des personnes atteintes ont été guéries.  

Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Ladsous, a exprimé sa reconnaissance et celle des Nations Unies à l’endroit de l’ancien Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUSMA, M. Bert Koenders, des Pays-Bas, et de l’ancien Commandant des Forces armées de la MINUSMA, le Général Jean Bosco Kazura, du Rwanda, qui ont tous deux quitté leurs fonctions en décembre dernier.  Il a également souhaité la bienvenue au nouveau Représentant spécial, M. Mongi Hamdi, de la Tunisie, nommé le 12 décembre dernier.

*S/2014/943 et S/2014/944

LA SITUATION AU MALI

Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali (S/2014/943)

Dans l’introduction de ce rapport, le Secrétaire général précise que bien que la période couverte par le document aille du 16 septembre au 16 décembre 2015, le rapport soumis aujourd’hui au Conseil de sécurité comprend des informations remontant au 27 mai, concernant certains aspects du mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui n’avaient pas été abordés dans le rapport qui a précédé celui dont le Conseil est saisi ce jour.

Dans la perspective de la réconciliation nationale au Mali, le Secrétaire général indique que la période considérée a vu se tenir trois nouvelles phases du dialogue inter-malien lancé à Alger au mois de juillet, sous la houlette de l’équipe de médiation dirigée par l’Algérie et composée de représentants de l’Organisation des Nations Unies/MINUSMA, de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union européenne, de l’Organisation de la coopération islamique, du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad.

Après l’ouverture du dialogue au mois de juillet, une deuxième série de négociations, facilitée par l’équipe de médiation, s’est achevée à Alger le 23 septembre, indique le Secrétaire général.  Les parties se sont de nouveau rendues à Alger à la mi-octobre pour poser des jalons en vue d’une troisième série de négociations, et le 20 novembre, une quatrième série de pourparlers a repris à Alger sur la base des « Éléments d’un accord pour la paix et la réconciliation au Mali », -ceci sous leur version révisée-, qui tenait compte de plusieurs commentaires soumis par les parties à l’Algérie et était assortie de nouvelles annexes décrivant en détail les arrangements à prévoir en vue de la mise en œuvre de l’accord, précise le Secrétaire général dans ce rapport.

Le Secrétaire général déclare que ce processus offre une occasion historique de réaliser une paix durable au Mali, et qu’il incombe aux parties de saisir l’occasion qui se présente, en faisant preuve d’une véritable volonté politique pour qu’un accord de paix consensuel puisse être conclu.

Sur le plan sécuritaire, le Secrétaire général souligne dans ce rapport que la situation est restée précaire pendant toute la période considérée.  Les parties ont repositionné leurs forces et se sont affrontées à plusieurs reprises, quand bien même les négociations se poursuivaient à Alger, note M. Ban Ki-moon.  Dans l’espoir de favoriser la mise en œuvre des accords de cessez-le-feu, de plus en plus fragiles, relève-t-il, la MINUSMA s’est efforcée d’assurer l’efficacité de la Commission technique mixte de sécurité, dont le mandat a été prolongé, ainsi que celle des équipes mixtes d’observation et de vérification, en étendant leur domaine d’intervention.  Le Secrétaire général ajoute avec regret que les groupes extrémistes sont restés très actifs et ont continué de s’en prendre à la MINUSMA.  

Des groupes extrémistes sont soupçonnés d’avoir tué 16 soldats de la paix et d’en avoir blessé 14 autres au cours de la période considérée, précise M. Ban.  Par ailleurs, des engins explosifs improvisés et les mines anti-véhicules placés le long des routes empruntées par la MINUSMA ont gravement entravé ses opérations, ajoute-t-il.  Des groupes extrémistes ont également pris pour cible des civils travaillant pour le compte de la MINUSMA.  Sur ce fait, le Secrétaire général déclare que du 27 mai au 16 décembre, des engins explosifs improvisés placés le long des routes principales ont fait 19 victimes civiles, dont 3 morts et 16 blessés.

M. Ban estime d’autre part que les attaques perpétrées ces derniers mois contre la MINUSMA ont fait ressortir la nécessité de renforcer d’urgence la Mission, par la mise en place de mesures destinées à prévenir les attaques menées contre elle à l’aide d’engins explosifs improvisés ou par le biais de tirs indirects.

Concernant la question du rétablissement de l’autorité de l’État au Mali, le Secrétaire général note que l’absence d’un accord politique, dans un contexte marqué par une insécurité chronique alors que de vastes pans de territoire sont contrôlés par des groupes armés dans le nord du pays, a continué d’entraver le redéploiement de l’administration de l’État et des organismes prestataires de services.  Néanmoins, dans la région de Gao, 75% des préfets et 80% des sous-préfets ont repris leurs fonctions, et un certain nombre de bâtiments publics qui avaient été détruits et pillés ont été remis en état dans la ville de Tombouctou, ainsi que dans 36 autres agglomérations de la région, grâce à un programme mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en appui au rétablissement de l’autorité de l’État.

En revanche, le redéploiement du personnel judiciaire et pénitentiaire n’a pu être opéré aussi rapidement que l’a été la réfection des infrastructures, ceci, à cause des problèmes de sécurité persistant dans les zones du nord du Mali contrôlées par des groupes armés et du manque de matériel.

En ce qui concerne les droits de l’homme, le Secrétaire général souligne dans ce rapport que durant la période à l’examen, la MINUSMA a recensé un certain nombre d’exactions commises par les Forces de défense et de sécurité maliennes, qui ont notamment recouru à un usage excessif de la force ayant entraîné des exécutions extrajudiciaires.  La MINUSMA a aussi obtenu des informations indiquant que des personnes coopérant avec l’ONU ou avec certains pays de la communauté internationale en général, auraient subi des actes de représailles.  En outre, l’engagement de poursuites contre les auteurs de violations des droits de l’homme commises pendant le conflit n’a pas progressé durant la période considérée, regrette M. Ban.

Aux mois d’octobre et de décembre, la MINUSMA a dispensé à 425 membres des Forces de défense et de sécurité maliennes une formation portant sur les limites de l’usage de la force dans les opérations militaires et de police, la protection des civils, le traitement des détenus, et les garanties visant le respect des droits de l’accusé dans les procès pénaux.

Sur un tout autre plan, l’acheminement de l’aide humanitaire au nord du Mali continue d’être entravé à cause de l’insécurité, indique Ban Ki-moon dans ce rapport.  Pour la première fois depuis que la crise malienne a éclaté en 2012, deux agents humanitaires ont été tués le 29 mai dans la région de Tombouctou lorsque leur véhicule a heurté un engin explosif improvisé télécommandé, a relevé le Secrétaire général dans ce rapport.

Le rapport indique que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a enregistré une nouvelle diminution du nombre de déplacés au Mali (86 026 personnes au 17 novembre, contre 99 816 à la fin de septembre).  Par ailleurs, le nombre de réfugiés maliens enregistrés dans les pays voisins par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est demeuré relativement stable, s’établissant au 15 novembre 2014 à 143 530 personnes.  La sécurité alimentaire au Mali s’est quant à elle améliorée, car le nombre de personnes ayant besoin d’aide alimentaire est passé de 812 236 en décembre 2013 à 263 039 ces derniers jours.

S’agissant de l’épidémie à virus Ebola, le Secrétaire général indique que jusqu’à présent, huit cas de personnes touchées par cette maladie ont été recensés au Mali, six patients étant décédés et deux s’étant rétablis.  Le 15 décembre, les dernières personnes qui avaient été en contact avec une personne infectée ont terminé la période de quarantaine obligatoire de 21 jours qui leur avait été imposée, et si aucun autre cas n’est signalé, le Mali pourrait être déclaré exempt du virus en ce mois de janvier, indique M. Ban.

Dans le cadre des activités de relèvement rapide et de développement, la MINUSMA, en partenariat avec des organisations nationales et internationales, a mené à bien 10 projets à effet rapide depuis le mois de juin.  Ces projets portaient notamment sur la remise en état et l’équipement des postes de police et de gendarmerie dans les régions de Gao et de Tombouctou, et sur la fourniture d’une aide aux associations de femmes.

Pour renforcer sa capacité opérationnelle, la MINUSMA avait déployé 74% de ses effectifs autorisés au 1er décembre dernier, rappelle Ban Ki-moon.  Au total, 69% des postes civils ont été pourvus et 72% de l’effectif total de police prévu a été déployé (5% des recrues sont des femmes).  En outre, au 15 décembre, 76% des effectifs militaires autorisés avaient été déployés, précise M. Ban en indiquant que ces effectifs sont composés de femmes à hauteur de 12% de leur total.  Le Secrétaire général précise dans ce rapport que la composante militaire de la MINUSMA continue de travailler dans des conditions extrêmement précaires dans le nord du Mali. 

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