7332e séance – matin
CS/11689

Conseil de sécurité: en dépit d’avancées considérables, les Tribunaux pénaux internationaux et le Mécanisme résiduel se heurtent toujours à des difficultés

Le Conseil de sécurité a, ce matin, en présence de leurs présidents et procureurs respectifs, fait le bilan semestriel des activités des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR), ainsi que du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles de ces deux juridictions internationales*.

Ce Mécanisme, créé en 2010 par le Conseil de sécurité, continue d’avancer dans l’examen des affaires dont il est saisi, a affirmé son Président, M. Theodor Meron, qui se rendra en personne à Arusha, en République de Tanzanie, « dans les prochains jours », pour y prononcer le « tout premier arrêt rendu par le Mécanisme », alors que le TPIR vient de fêter son vingtième anniversaire.

Le Mécanisme continue en outre de prendre en charge de nombreuses fonctions du TPIY et du TPIR, dont celles relatives à la protection des témoins, à l’exécution des peines, au suivi des affaires renvoyées et à la gestion des archives, a expliqué le magistrat.

M. Meron a attiré l’attention sur deux difficultés majeures.  La première concerne l’arrestation des derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR, « notamment trois d’entre eux qui devraient être jugés par le Mécanisme », ce qui souligne l’importance pour tous les États Membres, à commencer par ceux des régions concernées, de la nécessité de coopérer avec la Cour.

La deuxième difficulté tient à la situation des personnes acquittées par le TPIR ou libérées par celui-ci après qu’elles ont purgé leur peine, a poursuivi M. Meron, qui a rappelé la responsabilité du Mécanisme vis-à-vis de ces personnes en Tanzanie à compter du 1er janvier 2015.

Convaincu que la question de leur réinstallation est d’une importance « cruciale sur le plan humanitaire », le Président a estimé qu’il suffirait que quelques États se proposent de les accueillir pour résoudre ce problème.  La Belgique, qui a offert le droit d’asile à un individu acquitté par le TPIR, a été saluée par des membres du Conseil, notamment la Chine et la Lituanie.

Prenant également la parole en sa qualité de Président du TPIY, M. Meron a annoncé qu’en raison de l’état d’avancement de ses travaux, il ne resterait au Tribunal plus que deux affaires pendantes à la fin de 2015.  Il a toutefois reconnu que le Tribunal ne serait pas en mesure de respecter la date butoir du 31 décembre 2014, fixée par le Conseil, pour l’achèvement de ses travaux.

Les deux principales raisons de ce retard résident dans l’état de santé des détenus, notamment dans les affaires Mladić et Hadžić, et dans le manque de fidélisation et de recrutement du personnel du Tribunal à l’approche de la date de sa fermeture, a répondu le juge.  À cette situation s’ajoute l’absence de consensus autour du projet de résolution censé proroger le mandat des juges des deux Tribunaux pénaux internationaux, une question qui continue de diviser les membres du Conseil de sécurité, a précisé le représentant du Tchad.

« L’achèvement des procès en première instance et en appel échappe à notre contrôle », a avoué le Procureur du TPIY, en constatant par exemple que, dans l’affaire Hadžić, le gain de temps réalisé dans la présentation des moyens par l’accusation a été éliminé à la suite des problèmes de santé de l’accusé.

En revanche, le Président du TPIR, le juge Vagn Joensen, a assuré que la Chambre d’appel du Tribunal avait achevé ses travaux, « à l’exception de l’affaire Butare ».  Mais là aussi, le départ annoncé « d’un nombre important de membres du personnel expérimentés » risque de compliquer l’examen d’appels que M. Joensen a qualifiés de particulièrement complexes.

Intervenant en sa qualité de Président du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux, le représentant du Chili a mis l’accent sur le « dialogue fructueux », au cours des mois écoulés, avec le Secrétariat de l’ONU, afin de trouver des « solutions juridico-administratives » aux défis de ressources humaines posés par la clôture du TPIR à Arusha et du TPIY à La Haye. 

Si le renvoi d’affaires devant les juridictions nationales, en particulier pour les accusés de rang subalterne, constitue un moyen d’alléger la charge de travail des deux tribunaux, le Procureur du TPIR et du Mécanisme résiduel, M. Hassan Bubacar Jallow, a cependant expliqué que ces mêmes juridictions connaissaient leur lot de difficultés, particulièrement celles d’Afrique de l’Est et de la région des Grands Lacs.

Le représentant du Rwanda a fait néanmoins remarquer que les deux affaires renvoyées auprès de son pays en 2012 et 2013 par le TPIR étaient bien plus avancées dans leurs procédures respectives que les deux que le TPIR a renvoyées auprès de la France.  Son homologue français s’est contenté de dire que ces affaires étaient « traitées avec toute la diligence nécessaire ».

Pour la délégation de la Fédération de Russie, les retards accumulés par les deux tribunaux sont imputables « à une mauvaise évaluation de la complexité » des affaires dont ils sont saisis.  Une telle situation ne plaide pas en faveur d’une prorogation des mandats des juges du TPIY et du TPIR, a-t-elle affirmé, en exprimant ouvertement sa préférence pour le renforcement ou la mise en place de « mécanismes nationaux de lutte contre l’impunité », grâce à des « initiatives conjointes entre États concernés ». 

Tandis que la Bosnie-Herzégovine insistait sur son degré de coopération avec le TPIY et les autres pays issus de l’ex-Yougoslavie, la Serbie et la Croatie se sont livrées à une passe d’armes autour du cas de Vojislav Šešelj, un accusé serbe libéré sous conditions le 6 novembre dernier pour raisons de santé.

Tandis que le représentant serbe a fustigé le tribunal pour avoir maintenu l’accusé en détention prolongée pendant 12 ans, « alors qu’il s’était rendu de son plein gré », son collègue croate s’est, au contraire, indigné de la libération de cet « individu dangereux », dont le rire « résonne de manière cynique au visage des victimes ».

*S/2014/546, S/2014/556, S/2014/826

 

TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991

TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES D’ACTES DE GENOCIDE OU D’AUTRES VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMIS SUR LE TERRITOIRE DU RWANDA ET LES CITOYENS RWANDAIS ACCUSÉS DE TELS ACTES OU VIOLATIONS COMMIS SUR LE TERRITOIRE D’ÉTATS VOISINS ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 31 DÉCEMBRE 1994

Rapport du Tribunal pénal international pour le Rwanda (S/2014/546)

Rapport du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (S/2014/556)

Lettre datée du 19 novembre 2014, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (S/2014/826)

Lettre datée du 19 novembre 2014, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (S/2014/827)

Lettre datée du 19 novembre 2014, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (S/2014/829)

Déclarations

M. THEODOR MERON, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, a déclaré que le TPIY continue de bien avancer dans l’achèvement de ses derniers procès en première instance et en appel.  « Nous avons en effet déjà rendu deux arrêts en 2014 et prévoyons d’en rendre un autre –dans l’affaire Popović, une affaire de grande ampleur à accusés multiples– d’ici à la fin du mois de janvier 2015 », s’est-il félicité.  Par conséquent, a précisé le juge, il ne restera, début 2015, que quatre affaires en première instance et cinq en appel et, à la fin de l’année prochaine, plus que deux affaires non terminées (une en première instance et une en appel).

M. Meron a ensuite annoncé aux membres du Conseil de sécurité qu’en dépit de progrès importants, le Tribunal ne sera pas en mesure de terminer l’ensemble de ses procès d’ici à la fin de décembre 2014.  « De nombreux imprévus et des situations parfois difficiles, notamment l’arrestation tardive des dernières personnes mises en accusation par le TPIY, le dessaisissement d’un juge, l’état de santé d’un certain nombre de nos accusés, ainsi que la complexité de certaines affaires concernant des accusés multiples ne nous ont pas permis de respecter l’échéance fixée par le Conseil de sécurité », a reconnu le Président, qui a toutefois affirmé que ces problèmes ne devraient pas avoir d’incidence sur la date de clôture du Tribunal en 2017.  Pour M. Meron, les deux difficultés majeures auxquelles se heurte le Tribunal sont l’état de santé des détenus, notamment dans les affaires Mladić et Hadžić, et la fidélisation et le recrutement du personnel: « Le Tribunal a largement réduit ses effectifs dans le cadre du présent exercice biennal et le nombre de ses fonctionnaires devrait avoir considérablement diminué à la fin de l’année prochaine », a constaté le juge, en expliquant que l’approche de la fermeture du Tribunal les poussait à chercher du travail ailleurs.

Le Mécanisme, a assuré M. Meron, continue de bien avancer dans l’examen des affaires dont il est saisi.  Il a informé le Conseil qu’il se rendra à Arusha dans les prochains jours pour prononcer le tout premier arrêt rendu par le Mécanisme.  Celui-ci se tient prêt à examiner tout appel interjeté dans le cadre des quatre procès en cours devant le TPIY, a ajouté le juge Meron.  Le Mécanisme continue de prendre en charge de nombreuses fonctions du TPIY et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), dont celles relatives à la protection des témoins, à l’exécution des peines, au suivi des affaires renvoyées et à la gestion des archives, a expliqué le magistrat.

Le Mécanisme est confronté lui aussi à des difficultés majeures, a observé le Président.  « La première est l’arrestation des derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR, notamment trois d’entre eux qui devraient être jugés par le Mécanisme », a-t-il expliqué, en demandant la coopération de tous les États Membres pour assurer leur arrestation.  La deuxième difficulté tient à la situation des personnes acquittées par le TPIR ou libérées par celui-ci après qu’elles ont purgé leur peine, a souligné M. Meron.  « Le Mécanisme sera responsable de toutes ces personnes libérées sur le territoire de la Tanzanie, à partir du 1er janvier 2015 », a-t-il rappelé, en considérant que la question de leur réinstallation est d’une importance « cruciale sur le plan humanitaire ».  Ces personnes, a-t-il plaidé, méritent de pouvoir reconstruire leur vie et il suffirait que quelques États se proposent de les accueillir pour résoudre ce problème.

Le juge Meron a toutefois souligné que ces difficultés ne devraient pas occulter les progrès accomplis au cours de la période à l’examen à la fois par le TPIY et par le Mécanisme.

M. VAGN JOENSEN, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a assuré que la Chambre d’appel du Tribunal avait achevé ses travaux, à l’exception de l’examen de l’affaire Butare concernant six individus.  Après avoir confirmé que les prochains appels relatifs à cette affaire seraient entendus en avril 2015, le Président du TPIR a précisé que le départ annoncé d’un nombre important de membres du personnel expérimentés allait compliquer l’examen d’appels qu’il a qualifiés de particulièrement complexes.  Toutefois, le jugement en appel sera rendu dans les temps, mais pas avant le mois d’août prochain, a-t-il promis. M. Joensen a indiqué qu’il avait demandé au Secrétaire général de l’ONU la prorogation du mandat des juges du TPIR jusqu’en juillet ou décembre 2015.  Le Président Meron a adressé une demande similaire, demandant aux États Membres d’y répondre positivement afin que les deux tribunaux soient en mesure d’achever leurs travaux aux dates prévues en fonction des projections arrêtées, a noté M. Joensen.  

Le Président du TPIR a ensuite abordé la question du dédommagement des victimes du génocide de 1994 contre les Tutsis, « au cours duquel des Hutus et d’autres personnes qui s’étaient opposés au génocide ont été tués ».  À cet égard, il s’est réjoui d’annoncer que l’Organisation internationale pour les migrations avait soumis au Gouvernement du Rwanda un projet d’étude d’incidence qui, a-t-il dit, identifie plusieurs options de dédommagement pouvant être développées et mises en œuvre par les autorités rwandaises sur la base de fonds.  Il a fait savoir que la version finale de cette étude, soutenue notamment par le Gouvernement de la Finlande, serait publiée dans les prochains mois et transmise ensuite à toutes les parties prenantes. 

Concernant les personnes acquittées ou reconnues coupables et résidant toujours à Arusha, M. Joensen a déclaré que depuis juin dernier, leur nombre avait baissé, en précisant qu’une personne acquittée avait pu regagner la Belgique en juillet dernier.  La question de la réinstallation continue d’être épineuse et, à ce titre, a été à maintes reprises portée à l’attention du Conseil de sécurité, a souligné le Président du TPIR.  Il a ainsi appelé les États Membres à mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil et à appuyer les efforts concernés du Tribunal qui à partir du 1er janvier 2015, seront assumés par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.  

En conclusion, M. Joensen a déclaré que le 8 novembre, 20 ans après l’adoption de la résolution 955 du Conseil de sécurité portant création du TPIR, un événement organisé à Arusha avait marqué cette date.  Ce jour-là, nous avons également lancé la dernière version du site Web du TPIR, a-t-il dit avant d’inviter les ambassadeurs à participer à un événement similaire aujourd’hui, à 13 h 15, dans la salle du Conseil économique et social (ECOSOC).

M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a déclaré qu’au cours de la période considérée, son Bureau avait terminé son travail dans le procès Karadzic « en présentant notre mémoire en clôture de notre réquisitoire ».  Au cours du procès, plus de 550 témoins ont été entendus et plus de 10 000 éléments de preuve présentés, soit au total de 165 000 pages de comptes rendus d’audience et d’éléments de preuve documentaires.  Le jugement sur ce « dossier considérable » sera rendu à l’automne prochain, a annoncé M. Brammertz.  À ce jour, deux procès sont en cours en première instance –affaires Mladić et Hadžić pour lesquelles les moyens à décharge sont actuellement présentés-, ainsi que cinq affaires en appel, a-t-il précisé.

« Ceci étant, l’achèvement des procès en première instance et en appel échappe à notre contrôle », a reconnu le Procureur, constatant par exemple que dans l’affaire Hadžić, le temps gagné dans le cadre de la présentation des moyens par l’accusation a été ensuite perdu en raison des problèmes de santé de l’accusé. 

La coopération entre le Tribunal pénal international et les pays issus de l’ex-Yougoslavie reste satisfaisante, même si des progrès s’imposent dans les affaires pour crimes de guerre dont sont chargées les autorités nationales, a assuré M. Brammertz.  Si des accords de coopération ont été signés entre les pays de l’ex-Yougoslavie, ils n’ont pas encore intégralement été mis en œuvre, a–t-il regretté, en soulignant que les fugitifs continuent de se soustraire à la justice en restant à l’étranger, « à l’abri des poursuites ».  En outre, si d’importants efforts ont été faits pour renforcer les capacités des institutions judiciaires nationales, les résultats ne sont pas encore à la hauteur, a poursuivi le Procureur.  Il faut maintenant s’atteler à juger les suspects de haut rang ou de rang intermédiaire, a-t-il recommandé.

M. Brammertz s’est toutefois félicité de l’opération d’arrestations transfrontalières conjointement menée tout récemment par les parquets de Serbie et de Bosnie-Herzégovine, en vue de poursuites dans les deux États.  S’agissant de ce dernier pays, il a constaté que cinq affaires de catégorie 2 n’avaient toujours pas été menées à bien, tandis que dans d’autres affaires, « les instances continuent d’être disjointes ».  Il s’est ensuite dit préoccupé devant la tournure prise par le travail du Procureur pour les crimes de guerre de Bosnie-Herzégovine, où la qualité semble être « sacrifiée ».  Le comité de suivi de la Stratégie nationale pour les crimes de guerre estime également que la qualification de crime contre l’humanité devrait être bien plu souvent retenue dans les actes d’accusation.  Le Procureur a regretté que la question des réparations à accorder aux victimes n’ait pas été pleinement et équitablement réglée et les efforts entrepris pour retrouver les personnes disparues doivent être redoublés.

M. Brammertz a aussi regretté que la relation de confiance entre le Tribunal et l’opinion publique continue d’être mise à rude épreuve: « Victimes et défenseurs du Tribunal montrent du doigt les affaires retardées et estiment qu’il n’y a pas suffisamment d’informations sur ce qu’ils perçoivent comme des décisions controversées », a-t-il expliqué, en affirmant que le TPIY doit se livrer à une réflexion critique.  « Comme les juridictions nationales du monde entier, les deux Tribunaux pénaux internationaux ne devraient pas être tiraillés entre l’indépendance judiciaire et la gestion efficace des affaires », a ajouté le Procureur, tout en reconnaissant que les réalisations du TPIY étaient importantes.

M. HASSAN BUBACAR JALLOW, Procureur du TPIR et du Mécanisme résiduel, a tout d’abord noté qu’il existait au sein des juridictions locales une volonté croissante de poursuivre les auteurs de crimes internationaux.  Ces juridictions sont néanmoins confrontées à de réelles difficultés, a-t-il fait remarquer.  Alors que son Bureau s’efforce de partager avec les autorités nationales, particulièrement en Afrique de l’Est et dans la région des Grands Lacs, ses meilleures pratiques, le Procureur a expliqué qu’il devait lui-même faire face aux difficultés liées aux ressources et effectifs limités du TPIR.  « La communauté internationale doit continuer à jouer un rôle moteur en veillant à ce que les juridictions nationales disposent des ressources humaines et matérielles nécessaires pour mener à bien la poursuite des crimes internationaux. »

S’agissant de la charge de travail du Bureau du Procureur du TPIR, M. Jallow a expliqué que celle-ci avait été en grande partie résorbée au cours des six derniers mois.  La Chambre d’appel a rendu son arrêt dans plusieurs affaires mettant en cause les accusés suivants: M. Augustin Bizimungu, M. Edouard Karemera, M. Mathieu Ngirumpatse, M. Callixte Nzabonimana et M. Idelphonse Nizeyimana.  Les déclarations de culpabilité prononcées contre eux ont été confirmées en appel, a-t-il ajouté.

« L’arrêt rendu dans l’affaire Karemera et consorts représente, tout comme celui rendu dans l’affaire Akayesu, une décision de justice historique pour l’établissement des responsabilités des auteurs d’exploitation et abus sexuels en temps de guerre », a déclaré M. Jallow.

Faisant référence à l’affaire Butare, dernière affaire portée en appel devant le TPIR, le Procureur a indiqué que la date du procès avait été reportée au premier trimestre 2015.  « La Division des appels du Bureau du Procureur du TPIR a donc identifié le nombre de fonctionnaires dont il aurait besoin au-delà du 31 décembre 2014 afin de mener à bien l’appel dans cette affaire », a-t-il dit, en précisant que le prononcé de l’arrêt avait été provisoirement fixé au mois de septembre 2015.  « Le contrat des autres membres du personnel, qui représentent 46% des effectifs du Bureau, prendra fin le 31 décembre 2014 », a-t-il fait observer.  Au cours des mois qui précéderont la fermeture du TPIR, le Bureau du Procureur se concentrera sur l’affaire Butare, l’archivage des derniers dossiers et l’achèvement des projets visant à transmettre son héritage et meilleures pratiques, tels que la rédaction d’un recueil sur le génocide, a assuré M. Jallow.

Abordant les activités du Bureau du Mécanisme, M. Jallow a indiqué que ce dernier, qui continue de prendre la relève des Bureaux du procureur du TPIR et du TPIY, pouvait compter sur des équipes au complet tant à la Division de la Haye qu’à celle d’Arusha.  Il a expliqué que les efforts déployés pour rechercher les fugitifs, notamment ceux qui devraient être jugés par le Mécanisme –MM. Augustin Bizimana, Felicien Kabuga et Protais Mpiranya– avaient été renforcés.  « L’arrestation et le procès de ces fugitifs reste la priorité essentielle et le plus grand défi du Mécanisme et de la communauté internationale », a-t-il souligné.

Le procès en appel dans l’affaire Ngirabatware, la seule actuellement portée en appel devant la Division d’Arusha, s’est achevé le 30 juin 2014, a précisé le Procureur, avant d’ajouter que l’arrêt devrait être rendu le 18 décembre 2014 et l’équipe de l’accusation spécifiquement chargée de l’appel sera dissoute le 31 janvier 2015 au plus tard.

En raison du retard pris dans le prononcé du jugement dans l’affaire Vojislav Šešelj, le Procureur fait remarquer que le recrutement en vue de constituer l’équipe spécifiquement chargée de la préparation de l’appel a été suspendu.  « L’année prochaine, la Division de la Haye commencera à pourvoir les postes pour les équipes chargées spécifiquement des appels susceptibles d’être interjetés dans l’affaire Radovan Karadžić et, probablement, dans l’affaire Goran Hadžić. »

M. Jallow a rappelé qu’au cours de sa visite en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Serbie en septembre dernier, il s’était entretenu avec divers hauts responsables de ces pays au sujet du transfert des fonctions du TPIY au Mécanisme et de la coopération entre les États concernés et le Mécanisme.  Un mémorandum d’accord avec le procureur chargé des crimes de guerre et les procureurs généraux de ces trois pays a été signé, a-t-il poursuivi.  « Mon Bureau continuera de s’employer activement à aider les pays de l’ex-Yougoslavie à répondre aux attentes de la communauté internationale qui compte sur eux pour traduire en justice les nombreuses personnes qui, à tous les niveaux, sont responsables des crimes commis sur leur territoire respectif ».  Il s’est en particulier félicité du succès de la récente opération menée par les parquets bosnien et serbe, qui s’est soldée par l’arrestation de 14 personnes accusées de crimes de guerre, « en partie grâce aux informations fournies par le Bureau du Procureur du Mécanisme ».

S’agissant de ses autres activités, le Bureau du Procureur a reçu, au cours de la période à l’examen, 178 demandes d’assistance émanant de 13 pays et organisations internationales, « ce qui a, a expliqué M. Jallow, considérablement accru sa charge de travail ».  Le Bureau du Procureur a en outre reçu les rapports des observateurs chargés de suivre les affaires renvoyées en Rwanda et en France.  L’examen de ces affaires continue, de l’avis du Procureur, « de progresser de manière satisfaisante ».

M. CRISTIAN BARROS MELET (Chili), en sa qualité de Président du Groupe de travail informel sur les tribunaux internationaux, a mis l’accent sur le dialogue fructueux, au cours des mois écoulés, avec le bureau des ressources humaines du Secrétariat de l’ONU, afin de trouver des formules juridico-administratives aux défis que le processus de fermeture présente pour le personnel des tribunaux à La Haye et Arusha.  Il a déclaré, à cet égard, que l’attention voulue a été accordée à la situation des personnes en Tanzanie, qui doivent être relocalisées, et il a plaidé pour une « sortie digne », qui prenne en considération les aspects humains.  Le Groupe de travail a en outre commencé les consultations informelles en vue de la prorogation du mandat des juges et des procureurs des deux tribunaux, en prenant dûment compte des recommandations formulées tant par les présidents des tribunaux que par le Secrétaire général.  Avant de conclure, M. Barros a félicité le Tribunal pénal international pour le Rwanda à l’occasion du vingtième anniversaire de sa création. 

Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a souligné les progrès des deux tribunaux pénaux en vue de l’achèvement de leur mandat.  Elle s’est notamment félicitée de la conclusion des phases d’appel dans cinq affaires examinées par le TPIR.  « Il n’y a plus qu’une seule affaire portée en appel devant le TPIR ».  Elle a ensuite pris note des défis auxquels le TPIY fait face afin de conclure ses travaux dans les délais requis, en citant en particulier la récente découverte de fosses communes.  La déléguée de la Lituanie a encouragé les deux Présidents à prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces délais soient minimaux.

« La coopération de la communauté internationale est essentielle pour que les activités du TPIR, du TPIY et du Mécanisme soient menées à leur terme », a-t-elle expliqué, en insistant sur la nécessité d’une telle coopération pour l’arrestation des neuf fugitifs inculpés par le TPIR.  Mme Murmokaitė a également encouragé les États à répondre favorablement aux demandes de réinstallation présentées par les deux tribunaux, comme a pu le faire récemment la Belgique. 

Le nombre accru des procédures portées devant le Mécanisme et la manière dont il fait face à sa charge de travail nous montre que le Mécanisme est prêt à poursuivre les activités des tribunaux pénaux, a-t-elle poursuivi.  Mme Murmokaitė a tenu à souligner que la transition sans heurt des fonctions des deux tribunaux vers le Mécanisme dépendait du Conseil de sécurité, puisque ce dernier décide de la prorogation des mandats des juges et des procureurs.  En conclusion, elle a mis l’accent sur le rôle important du Conseil dans la lutte contre l’impunité.  « C’est pourquoi, a-t-elle dit, le soutien à la Cour pénale internationale est essentiel. »

M. JOON OH (République de Corée) a noté que toutes les affaires examinées par les deux Tribunaux pénaux internationaux « avaient atteint la date butoir ».  Il a rendu hommage aux juges pour le travail accompli, tout en faisant observer que trop d’affaires demeuraient en suspens.  Il a estimé que la mission de ces deux juridictions est « si importante » qu’elle ne peut rester plus longtemps en souffrance et c’est pourquoi, sa délégation, a-t-il dit, recommande la prorogation des mandats des juges.  Les deux tribunaux devront cependant redoubler d’efforts pour achever leurs travaux conformément aux délais fixés dans le cadre des stratégies d’achèvement, a-t-il insisté.  Le représentant de la République de Corée a souligné l’importance de réaliser cet objectif, tant pour le Conseil de sécurité, les victimes et leur famille que « pour la communauté internationale dans son ensemble ».  Cette dernière devra pouvoir s’appuyer sur les travaux des deux tribunaux pour poursuivre activement la lutte contre l’impunité de crimes les plus graves, a-t-il conclu. 

M. TANGUY STEHELIN (France) a appelé au respect des calendriers arrêtés par le Conseil de sécurité et réaffirmé l’importance que la France accorde à ce que, pendant la mise en œuvre des stratégies d’achèvement, la justice continue d’être rendue « dans le plein respect des règles procédurales ».  « Cela est une condition à la prorogation du mandat des juges au-delà de 2014. »  Le représentant a ensuite demandé que l’œuvre de justice du TPIR et du TPIY s’inscrive dans la durée, les États Membres devant prendre le relais après la fin de leurs travaux.  Sur le TPIY, il a déclaré que le jugement de 166 personnes avait joué un rôle central dans l’évolution de la région.  Après avoir souligné que les pays concernés devraient continuer de renforcer l’état de droit, il a évoqué les travaux accomplis par le TPIR depuis sa création, il y a 20 ans. 

Il a notamment rappelé que les cérémonies commémoratives avaient salué l’importance du rôle que le Tribunal a joué.  La France continue d’appuyer le TPIR et le Mécanisme international, a-t-il assuré, en exhortant les États Membres à coopérer, comme ils y sont tenus, avec les deux instruments.  Le représentant a par ailleurs affirmé que les affaires renvoyées à la France par le TPIR étaient traitées avec toute la diligence nécessaire.  Enfin, il a considéré que les deux tribunaux internationaux avaient constitué une étape majeure dans la lutte contre l’impunité.  Soulignant la nécessité que leurs acquis juridictionnels soient préservés, il a demandé à l’Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale, qui tient actuellement sa session au Siège de l’ONU, de poursuivre la réflexion sur la lutte contre l’impunité.

M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a reconnu le rôle joué par le TPIR dans la lutte contre l’impunité pour les crimes de génocide et les atrocités de masse commises contre les Tutsis au Rwanda en 1994.  Il s’est également félicité de la notification judiciaire rendue par le TPIR selon laquelle le génocide a été un fait dans ce pays.  Il a tenu à rappeler qu’au cours de ce génocide, des Hutus qui s’y étaient opposés avaient également été massacrés.  Cette notion qui s’applique précisément à toutes les victimes revêt une importance capitale pour le Rwanda.

Alors que l’année s’achève, a fait observer M. Gasana, le TPIR a inculpé 93 individus pour génocide et autres violations graves du droit international humanitaire commises en 1994.  Il a toutefois regretté les retards enregistrés dans la mise en œuvre de sa stratégie d’achèvement, comme l’illustrent les atermoiements dans l’affaire Butare.  Le représentant a également noté qu’en ce qui concerne le suivi des affaires renvoyées par le TPIR devant des juridictions nationales, deux d’entre elles jugées en France en sont toujours au stade de l’enquête, « sans qu’aucun progrès n’ait été accompli ».  Par comparaison, il a fait remarquer que les deux affaires renvoyées devant le Rwanda en 2012 et 2013 par le TPIR sont bien plus avancées dans leurs procédures respectives, en précisant que les renvois avaient eu lieu cinq ans après le renvoi de deux affaires à la France.  M. Gasana a exhorté les autorités françaises à conclure les investigations en cours le plus rapidement possible.

Après avoir déploré que Félicien Kabuga et Protais Mpiranya soient toujours en fuite, le représentant du Rwanda a réitéré son appel à tous les États Membres, notamment ceux de la région des Grands Lacs, pour qu’ils coopèrent avec le Tribunal pour parvenir à l’arrestation de ces accusés.  Le délégué a enfin prié le Tribunal d’achever ses travaux dans les délais prévus.  M. Gasana a enfin appelé tous les dirigeants des pays issus de l’ex-Yougoslavie à faire honneur à l’histoire et à œuvrer à une véritable réconciliation à l’approche du vingtième anniversaire du massacre de Srebrenica. 

Mme PHILIPPA KING (Australie) a salué la contribution des Tribunaux pénaux internationaux au développement du droit pénal international, ainsi que l’assistance qu’ils ont apportée aux victimes et aux témoins.  Elle a apprécié les efforts menés par les deux juridictions pour achever rapidement leurs travaux  tout en garantissant le respect des procédures.  « L’Australie est d’avis que les mandats des juges et procureurs doivent être étendus jusqu’à l’achèvement des affaires », a-t-elle indiqué, tout en prévenant qu’il faudrait déployer davantage d’efforts pour que la dernière phase soit réussie. 

Elle a tout d’abord demandé aux États Membres de coopérer avec le Mécanisme résiduel pour que les neuf fugitifs soient appréhendés, en se félicitant, à cet égard, du lancement de l’Initiative internationale de recherche des fugitifs, lancée à Kigali le 24 juillet 2014 par le Procureur du TPIR, le Bureau de la justice pénale mondiale du Département d’État américain, INTERPOL et le Procureur général du Rwanda.  La représentante a aussi invité à travailler de concert pour la réinstallation des huit personnes acquittées et des trois autres personnes libérées par le TPIR, qui se trouvent actuellement dans une situation de vide juridique et sans les moyens de survivre indépendamment de l’appui du Tribunal.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à soutenir les efforts du TPIR et du Mécanisme en vue de trouver une solution satisfaisante.

Passant au TPIY, Mme King s’est inquiétée du manque de progrès concernant l’examen des affaires déférées devant les juridictions nationales, notamment en Bosnie-Herzégovine.  Elle a cependant apprécié l’arrestation, le 5 décembre, de 15 personnes soupçonnées d’avoir participé au massacre de 1993.  Elle a aussi demandé à la Serbie, à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine de s’abstenir de critiquer les jugements rendus par le TPIY.  Concernant le personnel des tribunaux, la représentante a soutenu les initiatives de ressources humaines visant à donner aux deux Tribunaux pénaux internationaux les moyens qui leur sont nécessaires.  Enfin, elle a invité le Conseil de sécurité à continuer à soutenir activement les tribunaux et le Mécanisme résiduel.

Mme JOY OGWU (Nigéria) a constaté que le TPIY a mis en accusation 161 individus pour les crimes graves commis dans les pays issus de la partition de l’ex-Yougoslavie.  Elle s’est félicitée de constater que, depuis juillet 2011, et grâce à la coopération des pays de la région avec le Tribunal, il n’y avait plus aucun fugitif.  Elle s’est déclarée confiante que le TPIY sera en mesure d’œuvrer efficacement à l’achèvement de ses travaux dans les délais impartis, même si la représentante s’est dite consciente de l’impact des problèmes de recrutement du personnel sur la stratégie du TPIY.  La représentante a également noté les progrès accomplis par le TPIR pour achever sa propre stratégie d’achèvement des travaux, qui adresse, a-t-elle dit, un message fort aux auteurs d’atrocités de masse. 

Mme Ogwu a par ailleurs exhorté le TPIR à veiller au transfert des archives et registres au Mécanisme résiduel, en se félicitant du large soutien dont ce dernier bénéficie au sein de la communauté internationale, du Conseil de sécurité et du Secrétariat de l’ONU.  La représentante du Nigéria a salué, avant de conclure, les deux Tribunaux pénaux internationaux pour leurs contributions à une jurisprudence dans le droit international.

M. MARIO OYARZABAL (Argentine) a salué les travaux accomplis par les deux tribunaux, en notant tout d’abord que le TPIY n’était plus saisi de cas de fugitifs et avait réalisé des progrès considérables pour clôturer les affaires en suspens.  L’Argentine, a-t-il assuré, appuie la prorogation du mandat des juges et procureurs des deux tribunaux.  Il est urgent que les États Membres examinent de manière approfondie les mesures facilitant la rétention des personnels des deux institutions. Le représentant a par ailleurs salué le fait que le TPIR ait achevé ses activités de fond en ce qui concerne la totalité des 93 inculpés.  Il ne reste plus qu’une affaire en appel, dont l’examen devrait être achevé en 2015, a-t-il indiqué.  Le représentant argentin a également souligné que la question de la  détention des fugitifs sous juridiction du Mécanisme résiduel et du Rwanda ne pourra être réglée que par le biais d’une coopération accrue des États. 

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a assuré que son pays avait toujours appuyé ces tribunaux exceptionnels, qu’il a qualifiés de modèles d’impartialité et d’efficacité.  « Ils ont jeté les bases de la vérité sur les crimes de masse commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda, et adressé un message à ceux qui compteraient faire de même ailleurs dans le monde », a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite indiqué que les États-Unis attendaient avec impatience le prononcé des derniers procès en cours au TPIY, en particulier celui de Ratko Mladic.  Il a en outre condamné les discours « révisionnistes et inflammatoires » de certaines personnes qui n’ont pu être poursuivies jusqu’au bout.  S’agissant du TPIR, le représentant des États-Unis s’est félicité de ce que les deux branches du Mécanisme résiduel continuent de s’acquitter efficacement de leurs fonctions.  Il a cependant fait remarquer que neuf fugitifs, dont certain auraient joué un rôle central dans le génocide, n’ont toujours pas été arrêtés.  « Nous ne devons pas les oublier, de même que nous ne devons pas oublier leurs victimes », a-t-il souligné.  Les États-Unis appellent à une coopération plus efficace pour retrouver et arrêter ces fugitifs et promettent des récompenses de plusieurs millions de dollars pour atteindre cet objectif, a indiqué le représentant avant de conclure. 

Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a salué le rôle essentiel du TPIY pour renforcer l’état de droit et promouvoir la stabilité et la réconciliation à long terme dans les Balkans occidentaux.  Elle a aussi souligné l’importance de sa jurisprudence qui a contribué au développement du droit pénal international, notamment dans les domaines de la responsabilité pénale individuelle et des crimes de violence sexuelle.  Elle s’est aussi félicitée de ce que le Tribunal ait donné une voix aux victimes, en particulier aux femmes et aux enfants.  Mme Lucas a encouragé le Tribunal à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les retards au minimum, afin qu’il s’acquitte le plus rapidement possible des tâches qui lui sont confiées, « mais sans obérer sa capacité à rendre la justice de manière indépendance et impartiale », a-t-elle précisé.  Le Luxembourg, a-t-elle assuré, appuie les demandes de prorogation de mandat.

En ce qui concerne le TPIY, Mme Lucas a estimé que la coopération des États concernés était « essentielle pour que le Tribunal soit en mesure d’achever son mandat ».  En ce qui concerne les poursuites engagées au niveau national pour crimes de guerre, elle a dit partager la préoccupation du Procureur Brammertz concernant la lenteur de l’instruction par les institutions nationales.  « Nous nous félicitons des mesures prises par le Bureau du Procureur pour renforcer les capacités de ces institutions », a-t-elle ajouté.  En conclusion, Mme Lucas a souligné que les tribunaux internationaux avaient « joué un rôle historique dans la lutte contre l’impunité ».  Elle a aussi appelé les États à redoubler d’efforts pour appréhender les neuf accusés par le TPIR toujours en fuite, avant d’attirer aussi l’attention sur la question de la réinstallation des huit personnes acquittées et des trois personnes libérées après l’exécution de leur peine.  Concernant l’achèvement des travaux, elle a souhaité que les deux Tribunaux pénaux internationaux et le Mécanisme disposent des ressources humaines adéquates.

M. MAHMOUD DAIFALLAH MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a rappelé que la création des tribunaux, il y a 20 ans, était la réponse de la communauté internationale pour juger les auteurs des crimes graves commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda.  Ces deux cours ont réalisé depuis des avancées positives, aussi bien dans le nombre considérable d’affaires traitées et que dans celui, réduit, des affaires qu’il reste à juger.  Tous deux ont joué un rôle essentiel dans le développement du droit international et pour aider les juridictions nationales dans leurs arrêtés et leurs jugements, a-t-il estimé.  Le représentant a réaffirmé que la clôture des deux Tribunaux pénaux internationaux dépendait de l’achèvement des dernières affaires en cours, tout en soulignant la nécessite d’examiner leurs aspects techniques et administratifs.  Le travail des deux tribunaux n’a absolument pas remis en cause la stabilité des pays concernés, a affirmé le représentant de la Jordanie, qui a estimé qu’ils avaient démontré, au contraire, que la justice était un facteur de consolidation de la paix.

M. WANG MIN (Chine) a pris note des problèmes auxquels se heurtent aujourd’hui les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, notamment dans le recrutement de personnels qualifiés à quelques années de la fermeture prévue de ces deux juridictions.  Il s’est ensuite félicité des progrès réalisés par le Mécanisme résiduel, en particulier dans le transfert en cours des archives.  Le représentant s’est aussi félicité de la coopération des États Membres, notamment les pays des régions concernées, qui est indispensable pour permettre aux TPIY et TPIR de s’acquitter des affaires en suspens.  Le représentant de la Chine a salué, en conclusion, la décision de la Belgique d’accueillir un individu acquitté par le TPIR et réaffirmé le soutien de sa délégation aux deux tribunaux.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a rappelé que son pays faisait partie des coauteurs de la résolution 1966 du Conseil de sécurité, en ajoutant que les deux tribunaux avaient, sans nul doute, contribué à la lutte contre l’impunité et facilité la réconciliation nationale dans les pays concernés.  Toutefois, les retards pris dans certaines procédures ont été compliqués avec les problèmes de santé de certains détenus, entraînant ainsi la libération temporaire de certains accusés, a pointé le représentant.  La durée des retards constatés vont à l’encontre de toutes les normes internationales de justice, a-t-il déploré, en imputant la lenteur du traitement des affaires par les deux tribunaux à une mauvaise évaluation de leur complexité.  Pour le représentant, cette situation ne plaide pas en faveur d’une prorogation des mandats des juges du TPIY et du TPIR.  La Fédération de Russie plaide, au contraire, pour le renforcement ou la mise en place de mécanismes nationaux de lutte contre l’impunité, en multipliant les initiatives conjointes entre États concernés. 

Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni) a déclaré que le TPIY devrait respecter les calendriers fixés, en particulier concernant les affaires impliquant des responsables du massacre de Srebrenica.  La représentante s’est félicitée de ce que le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine soit maintenant doté de plus de moyens afin d’accélérer les procédures en cours.  « Il est essentiel d’éliminer ce qui fait obstacle à la réconciliation nationale et de veiller au respect des sentiments des victimes, en empêchant que des discours révisionnistes et inflammatoires prennent libre cours.  Pour ce qui est du TPIR, la représentante britannique a estimé que son travail avait été crucial pour le développement du droit international et pour que les coupables d’actes génocidaires rendent compte de leurs actes.  Elle a cependant déploré l’absence de progrès dans l’arrestation des neuf fugitifs.  Le Royaume-Uni encourage tous les États à apporter un appui actif au Rwanda et au Mécanisme résiduel afin de permettre l’arrestation de ces individus, a-t-elle dit, en précisant que certains d’entre eux avaient joué un rôle prépondérant dans le génocide de 1994.  Elle a conclu en jugeant essentiel que le mandat des juges du TPIY et du TPIR soient prorogés « si l’on veut effectivement que ceux-ci s’acquittent de leur mandat ». 

M. BANTÉ MANGARAL (Tchad) a constaté, lui aussi, les progrès accomplis par les Tribunaux pénaux internationaux, tant dans la stratégie d’achèvement de leurs travaux que dans le jugement des affaires en suspens.  Il a toutefois regretté que le TPIR ne soit pas en mesure de conclure ses travaux dans les délais impartis, en prenant note des raisons proprement judiciaires, mais également des difficultés à fidéliser et recruter le personnel compétent.  Le représentant a également relevé que la question de la prorogation des mandats des juges ne fait pas l’objet d’un consensus parmi les membres du Conseil de sécurité et que les négociations autour du projet de résolution à l’étude se poursuivent.  Par ailleurs, le Tchad regrette qu’aucun des neuf fugitifs accusés d’avoir participé au génocide du Rwanda n’ait été arrêté, même si des efforts sont déployés pour les retrouver.  Enfin, à l’instar des autres délégations, M. Mangaral a lancé un appel aux États Membres pour qu’ils accueillent les personnes acquittées par les Tribunaux.

Mme MIRSADA ČOLAKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) a insisté sur l’importance que revêt pour son pays la coopération régionale, dont dépend le TPIY pour achever ses travaux et rendre justice aux nombreuses victimes des conflits qui ont secoué l’ex-Yougoslavie.  Ainsi, suite aux accords et protocoles signés par son pays et les pays de la région, 15 personnes suspectées d’avoir commis des actes de torture et les meurtres d’une vingtaine de personnes ont été arrêtés, le 5 décembre dernier, en Bosnie-Herzégovine et en Serbie, a annoncé la représentante.  En outre, notre gouvernement continue de coopérer avec le TPIY dans l’accès aux documents et aux archives et en matière de protection des témoins, a poursuivi Mme Čolaković, en assurant le Conseil de la détermination de son pays à renforcer son système judiciaire national, « à tous les niveaux », tout en continuant de poursuivre tous les responsables de crimes graves.

Ainsi, a précisé la représentante, en novembre 2014, le Bureau du Procureur de la Bosnie-Herzégovine avait enregistré 679 cas de crimes de guerre commis par 5 119 accusés, mobilisant ainsi 34 procureurs.  En outre, au cours de l’année écoulée, 42 chefs d’inculpation pour crimes de guerre ont été émis contre 82 individus, a encore relevé la déléguée.  Parallèlement, la Stratégie nationale pour le jugement des crimes de guerre, adoptée en 2008, prévoit que les affaires les plus complexes devraient être jugées dans les sept prochaines années, et les autres affaires d’ici aux 15 prochaines années, a-t-elle rappelé.   La représentante a salué le concours de l’Union européenne pour aider la Bosnie-Herzégovine à remplir les objectifs qu’elle s’est fixés dans le cadre de cette Stratégie, y compris pour renforcer ses capacités judiciaires.  Mme Čolaković a, enfin, assuré que son gouvernement contribuait activement, dans le cadre de la coopération, à la recherche des personnes disparues, qui sont encore au nombre de 8 000.

M. MILAN MILANOVIĆ (Serbie) a mis l’accent sur l’importance de renforcer la coopération entre États pour contribuer efficacement à la paix et à la réconciliation régionale.  Tous les pays où des crimes graves ont été commis doivent travailler ensemble à la reddition de la justice et à la lutte concomitante contre l’impunité protégeant la perpétration des crimes internationaux, a-t-il souligné.  À cet égard, M. Milanović a assuré que son pays avait renforcé sa coopération avec la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et EULEX au cours de ces dernières années.  Il a par ailleurs souligné qu’il était important pour tous les pays de la région de traduire également en justice les auteurs de crimes ayant fait des victimes serbes. 

Concernant les travaux du TPIY, M. Milanović a attiré l’attention sur le fait que les processus permettant des détentions prolongées, souvent indéfiniment, étaient contraires aux normes régissant les droits des accusés.  M. Šešelj a ainsi été détenu pendant presque 12 ans après s’être rendu de son plein gré, a-t-il fait remarquer.  Le représentant a souligné que les discours tenus par M. Šešelj pendant sa libération conditionnelle ne différaient en rien à ceux tenus pendant ses auditions.  La Serbie rejette les accusations selon lesquelles les discours de M. Šešelj relaieraient l’opinion du Gouvernement serbe, a insisté le représentant.  La portée de ces discours, comme l’ont montré toutes les dernières élections organisées en Serbie, est tout à fait marginale, a-t-il encore indiqué, en ajoutant que les discours de haine n’étaient pas l’apanage de la Serbie.

M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a appuyé la demande faite par le Procureur Brammertz visant à révoquer la liberté conditionnelle accordée à  M. Vojislav Šešelj.  La confiance accordée par le TPIY envers cette personne n’a pas été honorée, a-t-il estimé.  Pour M. Drobnjak, la conduite de M. Šešelj est une insulte aux victimes et à la justice pénale internationale.  Le type de discours proférés par M. Šešelj a précisément conduit à la guerre en ex-Yougoslavie.  La libération de cet individu, au comportement dangereux, est comme un rire cynique au visage des victimes, a-t-il martelé.  M. Drobnjak a demandé à tous d’appuyer les condamnations contenues dans la résolution concernant cette affaire, qui avait été adoptée par le Parlement européen le 27 novembre 2014.  Ce texte condamne fermement les activités publiques provocatrices de M. Šešelj, a encore rappelé le représentant croate, avant de prendre part à un échange avec son homologue serbe sur cette question. 

Reprenant la parole, le représentant de la Serbie s’est élevé contre le traitement des minorités serbes en Croatie, en dénonçant les problèmes qu’elles rencontrent s’agissant de la restitution de leurs propriétés à l’issue des retours.  Il a regretté qu’ils n’aient pu être réglés jusqu’à présent dans le cadre d’une relation bilatérale.

Réagissant à la première intervention faite par le représentant serbe, son homologue de la Croatie a déclaré que le Parlement européen lui-même avait estimé que les déclarations faites par Vojislav Šešelj sur le retour d’une « Grande Serbie » étaient de nature à compromettre les efforts de réconciliations en cours.  Sur le dernier point évoqué par son collègue serbe, il a estimé que le Parlement européen, dont fait partie la Croatie et auquel aspire la Serbie, était la seule enceinte où les questions relatives à la minorité serbe devaient être débattues, « certainement pas au Conseil de sécurité ».  

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