7315e séance – après-midi
CS/11653

Conseil de sécurité: la communauté internationale doit accompagner une Guinée-Bissau encore fragile dans sa transition, affirme le Représentant spécial

La CCP, la CEDEAO et la Communauté des pays lusophones soutiennent l’appel du Premier Ministre bissau-guinéen en ce sens

Avec les progrès considérables accomplis, la Guinée-Bissau ne peut s’offrir le « luxe d’un statu quo », « au risque de perdre tous ses gains démocratiques », a prévenu, cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix (BINUGBIS) dans ce pays.

Pour M. Miguel Trovoada, qui est venu présenter une mise à jour de la situation dans cette nation de l’Afrique de l’Ouest, la Guinée-Bissau a finalisé son retour à l’ordre constitutionnel, ses principales institutions sont redevenues légitimes et représentatives et un Gouvernement inclusif, « qui prend en compte toutes les sensibilités politiques nationales », a été formé.

« Avec le soutien de la communauté internationale, des organisations régionales et sous-régionales et de ses partenaires, la Guinée-Bissau s’efforce de poursuivre sa transition vers la paix et la stabilité », a-t-il affirmé, en soulignant le rôle prééminent joué, dans ce cadre, par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de sa mission de maintien de la paix, l’ECOMIB, ainsi que de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP).

Cependant, certaines causes profondes des problèmes du pays ne sont pas résolues, comme en témoignent les divergences entre les partis politiques et les divisions internes en leur sein même, a fait remarquer le Représentant spécial.  « Par ailleurs, un climat de suspicion entre civils et militaires persiste », a assuré M. Trovaoda, qui a fait également état du dysfonctionnement de certaines institutions étatiques.

Un consensus semble toutefois émerger dans le pays quant à la nécessité d’engager des réformes, en particulier dans les domaines de la défense et de la sécurité, de la justice et de l’administration publique, a expliqué le Chef du BINUGBIS.  « En ce qui concerne la défense et la sécurité, le changement à la tête de l’état-major des forces armées n’a été qu’un premier pas en ce sens », a-t-il estimé.  « La réforme doit se faire de manière globale, inclusive et intégrée, en vue de parvenir à une solution techniquement faisable, économiquement supportable et politiquement acceptable par toutes les parties prenantes. »

Le Président de la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Antonio de Aguiar Patriota, du Brésil, a souligné les mesures décisives adoptées, au cours de ces derniers mois, par les autorités dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, notamment pour mettre à jour les fichiers des retraités de l’armée et régler les arriérés de salaire des fonctionnaires, avec le concours de l’ECOMIB.

En outre, pour faire face à des inégalités sociales très marquées et à l’absence d’infrastructures nécessaires au développement d’une agriculture et d’une industrie minière nationales, a-t-il fait remarquer, les autorités de la Guinée-Bissau s’efforcent de répondre aux besoins de la population, de mettre en place des mesures de prévention contre Ebola et d’améliorer la fourniture des services de base.  La Guinée-Bissau, a précisé M. Trovaoda, occupe la 177e place de l’index du développement humain, sur les 187 pays répertoriés.

Dans ce contexte, le programme élaboré en septembre par le Gouvernement a identifié « la stabilité, la consolidation de l’état de droit et le renforcement des institutions publiques, la bonne gouvernance, la justice et le développement comme priorités absolues ».  Compte tenu des ressources limitées dont elle dispose, la communauté internationale doit continuer, plus que jamais, à rester solidaire avec la Guinée-Bissau, a estimé le Représentant spécial.

La corruption, l’utilisation de son territoire comme point de transit du trafic de stupéfiants ou base de la criminalité organisée, ou encore le non-respect de l’état de droit et des droits de l’homme, a précisé M. Trovoada, sont autant de menaces qui pèsent sur de fragiles acquis.  « L’impunité ne pourra être éradiquée que si ceux qui interprètent et appliquent la loi disposent de la liberté d’agir sans contraintes et d’instruments nécessaires pour faire respecter les décisions de justice », a averti le Chef du BINUGBIS.

Il s’est toutefois félicité des conclusions, jugées « encourageantes », de la table ronde de donateurs organisée les 17 et 18 octobre dernier, qui a permis de définir une « vision » en vue de relancer l’économie pour 2015.  Abondant en ce sens, M. Patriota a souligné l’importance pour la communauté internationale de maintenir sa vigilance « sans s’ingérer dans le dialogue national », rappelant que la formation Guinée-Bissau de la CCP était la plateforme idéale pour que les partenaires du pays puissent parler « d’une voix unique ».

Tout en assurant que son pays était entré dans un « nouveau cycle plein d’espoir », le Premier Ministre de la Guinée-Bissau, M. Domingos Simoes Pereira, a estimé que la Guinée-Bissau aura encore besoin d’une aide extérieure robuste pour combler les manques d’un État qui demeure fragile, en particulier dans les secteurs de base comme l’éducation et la santé.

Le Ministre des affaires étrangères du Timor-Leste,  M. José Luis Guterres, qui s’exprimait au nom de la Communauté des pays de langue portugaise, s’est également joint à cet appel pour solliciter l’appui technique et financier de la communauté internationale.  Il a d’ailleurs annoncé la tenue, en 2015, d’une conférence des donateurs destinée à maintenir l’implication des partenaires du pays dans les efforts de développement en cours.

Parallèlement, le Chef du Gouvernement de la Guinée-Bissau a demandé au Conseil de sécurité et à tous les partenaires de son pays d’apporter « le soutien financier requis » à l’ECOMIB, la Mission de la CEDEAO, « afin qu’elle puisse s’acquitter de son mandat ».  Il a également estimé que le BINUGBIS devrait continuer ses activités, en étroite coopération avec la CCP.

Rappelant que le Groupe de contact international sur la Guinée-Bissau s’était réuni ce matin même, M. Guterres a plaidé pour le déploiement sur le terrain d’une force internationale similaire à l’ECOMIB.  Il a toutefois précisé qu’une telle décision devrait faire l’objet d’une demande formelle de la part de la Guinée-Bissau et se voir dotée d’un mandat et d’un cadre clairs.  « Nous demandons au Conseil de sécurité d’examiner l’éventualité d’une telle force et de coordonner son mandat avec celui du Bureau intégré », a déclaré le Chef de la diplomatie timoraise.

La Présidente du Conseil des Ministres de la CEDEAO, Mme Hanna Serwah Tetteh (Ghana), a expliqué que les délibérations du Groupe international de contact avaient permis d’explorer les moyens de coordonner les interventions des partenaires internationaux en vue d’optimiser l’appui fourni à la Guinée-Bissau dans les domaines de la stabilité politique et de la reconstruction économique.

Ces efforts, conjugués à ceux du Conseil de sécurité permettront de redonner l’espoir au peuple de la Guinée-Bissau, a-t-elle déclaré, en s’adressant aux membres du Conseil.  À son tour, elle a demandé au Conseil de sécurité de reconnaître la nécessité de maintenir la structure actuelle du Bureau intégré des Nations Unies en Guinée-Bissau.  Elle a également exhorté l’Organisation des Nations Unies à aider le pays à répondre aux besoins d’urgence et à plus long terme au cas où il serait concerné par l’épidémie du virus Ebola.

Dans la lettre en date du 11 novembre 2014 qu’il a adressée au Conseil de sécurité, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon préconise de « proroger techniquement le mandat du BINUGBIS pour une période de trois mois, soit jusqu’au 28 février 2015, afin de lui donner le temps de prendre pleinement en considération les recommandations qui figureront dans son rapport de janvier 2015 concernant les modifications à apporter éventuellement au mandat ».

 

 

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