CS/11010

La République centrafricaine a sombré dans l’anarchie, déclare la Représentante spéciale du Secrétaire général

15/05/2013
Conseil de sécuritéCS/11010
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Conseil de sécurité                                        

6967e séance – matin                                       


LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE A SOMBRÉ DANS L’ANARCHIE, DÉCLARE

LA REPRÉSENTANTE SPÉCIALE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL


Le Premier Ministre centrafricain demande une intervention

de la France « bénéficiant d’un mandat clair des Nations Unies »


La Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), Mme Margaret Aderinsola Vogt, a affirmé, ce matin devant le Conseil de sécurité, que le pays, livré à des actes de vengeance commis contre la population par des éléments de la Séléka, avait sombré dans un état d’« anarchie » où règne un « mépris total du droit international ».


De son côté, le Premier Ministre de la République centrafricaine, M. Nicolas Tiangaye, a, notamment, demandé à la France, qui, selon lui, « bénéficie d’un mandat clair des Nations Unies d’intervenir en recourant à la force pour désarmer les éléments de la Séléka ».  « Le peuple centrafricain qui souffre en ce moment des exactions de la Séléka en a grandement besoin », a-t-il déclaré.


Pour Mme Vogt, qui présentait le rapport du Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, sur la situation en République centrafricaine, « il y a un besoin urgent d’aider à restaurer la stabilité et la sécurité en République centrafricaine ».  Elle a ainsi proposé le déploiement d’une « force de sécurité neutre » en mesure de « contenir l’état actuel d’anarchie » et d’obliger les éléments rebelles à se conformer au cadre de sécurité prévu à Libreville.


« Le Conseil de sécurité et l’ensemble de la communauté internationale doivent agir rapidement pour protéger la population de l’assaut de ces groupes armés », a insisté la Représentante spéciale, en faisant observer que la situation à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, où se concentrent 1,5 millions d’habitants –soit un tiers de la population nationale-, était « particulièrement préoccupante ».


Dans son rapport, le Secrétaire général qualifie la situation dans le pays d’ « effroyable » et « intolérable » et demande à la communauté internationale d’« envoyer un message fort aux chefs de la Séléka pour leur signifier que les meurtres, les pillages et le  renversement inconstitutionnel du Gouvernement de la République centrafricaine ne resteront pas impunis ».


Le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2088 (2013), a demandé une évaluation des moyens dont disposent les organismes des Nations Unies pour renforcer la mise en œuvre de leurs activités prioritaires à la lumière des récents événements.


« Des assassinats aveugles et souvent ciblés, des viols, les agressions contre la population innocente, le recrutement flagrant d’enfants soldats, le pillage de maisons, d’églises et de couvents, tout cela continue, près de deux mois après que la Séléka s’est emparée du pouvoir », a indiqué Mme Vogt dans son exposé.


La Représentante spéciale a appelé la communauté internationale à « décider de mesures claires pour mettre un terme à l’impunité avec laquelle des groupes armés ont déclenché un règne de terreur sur l’ensemble de la population ».


« Les dirigeants ne sont pas capables ou ne veulent pas contrôler les rangs des groupes de milices ou les commandants locaux », a expliqué Mme Vogt, dans son exposé.  « Le pays semble être devenu un havre pour différentes forces rebelles qui cherchent à exploiter les ressources naturelles qui font la renommée de la République centrafricaine ».


« Pour compliquer encore le tableau », l’insécurité croissante dans le pays « constitue aujourd’hui une menace directe à la sécurité de ses voisins, en particulier la République démocratique du Congo (RDC), le Tchad et le Cameroun ».


Le Chef du BINUCA a rappelé que les différents sommets, qui s’étaient tenus à Libreville, à N’djamena et à Brazzaville, avaient « posé des règles politiques de base solides à suivre pour le nouveau régime à Bangui », ainsi qu’une « feuille de route claire des tâches qui doivent être accomplies pour permettre le rétablissement d’un régime démocratique en République centrafricaine ».


Mme Vogt a ainsi cité la « cessation de toutes les hostilités » et le « rétablissement de la sécurité sur tout le territoire de la République centrafricaine », le « retour à l’ordre constitutionnel », en rappelant que le Premier Ministre dirige le Gouvernement, tandis que le Président autoproclamé Michel Djotodia est le Chef de l’État de transition et préside le Conseil de transition.


Elle a cependant fait remarquer que M. Djotodia, qui avait accepté les décisions des Chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), n’a pas respecté ses engagements.


« Il insiste sur son rôle de président, en se référant constamment aux décrets qui le désignent en tant que tel et qui lui donnent ainsi le pouvoir de limoger le Premier Ministre », contrairement, a-t-elle précisé, aux Accords de Libreville. 


La Représentante spéciale a ajouté qu’il continuait de diriger le pays par décrets présidentiels, la communauté internationale, notamment l’Union africaine, l’Organisation internationale de la Francophonie et le Conseil de sécurité ainsi que de nombreux États Membres, ayant fermement déclaré leur soutien au cadre politique de la CEEAC pour la République centrafricaine.


Cependant, pour que cela fonctionne, « un certain nombre de mesures importantes devront être prises », a-t-elle dit, en affirmant que le Premier Ministre et le Chef de l’État de transition devraient se partager le pouvoir exécutif de manière distincte, conformément aux dispositions d’une charte de transition qui fixerait les règles d’engagement pour la période transitoire.


Sur le plan des droits de l’homme et de la justice, a poursuivi la Représentante spéciale, « l’offensive de la Séléka a détruit une grande partie du système judiciaire du pays ».  Il devra être reconstruit entièrement, y compris les prisons.  En outre, la structure de la police a été démantelée, la sécurité nationale et les forces de défense (gendarmerie, police et armée) s’étant désintégrées.


La crise actuelle, a-t-elle dit, souligne l’urgence de la réforme du secteur de sécurité.  Elle devrait permettre la restauration de l’autorité de l’État, la collecte des armes légères et de petit calibre, des programmes de relèvement communautaire, ainsi que la réintégration des ex-combattants au sein des forces de sécurité officielle et de défense.


Le Chef du BINUCA a également déclaré que les abus et les violations commis par des combattants de la Séléka et d’autres éléments armés, y compris les viols, les mutilations, le recrutement d’enfants et les mariages forcés étaient une « source de grave préoccupation qui exige la protection urgente des civils ».  Ces actes constituent, a-t-elle déclaré, une « violation grave des droits de l’homme et du droit international humanitaire ».


« Il est essentiel que le Conseil se prononce sans équivoque sur la nécessité d’arrêter maintenant ces abus et de faire en sorte que leurs auteurs soient tenus individuellement responsables de leurs actes », a-t-elle lancé.  « Le moment est venu pour le Conseil de sécurité d’envisager d’imposer des sanctions individuelles contre les personnes qui ont planifié et commis ces violations flagrantes. »


Sur le plan humanitaire, « la crise a aggravé une situation déjà difficile pour la population de la République centrafricaine », a expliqué Mme Vogt.  Les violations des droits de l’homme contre les civils et les mouvements de population se poursuivent, a-t-elle indiqué, en notant que plus de 49 000 réfugiés étaient désormais enregistrés dans les pays voisins depuis le mois de décembre dernier, principalement en République démocratique du Congo, au Tchad, au Cameroun et en République du Congo.


Le nombre total des personnes déplacées depuis décembre 2012 s’élève aujourd’hui à plus de 200 000, a-t-elle précisé.  Plus de 80 000 personnes, dont 57 000 enfants de moins de 5 ans, sont exposées à un risque d’insécurité alimentaire grave au cours de la saison sèche, qui court jusqu’en septembre, a-t-elle prévenu.  De même, les écoles étant fermées ou occupées et les enseignants absents, au moins 656 000 enfants n’ont pas accès actuellement à l’éducation.


L’accès humanitaire est difficile en raison de l’insécurité et de réseaux routiers limités, a indiqué Mme Vogt.  Un financement supplémentaire d’urgence est également requis pour soutenir la capacité de réponse humanitaire, a-t-elle fait observer, en précisant que l’appel humanitaire pour la République centrafricaine, qui avait été lancé avant la crise actuelle, n’était financé qu’à hauteur de 29%.


En mars dernier, on estimait que 42 millions de dollars supplémentaires étaient nécessaires pour répondre aux nouveaux besoins provoqués par la crise, a-t-elle rappelé, en précisant que ce montant risquait d’augmenter davantage.


Le Premier Ministre centrafricain a fait état d’un « drame sans précédent » dans l’histoire de son pays.  M. Tiangaye s’est employé à énumérer une longue liste d’exactions commises par les troupes de la Séléka.


Il a toutefois indiqué que le processus de mise en place des structures recommandées par le dernier Sommet des Chefs d’État de la CEEAC, le 18 avril à N’djamena, au Tchad, s’était déroulé « à la satisfaction des Centrafricains, bien que la situation reste préoccupante, malgré la bonne volonté du Gouvernement de la République centrafricaine et les efforts de la Mission de la consolidation de la paix en Afrique centrale (MICOPAX) ».


Il a, en particulier, affirmé que l’effondrement de l’État et la disparition des forces de défense et de sécurité avaient laissé un « vide sécuritaire ayant engendré une totale anarchie, favorisant ainsi des violations généralisées et graves des droits de l’homme ».


M. Tiangaye a souligné que les pillages visaient avant tout les non-musulmans et épargnaient les musulmans, ce qui provoquait les ressentiments des communautés chrétiennes et attisait les tensions religieuses. 


Le Premier Ministre a également mis l’accent sur le fait que le climat d’insécurité compromettait la stabilité de toute la sous-région.  Il a demandé au Conseil de sécurité de se saisir du dossier de son pays. 


Il a appelé l’Union européenne et l’Union africaine à « mettre tout en œuvre pour appuyer financièrement » une intervention de la France, « ou en offrant des moyens aux forces qui interviendraient au titre de cette mission ».


M. Tiangaye a, enfin, prié les Nations Unies d’ouvrir des couloirs humanitaires et de désigner un « Rapporteur spécial chargé d’enquêter sur les violations des droits de l’homme en République centrafricaine afin de déterminer l’étendue des crimes et d’entamer des poursuites contre leurs auteurs ». 


Le Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies, dont le pays préside la CEEAC, a, quant à lui, appelé à « éviter que la plaie au cœur de l’Afrique, à savoir la République centrafricaine, ne se gangrène et ne contamine toute la sous-région ».  « Il est urgent que l’Afrique et la communauté internationale, dans son ensemble, s’engagent concrètement aux côtés de la CEEAC et en appui à la transition en République centrafricaine pour assister les populations en danger », a insisté M. Allam-Mi Ahmad.


Il est également urgent de neutraliser les bandes armées, a-t-il ajouté, en faisant ainsi référence à la Déclaration de N’djamena du 18 avril, qui souligne que, pour assurer un minimum de sécurité dans le pays, les effectifs de la force régionale de maintien de la paix, la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX), devraient passer de 700 à 2 000 hommes.


« La communauté internationale et, notamment le Conseil de sécurité, a un devoir de solidarité et d’assistance en faveur de la Centrafrique qui meurt à cause de la situation politique et sociale chaotique dans laquelle se trouve actuellement le pays », a conclu M. Allam-Mi Ahmad.       



LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE


Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine (S/2013/261)


Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, dresse, dans ce rapport, un état actualisé de la situation en République centrafricaine et évalue les moyens dont dispose le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA) en vue de renforcer la mise en œuvre de ses activités prioritaires, à la lumière des récents événements survenus dans le pays.


Le Secrétaire général estime que la situation en République centrafricaine est effroyable et intolérable.  La communauté internationale doit, a-t-il estimé, envoyer un message fort aux chefs de la Séléka pour leur signifier que les meurtres, les pillages et le renversement inconstitutionnel du Gouvernement ne resteront pas impunis.


Il demande au Conseil de sécurité d’envisager de prendre des sanctions et d’autres mesures contre les auteurs de violations graves des droits de l’homme, y compris de sévices sexuels contre des femmes et des enfants.


Il se félicite de l’issue du Sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui s’est tenu à N’Djamena, le 18 avril 2013.  Il soutient sans réserve la feuille de route adoptée par le Sommet, qui prévoit la constitution d’un Conseil national de transition plus large, plus représentatif et plus ouvert.


Il demande instamment que le Conseil soit entièrement remanié dans le cadre d’un processus de consultations ouvert et transparent afin d’en faire un organe plus crédible et plus représentatif de l’équilibre entre les sexes.


Le Secrétaire général se déclare préoccupé par la dégradation incessante des conditions de sécurité et l’absence totale d’ordre public en République centrafricaine.  Il est particulièrement inquiet face au déchaînement d’une violence dont l’objectif manifeste est de provoquer la méfiance et des affrontements entre confessions.


Il prie le Premier Ministre de s’employer immédiatement à travailler avec les chefs religieux pour rétablir l’entente interreligieuse et empêcher que le pays ne sombre dans un cycle tragique de violences et de représailles.


Le Secrétaire général préconise fortement que l’accroissement des effectifs de la force régionale de maintien de la paix de la CEEAC, la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX), qui passera de 700 à 2 000 hommes, se fasse rapidement pour commencer à restaurer la stabilité dans le pays, tout en veillant à une répartition adéquate entre pays contributeurs de contingents.


Il souligne que les autorités gouvernementales ont entamé des discussions préliminaires avec des responsables de l’ONU quant à la possibilité de déployer une force de maintien de la paix en République centrafricaine, mais, ajoute-t-il, bon nombre de questions restent à régler avant d’en arriver là.


Dans l’intervalle, il prie instamment le Conseil de sécurité d’envisager de prendre des mesures à court terme susceptibles d’améliorer immédiatement la situation, comme la fourniture d’un appui à la MICOPAX, sous la forme de conseils et de financements, ou l’assignation d’un mandat à d’autres forces pour leur demander de jouer un rôle stabilisateur.


Le Secrétaire général constate également que la situation humanitaire en République centrafricaine prend des proportions catastrophiques.  L’ONU, écrit-il, espère pouvoir négocier le libre passage des secours et la création de couloirs humanitaires pour acheminer l’aide nécessaire au-delà de Bangui.


M. Ban indique que l’appel humanitaire pour la République centrafricaine, qui a été lancé avant la crise actuelle, n’est financé qu’à hauteur de 22%.  Il en appelle à la communauté des donateurs pour que l’appel humanitaire soit financé dans son intégralité.


Selon le Secrétaire général, la communauté internationale doit concentrer son action sur quatre domaines d’intervention prioritaires: le dialogue politique; la sécurité et l’état de droit; la promotion et la protection des droits de l’homme; et l’intervention humanitaire.


Les organismes des Nations Unies, affirme-t-il, continueront à travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes nationales, notamment le Premier Ministre et le Conseil national de transition, ainsi qu’avec la CEEAC, l’Union africaine et la communauté internationale, pour contribuer à rétablir au plus vite l’ordre constitutionnel dans le pays.


Dans cette perspective, l’ONU continuera à soutenir le processus politique en cours, les institutions de transition et les mécanismes d’application.  Elle continuera également à suivre la situation des droits de l’homme, et à en rendre compte, et à sensibiliser la communauté internationale à la nécessité de protéger les populations vulnérables, en fournissant une aide humanitaire à ceux qui en ont besoin.


Mais, conclut M. Ban, sa capacité à atteindre ses objectifs dépendra pour beaucoup des conditions de sécurité et de leur incidence sur son personnel.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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