Soixante-huitième session,
27e & 28e séances plénières, matin & après-midi
AG/11436

Migrations et développement: le Président de l’Assemblée générale plaide pour un renforcement de la coopération internationale

Les transferts de fonds des migrants sont un facteur  de stabilité et d’équilibre social, affirment de nombreuses délégations

« Aucun pays ne peut gérer seul le phénomène des migrations internationales. »  Le Président de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale, M. John Ashe, a clôturé, ce soir, le deuxième Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement qui avait débuté la veille, en insistant sur la nécessité de renforcer la coopération internationale en ce domaine.

M. Ashe, dont le discours a été lu par le Vice-Président de l’Assemblée générale, M. Mamadi Touré, a également exhorté la communauté internationale à protéger les droits des migrants et en particulier ceux des groupes les plus vulnérables tels que les femmes et les enfants ainsi que les migrants se trouvant en situation de crise.

De son côté, le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, a exprimé sa satisfaction quant aux progrès réalisés depuis la tenue en 2006 du premier dialogue de ce type.  Il a appelé à construire des bases de données plus exhaustives et permettant de mieux cerner les contours des migrations.  « Nous devons nous tourner vers l’avenir et vers les défis restants, nous inspirer de ce qui marche et abandonner ce qui ne marche pas.  Notre travail de suivi est capital », a-t-il déclaré.

M. Eliasson a, surtout, fait observer que les migrations étaient un « facilitateur du développement pour les pays d’origine et de destination ».  « J’espère que nous pourrons nous sentir fiers de nos progrès et affirmer avec conviction que les migrations ont été pleinement intégrées dans le programme de développement pour l’après-2015. »

Hier, l’Assemblée générale  avait adopté, sans vote, la « Déclaration du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement »*, par laquelle les États décident d’œuvrer à la mise au point d’un programme efficace et inclusif pour les migrations internationales, qui intègre le développement et respecte les droits de l’homme.

Lors de cette deuxième et dernière journée du Dialogue de haut niveau, nombre des quelque 50 délégations qui se sont exprimées ont, à l’instar de celle de l’Italie, abordé la question du transfert de fonds opérés par les migrants vers leur pays d’origine, des fonds qui représentent en effet 410 milliards de dollars de revenus par an pour les pays développés.  Ces transferts sont très souvent supérieurs à l’aide publique au développement ou aux investissements étrangers. 

Après avoir exprimé sa « grande tristesse » suite à la tragédie de Lampedusa où des centaines de migrants originaires de la corne de l’Afrique ont trouvé la mort en mer Méditerranée, le délégué italien a indiqué que son pays participait à une initiative, conjointement avec l’Afrique, afin de réduire de 5% les coûts de ces transferts d’ici à cinq ans.  « Cela représentera 50 milliards de dollars en plus pour les migrants », a-t-il précisé. 

Partenaire de cette initiative, le Sénégal a, à cet égard, appelé à opérationnaliser l’Institut africain pour les transferts de fonds mis en place par l’Union africaine en 2012.  Le délégué de ce pays a néanmoins mis en garde les États Membres sur les conséquences parfois négatives des migrations sur les pays en développement.

Parmi ces conséquences, figure le départ de populations jeunes et formées, privant ainsi les pays d’origine de compétences et de capacités de production.  La Bosnie-Herzégovine a affirmé être confrontée à un flux important de fuite des cerveaux, la Banque mondiale établissant à 28,6% le taux de ce type d’émigration de niveau d’éducation supérieure pour ce pays.

Un constat similaire fut dressé par l’Ukraine, pour qui ces départs entraînent un vieillissement de la population.  Les pays d’origine des migrations doivent prendre leur part de responsabilité en augmentant les salaires en vigueur dans ces pays afin de freiner le désir des migrants de trouver des horizons plus favorables, a ajouté la délégation ukrainienne.

Les Émirats arabes unis ont rappelé que les pays du Golfe accueillaient plus de 17 millions de travailleurs étrangers et précisé que son pays participait au Dialogue d’Abou Dhabi, une initiative menée conjointement avec le continent asiatique et dont l’un des objectifs est de reconnaître les compétences acquises par les migrants lors de leur séjour. 

Le Japon a rappelé que les migrations internationales étaient souvent aussi involontaires, notamment dans le cas de conflits ou de catastrophes naturelles.  Il a souhaité que les discussions sur les migrations internationales tinssent compte du fait des causes et raisons qui sous-tendent le phénomène. 

Enfin, Israël a regretté que la voix des organisations non gouvernementales ne fût pas entendue pendant ce débat de haut niveau.  Il est temps d’éliminer la pratique de non-objection qui oblige les ONG à se taire, a-t-il demandé. 

 

*A/68/L.5

 

MONDIALISATION ET INTERDÉPENDANCE: MIGRATIONS INTERNATIONALES ET DÉVELOPPEMENT: DIALOGUE DE HAUT NIVEAU SUR LES MIGRATIONS INTERNATIONALES ET LE DÉVELOPPEMENT

Suite des déclarations

M. CRISTIAN DAVID, Ministre délégué aux Roumains de l’étranger, a évoqué la mobilité de la main-d’œuvre roumaine à l’intérieur de l’espace de l’Union européenne au cours des 10 dernières années.  Les importants transferts de fonds sont devenus un moteur de la croissance économique de la Roumanie et ont profité aux familles restées au pays.  Il a reconnu le concours qu’apportent également les migrants au développement des communautés locales dans les pays de résidence.  Selon lui, le but véritable est d’« améliorer la qualité des processus migratoires par le biais d’un partage équilibré entre les pays d’origine et de destination ».

M. David a mis l’accent sur la nécessité de garantir le plein respect des droits de l’homme et des libertés des migrants.  Il faut lutter contre la discrimination et la xénophobie, en encourageant la tolérance, la solidarité ainsi que le dialogue interculturel et interreligieux.  Les actions des États doivent se baser sur les principes de la bonne gouvernance en permettant l’intégration des migrants dans les pays hôtes, de même que leur retour et leur réintégration dans leurs pays d’origine.  

M. SODNOMZUNDUI ERDENE, Membre du Parlement et Ministre du développement de la population et de la protection sociale de la Mongolie, a réitéré l’engagement fort de son gouvernement à la mise en œuvre des résolutions issues du premier Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, en 2006, ainsi que des conventions et accords y relatifs à travers des politiques et mesures nationales. 

Il a indiqué que, selon les estimations du recensement de 2010, plus de 4% de la population nationale résidait dans d’autres pays.  Parmi les migrants établis à l’étranger depuis plus de six mois, 41,3% le sont pour des raisons liées à l’emploi et 37% pour des objectifs d’éducation.  D’un autre côté, le nombre d’étrangers vivant en Mongolie a doublé en 2010 par rapport à 2000, la plupart d’entre eux travaillant dans le secteur minier.

M. Erdene a expliqué que l’absence de données complètes et de gestion inadéquate des réglementations en matière de mobilité transfrontière a limité les chances d’emploi formel et décent et, par là même, accru les risques de devenir victimes de la traite et de la criminalité.  Le Gouvernement de la Mongolie s’est efforcé de mettre en place des politiques qui garantissent les droits des migrants, et optimisent l’impact positif de la migration tant pour les migrants que pour le développement du pays.

M. SAEED AL-SHAMSI, Ministre délégué aux organisations internationales des Émirats arabes unis, a rappelé que les pays du Golfe accueillaient plus de 17 millions de travailleurs étrangers qui envoyaient dans leurs pays d’origine entre 60 et 80 milliards de dollars chaque année.  À cet égard, il a insisté sur la nécessité, selon lui, que les migrants et leur famille soient les premiers bénéficiaires des fruits de leur travail et jouissent d’une protection sociale et juridique. 

Son pays, a-t-il poursuivi, étudie au travers du Dialogue d’Abou Dhabi les moyens de parvenir à cet objectif.  Ce dialogue entend mener plusieurs initiatives visant à réduire les coûts de recrutement par la supervision des agences privées.  En second lieu, identifier les compétences rencontrant un besoin dans les pays de destination ainsi que reconnaître les compétences acquises par les migrants lors de leur séjour.  Enfin, accorder une importance à la dimension humaine et sociale des migrations.  Il a conclu en réitérant sa volonté de coopérer pleinement avec les institutions internationales et notamment la Banque mondiale, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et les Nations Unies.

M. GÖTZ SCHMIST-BREMME (Allemagne) a déclaré que son pays se concentrait sur la situation tragique de millions de réfugiés syriens et fournissait une aide humanitaire importante aux pays voisins de la Syrie.  L’Allemagne a également accueilli des dizaines de milliers de Syriens.  La mobilité humaine est une réalité, a rappelé le représentant, et la politique de migration allemande est fondée sur ses intérêts communs avec d’autres pays.

Le représentant a expliqué que l’Allemagne avait, entre autres, des programmes de formation pour les migrantes et que la réduction des coûts des transferts de fonds est un objectif.  Depuis 2006, l’Allemagne a accueilli des migrants de façon régulière en les protégeant et en leur permettant de « développer leur potentiel au maximum ».  Elle encourage le retour d’experts dans leurs pays d’origine.  Enfin, l’Allemagne a des partenariats avec la Roumanie, la Géorgie, Moldova et le Maroc.  Des migrations bien gérées seront favorables tant aux pays d’origine qu’à l’Allemagne, a-t-il conclu.

M. LY QUOC TUAN, Directeur général adjoint du Département consulaire au sein du Ministère des affaires étrangères du Viet Nam, a rappelé que 4,5 millions de Vietnamiens vivaient aujourd’hui à l’étranger.  « Les migrations nécessitent non seulement des politiques efficaces mais également une coopération internationale », a-t-il estimé en affirmant que Le Viet Nam était un membre actif et responsable des processus régionaux et internationaux de prévention contre les migrations illégales et la traite des êtres humains. 

Son pays, a-t-il poursuivi, a élaboré de nouvelles lois pour lutter contre ce phénomène par une collaboration entre les autorités vietnamiennes et en promouvant une coopération active avec les organisations non gouvernementales, l’ONU, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).  En outre, le Viet Nam a ratifié, fin 2011, la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des migrants et accédé au protocole réprimant la traite des personnes.

M. JOSÉ RICARDO TAVERAS, Directeur général du département de la migration de la République dominicaine, a pleinement partagé tous les concepts présentés par l’Assemblée générale sur les migrations internationales partant du fait que son pays est un pays d’accueil, de transit et de destination.  Définissant le migrant, il a indiqué que le mot clef était « espoir »: espoir de concrétiser des opportunités qui ne sont pas disponibles et que la personne tente de trouver dans d’autres latitudes.  Cette thématique ne saurait être analysée que du point de vue humain et économique, mais également par la prise en compte de bien d’autres facteurs sous-jacents.  À cet égard, a-t-il dit, la migration constitue le « grand défi du XXIe siècle » car elle joue un grand rôle dans l’équilibre nécessaire du monde.

Tant que les dirigeants ne mettront pas en place une série de plans Marshall pour favoriser l’élimination effective des inégalités et injustices, le phénomène migratoire va perdurer avec toutes ses nuances.  La défense des lois migratoires est légitime mais il s’agit aussi de traiter le problème au cas par cas car il faut parfois traiter de questions de vie ou de mort.  M. Taveras a appelé à se garder de déclarations de bonne volonté mais à réfléchir, de manière prudente et équilibrée, aux meilleures orientations des réformes migratoires en vue de lutter contre ceux qui se sont organisés pour profiter de la misère des autres et tenir compte de tous les intérêts, a-t-il encore invité, en priant les juristes de garder à l’esprit tous les enjeux.

Mme TELALOVIC (Bosnie-Herzégovine) a déclaré que son pays s’inspirait des recommandations de l’Union européenne figurant dans l’Approche globale de la question des migrations et de la mobilité (GAMM) qui définit les quatre piliers de la politique en la matière, notamment celui sur la nécessité d’optimisation de l’impact de la migration et de la mobilité sur le développement. 

Le deuxième volet de la politique nationale repose également sur les recommandations du rapport biannuel de la Commission européenne sur la politique de cohérence pour le développement qui inclut notamment le partenariat dans l’intégration de la migration dans les stratégies de développement, ainsi que la conception de politiques prenant en compte le lien migration-développement.

La Bosnie-Herzégovine est le deuxième pays d’Europe en termes du taux total d’émigration proportionnellement à sa population.  Ainsi, la diaspora représente environ 38,9% de sa population totale et un nombre aussi important ne devrait pas, selon elle, être exclu des flux de développement car les émigrants vivent pratiquement dans tous les pays du monde.  Par ailleurs, le pays a été confronté à un flux important de fuite des cerveaux, la Banque mondiale établissant à 28,6% le taux de ce type d’émigration de niveau d’éducation supérieure.

D’un autre côté, le pays a reçu d’énormes transferts de fonds de sa diaspora, soit entre 1 et 1,5 milliards d’euros.  Mme Tihić-Kadrić a mis l’accent sur le modèle d’accord de partenariat bilatéral avec la Suisse, qui privilégie le lien entre migration et développement et a conclu que la migration était une question mondiale qui nécessite une régulation à la même échelle.   

M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a déclaré que dans un monde chaque fois plus globalisé, le phénomène de la migration internationale ne faisait que gagner en envergure et complexité.  Le mouvement des populations dans toutes les régions résulte, dans une large mesure, de l’ordre économique et financier international injuste qui prévaut.  Des millions de personnes ont été forcées à émigrer dans des nations industrialisées à la recherche de meilleures conditions économiques.

De la même manière, les guerres imposées aux pays en développement depuis l’extérieur ont également des incidences sur les flux migratoires.  Face à ce constat, a-t-il souligné, il est plus que jamais nécessaire de jeter les bases d’un cadre de coopération fondé sur une organisation intelligente et réglementée des flux migratoires afin d’éviter les trafics et la traite des personnes, et sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales des migrants.

M. Hermida Castillo a fait observer, par ailleurs, que les contributions des migrants au développement socioéconomique des pays d’accueil n’étaient pas suffisamment prises en compte ni reconnues.  Environ 10% de la population nationale vit dans d’autres pays et le Nicaragua est l’un des principaux récipiendaires des fonds en Amérique latine d’où la nécessité impérative de veiller à ce que les conditions de travail des travailleurs migrants et de leurs familles ne se détériorent pas davantage, a-t-il recommandé en estimant que l’on ne saurait traiter de la migration sans examiner ses causes profondes, d’ordre structurel, qui émanent de l’absence d’une nouvelle architecture économique mondiale.  Partant, il importe d’inclure la migration aux trois piliers du développement durable et du programme du développement pour l’après-2015.    

M. DIMITRIS CARAMITSOS-TZIRAS (Grèce) a reconnu qu’une migration bien gérée pouvait avoir des incidences positives pour les pays d’origine et de destination, à condition d’accroître la coopération entre les gouvernements, les institutions internationales et la société civile.  Il a préconisé de « lutter contre les causes des migrations en promouvant davantage le développement » et des programmes plus équilibrés.

La Grèce et les pays voisins sont frappés par une crise financière sans précédent et les flux migratoires ont augmenté, a expliqué le représentant.  Son pays offre des mesures d’intégration des migrants dans le marché de l’emploi, ainsi qu’en matière d’éducation et de sécurité sociale.  Il coopère avec les principaux acteurs, dont l’Union européenne, pour prévenir les migrations illégales.

De plus, la Grèce reconnaît que la mobilité des migrants contribue à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement et des objectifs liés.  La question qui fait l’objet de ce Dialogue de haut niveau sera une priorité de la Grèce à la présidence de l’Europe au cours du premier semestre 2014.  Elle travaille avec les pays de transit et d’origine pour gérer de manière efficace et humaine les migrants légaux et souhaite un cadre politique qui facilitera la réintégration des migrants dans leur pays d’origine.

M. MUGAHEED ABDULLAH AL QUHALI, Ministre de l’immigration du Yémen, a indiqué que les migrants étaient des ambassadeurs de leurs pays qui apportaient leur culture et leur force de travail avec eux.  Le « printemps arabe » n’était pas dû au non-respect des droits et des obligations mais à un réveil d’une génération de jeunes qui vivaient dans des conditions d’extrême pauvreté, sans compter l’existence de groupes terroristes comme Al-Qaida qui profitaient de cette misère, a-t-il affirmé.  Le Yémen a eu son lot de difficultés ces dernières années et son nouveau gouvernement fait tout son possible pour répondre aux besoins et aspirations des jeunes et de sa population en général.

Le Ministre yéménite a remercié les généreux donateurs et les organisations internationales qui l’assistent depuis la crise de 2011.  Sans cette assistance et sans l’initiative du Conseil de coopération du Golfe, le pays aurait sans doute été rayé de la carte du monde, a-t-il reconnu.  Dans ce contexte, le Gouvernement s’est attelé à la réforme de sa politique migratoire.  Des postes chargés des intérêts des travailleurs migrants seront établis dans les consulats de par le monde, et un conseil des travailleurs sera créé, avec la participation du secteur privé.  Une chaîne de télévision est également prévue pour les migrants, qui constituent une importante portion de la population du pays. 

Alors qu’il traverse une phase de transition politique, le Yémen ose espérer que le Dialogue de haut niveau débouchera sur des mesures efficaces et justes pour réguler la migration dans le plein respect des droits de l’homme et des droits des travailleurs migrants et leurs familles. 

Le programme Beehive a ainsi été exécuté aux fins d’encourager le retour des citoyens de la diaspora, et le Gouvernement a œuvré à l’amélioration de la gestion de la migration de sorte à prévenir la migration clandestine et les risques.  Parallèlement, la législation de l’emploi a été révisée en établissant un lien étroit avec les besoins du marché domestique du travail.  Au niveau international, M. Erdene a appelé à une coopération plus étroite, y compris au niveau régional, dans la mise en œuvre de politiques migratoires reposant sur les droits de l’homme, exemptes de discrimination et qui promeuvent les priorités du développement national.  

M. CELESTINE J. MUSHI, Directeur de la coopération multilatérale au Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République-Unie de Tanzanie, a commencé par souligner le rôle que peuvent jouer les migrants dans la lutte contre la pauvreté, son éradication, mais aussi dans le transfert de technologies, d’expertises ou de normes et cultures dans les pays d’origine ou de destination.  C’est en reconnaissant cela que le Gouvernement de la Tanzanie a initié des processus au sein du Ministère des affaires étrangères visant au bien-être des migrants. 

Il a également développé un plan d’action sur la migration et les questions liées, centré sur la construction de capacités institutionnelles, la mise en place de processus nationaux ou encore l’amélioration du dialogue régional et l’identification des données manquantes.  La Tanzanie est en outre l’un des pays du groupe ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) qui applique depuis 2011, le cadre pilote intra-ACP sur les migrations, a-t-il expliqué.

Alors que le déplacement de plus en plus important de populations impose de lourdes contraintes sur les territoires d’accueil, parfois aux économies fragiles, il est devenu impératif de créer un cadre international d’assistance qui sache apprécier et tenir compte des différences et complexités régionales, a plaidé le représentant.  La Tanzanie, en tant que pays de transit et d’accueil de migrants, confronté à des défis majeurs résultant de phénomènes tels que le trafic d’armes de petit calibre, la criminalité et la détérioration de l’environnement, est d’avis que chaque État doit pouvoir conserver la possibilité de déterminer librement ses politiques migratoires et priorités en fonction de sa situation géopolitique et des normes internationales, a-t-il encore plaidé.

M. ALVARO CALDERÓN PONCE DE LÉON (Colombie) s’est félicité de voir des éléments importants repris dans la Déclaration du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, comme la protection des droits de l’homme de tous les migrants quel que soit leur statut migratoire.  En matière de coopération régionale, la Colombie a toujours été un pays d’origine mais, depuis une décennie, elle a accueilli de plus en plus de migrants qui souhaitent rester sur son territoire.  En raison de sa position géographique, elle est devenue aussi un lieu de transit des migrants illégaux qui sont victimes des réseaux de traite des êtres humains.

La Colombie dispose d’un mécanisme normatif qui apporte des garanties aux personnes vulnérables.  Elle criminalise ainsi la traite des migrants et protège les victimes, a poursuivi M. de Léon.  Une loi spécifique réglemente la politique de retour des Colombiens qui vivent à l’étranger.  En général, la politique colombienne en la matière s’articule autour de trois piliers: service, sécurité et droits de l’homme des migrants.  Un « réseau des migrants » a été créé pour coordonner les efforts des différentes entités gouvernementales avec ceux de la société civile.

M. TOMMO MONTHÉ (Cameroun) a souligné qu’au-delà de la recherche d’un mieux-être, l’émigration était aujourd’hui accentuée par les immenses opportunités nées de la mondialisation et de l’essor des technologies de l’information et des communications.  Il a ensuite relevé qu’en même temps que la migration pouvait être le résultat d’un manque de développement, elle peut aussi être à l’origine d’un allègement ou d’une aggravation du sous-développement.  Il a, dans ce contexte, suggéré la mise en place de politiques visant à amplifier ce que la migration a de bon à offrir au développement, et en atténuer les effets néfastes.  Il a ensuite prôné l’exploration et la mise en valeur du potentiel de développement de la diaspora ainsi que le respect des droits de l’homme, afin de faire de la migration une expérience sûre, digne et enrichissante pour les migrants eux-mêmes.

M. Monthé a, par la suite, indiqué que le Cameroun était héritier d’une histoire profondément inscrite dans une tradition de tolérance.  Il a noté que le Cameroun était engagé dans la gestion du potentiel de sa diaspora, avec notamment une Direction des Camerounais de l’étranger, des étrangers au Cameroun, des réfugiés et des questions migratoires, ayant pour mission de coordonner l’élaboration d’une politique nationale de mobilisation, de protection et de valorisation de la diaspora camerounaise.  Dans le but de trouver des solutions aux migrations clandestines, le représentant a souligné que le Cameroun avait entrepris de négocier avec certains pays des accords de gestion concertée des flux migratoires.  Il a également proposé que les gouvernements des pays d’origine et de destination pussent travailler en étroite collaboration, y compris avec les entreprises privées et la société civile, afin de mettre leurs ressources en commun et d’investir dans la création du capital humain nécessaire.

M. M. WANG MIN (Chine) a estimé que les migrations internationales avaient apporté un large concours au développement socioéconomique durable des pays en développement, tout en atténuant le vieillissement de la population dans d’autres pays.  Il a toutefois constaté que le monde était confronté à la poussée de sentiments d’intolérance envers les migrants et d’activités criminelles, comme la traite des êtres humains, et à l’absence de garanties des droits fondamentaux pour les migrants.  Déplorant aussi « l’effet délétère de la fuite des cerveaux pour les pays d’origine », il a souhaité que la communauté internationale réfléchît à cette question.

« Il faut promouvoir le développement de tous les pays pour régler la question de la migration à la source », a poursuivi le représentant de la Chine.  Selon lui, il ne peut y avoir de développement pérenne tant que certains pays continuent de s’enrichir, tandis que d’autres s’enlisent dans la pauvreté.  C’est la raison pour laquelle les pays développés doivent fournir une aide financière aux pays en développement pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Le représentant a proposé d’adopter une opinion positive de la migration.  Les pays doivent comprendre la culture des migrants et lever leurs politiques restrictives pour garantir des flux ordonnés et faciliter leur intégration dans les communautés locales.  De plus, il est nécessaire de consolider la coopération internationale pour mieux partager les dividendes de la migration et remédier aux difficultés de gestion.  Du fait de sa croissance économique, la Chine n’est plus seulement un pays d’origine et de transit; elle devient elle-même petit à petit un pays de destination et œuvre à protéger les droits et les intérêts légitimes des migrants.

M. KHALY ADAMA NDOUR, Conseiller technique du Ministre des affaires étrangères du Sénégal, a jugé que l’augmentation de la population allait continuer de faire des migrations internationales une problématique dont la communauté internationale doit maîtriser les paramètres.  Pour le Sénégal, les migrants apportent une contribution très importante à l’économie.  En effet, a-t-il précisé, les transferts de fonds dits induits représentent 10% du produit intérieur brut et sont 3 fois supérieurs à l’aide publique au développement dont le Sénégal est bénéficiaire.  Ces fonds sont essentiellement consacrés, selon lui, aux dépenses de santé et d’éducation, à l’immobilier et à la réalisation d’infrastructures sociales et, de ce fait, « constituent un moyen de réduction de la pauvreté, donc un important facteur de stabilité et d’équilibre social ».  Cependant, ces fonds devraient selon lui être mieux utilisés.

À cet égard, il s’est réjoui du fait que son pays avait initié avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la France et l’Union européenne des projets permettant aux expatriés sénégalais de mettre à profit leur savoir-faire multiforme et d’investir dans des créneaux porteurs en perspective de leur retour définitif.  Il a exhorté les États Membres à améliorer les conditions dans lesquelles sont effectués les transferts de fonds, notamment par la réduction des coûts des envois et la levée de certains obstacles.  Dans ce cadre, il a également appelé à opérationnaliser l’Institut africain pour les transferts de fonds mis en place par l’Union africaine en juillet 2012.

Il a par ailleurs réitéré l’engagement de son pays dans la lutte contre la traite des personnes et l’immigration clandestine notamment par l’établissement d’une gestion intégrée des frontières afin de contenir les flux clandestins à partir des côtes sénégalaises.  En outre, il s’est ému des conséquences des migrations sur les pays d’origine en matière de fuite des cerveaux.  Il a conclu en appelant les États Membres à inclure la question des migrations dans le programme de développement pour l’après-2015. 

M. JUN YAMAZAKI (Japon) a rappelé que les migrations internationales étaient souvent aussi involontaires, notamment dans le cas de conflits ou de catastrophes naturelles.  Il a souhaité que les discussions sur les migrations internationales tinssent compte du fait des causes et raisons qui sous-tendent le phénomène.  Il a relevé que le Japon a mis en œuvre, en coopération avec les Nations Unies, des programmes en faveur des réfugiés et déplacés et des victimes de trafic en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.  Il a précisé que ces programmes visaient à renforcer les capacités des communautés par le biais de programme tel que le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine.

Il a ensuite souligné que le trafic d’êtres humains prenait de l’ampleur et que le Japon a mis en place, en 2009, un plan d’action pour le combattre.  Il a indiqué qu’une coopération étroite entre les pays d’origine et de destination était importante dans ce contexte.  Le représentant a en outre déclaré que le Japon apportait son appui au retour des migrants dans leurs pays d’origine, en accord avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), notamment en ce qui concerne les réfugiés victimes de conflits ou de catastrophes naturelles.  Il a aussi relevé que le renforcement des capacités était important pour le bien-être des migrants internationaux et, par ricochet, pour leurs pays d’origine et de destination.

M. DAVID ROET (Israël) a rappelé que le peuple juif avait connu l’exil, le déracinement et le déplacement.  En tant que travailleurs, les migrants apportent leurs compétences, en tant qu’entrepreneurs, ils créent des emplois, en tant qu’investisseurs, ils apportent du capital et en tant qu’individus, ils contribuent à la diversité culturelle, a-t-il estimé.  Trois ans après l’indépendance du pays, Israël a accueilli des centaines de milliers de migrants du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, d’Europe dont beaucoup étaient des survivants de l’Holocauste, a-t-il continué. 

Les migrants apportent une contribution riche et durable à leurs communautés, a soutenu le représentant.  Au début des années 1990, Israël avait ouvert ses frontières à un million de réfugiés soviétiques.  En 10 ans, le nombre de nouveaux migrants était proche d’un million.  En peu de temps, ils étaient devenus des dirigeants politiques, des musiciens, des mathématiciens et des scientifiques, a-t-il ajouté.  Entre 1980 et 1990, le Gouvernement a appuyé la migration de 36 000 Juifs éthiopiens.  Leur intégration fut un défi notamment la barrière de la langue et de la culture.  À cela s’ajoute la recherche d’emploi, a reconnu le représentant qui a révélé la création par le Gouvernement d’un fonds d’intégration qui offre une aide financière aux immigrés et qui leur enseigne aussi l'hébreu.  Ils ont bénéficié également du système judiciaire qui protège les droits de chaque individu sous la loi israélienne. 

Faire face aux défis de la migration appelle des efforts du Gouvernement et de la société civile, a estimé le représentant.  La société civile joue un rôle fondamental dans l’aide aux migrants.  Mais Israël regrette que la voix des organisations non gouvernementales n’est pas entendue pendant ce débat de haut niveau.   Il est temps d’éliminer la pratique de non-objection qui oblige les ONG à se taire, a-t-il demandé.  Réduire au silence les ONG est peut-être la règle dans certains pays mais cela ne devrait pas être permis aux Nations Unies, s’est-il insurgé en évoquant le cas de l’ONG israélienne « Microfy » et d’une ONG anglaise travaillant au Darfour.  Il est honteux que certaines délégations se servent de la tribune des Nations Unies pour faire avancer leurs propres agendas politiques, en particulier au détriment des migrants, a dénoncé le représentant. 

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a rappelé que le phénomène de la migration remontait aux temps anciens et répondait aux besoins de l’être humain de partir à la recherche de ses moyens de subsistance et de survie.  Au fil du temps, les facteurs qui ont dicté la migration ont évolué et se sont multipliés en fonction des besoins économiques, mais également de facteurs politiques et sécuritaires.

Après avoir noté que le Dialogue de haut niveau se déroulait une année avant le vingtième anniversaire de la Conférence des Nations Unies sur la population et le développement, il a salué le fait que le premier Dialogue, de 2006, eût inscrit la question des migrations internationales à l’ordre du jour du développement.  Dans le cadre du processus de concertation autour du programme de développement pour l’après-2015, il a recommandé d’accorder une place de choix à la problématique de la migration car les deux sujets sont intrinsèquement liés.  Il convient à cet effet, de veiller au maintien de l’assistance technique et financière aux pays en développement en vue, notamment, de la création d’opportunités d’emplois décents qui permettraient à de nombreuses personnes de sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de susciter en elles un sentiment de sécurité dans leur propre pays.

Il a ensuite décrit la situation de la Libye quant à la migration, en particulier sous sa forme clandestine et irrégulière, ce qui pose des problèmes supplémentaires pour le Gouvernement en cette phase de transition politique et de changements tous azimuts du pays.  La Libye est également confrontée à la fuite des cerveaux, a-t-il encore expliqué, en particulier des médecins, ingénieurs et spécialistes.  Le Gouvernement s’emploie à la création d’un climat encourageant leur retour en vue de leur participation au développement et à la construction du pays, a affirmé M. Elmajerbi.

Mme STEPHANIE LEE (Nouvelle-Zélande) a indiqué que les travailleurs en provenance de l’étranger joueraient un rôle clef dans la reconstruction de Christchurch, la deuxième ville du pays, qui a été frappée par des tremblements de terre en 2010 et 2011.  « Nous ferons en sorte que ces travailleurs bénéficient des mêmes droits et de la même protection que les Néo-Zélandais », a-t-elle affirmé.

Expliquant que les liens étroits entre la Nouvelle-Zélande et ses voisins du Pacifique avaient permis l’accès à l’emploi, qualifié et non qualifié, pour nombre de ressortissants de pays insulaires du Pacifique, Mme Lee a indiqué que son pays avait passé des accords migratoires spécifiques bénéficiant aux ressortissants de Samoa, de Tonga, de Tuvalu et de Kiribati.

Elle a aussi précisé que son pays avait adopté un programme spécifique en matière de travail saisonnier, permettant notamment jusqu’à 8 000 personnes de venir chaque année en Nouvelle-Zélande pour travailler dans les secteurs de l’horticulture et de la viticulture.  « Ce programme prévoit l’embauche d’abord d’un travailleur néo-zélandais, et si cela n’est pas possible, d’un travailleur étranger », a expliqué la déléguée de la Nouvelle-Zélande, qui a ajouté que ce programme contribuait également aux objectifs de son pays en matière d’aide au développement économique de la région Pacifique.

« C’est un exemple d’un accord migratoire gagnant-gagnant, qui permet de répondre à une pénurie de main-d’œuvre dans un pays développé tout en permettant l’accès à l’emploi de personnes en provenance de pays en développement », s’est-elle félicitée, avant de préciser que les employeurs devaient apporter des garanties en termes de qualité d’emploi pour participer à ce programme.

M. ANTONIO BERNARDINI (Italie) a exprimé sa grande tristesse après la mort de centaines de migrants originaires de la corne de l’Afrique au large de Lampedusa.  « Ces gens étaient en quête d’un avenir meilleur et cette tragédie doit accroître l’importance consacrée à la migration par la communauté internationale notamment dans la détermination d’un programme de développement pour l’après-2015 », a-t-il déclaré.  Il a ensuite affirmé que son pays avait mis en place une stratégie qui se concentre sur les ressources et la mobilité des migrants. 

« La mobilité internationale a toujours été importante pour nous du fait que nous avons beaucoup de migrants et de fils de migrants dans le monde qui jouent des rôles très importants dans la politique, le sport et l’art », a déclaré le représentant, en rappelant que, d’autre part, les étrangers représentaient aujourd’hui 12% de la population italienne.

Il a, en outre, abordé la question des transferts de fonds en rappelant que son pays participait à une initiative conjointe avec le continent africain pour réduire de 5% d’ici à cinq ans le coût de ces transferts de fonds opérés par les migrants vers leurs pays d’origine.  « Cela représentera 50 milliards de dollars en plus pour les migrants », a-t-il souligné.  Il a conclu son intervention par un appel à la protection des droits des migrants.

M. MOOTAZ AHMADEIN KHALIL (Égypte) a fait remarquer que la question des migrations internationales faisait déjà partie intégrante du Programme d’action sur la population et le développement du Caire de 1994.  C’est une question qui doit être incluse dans le programme de développement pour l’après-2015.  « Les migrations offrent des possibilités illimitées », tant pour les pays d’origine que de destination, a-t-il fait valoir.  Les migrants transportent avec eux leur diversité culturelle, leur créativité et leur talent, qui sont, à terme, des vecteurs de progrès.

Les migrations représentent aussi des défis, notamment quand les migrants se trouvent pris au piège dans des situations de crise, a ajouté M. Khalil.  Il ne faut donc pas réduire la migration à une préoccupation sécuritaire, mais l’inclure dans une approche globale qui tienne compte des dimensions économiques, culturelles, sociales, démographiques et des droits de l’homme.  L’Égypte lutte contre la traite des êtres humains et considère qu’il faut faire plus pour améliorer la perception des migrants de la part du public.

Enfin, l’Égypte est en train de renforcer ses liens avec la diaspora égyptienne.  « Les Égyptiens vivant à l’étranger, en particulier les jeunes, participent maintenant au façonnement de l’avenir de leur pays », s’est félicité M. Khalil.  Pour la première fois, ils ont pu voter lors des élections organisées après la révolution du 25 janvier, et prendront part aux prochaines élections.

M. MILORAD ŠĆEPANOVIĆ (Monténégro) a présenté le cadre institutionnel, législatif et administratif de la migration dans son pays.  Le Monténégro, a-t-il dit, est vulnérable à la migration clandestine du fait de son emplacement géographique mais également suite à la dissolution de l’ex-Yougoslavie et à la guerre qui a entraîné un flux considérable de déplacés, de réfugiés et de déplacés à l’intérieur.  D’autre part, la libéralisation du régime de visa de l’Union européenne et la situation économique et sociale du Monténégro ont également conduit à en faire une destination finale pour les migrants.

Aux niveaux local et national, l’intégration des migrants est vitale pour la stabilité sociale et politique et le développement car elle permettra de maximiser leur contribution à la société au sein de laquelle ils vivent, a-t-il souligné, en préconisant une gestion appropriée de la migration afin de faciliter le développement durable des pays.  M. Šćepanović a plaidé, en conséquence, en faveur de l’inclusion de cette dimension dans le programme de développement pour l’après-2015.

Il a en outre mis l’accent sur la nécessité de déployer des efforts supplémentaires et plus résolus en vue de l’amélioration du sort des migrants et de leur large implication et participation dans les secteurs de l’éducation, du bien-être social et de la santé, entre autres.  Cela ne pourra se faire que dans un cadre de protection et de respect de tous leurs droits et libertés fondamentales, c’est-à-dire qu’à travers l’élimination de tous les abus potentiels, de la discrimination, de l’intolérance, et d’une manière générale, de la marginalisation des migrants et de leurs familles, des femmes et des enfants plus particulièrement.  Il convient donc que les migrants bénéficient de normes et de conditions de travail décentes, a affirmé M. Šćepanović.       

Mme KAREN TAN (Singapour) a rappelé que le sud-est asiatique, y compris Singapour, avait connu une augmentation des flux migratoires au cours de la période 2000-2013.  Elle a noté que les travailleurs étrangers, estimés à 1,3 million, représentaient le tiers de la main-d’œuvre de Singapour.  La croissance du pays et son développement n’auraient pu se faire sans eux, a-t-elle reconnu, ajoutant que leurs talents, leurs capacités, leur expérience et leurs connaissances enrichissaient Singapour.  Dans le même temps, a-t-elle poursuivi, les migrants bénéficient de salaires élevés, de la disponibilité de l’emploi, de l’apprentissage de nouvelles capacités et d’un environnement sûr et stable à Singapour. 

La représentante a par ailleurs affirmé que les migrants étaient protégés à Singapour, notamment par la loi sur le travail des étrangers qui prescrit la prise en charge totale des travailleurs migrants.  Mme Tan a ensuite souligné que chaque État Membre avait la responsabilité de la mise en place d’un cadre décent de travail, ce qui permettrait d’établir des politiques d’emploi si avantageuses que chaque citoyen aura le choix de rester dans son pays ou de s’émigrer à la recherche d’un mieux vivre.  Elle a également plaidé afin que les pays d’origine, de transit et de destination pussent travailler en synergie pour la protection des droits des migrants, notamment des femmes et des enfants qui sont souvent sujets à diverses formes d’exploitations.

M. NOEL NELSON MESSONE (Gabon) a estimé que l’origine des migrations était à rechercher, entre autres, dans la quête par les populations d’une meilleure qualité de vie mais aussi celle d’un besoin de sécurité matérielle, d’une paix politique et sociale, ainsi que dans les catastrophes naturelles et les situations de conflit.

L’ampleur du phénomène des migrations dans le monde est telle que la tenue de ce deuxième Dialogue de haut niveau revêt une grande importance pour le Gabon qui est un pays de transit et de destination pour les migrants, a déclaré M. Messone.  S’il est admis que les migrations contribuent à la fois au développement des pays d’origine et d’accueil, force est de constater que le phénomène prive les pays de compétences. 

Par conséquent, le Gabon encourage les programmes favorisant le retour des migrants qualifiés vers les pays d’origine.  Ces assises doivent être également l’occasion de concentrer les efforts notamment sur les droits et libertés fondamentales des migrants, tout en se penchant sur d’autres problématiques telles que le sort des migrants illégaux, la rémunération juste de leur travail et la protection des migrants fragilisés et vulnérables, a poursuivi le représentant, soulignant les mesures prises par son pays en vue de garantir le respect des droits des migrants. 

Il a également fait état de la disponibilité du Gabon à coopérer avec la communauté internationale afin de répondre au défi que constituent les migrants issus des changements climatiques.

M. ASOKE KUMAR MUKERJI (Inde) a affirmé que, depuis sept années, peu de progrès avaient été réalisés pour promouvoir le discours mondial sur les migrations internationales dans le contexte économique et de développement mondial.  Il est à espérer que le Dialogue de haut niveau permettra de progresser davantage pour atteindre cet objectif, a-t-il ajouté.  Pour l’Inde, il est important que les migrations internationales soient intégrées dans le discours économique mondial et le paradigme du développement. 

Les pays développés doivent reconnaître qu’ils ont tiré parti du processus de migrations internationales et que celles-ci ont joué un rôle significatif dans leur développement économique.  Le représentant a précisé que ces migrations avaient contribué et continuaient de contribuer à l’augmentation de leurs capacités et de leurs ressources intellectuelles et institutionnelles.  Les migrations ont aidé les pays destinataires à combler les pénuries sur leur marché du travail et en matière de main-d’œuvre qualifiée. 

Ainsi, le représentant a rappelé que de nombreux pays développés avaient bénéficié du talent de migrants dans le domaine universitaire et commercial, et en matière de recherche et d’innovation.  Le représentant a ensuite souligné que les flux migratoires ne se limitaient pas à des flux du Sud vers le Nord, mais concernaient également les flux au sein même des pays du Nord.  À cet égard, une plus grande ouverture et une volonté politique accrue sont nécessaires pour que les pays développés accordent davantage de liberté aux mouvements de population à travers leurs propres frontières nationales.

Enfin, le représentant a souligné la nécessité de ne pas estomper la distinction entre les migrations régulières et irrégulières.  À cet égard, une plus grande coopération est requise pour combattre les migrations irrégulières et les personnes qui s’adonnent à la contrebande et à la traite d’êtres humains.

M. KYAW TIN (Myanmar) a appuyé le rapport du Secrétaire général, dans lequel celui-ci préconise l’intégration de la migration dans les plans nationaux de développement, les stratégies, les politiques et les programmes pertinents de réduction de la pauvreté, ainsi que dans le programme de développement pour l’après-2015.  Dans l’objectif de relever les défis de la migration, notamment d’éliminer l’exploitation des travailleurs migrants, le représentant du Myanmar a proposé d’encourager les canaux de migration légale et la sensibilisation car, selon lui, les migrants clandestins courent souvent le risque de devenir victimes de l’exploitation et de la traite des personnes.

Avec ses trois millions de travailleurs migrants à l’étranger, le Myanmar est un important pays d’origine à la fois confronté aux défis et aux opportunités de la migration, a-t-il souligné, avant de décrire quelques-unes des difficultés auxquelles son pays se heurte en termes de collecte de données fiables sur les flux migratoires en raison de leur nature irrégulière.

Toutefois, le Gouvernement se concentre sur la promotion et la protection des travailleurs migrants, en coopération avec les pays de destination, notamment par l’octroi de passeports temporaires à ses travailleurs migrants dans les pays voisins, ce qui leur permet d’y résider légalement et de jouir de leurs droits en tant que travailleurs.

En outre, la réglementation a été améliorée de sorte à faciliter le transfert de fonds des migrants qui constituent une importante source de revenus pour les ménages.  Il reste cependant à mettre en place des politiques pertinentes en vue d’encourager l’utilisation efficace de ces fonds dans l’investissement et le commerce, a-t-il souligné.

Le Myanmar est engagé dans un processus de réformes, a-t-il rappelé, en émettant le vœu que de nouvelles opportunités d’emploi émergent des investissements étrangers pour attirer ses expatriés.  D’autre part, le Myanmar sera en mesure de mieux appréhender les statistiques sur la migration à l’issue du recensement national prévu en 2014, a-t-il annoncé.  Le pays a aussi renforcé sa coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations et bénéficie de son assistance en vue du retour sûr et organisé de ses citoyens qui se trouvaient en détresse à l’étranger pour diverses raisons.        

M. CHRISTOPHER GRIMA (Malte) a déclaré qu’en tant de pays d’origine de travailleurs migrants, Malte déployait tous les efforts nécessaires, y compris de coopération avec les autorités hôtes, pour que la diaspora maltaise se comportât de manière responsable et respectât les lois des pays d’accueil.  Cela est indispensable pour que les communautés migrantes restent des moteurs de développement, où qu’elles se trouvent, a dit le représentant. 

Alors que la migration offre des opportunités, elle est également source d’abus.  C’est pour cela que la question doit être abordée de manière holistique, prenant en compte ces défis, a poursuivi le représentant.  Il a ensuite expliqué que la situation géographique de Malte la plaçait à un carrefour de la migration, notamment venant d’Afrique du Nord.  Rien qu’en 2013, le nombre de migrants irréguliers ayant atteint les côtes de Malte se chiffre à 1 692, dont 1 000 uniquement pour juillet.

Cette situation souligne le défi que représente l’immigration irrégulière pour Malte.  La loi maltaise permet à toutes personnes migrantes irrégulières de demander un droit d’asile.  Le taux d’acceptation pour ces demandes a ainsi dépassé les 50% ces dernières années, a encore expliqué le représentant. 

Pour autant, Malte considère que la coopération en matière d’immigration irrégulière est indispensable.  Cela est d’autant plus important que ce phénomène menace les politiques migratoires, exposant par ailleurs les migrants eux-mêmes à des situations d’exploitation ou tout simplement à la mort, a-t-il poursuivi. Considérant ce fait, la République de Malte est insatisfaite de la Déclaration du dialogue de haut niveau sur la migration internationale et le développement.

Pour la délégation, la Déclaration aurait dû réaffirmer le principe d’une réadmission dans les pays d’origine, lançant ainsi un message fort à l’immigration irrégulière et rappelant aux États leurs obligations internationales en ce qui concerne la réadmission de leur ressortissants, la prise effective de mesures pour leur retour et la protection des droits des migrants concernés, a conclu le représentant. 

M. RODNEY CHARLES (Trinité-et-Tobago) a relevé que les migrations constituaient l’une des neuf priorités du programme national de développement pour l’après-2015 du pays.  Il a rappelé ensuite que Trinité-et-Tobago avait toujours été, depuis sa création, un territoire d’origine, de transit et d’accueil des migrants, cela faisant du pays un site où vivent des descendants de gens venus d’Afrique, d’Inde, d’Europe, de Chine, de Syrie et d’Amérique du Sud, entre autres.  Il a ensuite souligné que les richesses de Trinité-et-Tobago avaient accentué l’attractivité du pays et en avaient fait une zone de transit et de destination pour les migrants.  Il a déclaré que le Gouvernement de Trinité-et-Tobago avait mis en place des politiques afin d’encourager les travailleurs qualifiés à rester dans le pays.  Il a cité en exemple les professionnels de la santé de pays tels que Cuba, le Nigéria et le Ghana qui sont installés dans le pays. 

Le représentant a par ailleurs déploré la fuite des cerveaux dont est victime Trinité-et-Tobago au bénéfice des pays développés.  Une réalité, a-t-il expliqué, qui a amené les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) à créer, en 2006, un marché commun afin de faciliter les mouvements des habitants de la région.  Il a aussi indiqué que Trinité-et-Tobago était l’un des pays pilotes pour la mise en œuvre du projet de partage d’informations sur les migrations, initié par l’Organisation internationale pour les migrations.  Mais, il a précisé que la collecte d’informations menée par le pays reste limitée du fait de l’absence de moyens adéquats pour ce faire.  

Mme CRISTINA PUCARINHO (Portugal) a souligné que la mondialisation avait un impact dans les mouvements migratoires aujourd’hui et que cela avait conduit à de profondes transformations démographiques dans nos sociétés.  Elle a ajouté que la récente crise économique avait renforcé cette réalité, et que tous ces changements observés nécessitaient de nouvelles formes de dialogue et de coopération internationale aux échelons national, régional et international. 

La représentante a ensuite affirmé que les migrations représentaient aujourd’hui un phénomène plus complexe que par le passé, à l’intersection d’un large éventail de questions telles que le chômage, la mobilité de la main-d’œuvre, les déséquilibres démographiques, la traite d’êtres humains ou encore les changements climatiques. 

Le Portugal reconnaît pleinement que lorsqu’elles sont encadrées de manière efficace, les migrations peuvent bénéficier mutuellement à la fois aux pays d’origine et aux pays destinataires, ainsi qu’aux migrants eux-mêmes, et contribuent dès lors au processus de développement.  La représentante a ensuite affirmé que la protection des droits de l’homme, s’agissant des migrants, restait une politique transversale prioritaire aux yeux du Portugal.  Elle a conclu en soulignant que d’importants progrès avaient été réalisés au regard des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) mais que des défis importants persistaient, notamment dans la lutte contre la pauvreté.

M. ANTONIO PEDRO MONTEIRO LIMA (Cap-Vert) a d’abord salué le travail de l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM) et de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour leur engagement dans la protection des droits des migrants à travers le monde.  La migration est une condition inséparable de la condition humaine, a-t-il ajouté, mais nul n’est tenu de recevoir des centaines de personnes sur son territoire, a-t-il aussi dit.  Mais cette indifférence face aux drames des migrants n’est plus tolérable en ce début du XXIe siècle car rien n’arrêtera les migrants, a averti le représentant.  Il s’agit d’une force qui va, a-t-il indiqué, en citant Victor Hugo.  Cette question doit être examinée ensemble par la communauté internationale.  Il est temps de convenir d’une action collective, a-t-il affirmé.  « Au moment où Lampedusa est devenu le cimetière des rêves des jeunes africains, il faut trouver des solutions communes à la ” migration sauvage˝ », a-t-il lancé. 

Le programme de développement pour l’après-2015 doit tenir compte des phénomènes migratoires, a encore dit le délégué.  Une volonté politique ferme et pérenne est la pierre de touche de toute politique en la matière, a-t-il estimé.   Le Cap-Vert est un pays d’origine et d’accueil de la migration.  À ce titre, il a salué la coopération de son pays avec l’Union européenne et avec d’autres partenaires, notamment l’aide en faveur des migrants de retour au pays ainsi que le programme de communication pour canaliser les envois de fonds vers le pays afin qu’ils puissent contribuer au développement local. 

S’agissant des trafics d’êtres humains, le Cap-Vert espère que la coopération internationale y mettra un terme, a dit le représentant, qui a évoqué également la migration climatique qualifiée de « migration explosive ».  « Toutes les deux secondes, une personne migre en raison des changements climatiques », a-t-il assuré.  Si rien n’est fait, tous les pays risqueront de voir arriver sur leurs sols des migrants issus des petits États insulaires en développement qui eux-mêmes risquent de disparaître et d’être engloutis à cause de la montée du niveau des mers et des océans, a averti le représentant.

M. LANGTON NGORIMA (Zimbabwe) a déclaré que les migrations, régulières ou non, constituaient un phénomène humain mondial.  Le plan d’action en huit points pour réussir la migration peut jouer un rôle crucial pour améliorer la situation des migrants à travers le monde.  Les migrations représentent une question multidimensionnelle qui exige une coordination et une harmonisation des politiques aux niveaux national, régional et international, a-t-il souligné, avant de noter que le rôle positif des migrations a été reconnu par le Document final de la Conférence Rio+20.  Ainsi, le programme de développement pour l’après-2015 doit prendre en compte le rôle des migrations, qui contribuent au développement aussi bien des pays de départ que d’accueil, a-t-il ajouté.

Par ailleurs, les groupes des migrants les plus vulnérables doivent bénéficier d’une protection particulière, notamment afin d’éviter leur exploitation.  La protection des migrants constitue l’un des principaux défis auxquels font face les pays d’accueil, de transit et de départ.  Cela représente des contraintes importantes pour les pays en développement, qui ont besoin de soutien, a-t-il indiqué.  Le Gouvernement du Zimbabwe salue la contribution du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en vue de répondre aux besoins des migrants dans le monde entier et pour réduire les difficultés auxquelles ils font face.  Le représentant a, enfin, condamné les formes modernes d’exploitation et d’esclavage auxquelles sont soumis certains migrants.

M. ANDREJ LOGAR (Slovénie) a souhaité que l’on œuvrât en direction d’un programme mondial de gestion inclusive des migrations.  Il a ajouté qu’il était important de favoriser une perception des migrants comme moteur de l’innovation et du développement.  La Slovénie souligne l’importance du respect des droits de l’homme de tous les migrants, et la nécessité d’améliorer la gouvernance des migrations.  Le représentant a ensuite affirmé qu’il importait d’éviter le gaspillage des ressources financières. 

Il existe de fortes possibilités pour accélérer les progrès vers les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), a déclaré le représentant, avant de souligner l’importance d’approches plus globales.  Il a ensuite évoqué la nécessité de prendre en compte l’impact des migrations, notamment pour la viabilité du développement économique.  La Slovénie tient à mettre l’accent sur les liens entre changements climatiques, dégradation de l’environnement et migrations.  Pour conclure, le représentant a indiqué que son pays accordait beaucoup d’attention à cette question aux planx mondial, régional et national, évoquant à cet égard les programmes d’intégration pour ressortissants de pays tiers mis en place par le Gouvernement de la Slovénie. 

Mme ASTRIDE NAZAIRE (Haïti) a expliqué que l’équivalent d’un cinquième de la population actuelle d’Haïti, « soit plus de deux millions de ses ressortissants et leurs descendants », étaient installés à l’étranger.  Elle a indiqué que cette forte émigration avait affecté négativement le pays à tous les échelons de l’appareil productif et administratif, notamment le « secteur vital » de l’éducation classique et professionnelle. 

Elle a notamment précisé que plus de 70% des citoyens haïtiens les plus instruits vivaient dans des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  En Haïti, l’exode des cerveaux est une réalité incontournable, a-t-elle déploré.  Mme Nazaire a cependant fait observer qu’avec cette importante diaspora à travers le monde, le pays disposait d’un « remarquable réservoir » de ressources financières, intellectuelles et professionnelles.

La représentante s’est ensuite préoccupée de l’exploitation économique et de la négation des droits sociaux des travailleurs migrants, ainsi que du trafic des personnes et des rapatriements forcés de migrants.  Afin de maximiser les bienfaits des migrations internationales, elle a réclamé la création d’un cadre « humaniste, dépassionné et rigoureux ».  Elle a également jugé nécessaire d’adopter des décisions basées sur une approche concrète, orientée vers l’action et qui mettent l’accent sur les droits humains et les libertés fondamentales des migrants.  Afin d’atténuer les déséquilibres créés par l’exode de compétences et de ressources vitales, Mme Nazaire a insisté sur l’importance de promouvoir la migration circulaire et les contributions financières de la diaspora destinées à appuyer le développement de leurs pays d’origine.

M. COLLIN D. BECK (Îles Salomon) a dit que la migration était une question transversale et que les migrants étaient eux-mêmes devenus des agents du développement.  Il a noté une augmentation des migrations Sud-Sud parallèlement aux migrations Sud-Nord.  Dans le cas des îles et des pays du Pacifique, il a parlé de la création d’une politique de mobilité du travail dans la zone du Pacifique, y compris le Timor-Leste.  Cette politique a permis de gérer les problèmes liés à la migration dans la région, a indiqué le représentant. 

« Nous espérons mettre en place d’autres mesures pour pouvoir recevoir d’autres migrants d’autres pays », a-t-il dit.  Concernant la migration internationale, il a fait état de l’apparition de la migration climatique dont les impacts sont devenus permanents notamment dans les petits États insulaires en développement.  Des populations sont obligées de se déplacer et de quitter leurs pays d’origine, a-t-il regretté.  « On est aujourd’hui arrivé à la limite de viabilité de la terre », a-t-il encore ajouté.  C’est pourquoi, les discussions doivent porter notamment sur les émissions de gaz à effet de serre et sur les migrations politiques et économiques et leurs causes profondes, a déclaré le représentant.

M. GEORGE WILFRED TALBOT (Guyana) a relevé que la Déclaration du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement adoptée hier par consensus rappelait que les migrations internationales étaient d’une importance cruciale, aussi bien pour les pays de départ, de transit que d’accueil.  Les migrations ont une ampleur particulière dans le débat sur le développement, a-t-il ajouté.

L’interdépendance entre les migrations et le développement est complexe mais personne ne peut nier que les migrants contribuent au développement de tous les pays du monde et leurs contributions doivent être saluées.  La communauté internationale a la responsabilité de garantir la protection des migrants, tandis que les États ont la responsabilité première de réguler les flux de migration.  Le Guyana, en tant que pays d’accueil de transit et de départ, constate que les migrations ont un impact négatif sur les ressources humaines qualifiées.  Les envois de fonds, bien qu’importants, ne peuvent pas contrebalancer les pertes de compétences, mais ils ne doivent cependant pas être sous-estimés, a-t-il ajouté.

Le représentant a encore indiqué que le Gouvernement du Guyana, en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations, avait lancé un projet pour structurer les relations avec les diasporas pour contribuer au développement de la nation.  Les avancées en vue de l’établissement d’une zone de libre-échange dans la Communauté des Caraïbes (CARICOM) avait permis de faciliter la mobilité régionale, a-t-il souligné.  Le lien inextricable et pluridimensionnel entre migrations internationales et développement doit en outre être pleinement pris en compte dans les discussions du programme de développement pour l’après-2015.

M. NORACHIT SINHASENI (Thaïlande) a estimé que des normes ne pouvaient pas être établies sans une perception positive des migrants.  Les migrations réduisent la pression du marché du travail  et stimulent la compétitivité.  Elles ouvrent davantage d’opportunités, bénéficient aux pays d’origine grâce aux transferts de fonds et facilitent le partage des connaissances.  À l’inverse, les migrations irrégulières créent des problèmes.

En tant que pays d’origine, de transit et d’accueil, la Thaïlande s’est toujours efforcée de gérer la migration de façon intégrée.  La croissance et le développement vont de pair avec le traitement humain des migrants.  À cet égard, il est important de coopérer avec les différents secteurs de l’économie pour comprendre les tendances du marché du travail et les besoins de migrants.  

M. Sinhaseni a considéré que les pays d’origine et de destination avaient une responsabilité partagée en ce qui concerne la sécurité des migrants.  Ceux-ci doivent aussi prendre des précautions pour que leur migration ne soit pas exploitée par des groupes criminels.  En Thaïlande, l’éducation et la sécurité sociale universelles s’étendent aux migrants étrangers, « y compris les illégaux et leurs familles ».   Le Premier Ministre a récemment souligné l’importance de légaliser les migrants illégaux afin de réduire leur vulnérabilité. 

Enfin, dans le cadre de la coopération régionale, la Thaïlande lutte avec les pays de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) contre la traite des êtres humains.  Elle est un membre actif des Processus de Colombo et de Bali qui suivent l’évolution des migrations internationales. 

M. MOHAMED ALI ALHAKIM (Iraq) a fait brièvement remarquer que la migration des compétences iraquiennes avait été le principal moteur du développement socioéconomique du pays.  La guerre, puis la lutte contre le terrorisme, ont eu un impact sur la migration.  Il est malheureusement difficile d’avoir des données exactes pour mesurer cet impact.

La question des migrations a été intégrée dans les stratégies de développement nationales visant à réduire la pauvreté et à promouvoir l’éducation, a assuré le représentant.  D’autre part, la coopération régionale pour gérer les migrations a été renforcée, a expliqué le représentant.

M. SAHEBZADA AHMED KHAN (Pakistan) s’est réjoui du fait que la migration internationale figurait au nombre des préoccupations de la communauté internationale, laquelle doit, selon lui, saisir l’opportunité de ce Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement en vue d’identifier les voies et moyens d’accroître les profits de la migration et d’en réduire les impacts négatifs.

Le Pakistan, qui encourage le renforcement de la coopération internationale, a également plaidé pour que ce dialogue établît le lien entre la migration et développement pour notamment mieux s’attaquer aux causes de ce phénomène.  M. Khan a souhaité l’intégration des accords et instruments internationaux régissant les aspects économiques, financiers et ceux relatifs aux droits humains sur la problématique des migrations.

De plus, il a défendu l’évolution du cadre réglementaire des transferts de fonds en vue de réduire les coûts des opérations liées aux envois d’argent vers les pays d’origine des migrants.  Parallèlement, le représentant pakistanais a estimé qu’en dépit des profits économiques, les migrations internationales favorisaient la fuite des cerveaux et du capital humain.  D’où la création par les autorités de son pays d’un Ministère des Pakistanais de l’étranger.

M. YURIY SERGEYEV (Ukraine) a indiqué que les travailleurs migrants jouaient un rôle clef dans le développement de son pays, qui est également un important pourvoyeur de main-d’œuvre à la région européenne.  Les citoyens ukrainiens bénéficiant d’un permis de travail dans différentes nations européennes figurent parmi le groupe le plus important en Europe, a-t-il souligné.  Ces migrants envoient à leurs familles environ 7,5 milliards d’euros par an. 

Parallèlement, l’Ukraine perd également ses ressources humaines et la migration affecte la structure démographique nationale, notamment avec le vieillissement de sa population et la chute du taux de natalité en raison de la migration.  D’autre part, le nombre d’enfants vivant sans l’un ou l’autre de leurs parents, ou les deux, est en augmentation, ce qui pose des problèmes de garde et d’ordre psychologique et social, a-t-il fait remarquer.

L’Ukraine a toutefois développé une politique migratoire nationale avec, pour objectif stratégique, le retour des migrants dans leurs pays.  Le pays contribue activement au processus mondial tendant à l’élimination des violations des droits des réfugiés et des migrants.  Dans ce cadre, le délégué a encouragé tous les États Membres à faire face aux enjeux que la migration internationale représente pour les pays d’origine, de transit et de destination.  

M. NICHOLAS EMILIOU (Chypre) a évoqué les progrès réalisés depuis 2006, notamment en ce qui concerne les transferts de fonds.  Aujourd’hui, a-t-il dit, on comprend mieux les effets complexes des migrations sur le développement des pays d’origine et d’accueil.  Il a appuyé le processus transparent du Forum mondial sur la migration et le développement qui réunit plus de 150 pays et a permis à la société civile de faire entendre sa voix. 

Les migrations sont un facteur de changement culturel et d’interaction, mais il existe de nombreux défis auxquels les pays doivent s’attaquer: traite des êtres humains, exode des cerveaux, insertion des minorités, xénophobie et  sécurité nationale.  Les droits de l’homme devraient être respectés et promus par tous. 

Pour sa part, a expliqué le représentant, Chypre a adopté des mesures contre l’immigration illégale et la traite, « afin que ceux qui cherchent une vie meilleure aient la chance d’être protégés ».  Chypre occupe une position stratégique en Europe et « la pression migratoire est forte ».  L’île a progressé dans la gestion des flux migratoires et a amélioré son système d’asile.  Elle encourage le retour volontaire des migrants, ainsi que la coopération et la mobilité avec les pays d’origine.

Les migrations étant un véritable moteur de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), il faut agir à l’unisson pour mettre au point « un programme international à visage humain cohérent », a-t-il conclu.

Mme RITA CLAVERIE DE SCIOLLI, Vice-Ministre des relations extérieures du Guatemala, a estimé que pour arriver à une intégration adéquate de la migration dans le programme de développement pour l’après-2015, il importait d’adopter des politiques publiques cohérentes qui considèrent le migrant non pas comme objet mais comme sujet du développement humain, en respectant, en toutes circonstances, la protection de ses droits, et les principes d’égalité et de durabilité de la gouvernance internationale de la migration.  De telles politiques devraient octroyer une attention particulière aux plus vulnérables: enfants, adolescents, femmes et personnes handicapées. 

Deuxièmement, la migration doit devenir la préoccupation de tous à travers la collecte de données et d’informations en vue de la préparation de statistiques destinées à la planification de politiques publiques intégrales, aux niveaux national et régional, de la part des pays d’origine, de transit et d’accueil.

La Vice-Ministre a recommandé, en troisième lieu, de faire de l’équité un vecteur entre la migration et le développement puisque le développement durable commence et s’achève avec la garantie de la sécurité, de la santé, de l’éducation des enfants et des adolescents, indépendamment de leur statut migratoire.  Dans cette démarche, il faudrait veiller à édifier des États solides qui garantissent le droit d’émigrer ou non et l’élimination de la migration irrégulière.  Cela ne peut se faire que par une participation large et inclusive de divers acteurs étatiques comme ceux du développement social, de l’éducation, de l’emploi, de la santé, des relations extérieures, de la migration et de la gouvernance.

Enfin, les débats sur les migrations internationales et le développement doivent avoir pour objectif ultime l’amélioration de la gouvernance migratoire aux niveaux local, national, régional et mondial, d’où la nécessité de la participation des diasporas dans le processus d’intégration et de réinsertion des migrants, des institutions publiques, de la société civile, du secteur privé et institutions internationales et du développement d’alliances stratégiques, a-t-elle souligné.  

M. MATEO ESTREME (Argentine) a affirmé que la tragédie de Lampedusa justifiait ce genre de débat aux Nations Unies et l’importance de changer de paradigme.  Pour l’Argentine, tout individu a le droit de migrer partout où il veut, tout en étant certain de voir ses droits fondamentaux respectés.  « L’Argentine refuse toute criminalisation de la migration », a indiqué le représentant.  Les migrants sont des hommes et des femmes poussés par des forces hors de leurs pays, mais, en même temps, ils méritent le respect de leurs droits, le respect de leur culture et le respect de leur statut de migrant, a-t-il estimé. 

Pour faire face à ce défi complexe, l’Argentine propose notamment de régulariser la situation des migrants dans leurs pays de destination, a défendu le représentant.  Elle demande aussi le respect des droits des travailleurs migrants et de leurs familles.  Pour le représentant de l’Argentine, il faut trouver les causes de la migration dans le sous-développement.  Cette question doit ainsi être examinée lors des débats sur le programme de développement de l’après-2015. 

Le représentant a souligné que le respect des droits de l’homme des migrants devait être l’axe central de tous les engagements des organes des Nations Unies dans leurs travaux relatifs à la migration.  « Nous appelons aussi la participation de la société dans ce débat », a dit le représentant, qui a demandé que les autres pays s’inspirent de la Déclaration de Buenos Aires en matière de migration comme le font déjà les États membres de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) sur le sujet, a-t-il déclaré avant de terminer

M. RICHARD NDUHUURA (Ouganda) a affirmé que le Dialogue de haut niveau présentait une opportunité unique d’identifier de manière croissante les moyens de maximiser les apports des migrations internationales en matière de développement, et de réduire leur impact négatif.  Il a ajouté que ce dialogue offrait une plateforme où les pays pouvaient surmonter leurs divergences.  L’Ouganda salue les efforts menés par la communauté internationale pour offrir des réponses sur les différents aspects des migrations internationales.

 

Le représentant a en outre salué l’importante contribution des migrants et de la diaspora en faveur du développement sociéconomique dans leurs pays d’origine et de résidence, aux plans financier, intellectuel, de transfert de compétences et de capital social.  L’Ouganda appelle à un plus grand engagement de la communauté internationale en faveur du respect et de la protection des droits de l’homme de tous les migrants, en vertu de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrantset des membres de leurs familles.  Enfin, le représentant a souligné l’importance de promouvoir les efforts pour prévenir et combattre la traite d’êtres humains ainsi que la protection des victimes.

M. HUSSEIN HANIFF (Malaisie) a indiqué que son pays, stratégiquement situé dans la région d’Asie du Sud-Est et qui avait connu une croissance économique durable, n’était que trop conscient du rôle joué par les migrations dans le processus de développement et les questions posées par ce phénomène.  Pour la Malaisie, le défi central consiste à trouver un équilibre entre le besoin de maximiser les bénéfices économiques dérivés des migrations et la volonté de protéger les intérêts de toutes les personnes concernées.

La Malaisie estime que pour y parvenir, il est important de s’assurer que les flux de migrants sont bien encadrés.  Le représentant a en outre souligné que les travailleurs migrants apportaient une contribution importante à la productivité et au développement économique du pays.  Il a affirmé que la migration était de manière inhérente un problème régional et mondial qui nécessitait des efforts concertés, un respect et une compréhension partagés.

M. JOSÉ LUIS CANCELA (Uruguay) a mis l’accent sur l’importance qu’il accordait au processus de négociations autour du programme de développement pour l’après-2015 car, en dépit des progrès accomplis dans le dialogue et la concertation à l’échelle mondiale, des obstacles persistaient en ce qui concerne l’intégration de la thématique migratoire dans le cadre du développement et des politiques sectorielles, de même qu’au sein de l’ordre mondial de développement.

Par ailleurs, il n’existe pas encore de protection efficace des droits de l’homme des migrants ni un changement de fond dans la perception publique de la migration.  En effet, les mesures continuent à être focalisées sur les aspects relevant de la sécurité et de la compétence du marché du travail, ce qui entraîne des difficultés en matière d’intégration des migrants dans les sociétés d’accueil.  À cet égard, l’Uruguay a considéré le Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement comme une instance de décision susceptible de conduire à une vision stratégique de la migration dans le programme international pour l’après-2015.

Il a insisté, au nom de sa région, sur la nécessité de reconnaître la migration en tant que composante positive du développement ainsi que pour l’accès universel des migration aux services de santé, à l’information et à l’éducation, en particulier dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive des jeunes, des femmes, des enfants et autres groupes vulnérables.

L’Uruguay a également appelé à la promotion de la ratification de la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.  Reconnaissant que la corrélation entre migration et développement allait bien au-delà du simple aspect économique, le représentant a invité à aborder ce lien de façon intégrale, en incluant notamment la perspective humaine, sociale, culturelle et environnementale, en insistant sur le fait que le rapport entre migration, développement et droits de l’homme ne s’arrêtait pas aux transferts de fonds ni au flux d’avoirs privés, lesquels ne doivent en aucune manière être considérés comme partie intégrante de l’aide publique au développement. 

Il s’est par ailleurs prononcé contre la création d’un nouveau mécanisme de l’ONU chargé des migrations, estimant à cet égard que l’Organisation internationale pour les migrations était un organisme unique disposant des compétences exclusives dans ce domaine.  Il conviendrait, en revanche, d’améliorer les efforts de coordination entre les différentes instances et d’asseoir leur légitimité respective, a-t-il conclu.

Mme JEANNE D’ARC BYAJE (Rwanda) a déclaré que « la tragédie de Lampedusa nous rappelle notre obligation morale d’aider les plus vulnérables ».  Les migrations ont trop longtemps été identifiées comme un problème.  L’heure est venue d’insister sur leur rôle positif pour le développement, a-t-elle souligné.  Les pays devraient renforcer le respect des droits des migrants dans le monde du travail.  Il faut reconnaître que ceux-ci souffrent de la discrimination, de la xénophobie et du racisme.  « Les migrants ne sont pas des criminels mais des individus qui se débattent dans des conditions difficiles pour trouver un avenir meilleur. »

Selon la représentante, il ne faut pas politiser la question des migrations.  Les gouvernements africains doivent avoir une approche globale et coordonnée pour gérer les migrations, en partenariat avec la société civile.  Pour sa part, le Rwanda respecte les personnes, « quel que soit leur pays d’origine ».  Il n’est pas nécessaire d’avoir un visa pour entrer au Rwanda et les ressortissants des pays de l’Union africaine peuvent obtenir un permis de travail.  En outre, les citoyens de la communauté est-africaine n’auront besoin que d’une carte d’identité pour se déplacer.  Le Rwanda a réussi à renverser le mouvement migratoire et a connu un retour massif de Rwandais.  Le pays a beaucoup profité des transferts de fonds de la diaspora, a-t-elle souligné.

M. MAHE ‘ULI’ULI SANDHURST TUPOUNIUA (Tonga) a indiqué que l’économie de son pays reposait, pour une large part, sur les envois de fonds des migrants.  Il a expliqué que ces fonds constituaient une source considérable de capitaux privés qui contribuent à la réduction de la pauvreté et à l’augmentation de l’épargne des ménages. 

Pour le représentant, afin d’optimiser le potentiel offert par la mobilité du travail, l’accent doit être mis sur les transferts de compétences.  « Les compétences et qualifications doivent être reconnues et équivalentes à l’échelle de régions entières, comme c’est le cas pour les pays du Pacifique », a-t-il en outre signalé.  Le représentant a également attiré l’attention sur l’importance de mieux tenir compte des causes environnementales des migrations.

M. WILLIAM SWING, Directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a rappelé le rôle de l’OIM qui est d’aider les gouvernements, et les millions de migrants dans le monde à jouir de leurs droits.  La migration est une tendance lourde dans le monde actuel en raison notamment du manque de travail et d’emploi, a expliqué M. Swing.  Cette situation est à l’origine de l’augmentation du nombre des membres de l’OIM qui a doublé depuis sa création pour atteindre 151 membres aujourd’hui.  Ces changements ont aussi conduit au changement du discours sur la migration qui a aussi évolué énormément, a-t-il constaté. 

Les défis du XXIe siècle se ressemblent partout dans le monde face à une planète de plus en plus mobile et mondialisé, a poursuivi M. Swing pour qui il est important de tenir compte de la migration dans le programme de développement pour l’après-2015.  Les migrants souffrent d’abus dans leurs droits humains et droits de travail.  Leurs revenus servent en partie à payer les frais de recrutement imposés par les trafiquants, a-t-il encore dénoncé.

M. Swing a pourtant estimé que beaucoup de migrants arrivent quand même à améliorer leur situation.  C’est pourquoi, a-t-il indiqué, ce Débat de haut niveau doit tenir compte de cette situation car en fin de compte les migrants comptent.  « Nous sommes contre leur stigmatisation et les stéréotypes dont ils sont l’objet dans beaucoup de pays », a-t-il ajouté.  De même, les membres des diasporas devraient aussi être soutenus, a lancé le Directeur général de l’OIM. 

En vue de l’élimination des stigmatisations contre les migrants, il a proposé de mener des réflexions sur six domaines.  Premièrement, il faut parvenir au changement de la perception du public de la migration, a-t-il proposé.  Ensuite, il faudra un investissement dans une politique migratoire fondée sur les faits.  Il a aussi demandé une réflexion sur l’intégration de la migration dans les politiques de développement.  Il a également souligné la nécessité de promouvoir la protection des droits des migrants.  Il a suggéré une gestion commune de la migration en cas de crise grave et, finalement, a estimé nécessaire de rendre cohérentes les politiques nationales et internationales de migration au niveau mondial et le développement des capacités.

M. Swing a observé que la migration était inévitable parce que les pays développés auraient plus que jamais besoin de millions de main-d’œuvre pour soutenir leur développement.  Dès lors, il est urgent de mettre en place un programme de formation des migrants pour s’y préparer, a-t-il affirmé.  

Mme IRENE KHAN, Directrice générale de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), après avoir indiqué que l’OIDD était la seule organisation intergouvernementale qui se consacrait exclusivement à la promotion de l’état de droit, a affirmé que les migrants continuaient de jouer un rôle essentiel dans le développement mondial et, en 2012, leurs transferts de fonds ont atteint environ 406 milliards de dollars, soit le triple du montant total de l’aide publique au développement.

Or, bien qu’il soit aisé de reconnaître les bienfaits potentiels de la migration, ceux-ci sont souvent occultés par la discrimination, l’inégalité de traitement et les violations des droits de l’homme des migrants.  L’OIDD a estimé que les pertes de vies au large de Lampedusa soulignaient la « tragique mondialisation de la misère humaine ».

Pour des millions de personnes de par le monde, la migration offre l’espoir d’échapper à une pauvreté écrasante et à la violence mais les migrants, en particulier les femmes et les enfants, sont parmi les plus vulnérables, sujets d’exploitations, d’abus et d’accidents meurtriers.  De ce fait, la tragédie de Lampedusa ne fait que rendre encore plus vitale la promotion d’une culture de justice et de développement, a affirmé Mme Khan, qui a appuyé la Déclaration du Dialogue de haut niveau et a exhorté les États à œuvrer en vue d’un ordre du jour efficace et inclusif en matière de migration qui intègre le développement et le respect des droits de l’homme.  Elle a insisté pour que l’état de droit soit au cœur de cet ordre du jour.   

Mme ENAS EL FERGANY, observatrice de la Ligue des États arabes, a noté que les États arabes avaient organisé en prévision de ce dialogue des consultations sur la question des migrations internationales et du développement au Caire, les 4 et 5 juin derniers, avec les représentants de 15 pays de la région et d’autres parties prenantes.  Elle a salué l’adoption de la Déclaration du Dialogue de haut niveau qui propose notamment de renforcer les droits de l’homme et les conditions de vie des migrants.

Les objectifs de développement figurent également dans la Déclaration, qui souligne l’importance des partenariats et de la coopération à l’échelle régionale et internationale pour réduire les effets délétères des migrations sur les pays d’origine et d’accueil.

Après avoir rappelé la nécessité d’intégrer la langue arabe dans le Forum sur les migrations internationales et le développement, l’observatrice s’est félicitée de la création d’un groupe de travail à la Ligue des États arabes, en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en vue de mettre en place un processus consultatif sur les migrations dans la région.

M. PETER WIDERMANN, Directeur général du Centre international pour le développement des politiques migratoires(ICMPD), a mis l’accent sur la nécessité d’inclure la migration dans le cadre du programme de développement pour l’après-2015 afin de saisir le potentiel de la migration dans le développement.  Ceci dépendra d’une migration sûre, humaine et ordonnée, a-t-il ajouté.  Pour y arriver, il convient, selon lui, de revoir les principes fondamentaux de la gouvernance de la migration. 

« Une meilleure migration implique de faciliter la mobilité des personnes pour le plein potentiel de développement humain et social, avec moins de formalités administratives et des garanties contre les abus et l’exploitation.  Dans un monde mobile, les cadres d’intégration doivent permettre la participation et l’inclusion.  Les frontières devront être gérées de façon à faciliter la circulation des personnes et des biens.

De même, a-t-il souligné l’importance d’un dialogue avec toutes les parties prenantes, y compris la diaspora, les organisations de la société civile, les syndicats, le monde des affaires, les agences de recrutements et les universités, les associations, a-t-il poursuivi.  L’ICMPD continuera de s’attacher à inclure le développement dans les dialogues sur la migration et à mener des recherches pour guider ces dialogues.

M. PETER SCHATZER, de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, a parlé de l’impact du printemps arabe sur les migrations dans la région.  Les processus de démocratisation dans certains pays et la crise en Syrie ont entraîné une vague importante de migrations dans la région.  La stabilité et le respect des droits fondamentaux des migrants sont des conditions essentielles à la paix et au développement socioéconomique durable de la région.

L’Assemblée parlementaire a œuvré à la création d’un observatoire méditerranéen sur la migration qui serait basé en Grèce.  L’histoire de la Méditerranée, a rappelé l’observateur, repose sur les mouvements de l’humanité.  Dans les prochaines décennies, la force de la main-d’œuvre européenne va baisser du fait du ralentissement démographique.

Au niveau législatif, il est important d’examiner les tendances pour faire correspondre les besoins des migrants aux paramètres économiques.  La tragédie de Lampedusa met en relief l’importance de ce travail.  Mettant l’accent sur la formation, l’Assemblée lance, en coopération avec la Sorbonne en France, une université d’été pour accueillir, chaque année, 50 étudiants de la région à Villefranche-sur-Mer. 

Mme ANA PAOLA RIVEROS MORENO DE TAGLE, Présidente de l’Organisation des États américains (OEA), a rappelé que, selon la Banque mondiale, 5,2% de la population des pays d’Amérique latine étaient des migrants.  Les envois de fonds et les revenus générés par la migration sont estimés à 62 milliards.  Ces chiffres indiquent que la migration est un phénomène régional dans cette partie du monde.  C’est à ce titre que l’OEA a développé un certain nombre de politique pour gérer la migration dans la région.  Par ces politiques et ces programmes, les États membres de l’OEA visent à mettre le migrant et ses droits au cœur de leur politique migratoire, a-t-elle déclaré.

M. AJAY A. MADIWALE, de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et des sociétés du Croissant-Rouge, a fait remarquer que les migrants, à toutes les étapes de leur voyage, se retrouvaient souvent dans des situations d’extrême vulnérabilité.  Les procédures des États aux frontières devraient garantir la dignité et la sécurité des migrants.  Les États devraient leur permettre l’accès aux services de base, y compris des soins médicaux, un abri, de la nourriture, des vêtements, une éducation et le regroupement familial.

La Croix-Rouge, les sociétés nationales du Croissant-Rouge et les gouvernements doivent continuer à protéger et à promouvoir les droits des migrants.  Les sociétés nationales doivent ainsi pouvoir avoir accès aux migrants afin de leur fournir les services nécessaires.  Elles doivent également pouvoir coopérer avec les autorités publiques pour sensibiliser le public à la culture des migrants et les intégrer dans les populations locales.  Ainsi la société italienne du Croissant-Rouge a-t-elle joué un rôle important dans le « projet Praesidium » qui vise à améliorer les conditions d’accueil et d’assistance à Lampedusa, le site de la tragédie d’hier.      

M. AMBET YUSON, de Building and Woodworkers International, a estimé que, dans le débat international sur la migration, une approche axée sur les droits stipulés dans les instruments normatifs devait être au centre des résultats du Dialogue de haut niveau.  M. Yuson a lancé un appel aux gouvernements en vue de la ratification des conventions de l’ONU et de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la migration.  Il a exhorté l’Union européenne à respecter, quant à elle, les droits fondamentaux des migrants conformément à ces instruments.

Dans les discussions sur la mobilité de l’emploi, a-t-il ajouté, il conviendrait de se centrer sur les recruteurs sans scrupules, sur les agences de délocalisation et sur les trafiquants de personnes qui exploitent impunément les aspirations des migrants et ne voient en eux que des marchandises plutôt que des êtres humains. 

En conséquence, il revient aux gouvernements d’assumer la responsabilité de mettre en place un mécanisme efficace et transparent de régulation du recrutement aux fins de protéger les droits des travailleurs migrants, a déclaré M. Yuson, en regrettant que certains gouvernements considèrent aussi les migrants comme des marchandises en incluant la mobilité du travail dans de nombreux accords commerciaux bilatéraux et régionaux.

Mme ISABEL DE SOLA, du Forum économique mondial, a déclaré que son organisation avait promu pendant cinq ans un projet de coopération avec le secteur privé autour des questions de migration.  Le plan d’action présenté par la société civile au Dialogue de haut niveau, de même que la Déclaration finale, mentionnent à maintes reprises la nécessité de resserrer les liens avec la société civile et le secteur privé, a-t-elle rappelé, en remarquant l’absence criante des entreprises privées dans le Dialogue de haut niveau. 

Elle a déploré l’absence remarquée des représentants des employeurs, vendeurs et sous-traitants, qui touchent pourtant de manière décisive la vie des migrants.  « Si nous voulons collaborer, a-t-elle déclaré, il faudrait ouvrir les portes et instaurer un dialogue avec le secteur privé en sa qualité de partenaire des gouvernements, des agences internationales et de la société civile ».

Sans l’engagement ferme des entreprises, des gouvernements, des universitaires, de la société civile et du système multilatéral, « nous ne serons pas en mesure de vaincre les injustices et de remédier aux erreurs de la modernité en vue de créer un monde meilleur », a-t-elle encore dit, en soulignant que la coopération et la collaboration avec les autres secteurs exigeaient, d’abord, une volonté de dialogue et d’écoute, mais aussi une disposition à faire des concessions et à améliorer les potentialités.  

M.PETER SUTHERLAND, Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations internationales et le développement, a fait état du premier Dialogue de haut niveau sur les migrations qui avait permis la création du Forum mondial sur la migration.  Ensuite, il a rendu un hommage particulier au Mexique, qui a abattu « énormément de travail pour trouver un consensus qui n’a pas été facile à dégager ».  Il a enfin salué la société civile qui s’est « sentie exclue des débats alors qu’elle sait avec pertinence présenter les difficultés du terrain ».

« Aujourd’hui nous devons agir », a poursuivi M. Sutherland.  « De grands défis nous attendent.  Lors des deux derniers jours, nous nous sommes concentrés sur les migrants et sur la façon de changer les politiques et obligations des États en faveur des migrants.  Il faut maintenant tendre vers une politique directrice que tous les États devraient respecter », a-t-il ajouté.

Puis, il a déclaré que si le programme de développement pour l’après-2015 ne fait pas référence à la migration, « alors nous aurons échoué ».  « Et je ne parle que des envois de fonds qui sont des investissements directs étrangers dont la réduction de 2% des coûts des envois devrait énormément aider les migrants », a-t-il poursuivi.

M. Sutherland a exhorté tous les États Membres à adopter la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleurs et les travailleuses domestiques. 

Le représentant du Qatar a indiqué que sa délégation avait activement participé au processus préparatoire et au Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement mais s’est étonné qu’un « certain journal » ait publié des informations erronées sur le Qatar.  Il a affirmé que ce journal avait déclaré que des travailleurs migrants y étaient morts en raison des mauvaises conditions de travail.  Il a souligné que, compte tenu du contexte politique actuel dans la région, d’aucuns trouvent difficile que le Qatar soit en mesure d’organiser la Coupe du monde de football 2022.

Il a dénoncé les préjugés racistes dans ce contexte avant d’expliquer que, la semaine dernière, une délégation officielle du Népal s’était rendue au Qatar et avait fini par déclarer que les informations étaient infondées. 

Plus de deux millions d’étrangers sont installés au Qatar et coexistent pacifiquement avec les sept millions de Qataris, a poursuivi le représentant, en faisant part de sa perplexité devant les allégations de Building and Woodworkers International.  Il a insisté sur le fait que son pays ne permettait pas qu’un migrant fût victime d’abus.  Le Qatar est un pays transparent et ouvert, qui a reçu une délégation du Népal, et a embauché une agence internationale pour enquêter sur les allégations de violations des droits des migrants, a-t-il dit.

M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a souligné cinq priorités à l’issue du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement.  La première priorité est de saisir l’élan de ce Dialogue de haut niveau pour générer un appui large en vue d’intégrer la migration dans le programme de développement mondial.  La deuxième priorité consiste à améliorer la vie quotidienne et les conditions de travail des migrants à travers le monde, a affirmé le Vice-Secrétaire général. 

La troisième priorité est de faire face aux situations des migrants dans les pays en crise.  La quatrième est de renforcer les bases de données sur les migrants dans tous les pays notamment sur leurs caractéristiques sociales et économiques, a-t-il dit.

La cinquième et dernière priorité, selon M. Eliasson, est la nécessité de réfléchir à une stratégie pour atteindre les objectifs en matière de migration.  Il a, enfin, ajouté que le défi était d’établir un plan, une feuille de route sur la façon d’avancer ensemble avec un cadre et des mécanismes de suivi clairs. 

Remarques de conclusion

M. MAMADI TOURÉ, Vice-Président de l’Assemblée générale, a fait lecture des remarques de conclusion du Président de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale, M. John Ashe, à l’issue des deux jours de Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement.  Ce dialogue est l’aboutissement de nombreuses années de dur labeur et de préparation, a-t-il dit.  Il a exprimé sa gratitude à l’égard du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, pour son appui sans faille à la promotion de cette question au sein des Nations Unies.  Il a également remercié le Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations internationales et le développement, M. Peter Sutherland, pour ses efforts inlassables lorsqu’il représentait l’ONU au Forum mondial et pour avoir œuvré à encourager les États Membres à trouver des solutions pratiques à l’un des défis majeurs de notre temps.  

Les quatre tables rondes ont permis de procéder à des débats interactifs entre différentes parties prenantes qui ont pu avoir des échanges sincères.  De nombreux exemples sur la manière dont la migration et le développement peuvent aller de pair ainsi que des mesures pratiques pour faire face aux défis urgents de la migration ont été présentés.  Des initiatives concrètes ont été annoncées en vue de la concrétisation des recommandations du Secrétaire général dans son rapport.

La migration est un vecteur fort du développement, qu’il conviendrait d’inclure dans le programme de développement pour l’après-2015.  Les efforts doivent aussi aller dans le sens de la facilitation de la mobilité internationale et de l’amélioration des dividendes de la migration, tout en veillant à la protection et à la promotion des droits de l’homme des migrants et de leurs familles.

Aucun pays, à lui seul, ne saurait gérer la migration internationale, a-t-il dit.  Les participants ont souligné que la migration pouvait avoir des effets positifs sur le développement et qu’il était grand temps de l’intégrer dans les plans et stratégies nationaux.  Respecter, promouvoir et protéger les droits des migrants, tout particulièrement des enfants de migrants en situation de crise, des femmes, des enfants et des groupes vulnérables, sont les points saillants des messages issus de ce Dialogue de haut niveau.

Le plan en huit points du Secrétaire général énumère les mesures qu’il conviendrait de prendre.  M. Ashe a enjoint les États Membres à s’atteler à cette tâche et a espéré que, sous la présidence de la Suède, le Forum mondial pourra chaque fois mieux cibler les actions dans le domaine de la migration, de concert avec le Groupe de travail.

Il a émis le vœu qu’un travail de meilleure qualité soit accompli pour soulager les difficultés des migrants, et en finir avec les risques qu’ils prennent dans leur quête d’un avenir meilleur.  Enfin, ce dialogue a démontré, encore une fois, que la question des migrations internationales et du développement pouvait être débattue, de façon constructive, au sein des Nations Unies.

Table ronde 3 sur « Le renforcement des partenariats et de la coopération dans le domaine des migrations internationales, les moyens d’intégrer avec efficacité la question des migrations dans les politiques de développement et la promotion de la cohérence à tous les niveaux »

Cette table ronde était présidée conjointement par M. PATRICK ABBA MORO, Ministre de l’intérieur du Nigéria, et par Mme SIMONETTA SOMMARUGA, Chef du Département fédéral de la police et de la justice de la Suisse.

Lançant la discussion, M. Abba Moro a noté que, depuis le premier Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales en 2006, les États avaient établi plusieurs mécanismes de coordination dans ce domaine.  « La recherche de partenariats à différents niveaux est nécessaire pour que les migrations se fassent dans des conditions de sécurité et renforcer les droits des migrants. »  « Tout effort de coopération doit veiller à ce que la migration bénéficie à la fois aux migrants, aux pays d’origine, de transit et de destination », a-t-il poursuivi.

Mme Sommaruga a renchéri en soulignant « combien il est difficile d’élaborer des politiques nationales pour appréhender un phénomène aussi complexe que les migrations internationales qui ont des liens avec le développement, les changements climatiques et les droits de l’homme ».  « En Suisse, les agences gouvernementales pertinentes se réunissent régulièrement et veillent à prévenir tout conflit d’intérêt éventuel », a-t-elle indiqué.  Pour la coprésidente de la table ronde, les États doivent consacrer plus de ressources pour intégrer la problématique de l’immigration de travail dans les politiques générales de développement.  « Cela passe, a-t-elle dit, par le financement de projets en matière d’éducation et de facilitation de l’accès au marché du travail des migrants. »  Mme Sommaruga a également souligné l’importance des accords bilatéraux pour lutter efficacement contre la traite des êtres humains. 

M. DAILIS ALFONSAS BARAKAUSKAS, Ministre de l’intérieur de la Lituanie, a rappelé que son pays assurait actuellement la présidence tournante de l’Union européenne et qu’il « mettait en place un cadre pour mieux gérer les migrations ».  Il a souligné qu’il était vital de renforcer la cohérence et la coordination dans le domaine des migrations internationales afin de regrouper les données et l’information sur la question « à tous les niveaux ».  « Nous devons assurer des échanges réguliers entre parties prenantes et mieux nous consulter », a-t-il insisté, en appelant les organisations régionales spécialisées à éviter les doublons en simplifiant leurs procédures administratives et en rationalisant leurs ressources financières.

M. FREDDY MONTERO, Vice-Ministre de l’intérieur du Costa Rica, a soutenu que la coopération entre États était difficile car, a-t-il précisé, « on ne sait pas toujours qui est l’autorité nationale véritablement compétente en matière de migration ».  Il a recommandé d’adjoindre aux politiques nationales des mécanismes d’application de ces politiques: « Même à l’ONU, les institutions spécialisées sont mal articulées les unes aux autres, le travail des unes et des autres n’est pas exploité pleinement », a-t-il noté.  « Cohérence et coopération seront indispensables pour appréhender les répercussions des migrations entre pays en développement et celles résultant des changements climatiques », a estimé M. Montero.

M. WILLIAM LACY SWING, Directeur général de l’Organisation internationale des migrations (OIM), a expliqué que, pour intégrer la problématique migratoire dans les plans de développement à long terme, il faudrait reconnaître la nature multidimensionnelle du phénomène des migrations internationales.  Les ministres doivent se parler au sein même des gouvernements nationaux.  « Il ne faut plus faire des migrants des boucs émissaires et leur demander de retourner dans leur pays d’origine. »  Il a estimé qu’il était paradoxal que le discours sécuritaire post-11 septembre favorise le repris identitaire tandis que la mobilité humaine est plus que jamais intense.

M. WILLIAM GOIS, Coordonnateur régional du « Migrant Forum in Asia »,  a exhorté les dirigeants politiques des pays d’accueil à permettre aux migrants d’exercer leurs droits en matière de soins de santé, d’éducation et d’accès à la justice.  « Dans les grandes conférences internationales et régionales, nous devons entendre la voix des migrants, faute de quoi les réponses que nous apporterons à leurs problèmes seront forcément inappropriées », a considéré M. Gois.

Les participants à la table ronde se sont ensuite penchés sur les moyens à privilégier visant à renforcer les stratégies gouvernementales, les partenariats publics et les initiatives multipartites.

M. MONTERO a répondu en estimant que les politiques en matière de migrations ne doivent pas se contenter d’une gestion immédiate, mais avoir plutôt pour objectif à long terme le bien-être des migrants en termes de santé, d’emploi et d’éducation.  « La priorité, c’est l’intégration des migrants tout en les faisant participer aux activités des associations locales », a-t-il dit, avant de plaider pour que les données des différents observatoires régionaux sur les migrations soient regroupées dans des plateformes communes.

M. BARAKAUSKAS a souligné qu’il faudrait prendre acte du lien entre migration et développement, y compris le programme de développement pour l’après-2015, « en faisant de la mobilité de la main-d’œuvre un phénomène dynamique, capable de stimuler la croissance économique ».  Rappelant qu’1,3 million de Lituaniens vivent à l’étranger, il a indiqué que le Gouvernement lituanien avait créé un forum économique pour renforcer « la communication dans les deux sens avec la diaspora ».  « La diaspora, a-t-il estimé, doit contribuer au développement de leur pays d’origine, qui peut être retardé en raison de la pénurie d’une main-d’œuvre spécialisée. » 

M. Swing a indiqué que, pour intégrer la problématique migratoire dans les processus de développement, l’OIM recommande entre autres d’accroître la participation de la société civile, des universités, du secteur privé et des diasporas à cet effort.  « Nous recommandons également qu’un comité interministériel organise et coordonne le dialogue entre toutes les parties prenantes. »  M. Swing a par ailleurs souligné la nécessité d’intensifier la coopération interétatique en vue de gérer efficacement l’impact humanitaire des flux migratoires soudains que provoquent les conflits et les catastrophes naturelles.

M. NASSIR ABDULAZIZ AL NASSER, Haut-Représentant des Nations Unies pour l’Alliance des civilisations, a noté que le monde reconnaissait les avantages que procurent les migrations internationales, tandis que « la peur est omniprésente et que les migrants sont les cibles de la xénophobie ».  « Face à ce nouveau défi, les États doivent rééquilibrer, dans les pays de destination en particulier, le débat public sur le sujet. »  « Nous devons présenter la diversité comme une force et non pas comme une menace », a-t-il insisté.

M. ARJUN BAHADUR THAPA, Ministre des affaires étrangères du Népal, a reconnu en effet « que l’impact de développement de 230 millions de travailleurs migrants sur les trois pays, d’origine, de transit et de destination, est colossal. »  « Les envois de fonds par les travailleurs migrants népalais contribuent directement à la réduction de la pauvreté au Népal».  Il a insisté sur la nécessité pour les pays d’émigration et d’immigration de renforcer leur coopération pour mieux réduire l’exploitation des migrants et mettre fin au non-respect de leurs droits.  « À cette fin, nous devons mettre en place des mécanismes basés sur les principes du Processus de Colombo et exploiter pleinement ceux qui existent déjà. »

Mme GRACE NALEDI MANDISA PANDOR, Ministre de l’intérieur de l’Afrique du Sud, a réagi en estimant qu’il était nécessaire de ne pas substituer les envois de fonds par les travailleurs migrants à l’aide publique au développement.  « Les pays en développement ont toujours besoin d’un accès facilité au marché.  Il faudrait ainsi intégrer la dimension multisectorielle des travailleurs migrants dans les mesures de panification économique régionale », a-t-elle précisé.

De son côté, Mme IMELDA NICOLAS, Secrétaire de la Commission des Philippins de l’étranger, qui a estimé essentiel de disposer d’un programme sur les migrations internationales « collectif et axé sur les résultats pour les années à venir », a plaidé pour une réduction de 5% les coûts d’envois de fonds, « comme le préconise la Banque mondiale ».

Mme EDITH ITOUA, Conseillère technique au Cabinet du Président de la République du Congo, a fait savoir que les autorités de son pays mettaient actuellement en place un « passeport SEMAC » pour faciliter la circulation des personnes dans la sous-région.  « Nous devons cartographier la diaspora pour pouvoir assurer l’intégration, dans les pays de destination, des migrants congolais dans les meilleures conditions. »

M. SERGIO PIAZZI, Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire méditerranéenne, a indiqué que son organisation avait contribué à la mise en place de l’Observatoire méditerranéen des migrations, basé en Grèce.  « Les législations des pays de la région doivent faire en sorte que les mouvements migratoires concilient à la fois les intérêts des migrants et ceux des pays d’accueil. »  « En amont, il convient de développer des programmes d’échange entre étudiants des deux rives de la Méditerranée pour intensifier le partage de savoirs et la compréhension mutuelle », a-t-il souligné.

Les conférenciers se sont ensuite interrogés sur la manière dont les expériences bilatérales et régionales réussies en matière de coopération dans le domaine des migrations et du développement pourraient être traduites à l’échelle multilatérale.

À l’instar des panélistes, MM. BARAKAUSKA et MONTERO ont souligné que l’obstacle à l’opérationnalisation des mécanismes multilatéraux était le manque de ressources.

Les délégations qui se sont exprimées sur le sujet ont appuyé cette observation, en demandant de plus la création de fonds volontaires multidonateurs qui seraient administrés par l’OIM et le renforcement de l’accès aux crédits et à l’emprunt des migrants, un bon moyen, ont-elles dit, de lutter contre les réseaux de trafiquants et de subvenir aux besoins des femmes migrantes vivant seules avec leurs enfants.

De son côté, M. WU HONGBO, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, faisant référence au rapport du Secrétaire général sur la question, a plaidé pour la reconnaissance mutuelle des diplômes et des compétences et la réduction des frais d’envois de fonds et de recrutement des travailleurs migrants. 

Pour M. WILLIAM GOIS et les autres représentants de la société civile, les pays qui ont ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, devraient s’inspirer des autres conventions, « celles sur la protection des femmes et des enfants, qui sont sur le point de devenir universelles et qui prévoient l’établissement d’un cadre multilatéral d’action ».  « Les instruments pertinents existent et ce sont les États qui, en les ratifiant et en les mettant en œuvre, nous permettront d’avancer vers le multilatéralisme », a-t-il déclaré, sous les applaudissements des participants.

Le représentant de l’Italie a souhaité « qu’à la lumière de la tragédie de Lampedusa », le dialogue constructif entre les pays méditerranéens accueillant d’importantes communautés de migrants soit renforcé.

Pour le représentant de la France, il est impératif de donner une image plus positive des migrations internationales.

Table ronde 4 sur « La mobilité de la main-d’œuvre à l’échelle régionale et internationale et effets sur le développement ».

Le Coprésident du premier segment de cette table ronde, M. KONSTANTIN ROMODANOVSKY, Chef du service fédéral des migrations de la Fédération de Russie, a dénoncé les « restrictions artificielles » à la migration qui ne touchent naturellement pas les candidats migrants hautement qualifiés.  Que faire alors pour ceux qui ont peu ou pas de qualifications?  À l’heure actuelle, a-t-il souligné, la Fédération de Russie est numéro deux en matière d’accueil des migrants.  Elle possède  le système d’envois de fonds le moins cher au monde et a déjà supprimé tous les obstacles à l’entrée des étrangers dans le secteur des petites et moyennes entreprises.  L’orateur a tout de même reconnu la montée du nationalisme, aussi bien, a-t-il affirmé, dans les communautés d’accueil que dans les communautés migrantes dont certaines, dans un repli identitaire, rechignent à respecter les institutions des pays hôtes.  M. Romodanovsky a mis l’accent sur l’importance de la coopération entre pays d’origine et pays d’accueil.

Le phénomène de la migration est en pleine mutation, a dit avoir constaté l’autre Coprésident, M. SHAHIDUL HAQUE, Secrétaire permanent du Ministère des affaires étrangères du Bangladesh.  La migration contribue au renforcement des capacités et à la réduction de la pauvreté.  En 2030, a-t-il fait observer, le monde sera double, physique et virtuel.  Il faut se demander dans quelle mesure la mobilité de la main-d’œuvre permettra-t-elle de déboucher sur ce nouveau monde?

La formation professionnelle des migrants a été conseillée par le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle du Maroc, M. ABDELOUAHED SOUHAIL.  Il faut, a-t-il précisé, des politiques nationales cohérentes et mieux coordonnées pour maximiser les avantages de la migration et mieux gérer la migration professionnelle, tout en veillant à l’équilibre du marché du travail national.  Le Maroc a conclu des cadres conventionnels avec des pays d’accueil pour maîtriser les flux migratoires et définir les responsabilités de chacun, notamment avec l’Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas.  Des conventions d’établissements ont par ailleurs été signées avec l’Algérie, la Tunisie et le Sénégal.

Mais le Ministre a fait savoir que plusieurs de ces accords sont devenus caduques parce qu’ils ne prennent pas en compte les nouveaux phénomènes migratoires, tel que la question du retour.  Depuis, un accord bilatéral a été signé avec l’Italie sur la préparation des candidats à la migration et 18 conventions de sécurité sociale ont été conclues pour garantir le droit des migrants à la sécurité sociale.  Au Maroc, les envois de fonds de la diaspora représentent 7% du PIB.  Ils couvrent 42% du déficit de la balance commerciale et représentent 21% des dépôts bancaires.  Mais le Maroc est aussi en train de devenir un pays de destination, ce qui a poussé le Gouvernement a adopté une politique migratoire « radicalement nouvelle » garantissant le droit d’asile, le principe d’égalité et la participation aux élections locales.  Il nous faut, a conclu le Ministre, un cadre multilatéral pour promouvoir la mobilité professionnelle, car la migration est un élément de la prospérité, a renchéri M. TOBIAS BILLSTRÖM, Ministre de la migration et de la politique d’asile de la Suède et Président du Forum mondial sur la migration et le développement.

Il a souligné que son pays a besoin des migrants, compte tenu du vieillissement de sa population.  La Suède, s’est-il enorgueilli, a le système de migration le plus souple au monde, consciente qu’une bonne gestion de la migration et de la mobilité peut contribuer au développement des communautés.  Les migrants, dont les envois de fonds ont un réel impact sur les économies des pays d’origine, sont aussi un moteur important pour les échanges commerciaux avec ces pays.  A son tour, il a jugé essentiel d’établir un cadre juridique pour renforcer la capacité de la migration de contribuer au développement des pays d’origine et de destination.  Ce n’est qu’en simplifiant les formalités liées à la circulation des personnes, qu’il sera possible de tirer parti du plein potentiel de la migration, a prévenu le Ministre.

Un potentiel bien réel pour le Ministre des affaires étrangères de l’Équateur qui a souligné que les migrants permettent de stimuler la production et la consommation des pays d’accueil.  Mais, a-t-il reconnu, il faut parler de leurs conditions de travail qui font que leur vie et leur consommation sont caractérisées par la pauvreté.  Il faut en effet mettre en place des systèmes, a plaidé la représentante de l’Union européenne, qui mettent en valeur les capacités et les connaissances de la main-d’œuvre migrante, une main-d’œuvre qui doit répondre aux marchés du travail.

Il faut une réglementation du travail cohérente qui assure l’égalité, a aussi plaidé le Ministre roumain des Roumains de l’étranger.  La question de la protection des droits des migrants, notamment de l’exploitation des femmes domestiques a été évoquée.  Le Ministre du travail et des relations industrielles de Maurice a dénoncé le fait que des investissements importants soient faits dans des pays qui ne garantissent pas l’égalité des droits.  Il a proposé que l’Organisation internationale du Travail (OIT) octroie un « label de justice à l’égard des travailleurs » afin d’aiguiller les investisseurs.  À l’heure actuelle, a-t-il aussi dénoncé, sur les dix pays qui ont ratifié la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques, seuls trois l’appliquent.

C’est l’illégalité ou la clandestinité qui rend vulnérable à l’exploitation, a souligné la Ministre des affaires étrangères de l’Érythrée et des Érythréens de l’étranger en fustigeant le manque d’accès des migrants à la justice donc à la régularisation de leur situation.  Pour « passer de la fuite de cerveaux aux gains des cerveaux », il faut travailler auprès des diasporas.

Les questions de la fuite des cerveaux et de l’harmonisation des politiques de migrations ont été reposées, dans ce deuxième segment, entre autre par M. GUY RYDER, Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Mais il a surtout plaidé pour l’égalité des droits des migrants qui permettent de maintenir les systèmes de sécurité sociale sans pouvoir en bénéficier.  Il faut déjà respecter les Conventions existantes, a argué Mme MARINA DEL CORRAL TÉLLEZ, Secrétaire générale pour l’immigration et l’émigration auprès du Ministère de l’emploi et de la sécurité sociale de l’Espagne, appuyée par le représentant de FSI-Worldwide, une société de recrutement.  La représentante espagnole est revenue sur la question de l’inadéquation entre travailleurs migrants et offres du marché du travail et a imputé ce phénomène au fait que de nombreux migrants se font embrigadés dans des réseaux clandestins.  Pour démanteler ces réseaux, elle a réclamé une plus grande coopération entre pays d’origine, de transit et de destination.

Pourquoi les gouvernements nationaux semblent vouloir favoriser les accords bilatéraux, malgré les appels de la société civile, s’est interrogée, dans ce contexte, Mme ANA AVENDAÑO, Directrice pour l’immigration et l’action communautaire de la Fédération américaine du travail et du Congrès des organisations industrielles.  Elle a insisté sur l’importance du dialogue social tripartite, se félicitant du nouveau programme de visas que s’apprête à lancer le Gouvernement des États-Unis pour promouvoir la mobilité et prendre en compte les besoins des migrants et de leur famille.  En augmentant la mobilité de la main-d’œuvre de seulement 3% par rapport au taux actuel, on pourrait parvenir à des gains énormes, a acquiescé M. LANT PRITCHETT, Professeur à la John F. Kennedy School of Government de l’Université de Harvard.  La migration circulaire –aller-retour entre pays d’origine et pays de destination- a un ratio coûts/bénéfices très élevé, a-t-il ajouté.  Permettre aux gens de se déplacer est l’avantage économique le plus important que l’on puisse donner au monde et une levée même limitée des obstacles peut avoir des gains « inestimables ».

Le représentant de l’Italie a annoncé que son gouvernement s’est engagé à réduire de 5% le coût des envois de fonds, au cours des cinq prochaines années, alors que son homologue du Canada jugeait nécessaire de veiller à la portabilité des retraites.  La question de la réinsertion économique des migrants dans leurs pays d’origine a aussi été évoquée par la représentante de la France qui a parlé des mesures d’incitation de son gouvernement pour encourager les candidats au retour à créer leur propre entreprise.

Il faut, a plaidé le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), accepter le fait que nous vivons dans un monde mobile, interconnecté et de plus en plus virtuel qui devrait encourager les politiques en faveur de la mobilité.  Nous devons mettre en place des compromis mutuellement profitables, a conclu le Coprésident de la table ronde.

 

 

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