AG/11395

La société civile attire l’attention de l’Assemblée générale sur le plan quinquennal qu’elle a préparé en prévision du Dialogue sur les migrations et le développement

15/7/2013
Assemblée généraleAG/11395
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-septième session

Auditions officieuses interactives

matin & après-midi


LA SOCIÉTÉ CIVILE ATTIRE L’ATTENTION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE SUR LE PLAN QUINQUENNAL QU’ELLE A PRÉPARÉ

EN PRÉVISION DU DIALOGUE SUR LES MIGRATIONS ET LE DÉVELOPPEMENT


Quelque 300 représentants de la société civile ont répondu présents à l’invitation de l’Assemblée générale de venir discuter du prochain Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, prévu les 3 et 4 octobre 2013.  La société civile en a profité pour attirer l’attention sur le plan quinquennal qu’elle a préparé et dont devrait s’inspirer le document final du Dialogue de haut niveau. 


Les « Auditions interactives officieuses sur les migrations internationales et le développement » étaient organisées autour de quatre « thèmes d’action » sur le travail des migrants, leur mobilité, la protection de leurs droits et la gouvernance de la migration. 


« La migration est une réalité essentielle du XXIe siècle.  Nous sommes tous des migrants ou des descendants de migrants.  Nous avons besoin d’un plan mondial cohérent et humain fondé sur les droits et qui traite des réalités de notre époque », a insisté M. Jan Eliasson, Vice-Secrétaire général des Nations Unies, pour qui les migrations internationales sont des « situations complexes » qui appellent des « solutions globales ».


Après le premier Dialogue de haut niveau de 2006, la société civile a dit vouloir que cette fois-ci, le document final soit plus concret et prenne la forme d’un plan quinquennal en huit points visant la régulation du recrutement des travailleurs migrants, l’intégration de la question des migrations dans le programme du développement pour l’après-2015, l’échange des pratiques exemplaires dans la gestion des migrations ou encore la redéfinition de l’interaction entre les mécanismes internationaux chargés de la migration.


À l’heure actuelle, a reconnu le Président de l’Assemblée générale, M. Vuc Jeremić, il n’existe aucun mécanisme international chargé de réglementer les flux migratoires mondiaux, qui sont passés de 150 millions à 214 millions en une décennie.  Il a prévenu que si les tendances actuelles se maintiennent, la migration risque d’accentuer les inégalités entre États, voire créer des « États fantômes » sans les ressources humaines nécessaires à leur fonctionnement. 


Les migrants contribuent de manière notable au développement économique de leur pays de destination mais, a averti le Président de l’Assemblée, la migration peut également priver les pays d’origine de leurs éléments « les plus brillants et les mieux éduqués ».  C’est là un prix très dur à payer pour des pays qui n’ont donc aucun retour sur des investissements coûteux dans la formation de spécialistes.


Les « Auditions » ont permis d’entendre trois jeunes migrants dont le dirigeant de l’association new-yorkaise Desis Rising up and Moving (DRUM), qui a demandé la fin de la criminalisation des migrants en situation irrégulière qui, selon lui, sont au nombre de 14 millions aux États-Unis.


« Prendre la voie du désert peut paraitre suicidaire mais c’est beaucoup plus facile et moins déshumanisant que les consulats occidentaux où on est soumis aux pires humiliations », a dit comme en écho la représentante du Centre Amadou Hampâté Bâ (CAHBA) du Mali et auteure de « Le Piège », qui a décrit le sort des clandestins africains, dont son expérience personnelle.  


AUDITIONS OFFICIEUSES INTERACTIVES SUR LES MIGRATIONS INTERNATIONALES ET LE DÉVELOPPEMENT


Déclarations liminaires


M. VUK JEREMIĆ, Président de l’Assemblée générale, a vu dans la migration une des rares constantes de l’histoire humaine, faisant notamment observer que « chacun d’entre nous a des racines qui viennent d’ailleurs ».  Le phénomène de la migration est l’incarnation de la quête du bonheur, a-t-il rappelé, tout en convenant que la question de la migration est à l’origine de nombreux débats passionnés.  M. Jeremić a dénoncé les abus et l’exploitation des migrants aux mains des trafiquants et autres passeurs.  Il a aussi dénoncé la discrimination, la xénophobie, le racisme, sans oublier les conditions déplorables de travail et de logement ainsi que le manque d’accès à la santé.


Le Président de l’Assemblée générale a fait observer qu’au cours de la dernière décennie, le nombre de migrants est passé de 150 millions à 214 millions, créant, a-t-il prévenu, de nombreux défis mais également des opportunités pour toutes les sociétés du monde.  Il a rappelé qu’un tiers des migrants se retrouve dans un pays développé, qu’un autre tiers migre d’un pays développé vers un autre pays développé et que le dernier tiers va d’un pays en développement à un autre.  Les immigrants contribuent, de manière notable, au développement économique de leur pays de destination mais la migration peut également priver les pays d’origine de leurs éléments « les plus brillants et les mieux éduqués ».  C’est là un prix très dur à payer pour des pays qui n’ont donc aucun retour sur des investissements coûteux dans la formation de spécialistes.


M. Jeremić a également soulevé la question des envois de fonds qui, selon une étude de la Banque mondiale, équivaudraient à 3 fois le montant de l’aide publique au développement (APD).  Cette même étude indique que le niveau des revenus et d’éducation des migrants peut avoir un effet sur le maintien des liens financiers et culturels avec leurs communautés d’origine.


Le Président de l’Assemblée a averti que si les tendances actuelles se maintiennent, la migration risque d’accentuer les inégalités entre États, voire créer des « États fantômes » sans les ressources humaines nécessaires à leur fonctionnement.  Il s’est également inquiété du fait qu’à l’heure actuelle aucun mécanisme international chargé de réglementer les flux migratoires n’existe, « une question qui aura un impact fondamental sur l’avenir de presque tous les pays du monde ».  Le Président a appelé les États Membres à commencer le travail en créant une base pour la coordination des efforts sur une question qui, a-t-il souligné, réside au cœur du développement durable.


M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a souligné qu’il avait dirigé les préparatifs du premier Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales, il y a sept ans, lorsqu’il présidait l’Assemblée générale.  Il s’est réjoui que les Nations Unies collaborent de façon de plus en plus étroite avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).


M. Eliasson a mis en exergue la nécessité de connaître les faits et les chiffres de la migration.  Le défi, a-t-il dit, consiste à échanger ces faits avec le public de façon à combattre les préjugés et les stéréotypes.  Il a souligné que les migrants pouvaient contribuer à revitaliser les nations et leurs économies.  Mais il a reconnu que les migrations internationales représentent des situations complexes qui appellent des solutions globales.  « Aucun gouvernement ne peut appréhender cette question seul », a-t-il insisté, en soulignant ainsi la nécessité de relancer les partenariats mondiaux sur cette question.


Le Vice-Secrétaire général a également insisté sur cinq domaines prioritaires dans le cadre des migrations.  Il a souligné qu’il fallait améliorer la collaboration entre États; renforcer la recherche et la collecte des données sur les migrations; renforcer la participation des migrants dans les économies; mettre en œuvre des plans sectoriels et nationaux axés sur les migrations; et mettre en place des plans qui tiennent compte des pays d’où viennent les migrants.


La migration est une réalité essentielle du XXIe siècle.  Nous sommes tous des migrants ou des descendants de migrants.  Nous avons besoin d’un plan mondial cohérent et humain fondé sur les droits et qui traite des réalités de notre époque, a-t-il insisté, avant de conclure.


Table ronde d’ouverture –– Regarder en arrière et au-delà du Dialogue de haut niveau de 2013


M. WILLIAM GOIS, Forum des migrants en Asie, a tout d’abord évoqué le voyage récent du pape François à Lampedusa et a dénoncé l’insensibilité ambiante face au sort réservé à certains migrants.  Il s’est félicité de la nature constructive du dialogue entre migrants et société civile, mais s’est interrogé sur l’impact des dialogues de haut niveau.  Il faut, a-t-il exigé, mettre fin à la mondialisation de l’indifférence et instaurer non pas un dialogue constructif mais un « dialogue de transformation ».


M. Gois a réclamé un programme de travail orienté vers l’action qui permette d’engendrer des changements concrets dans la vie des migrants.  Il a voulu qu’un tel programme soit entériné par le deuxième Dialogue de haut niveau, prévu le 4 octobre prochain.


M. GIBRIL FAAL, Directeur de GK Partners et Président de la Fondation africaine pour le développement (AFFORD), a déclaré que la migration est l’acte le plus ancien pour lutter contre la pauvreté et s’est demandé par « quelle perversité de l’âme humaine » les gens résistent à un bien si évident.  Tous les hommes, qu’ils soient boulangers, banquiers, médecins ou nettoyeurs ont tous en commun la volonté d’améliorer les conditions de vie de leurs enfants.  Pour que les partenariats recommandés fonctionnent, a-t-il estimé, il faut aller au-delà de l’objectif commun et obtenir des institutions qu’elles soutiennent les initiatives de la diaspora et des migrants.  « Quand nous nous réunissons ensemble sur la place éclairée par la lune, ce n’est pas à cause de la lune que nous nous réunissons mais parce que c’est bon que les hommes le fassent », a–t-il dit en paraphrasant un écrivain nigérian.


M. AMBET YUSON, Secrétaire général de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, a constaté que depuis la crise mondiale de 2008, les modes de migration ont « radicalement changé » et mettent dorénavant en exergue la vulnérabilité tant des pays développés que des pays en développement.  Il a dénoncé la paupérisation du secteur public en Europe qui pousse, a-t-il constaté, de nombreux médecins, en Pologne par exemple, à émigrer.  Pour M. Yuson, il ne faut pas se limiter à la gestion des migrations mais assurer une bonne stratégie visant des emplois durables et des économies nationales vigoureuses.  La rhétorique du droit au travail doit comprendre le droit de trouver un emploi décent chez soi et pas uniquement à l’étranger.


M. Yuson a dénoncé les abus et la précarité de nombreux migrants, ainsi que le taux élevé du chômage des jeunes.  Les droits des migrants, a-t-il prévenu, ne pourront être défendus sans un véritable système de surveillance et un dialogue avec la société civile.  L’absence d’un tel système et d’un tel dialogue a permis aux États d’adopter des politiques sans avoir à se préoccuper des droits des migrants.  Le Secrétaire général a appelé l’ONU à assumer un rôle de chef de file sur cette question et a voulu que le Dialogue de haut niveau permette de rétablir l’autorité de l’Organisation internationale du Travail (OIT), au nom de la dignité des travailleurs.


M. PETER SUTHERLAND, Représentant spécial du Secrétaire général pour les migrations internationales, a estimé que la question des migrations est une épreuve pour l’ONU.  Il a rappelé qu’il y a plusieurs années, lorsqu’il a proposé la création du Forum mondial, les gouvernements ne voyaient pas l’intérêt d’écouter la société civile.  Aujourd’hui, les choses ont heureusement changé.  Le Représentant spécial s’est réjoui que la société civile soit devenue un partenaire à part entière et a salué la qualité de ses contributions.  La société civile, a-t-il insisté, a été essentielle à l’examen et à l’avancement des droits des migrants.  Aux Nations Unies, rien ne peut se faire sans une dynamique politique dont la promotion au niveau local se fait par les ONG. 


Le Représentant spécial a jugé indispensable que les migrations fassent partie des objectifs de développement pour l’après-2015.  Il a dénoncé le cas de ces centaines de milliers de migrants qui ont été pris au piège du conflit libyen, le niveau effroyable des abus contre les migrants et la multiplication des mouvements extrémistes contre les immigrés.  Mais il s’est félicité que l’on soit au seuil d’une nouvelle époque pour la coopération en matière de migrations, comme en atteste la convocation d’un deuxième Dialogue de haut niveau.  


Thème d’action I –– Travail des migrants et mobilité


Ce premier débat a été l’occasion pour l’ensemble des intervenants de mettre l’accent sur la nécessité de réglementer le recrutement et le déplacement des travailleurs.  Une réglementation est indispensable à la protection des travailleurs migrants mais aussi à leur meilleure contribution à la croissance économique et donc à la création d’emplois.  Si la représentante de l’Australie a cité les efforts que son pays déploie depuis 1998, pour évaluer les compétences et réglementer le secteur du recrutement, dans un souci de mieux protéger les travailleurs migrants, celui des Philippines a cité la création en 2002 d’une institution chargée de surveiller l’emploi des Philippins à l’étranger pour prévenir toute exploitation.   


La Chef de projet de l’organisation « Vérité » a demandé la suppression des commissions sur le recrutement.  Il faut des lois sur la responsabilité des entreprises responsables, a-t-elle plaidé, en exigeant que le secteur privé américain soit désormais tenu de détailler les efforts qu’il faut pour empêcher la traite des migrants.  La Directrice chargée de l’immigration et de l’action communautaire (AFL-CIO) s’est attardée sur la loi adoptée pour la première fois par le Congrès américain pour réglementer le recrutement des travailleurs migrants.  Les entreprises doivent pouvoir maitriser tous les paramètres relatifs aux déplacements des travailleurs migrants, a dit, en écho, le représentant de la Chambre de commerce américaine.  La Directrice de Center for migrant advocacy a jugé indispensable de mettre au point un code de conduite pour le recrutement des travailleurs migrants qui doivent dûment être informés de leur droit. 


Présentant les recommandations adoptées par la société civile ces deux derniers jours, son représentant a appelé à des investissements dans la création d’emplois décents.  Les nouveaux venus doivent être reçus comme des personnes égales en droit, a-t-il insisté.  Il revient aussi aux consulats et aux ambassades d’apporter un appui à leurs ressortissants, a ajouté la représentante d’une organisation européenne de travailleurs domestiques.  Celle du Forum Asie Pacifique sur les femmes et le développement a appelé les États à faciliter les processus de naturalisation, parce que l’acquisition de la nationalité du pays de destination est la meilleure garantie de protection.   


Thème d’action II -- Droits des migrants et protection


Au cours de ce deuxième dialogue, de nombreuses voix se sont élevées pour l’instauration de système d’aide aux migrants qui se trouvent en situation de crise.


« De nombreux migrants peuvent être bloqués à la frontière, être victimes de la traite ou subir d’autres violences au cours de leurs parcours », s’est expliquée la Présidente du Comité des ONG sur la migration qui a appelé à un système contre les mouvements illégaux des migrants et pour un cadre capable de veiller au respect des droits des déplacés après une crise humanitaire.  Le représentant de l’ONG camerounaise « Un Monde Avenir (1MA) » a dénoncé la situation des refoulés qui débarquent dans un pays comme « des malpropres » pour avoir simplement voulu jouir d’un droit.


Il faut considérer la migration comme un libre choix qui mérite d’être protégé car le droit à la migration est un droit de l’homme, a-t-il insisté, dénonçant le fait que les migrants soient devenus une marchandise dont la valeur chute ou augmente en fonction des besoins.  Il faut cesser de criminaliser la migration illégale, a lancé à son tour la représentante de migrantrights.org qui a réclamé une enquête sur les circonstances de la mort des 129 migrants retrouvés au Texas.


Le Secrétaire général de Terre des hommes a fait observer qu’à l’heure actuelle, 33 millions de migrants internationaux ont moins de 20 ans et que les droits de ces mineurs sont bien souvent violés par les politiques migratoires des États.  Il a dénoncé la détention des mineurs non accompagnés ou enfants de migrants illégaux.  Lui emboitant le pas, le représentant du Réseau mondial d’action de la jeunesse a insisté sur le droit de migrer avec sa famille, tandis que la représentante de l’ONG Save the Children a réclamé des mesures précises pour venir en aide aux enfants en situation de transit.


Alors que près de la moitié des migrants sont des femmes, la Présidente du Réseau panafricain de défense des droits des migrants a appelé les gouvernements à mettre sur pied des politiques du travail soucieuses des droits de la femme migrante et leur permettant de s’organiser en syndicats.  Elle a également souligné l’importance de l’accès à la santé reproductrice et de la lutte contre la violence sexiste à laquelle les femmes migrantes sont particulièrement vulnérables.


Le représentant des États-Unis a vanté les mérites du statut de protection temporaire accordé par son gouvernement à certains migrants.  Appuyé par son homologue d’Israël, il a dénoncé le fait que deux ONG israéliennes et une ONG britannique aient été rayées de la liste des intervenants sans la moindre explication.


Les points de vue des jeunes; agents du changement


M. RISHI SINGH, Dirigeant de l’association new-yorkaise « Desis Rising up and Moving (DRUM) », fondée en 2000 pour défendre les droits des migrants d’Asie du Sud aux États-Unis, a dit que ces migrants représentaient 22% du million d’immigrants sans papier de la région de New York.  Il a indiqué que 165 000 étudiants sans papier sortent de l’école secondaire chaque année aux États-Unis.  Il a appelé à des mécanismes garantissant aux travailleurs migrants l’égalité des droits comme l’égalité salariale, des conditions de travail décentes et la possibilité de former des syndicats, de bénéficier de la sécurité sociale et d’accéder à la citoyenneté.  Il a demandé la fin de la criminalisation des migrants en situation illégale et a jugé nécessaire de mettre en place des politiques contre la fuite des cerveaux, en procédant à des investissements de qualité dans les services publics et la création d’emplois.  Les 14 millions de migrants sans papier des États-Unis et les 200 millions de migrants dans le monde ne doivent plus être perçus comme des biens économiques.  Ce sont des êtres humains dotés de droits.  


Mme CLARISTE SOH-MOUBE, du Centre Amadou Hampâté Bâ (CAHBA) du Mali et auteure de « Le Piège », a affirmé que le parcours migratoire est continu car même au retour, les migrants sont souvent considérés comme des étrangers.  Elle a évoqué son propre parcours qui, a-t-elle expliqué, a pris huit ans de sa vie avant son « terrible dénouement ».  Prendre la voie du désert peut paraitre suicidaire mais c’est beaucoup plus facile et moins déshumanisant que les consulats occidentaux où on est soumis aux pires humiliations, a-t-elle estimé.  Après son retour forcé à Bamako, Mme Soh-Moube a dit avoir réalisé qu’elle avait eu « la chance d’avoir échoué » car elle était maintenant capable de voir l’Afrique « avec les yeux des autres ».  J’ai appris à voir le monde tel qu’il est vraiment et à douter des réponses monolithiques.


Pour Mme Soh-Moube, la migration ne doit pas être traitée comme une cause mais comme une conséquence.  C’est le choix de partir qui nous est confisqué.  Elle a dénoncé les politiques qui entravent les flux migratoires et a accusé l’ONU de « faire parti du problème ».  Moi qui suis si fière d’être revenue en Afrique, combien de temps tiendrai-je avant de mourir de faim ou de tomber sous une balle?  Mme Soh-Moube a dénoncé la « démocratie libérale » et la « démocratie sous les bombes » qui « nous enfoncent un peu plus chaque jour ».  L’ONU doit être rendue aux peuples du monde, a-t-elle dit, en rappelant à l’Organisation qu’il existe des alternatives africaines au développement imposées de l’extérieur.  Partir c’est bien mais rester c’est mieux, a dit celle dont l’histoire n’est pas une « success story » mais celle d’une femme qui rêve d’un monde où elle peut trouver sa place.  Nous sommes tous coupables d’être volontairement sourds aux cris poussés dans les déserts et les océans par ceux qui rêvent d’une vie meilleure, a conclu l’oratrice.


Après son expérience et ses visites dans 40 pays différents, Mme OLA OREKUNRIN, Flying Doctors Nigeria, s’est dite en mesure d’affirmer que les migrations peuvent nous aider à réaliser un monde plus intelligent.  Lorsque vous empêchez les gens de se déplacer, ce sont les idées que vous empêcher de se déplacer, a-t-elle dit, en saluant tout particulièrement la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a permis le développement des échanges commerciaux entre ses pays membres.  Dénonçant le fait que les Africains aient besoin d’un visa pour se rendre dans 80% des pays de leur continent, elle a prévenu que cette situation est un frein au développement.  « Si les Africains pouvaient se déplacer plus librement à l’intérieur de l’Afrique, les idées se développeraient plus intensément ».  Aujourd’hui, plus de Chinois vivent en dehors de la Chine que de Français en France.  Le monde serait plus innovant si les migrations étaient plus fluides, a dit celle qui a créé le premier service d’ambulances du Nigéria, en confiant les opérations d’audit à une société zambienne.


Thème Action III --  Développement humain, action de la diaspora


De nombreux intervenants ont profité de ce troisième échange pour demander que la question des migrations figure en tête du programme du développement pour l’après-2015 et pour appeler au renforcement des capacités de la diaspora.


« Voir grand, c’est voir loin et prendre en compte tous les aspects des liens entre migration et développement », a lancé la Directrice des politiques de Caritas Internationalis qui a plus particulièrement insisté pour que le lien entre migration et développement figure en tête du programme du développement pour l’après-2015.  Il faut accepter la mobilité comme un choix normal et garantir la légalité de ces mouvements, a-t-elle souligné.


Les migrants sont des partenaires stratégiques pour le développement, a renchéri le représentant du Réseau mexicain des organisations de migrants, avant que son homologue du Collectif des femmes africaines du Hainaut ne souligne que la diaspora est un « vivier solide » sur lequel devrait reposer le programme du développement.  Il faut combattre le racisme et la xénophobie sans quoi tous les efforts en faveur de la migration seront hypothéqués, a prévenu le Directeur exécutif de l’Alliance nationale des communautés d’Amérique latine et des Caraïbes (NALACC).


La Présidente de Durango Unido a en effet témoigné des nombreux obstacles auxquels fait face la diaspora, à commencer par le peu de temps dont elle dispose pour se consacrer à la défense de ses droits et combattre la criminalisation accrue de la migration.  Un des membres du Comité directeur de African Diaspora Youth Living in Europe a voulu que l’on ne perdre pas de vue que les jeunes représentent 60% des diasporas du monde et qu’ils sont toujours largement sous-représentés dans les organes de prise de décisions.


Les migrants ont le droit de participer à la vie civique tant dans leur pays de destination que dans leur pays d’origine, a insisté le Directeur exécutif de la NALACC.  Leur formation et leur expérience professionnelle doivent être reconnues dans ces deux catégories de pays.  Les compétences acquises à l’étranger doivent pouvoir profiter aux pays d’origine, a renchéri le représentant d’une association de recherche et de développement du Zimbabwe


Thème d’action IV –– Gouvernance de la migration et partenariats


« Avec ou sans papier, les migrants doivent être à l’abri de l’exploitation et pouvoir bénéficier des mêmes droits et protections que les citoyens du pays de destination », ont entonné les représentants de plusieurs ONG qui sont intervenues au cours de ce débat.  Elles ont voulu que les entreprises soient amenées à se rendre compte de leur importance en tant que partenaires et acteurs de la gestion des migrations.  Pour ces ONG, la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille est un pas indispensable vers une meilleure gestion de ces migrations.


Le Directeur des politiques de la Commission catholique internationale pour les migrations a appelé au renforcement de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et rappelé aux États leur obligation de protéger les migrants.  S’agissant des entreprises, la représentante du Forum économique mondial a affirmé qu’elles font plus qu’assurer les droits des migrants, et, à ce titre, a plaidé pour qu’elles soient mieux associées aux débats sur les migrations.  Le Forum économique mondial tente d’ailleurs de faire prendre conscience aux entreprises du rôle qu’elles peuvent jouer en faveur de la mobilité de la main-d’œuvre et des talents, éléments clefs de la compétitivité et du développement humain.   


Pour la Directrice du département de l’égalité de la Confédération internationale des syndicats, il faut que l’ONU offre une instance où toutes les parties concernées pourront parler de la dimension humaine des migrations, dont l’avènement d’une meilleure protection des migrants au niveau international.  Leur accès à la protection sociale a été défendu par la représentante d’une ONG argentine qui a salué l’évolution du continent sud-américain où de nombreux pays ont ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que les différentes conventions de l’OIT. 


Nous ne partions pas de zéro, a confirmé la représentante du Mexique qui a cité le Programme d’action sur la population et le développement et aujourd’hui, celui de Rio+20 sur le développement durable qui peuvent bénéficier aux 214 millions de migrants.  La migration doit être reconnue comme un phénomène aux dimensions économiques et sociales multiples à intégrer dans les objectifs de développement pour l’après-2015.


La Suisse a d’ailleurs créé une structure de coordination pour aborder la migration de façon globale, a indiqué sa représentante qui s’est félicitée du changement de paradigme appelant à identifier les dénominateurs communs d’une nouvelle coopération, entre autres sur l’impact des catastrophes naturelles sur les migrations.


La Commission européenne a affecté 13 millions de dollars à un programme élaboré en coopération avec la Fédération internationale de la Croix-Rouge pour protéger les migrants les plus vulnérables, a révélé le représentant de l’Union européenne.  Ce programme, a-t-il expliqué, vise, entre autres, à éliminer la traite des êtres humains et ses différentes manifestations.  Il s’est dit déçu que des États membres se soient opposés à la présence de certaines organisations de la société civile dont la contribution aux débats est pourtant capitale.  L’engagement accru du secteur privé dans les débats a été salué par la représentante du Conseil américain du personnel international.  Elle a insisté sur le rôle que peuvent jouer ces entreprises dans la formation des travailleurs migrants et l’identification des pratiques optimales pour gérer les migrations de façon plus transparente et dans l’intérêt des travailleurs migrants.  En la matière, le représentant de « International Union for the Scientific Studies » a souligné l’importance des statistiques. 


Migrante mexicaine installée au Brésil et membre d’une ONG, une autre oratrice a mis l’accent sur la responsabilité des pays d’assurer la sécurité des migrants en transit.  Si la migration est un élément important du développement économique des pays d’origine et des pays de destination, elle doit être fondée sur le respect des droits, a insisté la représentante de l’Alliance mondiale contre la traite des femmes, en écho à d’autres ONG. 


Remarques de clôture


« Notre société mondiale peut-elle vraiment se permettre d’attendre encore une génération avant d’agir? » a lancé en guise de conclusion la Directrice exécutive du Réseau national pour les droits des migrants et des réfugiés et Rapporteuse de ces audiences auxquelles ont participé, a-t-elle fait savoir, plus de 300 représentants de la société civile et 80 représentants d’États Membres.  Elle a précisé que la société civile avait élaboré un plan quinquennal en huit points sur la question de la migration et du développement dans le but de renforcer la contribution essentielle des migrants et de la diaspora, non seulement en tant que force économique mais aussi en tant qu’agent du changement.  Elle a émis le vœu que le Dialogue de haut niveau, qui se tiendra au mois d’octobre, donnera le coup d’envoi d’une nouvelle ère de coopération constructive avec des objectifs clefs.


Le Chef de Cabinet adjoint du Bureau du Président de l’Assemblée générale a tout d’abord passé en revue les grandes lignes du processus de sélection des ONG invitées à participer à ces audiences.  Il a précisé que conformément à la résolution 67/219, la liste des ONG habilitées à participer aux débats de l’Assemblée doit préalablement être présentée aux États Membres pour « approbation tacite ».  Il a espéré la poursuite de ce type de dialogues avec la société civile.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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