AG/11357

La justice pénale internationale doit être impartiale et indépendante si elle veut contribuer efficacement à la réconciliation postconflit

11/04/2013
Assemblée généraleAG/11357
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-septième

Débat thématique - matin & après-midi


L A JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE DOIT ÊTRE IMPARTIALE ET INDÉPENDANTE

SI ELLE VEUT CONTRIBUER EFFICACEMENT À LA RÉCONCILIATION POSTCONFLIT


Après une première journée marquée par de vives critiques du système de justice pénale internationale mis en place au cours des 20 dernières années, les participants au débat thématique de haut niveau organisé par l’Assemblée générale ont, aujourd’hui, examiné la façon dont la justice pénale internationale pouvait contribuer efficacement à la réconciliation nationale, thème de cette discussion de deux jours. 


La recherche impartiale de la vérité, la reconnaissance des souffrances des victimes, ainsi que la garantie de ne pas voir se répéter les atrocités commises sont les principaux éléments de réconciliation que fournit cette justice.


Il faut débattre de cette question en allant au-delà des polémiques, ont exigé quelques intervenants, comme le représentant du Pakistan qui a proposé d’évacuer les considérations politiques et émotionnelles. 


Les délégations n’ont cependant pas évité les sujets sensibles et certaines, comme celle de l’Australie, ont regretté que les tables rondes d’hier aient été organisées dans une certaine opacité et que les experts invités n’aient pas été suffisamment représentatifs.  Les victimes des graves crimes internationaux auraient dû avoir la parole, a-t-elle ajouté, partageant en cela l’avis du Liechtenstein dont la délégation avait organisé hier, avec la Jordanie, une conférence de presse des « Mères de Srebrenica » et d’autres associations de victimes.


De son côté, le représentant de l’Albanie, réagissant à l’allocution prononcée hier par le Président de la Serbie, a regretté son dénigrement du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), alors que ce Tribunal a permis, selon lui, de rendre la justice en toute impartialité.


S’agissant du cœur du débat, le représentant du Chili a souligné que la réconciliation était le fruit d’un effort collectif de la part de sociétés qui sortent d’un conflit.  La réconciliation doit être prioritairement menée par les acteurs nationaux des pays concernés, selon la représentante du Brésil.  La contribution que peut y apporter la justice pénale internationale ne peut pas constituer, dès lors, un raccourci pour y arriver ni une garantie de réussite, comme l’a souligné la délégation de la Suisse.


La justice pénale internationale est toutefois beaucoup plus qu’une punition, a souligné le représentant du Pakistan.  Cette justice permet la reconnaissance publique des souffrances des victimes et la conservation de leurs témoignages, ont remarqué plusieurs intervenants.  En outre, les peines prononcées assurent une protection contre ceux qui cherchent à diviser les communautés en niant les atrocités commises.


Un exemple concret de ce qui peut être réalisé en combinant les efforts de réconciliation et la justice pénale internationale a été donné par le représentant du Cambodge.  Il a rappelé que, dans un esprit de justice et de réconciliation nationale, il avait été décidé que les poursuites judiciaires menées par les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens se limiteraient aux responsables de haut niveau des crimes commis pendant le régime des Khmers rouges, alors que les gens « ordinaires » et les soldats khmers rouges avaient été réintégrés dans la société cambodgienne.


Pour s’assurer que la justice joue un rôle positif dans la réconciliation, il faut que les procès soient menés de manière équitable, impartiale et indépendante, a expliqué le représentant du Japon dont le pays est le premier contributeur financier de la Cour pénale internationale (CPI). 


Le représentant de l’Égypte a souhaité, à cet égard, que la CPI adopte une approche équilibrée pour éviter la politisation.  Il a demandé à la Cour de ne pas se concentrer sur une seule région du monde, pour ne pas donner l’impression que les crimes les plus graves sont commis seulement en Afrique.


Plusieurs délégations ont insisté sur le caractère complémentaire de la CPI, principe inscrit au Statut de Rome, dont dépend sa crédibilité et dès lors sa contribution à la réconciliation.  Les États ont en effet l’obligation de poursuivre les crimes les plus odieux et ce n’est qu’en l’absence de telles poursuites que peut intervenir la saisine de la CPI.  Les intervenants ont donc plaidé en faveur du renforcement des capacités des juridictions nationales, demandant aux Nations Unies de soutenir les efforts nationaux en ce sens.


Les délégations ont aussi reconnu que le renforcement de la justice pénale internationale influençait déjà positivement les systèmes judiciaires nationaux.  Les États doivent donc soutenir davantage la CPI, a prôné le représentant de la Suisse, en particulier en ce qui concerne l’arrestation et la reddition des fugitifs.  Il a également exhorté le Conseil à adopter une politique cohérente en ce qui concerne le déferrement d’affaires, l’invitant à considérer sa demande de saisine de la CPI de la situation en Syrie, une demande qui est soutenue par plus de 60 États. 


La représentante du Brésil a, pour sa part, regretté que deux cas de violations de droits de l’homme, portés à la CPI par le Conseil de sécurité, soient restés lettre morte.


Il est temps d’évaluer l’expérience de la justice pénale internationale, a conclu le représentant du Soudan en appuyant l’appel lancé par plusieurs pays en vue d’envisager l’avenir de ces mécanismes.  « Le Soudan refuse que la juridiction universelle soit étendue en tant que moyen de pression de la part d’un État sur un autre », a-t-il dit.


Enfin, le représentant de la Tunisie a réitéré sa proposition de créer une cour constitutionnelle internationale qui pourrait examiner la conformité des constitutions nationales vis-à-vis du droit international.


DÉBAT THÉMATIQUE SUR LE THÈME « LE RÔLE DE LA JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE DANS LA RÉCONCILIATION »


Suite du débat de haut niveau


M. MOOTAZ AHMADEIN KHALIL (Égypte) a estimé que la justice pénale internationale contribuait à la réconciliation, notamment en ce qu’elle permet de reconnaitre publiquement les souffrances des victimes.  Elle doit être accompagnée de mesures de réconciliation nationales afin de régler le problème de la corruption, a-t-il suggéré.  Le représentant a noté que les tribunaux pénaux internationaux se concentrent sur la reddition de comptes des principaux dirigeants, « ce que certains perçoivent comme une contribution insuffisante à la réconciliation ».  Il a invité les pays à évaluer l’efficacité de la justice pénale internationale en examinant sa capacité à résoudre les problèmes et ses effets sur le terrain.  Cette justice est arrivée à un stade de transition, a-t-il aussi estimé.  Il a souhaité que la Cour pénale internationale (CPI) adopte une approche équilibrée pour éviter la politisation et la sélectivité.  Il a demandé à la CPI de ne pas se concentrer sur une seule région du monde, pour ne pas donner l’impression que les crimes les plus graves sont commis seulement en Afrique, alors que de tels crimes sont commis dans les territoires palestiniens occupés en toute impunité.  Enfin, le représentant a invité les États à examiner les moyens de relier la justice pénale internationale aux systèmes de justice nationale, afin de faire progresser ces systèmes. 


M. PAUL SEGER (Suisse) a exprimé son inquiétude concernant la date retenue pour la tenue de cette discussion ainsi que les modalités de la préparation de ce débat thématique qui porte sur le rôle de la justice pénale internationale dans la réconciliation.  Ce débat ne peut promouvoir la justice pénale internationale et la réconciliation que s’il s’inscrit dans un esprit constructif et dans une perspective à long terme, a-t-il estimé.  M. Seger a ajouté que les institutions de justice internationale ne peuvent être efficaces que si elles peuvent s’appuyer sur un soutien politique et diplomatique solide.  Les États devraient faire davantage pour soutenir la Cour pénale internationale, en particulier en ce qui concerne l’arrestation et la reddition des fugitifs.  Il est également essentiel que nous respections entièrement les décisions rendues, a préconisé M. Seger. 


Par ailleurs, les Nations Unies devraient s’engager davantage pour soutenir la justice pénale internationale.  En particulier, il est nécessaire que le Conseil de sécurité établisse une politique cohérente en ce qui concerne les résolutions déférant des situations aux organes de justice internationale et assure un suivi effectif des conséquences de ces décisions.  C’est dans cette perspective qu’il convient de considérer notre demande adressée au Conseil de sécurité de déférer la situation en Syrie à la CPI, une demande qui est soutenue par plus de 60 États, a dit le représentant. 


Avant de conclure, il a dit que la justice seule ne suffit pas pour obtenir la réconciliation et la satisfaction des besoins essentiels des victimes.  Le traitement du passé doit intégrer le droit des victimes à la vérité, aux réparations et la garantie de la non-répétition du genre d’actes auxquels elles ont été soumises, afin d’être efficace.  La réconciliation est un processus qui doit se dérouler sur les plans individuel et collectif, et la justice ne constitue ni un raccourci pour y arriver ni une garantie de réussite. 


M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) a estimé que les tribunaux pénaux spéciaux ont démontré qu’ils avaient pu accomplir un travail important, et qu’ils avaient pu contribuer à compléter le droit international et à œuvrer en faveur de la réconciliation.  « La réconciliation est un facteur qui contribue à la réalisation de la paix dans le monde », a-t-il insisté, soulignant que celle-ci est, en outre, le fruit d’un effort collectif de la part de sociétés qui sortent d’un conflit.  Le représentant a ensuite exprimé le souhait que les États voient la Cour pénale internationale comme un successeur digne des cours et des tribunaux spéciaux.  Il a mis l’accent sur le principe de complémentarité inscrit dans le Statut de Rome, rappelant que les États ont l’obligation d’enquêter et de poursuivre les procédures judiciaires. 


M. MASOOD KHAN (Pakistan) a souligné que le système de la justice internationale n’est pas quelque chose qui est imposé de l’extérieur mais le fruit d’efforts collectifs des États.  « Il est au cœur d’une communauté internationale où règne l’état de droit », a-t-il dit, « et dont le fil conducteur est le refus de l’impunité pour des crimes et des atrocités massives ».  En outre, la justice pénale internationale est beaucoup plus qu’une punition, car elle doit guérir les blessures, reconnaître les victimes et conserver leurs témoignages de manière collective, a estimé le représentant.


Appuyant le mandat et le travail des tribunaux assistés par les Nations Unies, il a estimé que leurs décisions avaient mis en exergue des normes de très haute qualité et il a souhaité rendre hommage aux juges des tribunaux, ainsi qu’à leurs personnels, pour « le travail acharné » qu’ils ont réalisé.  « La doctrine juridique et la jurisprudence issues de ces tribunaux auront une influence et laisseront derrière elles un héritage contraignant », a-t-il ajouté.  Le représentant a également mis l’accent sur le principe de complémentarité, ainsi que sur le renforcement des capacités des juridictions nationales à cet égard.  « Ceci est particulièrement important au moment où les tribunaux spéciaux commencent à réduire leur charge de travail », a-t-il insisté. 


Il a cependant reconnu que des problèmes existent toujours mais qu’il ne fallait pas contribuer à nourrir une atmosphère délétère.  « Dans des situations postconflit, il existe un temps pour la justice, pour la guérison, pour la réconciliation et pour aller de l’avant et unifier des composantes de la société qui étaient hostiles les unes à l’égard des autres ».  C’est la raison pour laquelle il a estimé que « ce débat devrait aller au-delà des polémiques, et ce, afin de comprendre la contribution des tribunaux à la lutte contre l’impunité ».  Il a appelé les États à examiner la situation, en particulier en ce qui concerne le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), de manière responsable, et non pas émotionnelle.  « Nous ne pouvons pas permettre de saper ainsi le mandat du Tribunal », a-t-il conclu.


Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a rappelé que les Tribunaux militaires de Nuremberg et Tokyo ont été les premières juridictions ayant traité des questions de crime de guerre.  Elle a regretté que des crimes de masse les plus atroces continuent d’avoir lieu dans toutes les parties du monde en dépit de la promesse du « jamais plus cela » qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale.  La représentante a également rappelé que le Brésil était membre du Conseil de sécurité entre 1993-1994 quand a été prise la décision de créer les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.  Dans la même veine, elle a relevé que le Brésil avait milité pour la création de la Cour pénale internationale qui apparaît, selon elle, comme une réalisation historique.  Dans le cadre du rôle des tribunaux pénaux internationaux dans l’optique de la réconciliation, elle a souligné que ce processus devrait d’abord être l’apanage des juridictions nationales, et que la réconciliation doit être prioritairement menée par les acteurs nationaux des pays concernés.  Elle a ajouté que plus le processus de réconciliation est mené selon une approche large et inclusive avec des consultations crédibles, mieux la société sera à même de voir triompher la justice, la réconciliation, la vérité et la reddition des comptes pour les violations flagrantes commises.  Il en est de même concernant les réparations pour les victimes. 


La représentante a par ailleurs indiqué que la paix durable et la justice vont de pair.  La justice est un outil puissant de reconstruction de sociétés libres de tout ressentiment et où règne la stabilité, a-t-elle relevé.  Elle a par la suite plaidé pour un soutien accru de la communauté internationale à la Cour pénale internationale (CPI) en appelant à une adhésion universelle au Statut de Rome, ce qui devrait renforcer la légitimité et la crédibilité de la CPI et lui permettrait de mieux œuvrer pour la promotion de la justice, de la paix et de la réconciliation.  Mme Viotti a en outre regretté que deux cas de violations de droits de l’homme, portés à la CPI par le Conseil de sécurité soient restés aujourd’hui lettre morte.  Elle a regretté cet état de fait, qui envoie un signal négatif quant au principe d’égalité de tous devant la loi.  Dans le même temps, elle a suggéré que les allocations financières de la CPI soient décidées par l’Assemblée générale et non plus par le Conseil de sécurité, afin de respecter le statut universel de la Cour.  Enfin, la représentante a aussi souhaité que la coopération avec les tribunaux internationaux, y compris la CPI, soit renforcée, non seulement de la part des États parties, mais aussi de celle du Conseil de sécurité.


M. MOCHAMMAD CHANDRA W. YUDHA (Indonésie) a indiqué que le Plan d’action national indonésien 2011-2014 sur les droits de l’homme intègre l’objectif d’accession au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.  Il a souligné à cet égard l’importance du principe de complémentarité de cette juridiction par rapport à la compétence des juridictions nationales.  Les tribunaux nationaux doivent en effet avoir le rôle principal dans la poursuite des violations des droits de l’homme, a-t-il estimé.  En Indonésie, les principes de justice et d’état de droit sont fondamentaux dans le développement du pays, a assuré le représentant, avant de rappeler que son pays a vécu pendant plus de 30 ans sous un régime autoritaire, une expérience qui a appris à la population la valeur de ces principes.  Il a assuré que tous les efforts sont faits pour favoriser l’instauration d’une véritable démocratie.  Sur le plan mondial, il a appelé les Nations Unies à renforcer les capacités nationales des pays afin de leur permettre d’appliquer les principes de justice et d’état de droit.  L’ONU doit notamment aider les États à développer leurs propres institutions judiciaires, et la communauté internationale doit se concerter davantage pour assister les pays dans la mise en œuvre de ces principes, notamment en partageant les expériences.  Enfin, le représentant a insisté sur l’importance de l’appropriation nationale de l’état de droit et de la justice.


M. PALITHA KOHONA (Sri Lanka) a déclaré que le système de justice internationale doit être amélioré s’il compte servir l’intérêt général de la communauté internationale et l’objectif de la réconciliation.  Des juristes avaient espéré que le bon fonctionnement du système de justice pénale internationale viendrait compléter la justice transitionnelle dans les pays qui cherchent à établir l’état de droit, à établir la vérité sur ce qui s’est passé pendant les situations de conflit et à contribuer à la réconciliation. 


Les tribunaux internationaux et d’autres mécanismes doivent être mis en place à la suite de larges consultations, en tenant compte des réalités, des sensibilités locales, a ajouté M. Kohona.  Des tribunaux imposés de l’extérieur sont peu susceptibles de réussir dans un environnement local complexe.  Un tribunal ne parviendra pas à grand-chose s’il ne réussit qu’à susciter le ressentiment, la discorde et la colère populaire.


Conformément au droit international et la pratique, la responsabilité d’enquêter sur les violations présumées des normes mondiales humanitaires et des droits de l’homme doit incomber en premier à l’État lui-même, dans un premier temps.  Dans la plupart des juridictions, les violations des normes mondiales sont aussi synonymes de violations du droit pénal.  La justice pénale internationale devrait seulement intervenir lorsque les autorités judiciaires nationales ne peuvent pas le faire.  M. Kohona a estimé que la justice pénale internationale dans sa forme actuelle est trop centrée sur l’histoire de l’Occident et sur la mentalité occidentale.  Elle a peu d’estime pour la culture du reste du monde.  Pour elle, le principe de reddition de comptes semble être placé en premier, alors que d’autres voies existent pour faciliter la réconciliation.  Le processus de réconciliation dans un pays qui sort de conflit est nécessairement complexe et doit tenir compte des réalités locales, des pressions politiques et des différences culturelles.  Résoudre des conflits dans des pays où cohabitent de multiples groupes ethniques soumis à de nombreuses pressions religieuses, prend du temps, a dit le représentant.  Des pressions extérieures supplémentaires par des entités étrangères sur des sujets limités du problème ne sont d’aucun secours, a-t-il averti. 


Prenant le cas de son pays qui a connu les affres du terrorisme durant 27 ans, le représentant du Sri Lanka a dit que le Gouvernement a initié un mécanisme pour s’attaquer aux différents aspects du conflit, y compris les allégations de violations des normes internationales humanitaires en promulguant 285 recommandations.  Le Sri Lanka a commencé ce processus bien avant d’autres pays, mais malheureusement, des pressions externes excessives avaient obligé le pays à conclure les enquêtes.  Au Sri Lanka, la justice est basée sur la réhabilitation par la reconnaissance, par son auteur, du crime qu’il a commis.  Elle a été exprimée par le Bouddha, il y a 2 500 ans, de la manière suivante:« la haine n’arrêtera pas la haine; l’amour vaincra la haine ».  S’agissant des leaders des groupes terroristes, le Gouvernement du Sri Lanka a choisi la réhabilitation et la restauration de la communauté comme processus de réconciliation.  Avant de conclure, M. Kohona a demandé à ce que les autres formes de justice, comme celles qu’ont connues le Rwanda ou l’Afrique du Sud, soient respectées et étudiées. 


M. TUVAKO NATHANIEL MANONGI (République-Unie de Tanzanie) a rappelé que la Tanzanie était l’un des États parties au Statut de Rome et avait accueilli le siège du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ainsi que celui du Tribunal résiduel à Arusha.  Il a reconnu que le tribunal pénal international était un mécanisme international efficace en matière de lutte contre l’impunité et qui s’assurait que les auteurs de crimes contre l’humanité fussent traduits en justice.  Il a ensuite reconnu l’importance des mécanismes de justice transitionnelle tels que la réparation, la vérité et la réconciliation, la médiation et le renforcement des capacités institutionnelles.  Il a salué le succès du processus de réconciliation engagée en Afrique du Sud en 1995 après la période de l’apartheid. 


Il a ajouté qu’autant l’approche « vérité et réconciliation » était efficace en Afrique du Sud, autant il était important pour le Conseil de sécurité de mettre en place des mécanismes pour rendre justice après les crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie.  Le représentant a par ailleurs souhaité que le besoin de justice puisse aller de pair avec l’impérieuse nécessité de maintenir la paix et la sécurité.  Il a souligné l’adhésion de la Tanzanie aux mécanismes actuels de lutte contre l’impunité.  Il a également invité les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome, afin que la CPI soit agréée universellement.  Il a aussi rappelé que la CPI intervenait en appui des juridictions nationales quand ces dernières ne peuvent pas traiter de cas de violations de droits de l’homme, ceci dans un esprit de complémentarité. 


M. Manongi a, enfin, invité la communauté internationale à mettre sur pied une approche globale d’assistance aux États où l’état de droit est bafoué, afin de reconstruire et restaurer les institutions nationales, notamment le système judiciaire.


Mme JULIA O’BRIEN (Australie) a remarqué que, sans la justice, il est difficile d’établir une paix durable et inclusive.  Les processus qui entrainent une reddition de comptes permettent de reconnaitre les souffrances des victimes et ainsi de leur redonner une dignité, a-t-elle relevé.  Cela leur permet aussi de reconstruire leurs communautés.  En outre, les peines prononcées assurent une protection contre ceux qui cherchent à diviser les communautés en niant les atrocités commises.  Mettre sous les verrous les auteurs de ces crimes garantit également qu’ils ne commettront pas à nouveau de tels actes, qui peuvent déclencher un conflit.  La représentante a ajouté que la réconciliation passe aussi par les mécanismes de recherche de la vérité et les programmes d’indemnisation.  Elle a aussi fait valoir l’influence favorable du climat international qui condamne les graves violations des droits de l’homme et prévoit un mécanisme pour la résolution des conflits. 


Reconnaissant en même temps les difficultés à rendre cette justice pénale internationale, Mme O’Brien a appelé à soutenir les juridictions pénales internationales spéciales et mixtes jusqu’à l’achèvement de leurs mandats.  Attirant l’attention en particulier sur la crise budgétaire que traversent actuellement les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens, elle a appelé les États Membres à faire le nécessaire pour permettre à ces chambres de terminer leurs travaux.  Mme O’Brien a ensuite demandé de respecter et de protéger l’indépendance de chaque juridiction pénale internationale.  Si la critique est admise en ce qui concerne leurs travaux, elle ne doit pas être excessive ni motivée par une décision qui aurait déplu à une des parties, a-t-elle dit.  Enfin, elle a déclaré ne pas partager certaines des vues exprimées hier et regretté que les experts invités aux tables rondes n’aient pas été « suffisamment représentatifs ».  Les victimes des graves crimes internationaux auraient dû avoir la parole, a-t-elle ajouté.


Mme KOKI MULI GRIGNON (Kenya) a souligné que son pays soutient pleinement les initiatives entreprises en faveur de la justice internationale, en particulier la CPI, et ce, « non pas parce que le Kenya est l’un des coauteurs du Statut de Rome mais parce qu’il croit en l’état de droit, en la justice, en un processus de réparation pour les victimes et à la nécessité de mettre fin à l’impunité ».  Dans ce contexte, le Kenya s’oppose à toute « politisation » de la Cour pénale internationale (CPI), et en particulier du Bureau du Procureur.  La représentante a dénoncé « une application sélective » de la juridiction universelle par la Cour, ainsi qu’un « déferrement sélectif » de cas de la part du Conseil de sécurité.  Pour le Kenya, cette pratique sape la crédibilité de la CPI et d’autres tribunaux, et peut saboter la paix, la sécurité et la stabilité nationales ou régionales et affaiblir le mécanisme de la justice pénale internationale, a-t-elle insisté.


Mme Grignon a, en outre, jugé que la communauté internationale devrait s’abstenir d’adopter une approche étroite et une interprétation rigide du rôle de la justice pénale internationale dans le processus de réconciliation.  « Il faut chercher à défendre un système inclusif et bien conçu, avec des points de repère et des normes réalisables en vue de bâtir la réconciliation, et ce, sans se concentrer exclusivement sur des punitions individuelles », a-t-elle dit.  En outre, pour le Kenya, la justice pénale internationale ne doit pas être le premier arrêt de la justice, en particulier lorsque des juridictions existent au sein d’un gouvernement et d’un système national qui fonctionnent, a-t-elle souligné.  Rappelant l’importance du principe de complémentarité, elle a mis en évidence le fait que des éléments de la justice, comme le droit des victimes ou le processus de réparation, peuvent être pris en charge de manière systématique et adéquate par des mécanismes de compensation nationaux.


« Mener des enquêtes et poursuivre les suspects de violations du droit international pénal est de la responsabilité primordiale des États.  Il revient, dès lors, au Procureur d’aider les États à renforcer leurs juridictions nationales », a poursuivi la représentante.  Le Bureau du Procureur de la CPI n’a pas pu répondre à son mandat à cet égard, a-t-elle accusé.  Pour illustrer son propos, la représentante est revenue sur les chiffres cités, hier, par le Ministre de la justice et Procureur du Rwanda.  Les procès menés dans le cadre des tribunaux gacaca, au Rwanda, ont coûté 50 dollars par suspect, permettant de juger environ 1,3 million de personnes; tandis que, de son côté, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, basé en Tanzanie, n’a jugé que 75 Rwandais sur une période de 17 ans, et pour un coût de 20 millions de dollars, a-t-elle relevé.  


M. RODNEY CHARLES (Trinité-et-Tobago) a salué le fait que près de 20 ans après la mise en place du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), des mesures de réconciliation majeures sont visibles dans la région des Balkans, et de nombreux criminels de guerre ont été poursuivis et sanctionnés.  En inculpant les auteurs de ces crimes, a-t-il ajouté, la communauté internationale a empêché le développement de la culture de l’impunité, et leurs procès ont servi d’exemples à tous ceux qui auraient pu avoir des idées de crimes du même genre.  Il a ensuite relevé que la mise en place du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) aura permis, à la suite du TPIY, que la culture de reddition des comptes puisse remplacer celle de l’impunité, tout en donnant une voix aux victimes d’atrocités.  Il a en outre rappelé que le mandat de ces Tribunaux pénaux est presque terminé, et que le tribunal résiduel qui va prendre la relève devrait recevoir des ressources financières adéquates pour mener à bien ses missions.  M. Charles a souligné que la promotion de la justice pénale internationale n’est pas du seul ressort des Nations Unies, mais de tous les pays, qui devraient œuvrer à la promotion de la paix et la sécurité.  Il a ensuite relevé que la CPI a gagné l’estime de la communauté internationale par son travail, et il a appelé la communauté internationale à fournir les fonds nécessaires afin que la CPI puisse mener à bien ses tâches.  Le représentant a également invité les États à plus de collaboration avec la CPI afin de traduire en justice les auteurs de crimes encore en fuite, et il a enfin invité les États qui ne l’ont pas encore fait, à ratifier le Statut de Rome.


M. THEMBILE ELPHUS JOYINI (Afrique du Sud) a vanté les mérites de la justice transitionnelle qui offre une vision beaucoup plus large de la justice et permet de confronter les responsables de crimes à leurs victimes, favorisant ainsi la réconciliation.  Nous devons mettre en œuvre tous les instruments de justice à notre disposition, y compris ceux du système de justice pénale internationale, a-t-il ajouté.  Il a estimé que les succès des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda sont évidents.  Il a aussi salué la Cour pénale internationale, rappelant qu’elle a été établie pour les juridictions actuelles et futures, comme le précise le préambule du Statut de Rome. 


M. JOSÉ LUIS CANCELA (Uruguay) a estimé que la réconciliation doit être fondée sur la recherche de la vérité, en passant par la justice et l’état de droit.  L’Uruguay, qui a toujours misé sur la primauté de l’état de droit, est satisfait de la création des tribunaux pénaux internationaux et de la Cour pénale internationale.  Avec en outre l’émergence du principe de responsabilité de protéger, la communauté internationale montre que les crimes graves ne peuvent plus rester impunis, a dit le représentant.  Il a demandé de respecter toutes les normes de droit pénal international, en évitant les dérives politiques.  Il a espéré que les tribunaux spéciaux pourraient s’acquitter complètement de leurs mandats et que la Cour pénale internationale continuerait à être saisie de crimes relevant de sa compétence.  Le représentant a ensuite souligné le fait que chaque société conçoit la réconciliation à sa façon. 


M. RAYMOND SERGE BALÉ (République du Congo) s’est demandé si la justice pénale internationale est un facteur essentiel pour la paix et la lutte contre l’impunité, et dans quelle mesure elle peut accompagner un processus de réconciliation nationale ou, au besoin, se substituer à celle-ci.  L’exercice de la justice pénale internationale n’est pas exempt de reproches, a-t-il poursuivi.  L’une des préoccupations que ressentent les États découle des incompréhensions survenues entre la Cour pénale internationale (CPI) et certains pays africains membres de l’Union africaine, notamment deux d’entre eux qui sont liés par la position commune africaine.  Il a ajouté que l’évolution de la situation politique au Soudan, qui a conduit au processus référendaire d’autodétermination du Soudan du Sud, n’aurait pas été possible si l’option judiciaire avait prévalu.  La position de l’Union africaine ne constitue pas une violation par les États africains de leurs obligations juridiques en vertu du Statut de Rome, elle est un aménagement subtil mutatis mutandis de l’application du droit dans un contexte social bien particulier, a souligné le représentant.  M. Balé a ensuite indiqué qu’en faisant une lecture rétrospective des événements qui se sont produits en Afrique, il y a moins de deux décennies, personne n’aurait pu prévoir les conséquences de l’exercice indifférencié d’une justice pénale, même interne, dans l’Afrique du Sud post-apartheid.  Le génie politique du Président Nelson Mandela et du Président Frederik de Klerk, conforté par la grandeur du peuple d’Afrique du Sud, a inventé la « Commission Vérité et réconciliation ».  Le continent africain et le monde entier doivent à ce pays et à ce peuple ce modèle de réconciliation et d’unité, facteur de stabilité régionale, de paix et de sécurité internationales.       


M. CHARLES T. NTWAAGAE (Botswana) a déclaré qu’en tant que membre du Statut de Rome, le Botswana croit en la primauté de la justice pénale internationale dans le cadre de la promotion de la réconciliation.  Il a ensuite salué l’avènement de la Cour pénale internationale comme institution chargée d’enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité.  En 10 ans d’existence, s’est-il félicité, la CPI a remplacé les précédents tribunaux ad hoc et a rendu justice aux victimes de crimes graves, tout en promouvant l’état de droit et le respect des droits de l’homme.  Le représentant a par ailleurs « appelé toutes les nations, petites et grandes, fortes et faibles, à soutenir la CPI et à respecter ses décisions ».  Il a par la suite rappelé que la Conférence d’examen de la CPI tenue en juin 2010 à Kampala, en Ouganda, avait apporté un amendement au mandat de la Cour en ajoutant le crime d’agression parmi les cas de violations pouvant nécessiter la saisine de la CPI.  Il a invité les États africains parties au Statut de Rome à ratifier l’amendement de Kampala, afin que ce dernier puisse entrer en vigueur avant la date butoir de 2016.  M. Ntwaagae a par ailleurs relevé que le fait que le Statut de Rome fasse mention de complémentarité avec d’autres juridictions démontre la volonté de la CPI de collaborer avec les juridictions nationales, ce qui allie la justice au principe de réconciliation, a-t-il noté.  Mais, il a également mis en garde contre les possibilités pour le Conseil de sécurité, sous le couvert de sa collaboration avec la CPI, d’empiéter sur les prérogatives de la Cour.


M. JUN YAMAZAKI (Japon) a rappelé que son pays était le premier contributeur financier de la Cour pénale internationale qui a fait des efforts pour renforcer l’universalité du Traité de Rome.  Il a ajouté que le processus de la justice pénale internationale ne semble toujours pas être accepté par certains États parties concernés.  Pour s’assurer que la justice joue un rôle positif dans la réconciliation, la conduite de procès équitables et impartiaux doit être respectée, ainsi que le principe de l’indépendance de la justice, a-t-il déclaré.  La communauté internationale dans son ensemble doit s’unir pour lutter contre la culture de l’impunité et promouvoir la réconciliation dans les sociétés en conflit ou sortant d’un conflit, a préconisé M. Yamazaki.  En particulier, le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer pour soutenir la CPI, notamment dans les situations où le Conseil renvoie une affaire devant la Cour, a-t-il ajouté.  En tant qu’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, le Conseil de sécurité devrait continuer à s’engager et à accorder son appui à la Cour, surtout après lui avoir envoyé une affaire.  Le Japon espère que le Conseil et la Cour approfondissent leur dialogue.


M. CHAYAPAN BAMRUNGPHONG (Thaïlande) a souligné qu’après la première Réunion de haut niveau sur l’état de droit de l’Assemblée générale, organisée en septembre 2012, la communauté internationale avait été le témoin de nombreuses annonces de contributions en vue du renforcement des capacités nationales en faveur de la lutte contre l’impunité.  Il a émis l’espoir que ces engagements soient tenus ou renforcés.  Par ailleurs, bien que la Thaïlande ne soit pas encore partie à la Cour pénale internationale, le pays collabore de près avec la Cour, a souligné son représentant.  Avant de conclure, il a insisté sur l’importance du débat en cours, car il permet, a-t-il dit, d’échanger des vues ou des expériences et de renforcer les efforts en vue d’empêcher les crimes massifs ou la répétition de crimes horribles.


Mme DIEGUEZ LAO (Cuba) a déclaré que son pays était en faveur d’une justice pénale internationale « non sélective, efficace, juste, impartiale, et qui complète les systèmes nationaux de justice sans être asservie par des considérations politiques ».  Elle a expliqué que Cuba avait participé, en tant qu’observateur, aux réunions de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome de la CPI.  Toutefois, Cuba juge que le système de justice pénale internationale est « limité », en particulier en raison de l’article 16 du Statut de Rome et du rôle du Conseil de sécurité.  En outre, la définition du concept de « crime d’agression », adoptée à Kampala, n’a pas répondu aux attentes de Cuba, car elle est « ambigüe quant à la portée et aux caractéristiques du crime », a dit la représentante.  Elle a également noté que des principes élémentaires du droit n’avaient pas été respectés, en particulier par l’entame de procédures judiciaires contre des personnes appartenant à des États n’ayant pas accepté le Statut de Rome de la CPI ou en appliquant celui-ci à des chefs d’État disposant d’une impunité.


Mme SHORNA-KAY RICHARDS (Jamaïque) a déclaré que son pays attache une grande importance à la question de la justice pénale internationale et croit qu’elle a joué et continuera de jouer un rôle significatif dans les processus de réconciliation.  Après avoir retracé l’historique de l’établissement par le Conseil de sécurité, il y a 20 ans, du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda, elle a indiqué que ces Tribunaux ont permis que le principe de la reddition des comptes soit appliqué et que, désormais, il n’y aura plus d’impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides.  Ils ont aussi fait un travail remarquable pour le renforcement de la justice pénale internationale en influençant de nombreux systèmes judiciaires nationaux.  Avant de conclure, Mme Richards a estimé que la manière impartiale et ciblée avec laquelle les Tribunaux ont accompli leurs mandats a créé une base solide et sûre pour une réconciliation durable.


M. RIADH BEN SLIMAN (Tunisie) a rappelé que ce débat se tient dans le cadre du suivi de la Réunion de haut niveau sur l’état de droit organisée par l’Assemblée générale à l’automne dernier.  Il a plaidé en faveur du jugement des auteurs de graves violations des droits de l’homme, soulignant à cet égard la responsabilité des États de traduire en justice ces personnes.  Dans le cas où ils ne peuvent pas le faire, la CPI doit être saisie, a-t-il rappelé.  Il a expliqué que la reddition des comptes en cas de crimes très graves est la base de la compétence de la CPI.  Il a aussi demandé d’accroitre la coopération entre les États Membres et les Nations Unies, afin de permettre aux États d’honorer leurs engagements en matière de justice.


Le nombre croissant de ratifications du Statut de Rome, qui a atteint 122, montre le prestige dont jouit la CPI, a relevé le représentant tunisien.  La CPI offre un accès à la justice transitionnelle et permet de mieux rechercher la vérité sur le passé.  De l’avis du représentant, il faut élaborer un dialogue constructif entre la Cour et les États Membres.  Nous devrions encourager la coopération entre le Conseil de sécurité et la CPI, a-t-il précisé.  Il a aussi demandé que le Conseil de sécurité adopte une approche unifiée et évite de suivre une politique de « deux poids deux mesures ».  Les progrès réalisés avec la création de la CPI montrent que la reddition de comptes a une place primordiale dans les relations internationales.  Nous devons aider les États à respecter leurs obligations découlant des instruments des droits de l’homme auxquels ils sont parties, a-t-il préconisé.


Le représentant a aussi réitéré la proposition tunisienne de créer une cour constitutionnelle internationale qui pourrait être saisie pour examiner la conformité de certaines constitutions et lois nationales par rapport au droit international.


M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a estimé que la reddition des comptes est un élément essentiel du système de justice pénale internationale, qui reflète non seulement la soif de justice mais aussi l’objectif de réconciliation.  Il a demandé que les efforts internationaux menés pour traiter des graves crimes internationaux et combattre l’impunité soient ancrés dans la Charte de l’ONU et le droit international.  Il est en outre primordial que le système de justice pénale internationale soit complété par une assistance postconflit sur les plans économique et social, a-t-il ajouté.  M. Puri a souhaité que des ressources adéquates soient déployées en vue de renforcer les institutions de justice des États.


L’Inde a toujours appuyé le développement et la codification du droit international, a souligné le représentant, soutenant la nécessité d’assurer la poursuite des auteurs de crimes odieux grâce aux instruments internationaux.  En même temps, il a souhaité que les instances judiciaires internationales soient libérées des griffes de la politique.  L’application d’une politique de « deux poids deux mesures » sape la crédibilité de cette justice, a-t-il averti.  La paix et la réconciliation à long terme ne peuvent se réaliser que par la justice, car elles passent aussi par la réforme des institutions nationales.


M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a jugé inacceptable que le Président de l’Assemblée générale eût choisi de ne pas faire entendre certains groupes de victimes.  Cela a incité le Liechtenstein, ainsi que la Jordanie, à donner la parole, hier, au cours d’une conférence de presse, aux « Mères de Srebrenica » et à d’autres associations de victimes.  


Soulignant ensuite que la justice pénale internationale avait réalisé d’importants progrès, le représentant a insisté sur le rôle complémentaire de ses tribunaux vis-à-vis des juridictions nationales.  Il a mis l’accent sur la nécessité de traduire en justice ceux qui sont responsables des crimes les plus graves du droit international, en particulier lorsque ceux-ci exercent encore le pouvoir.  Il a ensuite reconnu que ces tribunaux n’étaient pas « idéaux » mais que l’histoire jugerait de leur utilité.  « Certaines procédures ont été trop lentes.  Nous pouvons également remettre en question certaines décisions prises par ces tribunaux, mais cela est normal et c’est le cas de toute institution juridique », a-t-il dit.


Le représentant a rappelé qu’il existait une proposition défendue par de nombreux pays demandant que le Conseil de sécurité renvoie la situation en Syrie à la CPI.  « Cette proposition n’avance pas beaucoup, alors que nous savons que des atrocités sont perpétrées continuellement », a-t-il regretté.  Il a précisé que l’opposition syrienne pouvait demander ce renvoi au titre de l’article 12, paragraphe 3, du Statut de Rome, « si le Conseil ne fait pas montre de volonté à cet égard », a-t-il ajouté. 


M. FERIT HOXHA (Albanie) a souligné la contribution des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda dans l’évolution de la jurisprudence nationale.  Il a indiqué qu’il aurait souhaité que le débat à l’Assemblée générale tienne compte de toutes les sensibilités, sans jugement préalable sur l’héritage des tribunaux et sans remettre en cause leur impartialité.  Il a regretté que ce débat n’ait pas respecté ces principes.  Il a déploré la façon dont ce débat a été organisé, exprimant ses réserves sur les motifs réels qui sont à son origine.  Selon lui, ce débat a servi à pointer du doigt le TPIY, utilisant les Nations Unies pour dénigrer le travail de ce Tribunal.  Le Président de la Serbie, hier, a remis en question tout ce qu’a fait le TPIY, a-t-il regretté.


Le représentant albanais a estimé que la réunion avait été organisée avec opacité, soulignant que la liste des invités avait été communiquée à la dernière minute.  Il a aussi déploré le fait que les victimes n’avaient pas eu voix au chapitre, tandis que les interventions de l’après-midi n’ont fait qu’attaquer le TPIY.  En choisissant une date qui a une signification historique dans la région, le Président de l’Assemblée générale a décidé de naviguer dans des eaux troubles, a commenté le représentant.  De son avis, le TPIY a permis de garder la mémoire des atrocités commises dans les Balkans.  Nous devons reconnaitre sa contribution, a-t-il demandé, afin de panser les blessures infligées.  Nous devons le respect à ce Tribunal, pour son impartialité et la justice rendue.


M. KOSAL SEA (Cambodge) a estimé que les tribunaux internationaux et hybrides avaient délimité « un espace au sein duquel se sont déroulés les débats humanitaires et juridiques à la recherche d’un ordre mondial plus humain ».  Pour le Cambodge, la poursuite des criminels peut jouer un rôle en vue de renforcer l’état de droit, peut contribuer au processus de reconnaissance des victimes et envoyer un message clair selon lequel les auteurs de ces crimes seront punis.  Le représentant a rappelé qu’entre 1975 et 1979, le Cambodge avait connu un génocide ayant coûté la vie à près de la moitié de sa population sous le régime khmer rouge.  « Toutes les structures économiques, ainsi que les institutions sociales et religieuses ont été détruites », a-t-il souligné. 


Pour rendre justice aux victimes, en 1997, le Gouvernement cambodgien a demandé aux Nations Unies de l’aider à constituer un tribunal hybride afin de juger les hauts dirigeants et tous les responsables des crimes commis par les khmers rouges.  Il a rappelé que, dans un esprit de justice et de réconciliation nationale, il avait été décidé que les poursuites judiciaires menées par les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens se limiteraient aux responsables de haut niveau des crimes commis pendant le régime des Khmers rouges, alors que les gens « ordinaires » et les soldats khmers rouges avaientété réintégrés dans la société cambodgienne.  En juillet 2012, les chambres extraordinaires ont conclu toutes les procédures à l’égard de Duch, l’ancien Directeur du centre de sécurité S-21 où les personnes étaient détenues avant d’être exécutées, condamnant celui-ci à une peine de prison à vie.  Une seconde affaire vise à juger quatre hauts dirigeants survivants du régime.  Toutefois, a-t-il regretté, en raison de son âge et de sa mauvaise santé, l’un des accusés est mort le mois dernier, tandis qu’un autre a été reconnu inapte à subir un procès.  Le représentant cambodgien a plaidé pour une meilleure « interrelation » entre la justice internationale et les juridictions nationales.


M. CLAUDIO GUILLERMO ROSSELL ARCE (Bolivie) a observé que la CPI s’était trouvée confrontée à un manque de volonté politique de la part de certains États parties au Statut de Rome, citant la non-exécution par certains des mandats d’arrêt émis par la Cour.  Il a appelé à renforcer le mécanisme de la CPI afin que cette juridiction travaille en étroite consultation avec les États parties et afin que le système de justice pénale internationale joue son rôle complémentaire en coopérant avec les instances nationales et internationales.  Le but principal de cette Cour est de garantir une indemnisation à un maximum de victimes, a-t-il rappelé, soulignant l’existence d’un fonds d’affectation spéciale créé à cet effet par le Statut de Rome.  Il a d’ailleurs invité à augmenter les contributions à ce fonds.


Relevant que la justice pénale internationale était étroitement liée aux processus de recherche de la vérité, d’indemnisation et de conciliation, M.  Rossell Arcea demandé à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité de faire avancer la réalisation de ces objectifs concrets.  Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait compétence pour déférer des accusés à la CPI et a jugé inadmissible que des citoyens d’États qui n’ont pas ratifié le Statut de Rome ne puissent pas être jugés par la Cour.  Cela créé un régime de privilèges, une sorte d’aristocratie pour les États, a-t-il regretté.  Il a estimé que le sentiment d’impunité renforçait la détermination des acteurs politiques à se battre pour que soit rendue la justice pénale internationale. 


M. ALFREDO FERNANDO TORO-CARNEVALI(Venezuela) a rappelé que l’idée du droit pénal international avait fait son chemin au sein de la communauté internationale depuis la seconde moitié du XXe siècle.  Il a reconnu qu’un travail important était fait par les juridictions pénales internationales en vue de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité.  Il a ajouté que le rôle de la justice pénale internationale, notamment de la CPI, pourrait être amélioré en ce qui concerne la réconciliation des communautés postconflit. 


Il a affirmé que le Venezuela gardait foi en la CPI, mais il a suggéré que la Cour puisse associer à des mécanismes de justice des mesures allant dans le sens de la réconciliation, afin de garantir une paix durable.  Il a estimé que la justice pénale internationale ne devait pas être un facteur de division.  Il a regretté que la CPI se manifeste parfois soit par un immobilisme surprenant, soit par un activisme frénétique.  Cette situation laisse croire qu’elle a des motivations politiques, a-t-il noté, tout en citant le cas de la Libye qui, a-t-il dit, avait vu le Procureur de la CPI agir avec une célérité suspecte pour inculper les dirigeants du pays.  Dans un souci d’impartialité, le représentant a souhaité la mise en place « d’un système pénal international véritablement objectif, et exempt de l’influence des grandes puissances ». 


Mme ALEXANDRA LENNOX-MARWICK (Nouvelle-Zélande) a souligné qu’il revenait aux États de poursuivre les crimes commis sur leurs territoires et leurs auteurs.  Cet engagement nécessite des lois adaptées.  Elle a en outre rappelé les trois grands défis qui restent dont la promotion du principe de reddition de comptes, le respect des engagements pour soutenir les tribunaux internationaux et, dans le cas d’un conflit, la communauté internationale doit soigneusement évaluer le moment de l’application des initiatives internationales en matière de justice pénale.  La Nouvelle-Zélande croit aussi qu’une justice réparatrice crédible peut aider à promouvoir le principe de reddition de comptes, reconstruire les communautés et renforcer la paix dans les sociétés qui sont sorties de conflit. 


M. DAFFA-ALLA ELHAG ALI OSMAN (Soudan) a remercié le Président de l’Assemblée générale pour la tenue de ce débat, insistant sur le fait que l’Assemblée « ne peut pas être empêchée d’examiner des questions pertinentes pour la stabilité des peuples ».  Pour le Soudan, les questions de la justice pénale et de la réconciliation touchent, en effet, à la sécurité, à la stabilité et à la prospérité des peuples.  « Toute voie qui ne mènerait pas à cet objectif ne serait pas la bonne à suivre », a-t-il prévenu.


Notant que le mécanisme de la justice pénale internationale touchait à la fin de sa deuxième décennie d’existence, le représentant a considéré qu’il était temps d’évaluer « cette expérience ».  À cet égard, le Soudan appuie l’appel lancé par plusieurs pays en vue d’examiner ces mécanismes et de voir quel pourrait être leur avenir.  Illustrant son point de vue, le représentant a souligné que la délégation du Rwanda avait démontré de nombreux faits liés à ces mécanismes, en particulier au sujet des dépenses qu’ils impliquent.  Il a, en outre, souligné que ce débat avait été l’occasion pour de nombreuses délégations de critiquer ou, du moins, d’exprimer des réserves quant aux décisions rendues par ces tribunaux, en particulier le fait que certaines d’entre elles aient été fondées « sur des bases non objectives, sur des présomptions ou sur des hypothèses qui n’étaient pas conformes au droit et à la justice, a-t-il dit.


« Le Soudan refuse que la juridiction universelle soit étendue en tant que moyen de pression de la part d’un État sur un autre », a poursuivi son représentant.  « Ce mécanisme devrait être limité pour ne s’occuper que des pires crimes reconnus au plan international et nous appuyons toute justice tant qu’elle préserve la souveraineté des peuples et leur volonté, sans discrimination, sans catégorisation », a-t-il dit.  Il a regretté que cela ne soit pas pris en considération dans la pratique actuelle.  « On ne peut pas forcer les citoyens à se rendre dans un tribunal et cela en raison d’une pression de la communauté internationale », a-t-il ajouté. 


« Pourquoi le Statut de Rome n’est-il pas encore accepté par tous? »  Selon lui, la réponse est très claire et est liée à « l’intrusion de la politique internationale dans la justice ».  Cela fait qu’on cible certains pays, certains peuples, voire certaines personnes « de façon très déformée pour imposer la logique de la force, et non la force de la logique et du droit », a-t-il déclaré.


« Pourquoi la plupart des accusés sont-ils africains?  Pourquoi la plupart des affaires concernent-elles l’Afrique?  Comment réformer le Conseil de sécurité et la logique de l’adoption de ses résolutions?  Comment faire confiance alors que certains membres permanents s’efforcent d’user de leur prérogative du droit de veto pour punir ceux qu’ils veulent punir? »  Pour le Soudan, « mêler un organe juridique à un organe politique mène très certainement à la politisation de la justice ».  « On ne peut accepter que des affaires soient transmises à la CPI pour satisfaire des intérêts politiques », a-t-il conclu, rappelant que la CPI n’avait pas été acceptée par tous et que son expérience, jusqu’ici, en faisait une cour « encore plus controversée ».


M. PATRICIO TROYA (Équateur) a estimé qu’il revenait aux États en premier ressort de gérer les cas de violations des droits de l’homme.  Il a ajouté que le Statut de Rome était également le meilleur cadre de traitement des cas graves de violations des droits de l’homme, et a souhaité une plus grande coopération entre la communauté internationale et la CPI, afin que cette dernière puisse mener à bien ses missions. 


Le représentant a ensuite dénoncé toute ingérence de la part du Conseil de sécurité dans le travail de la CPI en évoquant des cas de figure où le Conseil saisirait la CPI pour l’arrêt des poursuites contre des tiers.  Il a reconnu que la collaboration entre les deux instances était nécessaire pour l’exécution de leur mandat respectif.  Il a par ailleurs souhaité que le budget de la CPI soit inscrit dans le budget régulier des Nations Unies.  


M. GHOLAMHOSSEIN DEHGHANI (République islamique d’Iran) a également considéré que ce débat représentait une « excellente opportunité » d’échanger les expériences après deux décennies d’existence des tribunaux spéciaux.  Il a cependant tenu à souligner qu’aucun tribunal international n’avait la capacité de remplacer la justice interne.  Il a ensuite mis l’accent sur la façon dont les cours pénales affronteraient le crime d’agression et sur le fait que cela aura, a-t-il prévenu, une influence « sur toute l’ossature du droit international.  « Tant que les cours ne pourront pas traiter de ce crime, nous ne serons pas certains qu’elles constituent un système de justice pénale internationale efficace », a-t-il dit.  Il a cependant salué les progrès réalisés au sujet de la définition de ce crime lors de la Conférence d’examen du Statut de Rome. 


« Comment des crimes atroces ou des crimes d’agression, tels que ceux commis par Saddam Hussein, pendant huit ans, contre la nation iranienne ont-ils pu rester impunis?  Certains États doivent tirer les enseignements du passé, et ce, sans tenir compte de considérations politiques », a-t-il poursuivi.  Il a ensuite appelé tous les États à tout faire pour évaluer les réalisations des tribunaux internationaux, en particulier en ce qui concerne les succès en faveur de la réconciliation.  Enfin, le représentant a fait remarquer que « défendre des points de vue différents ne signifie pas défendre des criminels ».  Il a rappelé que l’organisation de débats thématiques avait un rôle et devait permettre des échanges contradictoires.  « C’est aussi une bonne façon de parvenir à la réconciliation », a-t-il conclu.


M. KOUSSAY ABDULJABBAR ALDAHHAK (République arabe syrienne) a rappelé que la responsabilité première de rendre justice relevait du rôle régalien de chaque État.  Il a émis des réserves quant à l’impartialité des tribunaux pénaux internationaux et a dénoncé leur politisation.  Il a appelé ensuite à la reddition des responsables de gouvernements qui arment, entraînent et financent les groupes rebelles qui sont auteurs de crimes en Syrie.  Il a rappelé que le rapport final du Groupe d’experts du Conseil de sécurité sur la Syrie faisait état d’équipements militaires transférés de la Libye vers la Syrie au vu et au su de tous.  Il a ainsi souhaité que les États qui sont impliqués dans la fourniture d’armes et mercenaires en Syrie puissent répondre de leurs actes.  « Il est illogique que des États qui ont souscrit aux Conventions de Genève puissent poser des actes qui vont à l’encontre de ces Conventions », a-t-il regretté. 


« Il est inadmissible que des Syriens soient tués par des bombes fabriquées en Suisse, comme l’assurent des journaux suisses », a déclaré le représentant.  Il a souligné également que le peuple syrien était le seul habilité à choisir son Gouvernement et ne saurait accepter un gouvernement formé à l’extérieur du pays.  Il a en outre appelé tous les États qui se disent préoccupés par les intérêts du peuple syrien à œuvrer pour l’arrêt de la violence sur le terrain et à soutenir les initiatives de l’Envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue des États arabes, M. Lakhdar Brahimi.


M. PATRIZIO M. CIVILI, Organisation internationale de droit du développement (OIDD), a expliqué que son organisation était souvent confrontée aux conséquences dévastatrices d’un conflit et à l’héritage tragique des violations graves des droits de l’homme.  Il a souligné que le système de la CPI reconnaissait pleinement la nécessité d’être proche des populations afin d’assurer un processus de réconciliation sur le long terme. 


L’une des clefs de la Cour est son principe de complémentarité avec les juridictions nationales, a-t-il expliqué.  Dans ce contexte, il a mis l’accent sur l’importance de la pleine coopération des États avec la Cour, et ce, dans le respect de son impartialité et de son indépendance.  Il a ensuite regretté que l’aide internationale en faveur de l’état de droit se limite trop souvent au renforcement du secteur de la sécurité et non à des investissements dans le système de la justice. 


Une illustration de ce faible investissement est particulièrement vraie lorsqu’il s’agit d’aider la justice dans les cas de crimes sexuels commis en temps de guerre, en temps d’instabilité politique ou de tensions ethniques, a-t-il conclu. 


En fin de séance, M. Rodney Charles, Vice-Président de la soixante-septième session de l’Assemblée générale, a remercié tous les participants à ces deux journées de débat thématique consacré au rôle de la justice pénale internationale dans la réconciliation, notant que leur participation en nombre avait démontré l’importance de cette question. 


Il a précisé que le Président de l’Assemblée générale, M. Vuk Jeremić, préparerait un résumé reflétant les principaux points et les différentes opinions qui ont été exprimées.  Ce résumé sera publié en tant que document officiel de l’Assemblée générale.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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