SG/SM/13358-CS/10164-CCP/76

La mise en place d’institutions légitimes, efficaces et soucieuses des droits de l’homme doit être au cœur de l’effort global de consolidation de la paix, estime Ban Ki-moon

21/01/2011
Secrétaire généralSG/SM/13358
CS/10164
CCP/76
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LA MISE EN PLACE D’INSTITUTIONS LÉGITIMES, EFFICACES ET SOUCIEUSES DES DROITS DE L’HOMME DOIT ÊTRE AU CŒUR DE L’EFFORT GLOBAL DE CONSOLIDATION DE LA PAIX, ESTIME BAN KI -MOON


On trouvera ci-après la déclaration fait par le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon lors du débat que le Conseil de sécurité a tenu le 21 janvier dernier sur le développement de l’infrastructure institutionnelle comme élément essentiel de la de la consolidation de la paix:


La Bosnie-Herzégovine a elle-même procédé à une transition remarquable.  Votre pays est rapidement passé du statut de bénéficiaire de l’aide internationale, dans un contexte de conflit et d’après conflit, à celui de contributeur à la paix et à la sécurité internationales en tant que membre du Conseil de sécurité.  J’applaudis à votre volonté de créer un lieu d’échanges pour partager les expériences relatives au renforcement des institutions et consolider nos efforts communs.


La mise en place d’institutions efficaces et légitimes est une entreprise difficile, même dans les meilleures conditions.  Cela est encore plus problématique dans les situations postconflictuelles.  Malheureusement, le bilan de l’appui international au développement de l’infrastructure institutionnelle est mitigé. Nous pouvons faire mieux.


Les institutions peuvent jouer un rôle décisif dans le maintien de la paix et la réduction des risques de reprise de la violence.  La mise en place d’institutions légitimes et efficaces qui respectent et promeuvent les droits de l’homme doit donc être au cœur de l’effort global de consolidation de la paix.


Le présent débat public est une très bonne occasion d’examiner le rôle joué par le Conseil de sécurité dans ce domaine et les enseignements que nous avons tirés.  L’expérience montre que nous devons appliquer trois enseignements majeurs à nos efforts collectifs.


Premièrement, nous devons renforcer la prise en main nationale et l’exercice de l’autorité au niveau national et prendre comme point de départ les institutions déjà en place.  Je fais référence non seulement aux gouvernements ou aux institutions publiques essentielles, mais également aux communautés, aux organismes apparentés, aux populations locales, au secteur privé, aux associations de femmes et aux autres acteurs de la société civile.


Des institutions réactives et ouvertes ne peuvent être mises en place que par les acteurs nationaux, qui s’appuieront pour cela sur leur connaissance du contexte local, des institutions déjà établies et des causes profondes du conflit.  L’aide internationale doit faire fond sur ce qui existe déjà et peut apporter une aide en identifiant et préservant les capacités nationales potentielles et en en favorisant le développement.  L’évaluation des capacités civiles internationales en cours s’appuie sur ce principe.  L’aide internationale en matière de renforcement des capacités doit guider celui des capacités nationales et ne doit jamais les remplacer.


Des systèmes plus souples et plus flexibles sont également nécessaires, notamment des partenariats plus solides à même de fournir les capacités civiles les mieux adaptées, en faisant appel en particulier aux ressources des pays en développement et aux femmes.  L’accès à des ressources financières fiables, disponibles et flexibles contribuera également à atteindre cet objectif.


Deuxièmement, nous devons éviter les solutions passe-partout.  Tenter d’imposer un modèle extérieur à un pays sortant d’un conflit peut faire plus de mal que de bien.  Les institutions de chaque pays se développent selon leur propre trajectoire et à leur propre rythme.  Il faut les laisser se développer progressivement et leur ménager un certain niveau d’expérimentation afin de tirer des enseignements et se réformer en conséquence.  De même, la réforme institutionnelle ne doit pas être envisagée comme un exercice technique.  Elle doit au contraire être considérée et poursuivie dans le contexte plus large des processus politiques, du développement et du changement social d’un pays donné.


En Guinée-Bissau, nous avons constaté que la faiblesse des institutions de multiples niveaux demeure l’une des causes principales de l’instabilité politique et de l’absence de développement socioéconomique.


Les institutions ne sont pas seulement des matériaux.  Leur fonctionnement repose également sur des normes et des valeurs non structurées, la confiance et la cohésion sociale.  À titre d’exemple, la population doit avoir confiance dans la police pour que les nouvelles forces de police soient efficaces et puissent asseoir leur autorité.  Des normes communes sont indispensables pour permettre aux systèmes juridiques d’appliquer la loi à tous sur un pied d’égalité, y compris les différents groupes ethniques, les minorités et les femmes.  Le respect des normes internationales, dont le droit des droits de l’homme, renforcera la confiance que l’opinion publique place dans les institutions.  Le renforcement de ces qualités et capacités immatérielles et la prise en compte de la façon dont elles sont perçues par la population sont particulièrement importants dans les sociétés sortant d’un conflit.  L’aide internationale peut parfois favoriser de tels changements, mais uniquement si elle est extrêmement réceptive aux dynamiques politique et sociale et à la manière dont elles évoluent avec le temps.


Troisièmement, le développement de l’infrastructure institutionnelle doit être entrepris très rapidement et maintenu pendant des années, et même des décennies.  À court terme, des résultats rapides et concrets doivent être obtenus dans quelques domaines prioritaires afin de rétablir la confiance et d’accroître la légitimité des institutions nationales.  De tels progrès peuvent notamment inclure la garantie de la sécurité dans les secteurs clefs du pays, l’amélioration de l’accès aux systèmes de justice ou l’extension des services de santé et d’éducation.  Un renforcement rapide et ciblé des capacités peut permettre à des institutions essentielles de commencer à fonctionner de nouveau.  Les agents du maintien de la paix, les acteurs du développement et les travailleurs humanitaires peuvent jouer un rôle important à cet égard.


Dans le même temps, une réforme engagée trop tôt peut être risquée, en particulier si elle est conduite par un gouvernement de transition en place pour peu de temps et précède un premier processus électoral d’après conflit.  Il est essentiel de trouver le bon équilibre entre les efforts à court terme et à long terme, tout comme il importe d’établir des liens entre eux.  Souvent, les efforts internationaux négligent de prendre en compte le fait que la mise en place d’institutions efficaces est une entreprise de longue durée, même lorsque les conditions sont relativement stables.  Des progrès peuvent être accomplis en l’espace de trois à cinq ans, mais les attentes doivent être réalistes.  Bien entendu, cela comporte des incidences pour le Conseil de sécurité et les missions qu’il autorise.


Ces dernières années, nous avons noté une forte augmentation du nombre de mandats de renforcement des institutions confiés par le Conseil aux opérations de maintien de la paix et aux missions politiques.  Lorsque les missions sont chargées d’appuyer le renforcement des institutions, notamment des institutions chargées de la sécurité et de l’ordre public, nous devons veiller dès le départ à ce que d’autres acteurs internationaux soient fortement impliqués.  Il faut pour cela mettre en place une coordination et des partenariats plus forts entre le Conseil, le Secrétariat,  les organismes, fonds et programmes des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, et d’autres parties encore.


Lorsque le Conseil revoit les mandats et les plans de transitions, il doit consulter directement et plus fréquemment ces partenaires et veiller à ce que le transfert de responsabilités à d’autres acteurs se fasse sans heurts au moment du retrait de nos missions.  À cet égard, la Commission de consolidation de la paix est une instance politique importante pour les pays qui sont inscrits à son ordre du jour.  Cela permet de mettre l’accent sur les priorités à long terme en matière de renforcement des institutions, de mobiliser des ressources à cette fin, de partager les enseignements tirés et de garantir l’engagement à long terme de la communauté internationale.


Nous pouvons beaucoup faire pour renforcer nos activités, réduire la fragmentation et promouvoir une approche cohérente.  Nous pouvons faire ressortir davantage le renforcement des institutions dans nos évaluations, déterminer quelles institutions existent déjà et peuvent être développées, et veiller à une meilleure prévisibilité et à une plus grande transparence des prestations du système des Nations Unies.


De nombreuses mesures prises dans le cadre de nos programmes de consolidation de la paix et d’intégration renforcent la cohérence du système des Nations Unies, grâce notamment à des cadres stratégiques intégrés qui rassemblent désormais les missions et les équipes de pays des Nations Unies autour d’objectifs stratégiques partagés.  Mais nous ne pourrons parvenir à une plus grande cohérence qu’avec le soutien actif des États Membres.  Nous avons par exemple besoin d’une plus grande cohérence entre les autorités qui rédigent les mandats afin de faciliter une coopération plus efficace et des transitions sans heurts.  Il est aussi important d’accroître la cohérence et la coordination entre les donateurs.  Ceci doit être mis en place dès les toutes premières phases.


Le Conseil, pour sa part, devrait rédiger des mandats clairs et réalisables et examiner avec soin le rôle de tout un ensemble d’acteurs au sein du système des Nations Unies et au-delà.  Le Conseil et les missions qu’il établit jouent un rôle crucial dans le renforcement de certaines des institutions les plus importantes dans un pays sortant d’un conflit.


Notre succès dépendra du déploiement des experts et des ressources nécessaires au bon moment, d’une coopération efficace avec nos partenaires nationaux et internationaux et de l’application concrète des enseignements tirés.  Je vous remercie une nouvelle fois, Monsieur le Président, de votre engagement, de l’accent que vous mettez sur cette question essentielle, de cette initiative et d’avoir fait part de l’exemple de votre pays.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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